Lou & Elin
30/09 à 16h18
House on fire

La musique et moi ce n’est pas une grande histoire d’amour. Ce n’est pas que je n’aime pas ça. Loin de là même. C’est juste que je n’ai pas vraiment l’oreille musicale. Je ne sais jouer d’aucun instrument et je chante comme une véritable casserole percée. Après tout cela ne m’empêche pas de passer du temps avec mon casque à fond sur les oreilles et de me prendre pour une showgirl en puissance. En général j’essaye de faire ça lorsque je suis toute seule pour éviter aux autres ce massacre musical, sauf qu’ici c’est compliqué de passer inaperçu. Il y a du monde partout et des caméras qui me scrutent à longueur de journée. J’me doute bien que ces moments de pètage de plombs vont finir, un jour ou l’autre, par sortir au grand jour. Tant pis. Je ne vais pas me restreindre uniquement par peur du ridicule. Premièrement je n’ai peur de rien et deuxièmement le ridicule n’a jamais tué personne. Je me déhanche donc sans aucune gêne au milieu de la pièce. Je m’autorise même quelques passages de chanson. « … the catastrophe but she knows she can fly away, ooooooh oooh oooh oh oh … » Oui oui c’est vraiment une catastrophe. « This girl is on fiiiiiiire, this girl is on fiiiireeee. She’s walking on fiiiiiiireeee … » Ne croyez pas que c’est la présence d’un jeune homme que je ne connais pas spécialement qui va m’arrêter. Je reste sur ma lancée et m’approche même de lui pour l’attraper par les mains et l’entraîner avec moi dans une danse … des plus loufoques. On bouge le bassin, on secoue le popotin, on agite les mains dans tous les sens et surtout on fait ça sur un tout autre rythme que celui de la chanson. « Na na naaaaa na na na na na naaaa naaa naaa. » Et bien évidemment on continue de chanter pour rester crédible dans son rôle de showgirl. Quand j’vous dis que la musique et moi ça fait dix, vous en avez la preuve là.

C’était quoi, ce bruit ? Ou ce massacre, plutôt ? J’étais en train de marcher lorsque j’entends quelqu’un se faire étrangler dans la salle de musique. Est-ce que je devais appeler quelqu’un ? Il y avait-il même des pompiers ici, ou était-ce seulement Cupidon qui faisait sa loi ? Je savais que rester enfermer avec les mêmes personnes rendraient fous quelques uns, mais de là à s’entretuer ? Dans une salle de musique en plus ? Autant choisir un lieu stratégique, comme le grenier, la cave, des trucs comme ça. Au moins que ce soit glauque, et pas à la vu et l’ouïe de tout le monde. Ah là là, il fallait tout leur apprendre, même à faire un meurtre parfait. Mais qu’importe, il fallait que j’aide la personne en danger, non ? Je n’allais pas rester les bras croisés à rien faire, ce n’était pas mon genre. Alors je tourne la poignée de la porte de la salle de musique, m’attendant à voir deux candidats se battre pour des broutilles… Mais non. La seule chose que je vois, c’est une candidate - Elin, il me semble - danser comme une folle et chanter. Ah, c’était donc ça le bruit. Ceci explique cela. Je n’ai pas le temps de faire ou de dire quoi que ce soit qu’elle s’approche de moi pour attraper mes mains et m’entraîne danser. Oh non, je suis un trop mauvais danseur pour ça. Je ne pouvais pas faire ça. Pourtant je me laisse faire, bougent seulement mes mains parce qu’elles étaient dans les siennes. « Et dire que je croyais qu’il y avait un meurtre dans cette salle. » Je lui dis en arquant un sourcil alors que je l’observe danser comme… comme quelqu’un qui ne sait pas danser, hm.

Je n’ai pas spécialement de passion à part le sport, mais j’aime bien me défouler de n’importe quelle manière qu’il soit. Faire des gestes d’hystérique et dire que c’est de la danse tout en hurlant et en faisant passer ça pour du chant, c’est une activité que j’aime bien pour me défouler. Et on dirait bien que là j’ai grandement besoin de me défouler. Je saute dans tous les sens. Je chante n’importe comment. Je vais même jusqu’à embarquer un jeune homme dans mon moment de folie. Un jeune homme qui n’est pas très réactif à mon envie de scène. « Et dire que je croyais qu’il y avait un meurtre dans cette salle. » Un meurtre ? Je veux bien que je ne sois pas la nouvelle Whitney Houston mais quand même je ne crie pas comme un cochon qu’on va égorger tout de même. Je ne cesse pourtant pas mon petit numéro. Et agite les mains de mon camarade dans tous les sens. Non, il ne semble pas vouloir décoller ses pieds du sol et encore moins remuer son bassin. Il va falloir sortir l’artillerie lourde pour le faire danser à celui-là. Je m’approche de lui, réduis la distance qui nous sépare et vient lui susurrer quelques mots à l’oreille. « Un twerk te rendrait plus réactif peut-être ? » Bien évidemment je rigole. Bien que ce soit la seule chose que je sache faire vu qu’il faut seulement bouger ses fesses comme une dégénérée, jamais je ne me permettrais de faire ça devant un inconnu. On ne sait jamais ce qu’il peut lui passer par la tête. Je garde ses mains dans les miennes et m’obstine encore à vouloir le faire bouger. « Alleeeez, juste une fois. » Une bouille enfantine prend place sur mon visage. « S’il te plait. » En temps normal ça marche toujours ça.

