old camping fantasy
ft. Sacha & Andreja

Y'avait un sacré bout de temps qu'Andreja n'avait pas pris de vacances. Ce n'était pas arrivé une seule fois depuis qu'il vivait aux États-Unis à vrai dire, et disons qu'au bas mot il n'avait pas été vraiment en "vacances" depuis deux ans et demi, ou trois ans. Alors autant dire que passés les premiers jours d'exploration et d'adaptation, il se rattrapait largement en étant dans le nid désormais ; Pas en lézardant des heures au soleil puisque ce n'était pas véritablement son truc, mais en prenant le temps de faire des trucs qu'il n'avait pas pris le temps de faire depuis une éternité. Comme prendre un vrai petit déjeuner, observer un lever de soleil, retoucher à un piano, ou pique-niquer sur la plage. Quoi que ce soir en l'occurrence il ne s'agissait pas tant de pique-niquer que de se goinfrer de marshmallows grillés, chose que là encore il n'avait pas eu l'occasion de faire depuis sa dernière grosse réunion de famille avec les parents, les frères, les sœurs, les neveux, les nièces ... autrement dit il y a une éternité. Ayant calé des pierres autour du feu pour l'empêcher de déborder, il avait embarqué le paquet de marshmallows trouvé dans la buanderie et emprunté les pics à brochettes du barbecue et en voiture simone. Il n'était même pas assez de mauvaise humeur pour déplorer le fait de n'avoir trouvé personne pour lui tenir compagnie ; Sans doute parce qu'un peu de solitude ne lui faisait pas de mal à lui non plus. Et puis il pouvait comprendre que ce soit un peu usant pour les autres aussi, de devoir supporter sa façon de parler en permanence, même lui se rendait bien compte que cela devait être un peu horripilant. Il faisait des efforts pourtant, et des progrès aussi, s'ils l'avaient entendu parler il y a encore huit ou dix mois ils comprendraient ... Enfin, bref. Baillant un coup à s'en décrocher la mâchoire tandis que le ciel, d'abord rose au coucher du soleil s'assombrissait peu à peu pour passer du bleu-gris au noir, il avait remué un peu les braises sous les flammes avec un de ses pics et embroché deux ou trois marshmallows dessus avant de les mettre à fondre. S'il n'avait pas l'ouïe si fine et surtout l'habitude de faire attention à tout il n'aurait probablement pas entendu les bruits de pas derrière lui, amortis par le sable. Mais il avait entendu, et s'il ne se retournait pas c'était simplement pour laisser à la personne concernée le loisir de venir lui tenir compagnie ou bien de faire demi-tour, sans se sentir forcée de rester.

Me voilà pied nu, torse nu et en sarouel sur la plage. Je marche seul en compagnie de mon sac d’artiste. Je ne le quitte jamais. Ou presque. Là, en l’occurrence, j’aimerai bien m’entraîner pendant que le soleil se couche. Ou même après. Je cherche juste l’emplacement parfait. Et lorsque je vois des flammes au loin, je me dis que c’est peut-être fait pour moi. Je marche donc en la direction du feu et me retrouve assez vite derrière un candidat. Je ne sais pas si il m’a entendu ou non. Au cas où, je décide de montrer patte blanche ou du moins de faire résonner ma voix. « Barbuc’ marshmallows ! Trop bien ! Je rêve là ? Non, je sais, je suis mort car une noix de coco m’est tombé sur la tête et là je suis au paradis ? » Mort tout à fait probable, oui. Non mais sérieusement, je me méfie des cocotiers depuis que j’ai entendu qu’on pouvait mourir de ça. Bon, après, faut vraiment pas avoir de chance mais on sait jamais. Il suffit que la noix de coco tombe pile au moment où tu passes et qu’elle atterrisse pile sur ta tête. Ouais, bon, y’a vraiment très peu de chance quand même. Je doute donc être mort. « Je peux rester où tu partages pas ? » Si je suis au paradis, normalement, il est censé partager et même tout me donner. D’ailleurs, j’imagine que ça fait de lui dieu. Je devrais peut-être songer à l’appeler comme ça ? Il ressemble pas du tout à Jésus mais il a l’air assez bien gaulé genre comme un dieu grec. Enfin de ce que j’en vois. C’est peut-être une illusion d’optique. « Et c’est toi qui a fait le feu ? » Non, sérieusement, je serai impressionné s’il me dit qu’il a réussi à l’allumer par lui-même. Il pourrait limite participer à Survivor. Le feu de camp, la pêche, les épreuves, les stratégies, les insectes, je suis sûr qu’il irait loin lui. Enfin il a le profil type du candidat à première vue. J’attends d’en savoir plus à son sujet avant de l’inscrire ou non pour la prochaine saison à son insu.