S’il y a bien une chose que je ne supporte pas, c’est de danser. Je suis un homme très ouvert, vraiment. Je suis quelqu’un de très curieux, qui ose tout, qui veut découvrir de nouvelles choses, qui est avide d’en apprendre tous les jours. Et bien évidemment, j’avais essayer la danse. Et j’avais aussitôt arrêté. Ce n’était pas fait pour moi. Bouger mon corps au rythme de la musique… C’était peut-être bien mon seul défaut. Alors c’est bien pour ça que lorsque la candidate m’attrape par les mains, je reste raide comme un manche à balais. Et il suffit pour qu’elle parle de twerk pour que je manque de m’étouffer. Sérieusement ? je pense que je n’ai jamais vu plus vulgaire que cette « danse ». Non, sérieusement, des hommes avaient beau se rincer l’oeil en regardant ce genre de spectacle, moi ça me dégoûtait plus qu’autre chose. Est-ce que celles qui faisaient ça avaient au moins un peu de respect pour elle même, ou même pas ? Sûrement pas, pas à moi avis. «  Ça va aller… » je minaude, pas sûr de vouloir voir quelque chose de la sorte. Je ne bouge toujours pas, mais je garde quand même mes mains dans les siennes alors qu’elle bouge mes bras. Et elle a beau faire les yeux de chat botté, je secoue la tête. «  Non… Je veux pas me ridiculiser, j’te jure que je sais pas danser, ça va être un désastre. Tu veux pas voir ça. » Non, vraiment, je suis sûr et certain qu’elle ne veut pas voir ça. Il faudrait être fou.

« Ça va aller… » Et en plus il n’est pas drôle. Je n’ai jamais dit que je savais pratiquer le twerk comme une déesse, en fait je ne sais absolument pas bouger mes fesses comme le font ses nanas, mais j’ai dit que je pouvais essayer et au moins tenter de lui décrocher un sourire. Je ne lui demande pas la lune, juste un tout petit sourire pour me prouver qu’il n’est pas méchant et qu’il ne compte pas me bouffer si je fais un pas de travers. Il bouge uniquement les bras. Et encore parce que je le force à le faire en secouant ses mains de gauche à droite comme une petite fille qui danse avec son amoureux de la maternelle. « Parce que tu sais je suis la doublure twerk de Miley Cyrus en fait. » Il s’en moque complètement j’en suis certaine mais je pourrais y dire n’importe quoi qu’il finirait quand même par me répondre qu’il n’a pas envie de voir, de le faire ou de le dire. Il semble être compliqué comme garçon. Ou au contraire tellement simple qu’il n’aime pas sortir des sentiers battus. Je suis presque en train de le supplier pour qu’il accepte de faire rien qu’un tout petit pas de danse. Rien de bien méchant, juste faire un pas sur le côté droit. Ça ne va pas le tuer tout de même. « Non… Je veux pas me ridiculiser, j’te jure que je sais pas danser, ça va être un désastre. Tu veux pas voir ça. »[i] Se ridiculiser ? Il est sérieux là ? [i] « Parce que tu penses vraiment que les gens vont en avoir quelque chose à faire de te voir danser ou non ? » Partons toujours du principe où les gens ne vont rien nous apporter dans la vie et que donc on se moque totalement de ce qu’ils peuvent bien penser. « Et puis bien sûr que si j’ai envie de voir ça. » Je me plante devant lui et ne bouge plus. Mes mains ne lâchent pas les siennes pour autant. « Comment tu vas faire le jour de ton mariage quand il faudra que tu ouvres le bal avec l’élue de ton cœur ? » Ça risque tout de même d’être problématique à ce moment-là. Mes pupilles claires scrutent chaque trait de son visage. Je veux voir la moindre petite mimique pour savoir ce qui peut bien lui passer par la tête.

Elle aurait pu me demander de chanter, me demande de faire la cuisine, de soulever des altères, je n’aurais pas hésiter à le faire… Elle m’avait seulement eu sur le point le plus délicat que je connaissais : la danse. J’étais pathétique en danse, et j’en avais bien conscience. Je n’avais aucun sens du rythme, et je ne savais tout simplement pas bouger correctement. Et elle devait en avoir la preuve, puisque je ne faisais que bouger mes bras en cet instant. A ses paroles, elle la doublure twerk de Miley Cyrus, je ne peux pas m’empêcher de rire. Ah oui quand même, il fallait le faire quoi. «  Je ne sais pas si tu as de quoi en être fière » je lui confie dans un sourire amusé, en secouant la tête. Elle aura beau insister, je ne danserai pas. Je ne pouvais tout simplement pas faire ça devant des caméras, je ne pouvais même pas le faire tout seul chez moi, alors je n’allais pas le faire devant des milliers de téléspectateurs. «  Non mais je ne veux pas que tout le monde sache que je ne sais pas danser. » Je souffle. Bon, c’était trop tard pour le coup puisque je venais de le dire, mais peut-être que personne ne ferait attention à notre discussion. Je l’espérais fortement. Et puis, bien sûr qu’elle avait envie de voir ça. Tout le monde aurait envie de voir quelqu’un se ridiculiser à danser comme un idiot. Je me contente de secouer la tête de droite à gauche, têtu, alors qu’elle commence à parler de mariage. «  Ça tombe bien, je n’ai pas l’intention de me marier. » Je lui confirme en souriant. Et bim, son argument tombait à l’eau. «  Alors pas la peine que je danse. » je confirme ensuite.