Ce n'était pourtant pas vraiment sa nature de se mettre ainsi volontairement à l'écart, et c'était bien ce qui le frustrait. Il avait l'impression que la barrière de la langue l'empêchait d'être entièrement lui-même, et à certains moments - fugaces - il se disait que peut-être s'être présenté au casting de cette émission avait été une mauvaise idée. Il ne remettait pas souvent en cause ses décisions non plus pourtant, il était impulsif au possible mais il assumait généralement ses actions jusqu'au bout ... Décidément, Fake Lover ne le faisait pas tourner rond. Il pensait un peu trop ce soir en fin de compte, et penser c'était mauvais quand on avait la tête aussi pleine que lui, aussi il voyait en cette initiative d'occuper son temps en faisant griller des marshmallows comme un moyen de s'occuper l'esprit. Et puis ce n'était pas mauvais ... pas aussi bon que dans ses souvenirs non plus, mais cela avait un petit goût de nostalgie qui compensait. « Barbuc’ marshmallows ! Trop bien ! Je rêve là ? Non, je sais, je suis mort car une noix de coco m’est tombé sur la tête et là je suis au paradis ? » S'il avait bien entendu quelqu'un arriver il ne reconnaissait en revanche pas la voix, et pouvait par conséquent éliminer de la liste des possibilités toutes les personnes avec qui il avait déjà eu l'occasion d'échanger un peu plus de trois mots. Se retournant donc pour découvrir à qui il avait à faire il avait reconnu Sacha ... dont il ne connaissait à vrai dire rien hormis le prénom « Tu parler beaucoup, pour un mort. » lui avait-il fait remarquer d'un ton amusé, avant d'avaler un marshmallow et de grimacer légèrement ; Il l'avait un peu trop fait cuire celui-ci. « Je peux rester où tu partages pas ? » Il voulait rester ? Ce n'était pas Andreja qui allait l'en empêcher, à moins qu'elle ne soit réellement mauvaise il était rare qu'il refuse la compagnie de qui que ce soit de toute façon. Acquiesçant d'un signe de tête il lui avait tendu son deuxième pic de barbecue en répondant « Si tu me parler de toi en échange. Je sais que ton prénom. » Et il aimait bien savoir à qui il avait à faire, en temps normal déjà mais encore plus s'agissant de personnes qui vivraient sous le même toit que lui jusqu'à nouvel ordre. Se calant un peu mieux sur le sable en s'asseyant en tailleur le serbe avait attraper un nouveau marshmallow dans le paquet, reposant les yeux sur Sacha lorsque celui-ci lui avait demandé « Et c’est toi qui a fait le feu ? » Comment ça si c'était lui ? Bah oui, le feu n'était pas apparu au milieu de la plage tout seul, comme par magie. Mais après une seconde ou deux enfin il avait compris le sens de la question et s'était exclamé « Oh ? Non, non ... » Et puis ce n'était pas parce qu'il s'exprimait parfois (?) comme un homme des cavernes qu'il allumait le feu de la même façon, allons. Fouillant un instant dans la poche de son jean il en avait ressorti un Zippo gravé de quatre lettres cyrilliques. « Je utilisé ça, je être un peu paresseux. » Oh ses frères lui avaient bien appris comment en allumer un autrement, quand ils allaient encore camper ensemble, mais franchement là il avait autre chose à foutre que de galérer avec des pierres ou des bouts de bois.

Spoiler:

Il est évident que je parle beaucoup pour un mort. Ouais, c’est normal, je ne suis pas mort. Je n’ai pas reçu de noix de coco sur le crane et je suis juste tombé sur un homme qui fait griller des marshmallows. Je dois avouer que j’adore la situation et que ça aurait pu faire partis du paradis que j’imagine. Mais pas besoin de crever puisque le candidat me convie à sa marshmallow party. Enfin du moins, il veut bien que je goûte. Enfin à condition que je me présente à lui. C’est pas un problème ça. « D’accord. Je suis américain. Célibataire. Artiste de cirque et maintenant je travaille dans un spectacle à Philadelphie. C’est pas ma première émission de télé-réalité et voilà. A ton tour de me parler de toi. » Je ne vois pas quoi lui dire d’autre que les trucs basiques qu’on dit habituellement pour se présenter. Au moins, maintenant, il ne connaîtra pas juste mon prénom. Il saura aussi ce que je fais dans la vie. Enfin du moins en version abrégé car j’allais pas lui raconter tout ce que j’ai pu dire pendant mon casting. C’est pas le but. Quant à lui, que fais-t’il dans la vie ? Je suis curieux de le savoir. En tout cas, il a un accent qui vient de l’Est. Il fait beaucoup de fautes de grammaire et je trouve ça limite drôle. Bref, je m’empare de la brochette de marshmallow qu’il me tend sans la goûter pour autant tout de suite. J’attends que ça refroidisse un peu. Ça doit être brulant. D’ailleurs, c’est lui qui l’a fait le feu ? Genre j’ai affaire à un Robinson Crusoé des temps modernes ? Non. Apparemment. Déception. Je le voyais déjà vainqueur d’une future saison de Survivor. Tant pis pour lui. « Je vois ça. » Je suis fort parfois pour enfoncer le clou. Ah ah. Mais c’est pas méchant. Je plaisante juste quant au fait qu’il se définisse comme un mec paresseux. « Ch’est pas mauvais. » Oui, je sais, ne jamais parler la bouche plaine. En même temps, je galère à avaler les guimauves. Elles sont encore un peu chaudes. « Tu peux en enfiler combien tu crois dans ta bouche ? » Oui, je lui lance indirectement un challenge. J’espère qu’il va essayer. Certes, ça n’a pas grand intérêt mais on peut bien s’amuser aussi parfois.