« T'aurais pu nous tuer et ça, ça aurait pas fini dans un bêtisier. » plaisante Ghika en regardant Eryk se relever tout en se dirigeant vers l'échelle qui mène à l'atelier de funambulisme. Marcher sur un fil aussi étroit est une activité que Ghika n'aurait jamais pensé pratiquer et pour laquelle il s'était découvert un attrait certain. Quand Eryk lui demande s'il est venu pour se « remplumer » Ghika sourit. « Figure-toi que certains d'entre nous n'ont pas pour objectif d'être des blocs de pierre. » Et puis de toute façon, il ne pourrait pas se « remplumer » puisqu'il n'a jamais été un bon gros adepte de la salle de sport. Il court, il fait du vélo, mais soulever des poids très peu pour lui. Ce qui lui plaît le plus dans sa silhouette c'est justement qu'il est musclé mais sans en faire trop, un peu de pectoraux, un peu d'abdos, pas un gramme de graisse. Ghika ne demande rien de plus. Et quand il voit que les gens se permettent de le juger sur ça, comme si le fait de ne pas être tout droit sorti d'une pub pour compléments alimentaires ou pour sous-vêtements était un crime... Ghika se défend. Pas toujours gentiment mais sans vraiment penser à mal. « J'aime bien être maigre, mais je suppose que tu connais pas ça... » lance-t-il avant de se rendre compte que cette phrase résonne comme une attaque sur le poids d'Eryk, ce qu'il ne comptait pas faire. « ...enfin tu comprends ce que je veux dire quoi ! T'es un peu une montagne par rapport à moi. » vas-y Ghika, tu peux te sortir de cette situation sans t'enfoncer un peu plus. Il se rend bien compte que sa première phrase pouvait sonner assez mal. De façon tout à fait honnête il aurait dit qu'Eryk n'avait pas la carrure d'un ancien maigre ayant trop fait de sport, mais ce n'était pas une raison pour lui foutre dans la gueule qu'il n'avait jamais connu la minceur. Il pose un pied sur le câble de cinq ou six centimètres de diamètre, teste sa prise, son équilibre, et puis se lance, un pas, deux pas, trois... pas de troisième pas. Il tombe dans le filet en dessous du câble en pestant. « Fait chier... » couine-t-il avant de rouler jusqu'au bord du réceptacle à équilibriste déséquilibré.

Manger un peu plus ? Ghika croit rêver, c'est fou ce que la société est devenue une vraie industrie à juges d'opportunités. C'est peut-être un peu hypocrite de sa part, parce qu'il juge en permanence ce que les gens disent et font, mais il ne l'exprime pas tant que son opinion n'est pas pas bulletproof. Il pourrait se la jouer professeur de moralité, il pourrait montrer à Eryk à quel point son commentaire est infondé et -pour ce que ça vaut- complètement ignorant. Ghika est un aspirateur à bouffe, il évite juste de manger n'importe quoi, et il boit beaucoup. Mais bon... il a l'habitude alors il préfère répondre sur le ton de l'humour. « J'ai seulement un excellent métabolisme en fait parce que je mange autant que n'importe qui. C'est plus une question génétique je pense... puis j'vais pas m'forcer à grossir ! » s'exclame-t-il avant d'ajouter « et je cours pour éliminer. » C'est ce qu'il est venu faire à la base, parce qu'il n'avait pas envie de courir en extérieur aujourd'hui et que les tapis de course font aussi bien l'affaire que la nature pour une demi-heure de jogging. Il sourit quand Eryk commente -encore une fois- son aspect physique et se compare à lui. Ghika frôle l'étouffement quand son interlocuteur lui dit qu'il était comme lui, mais très bien, il a dû avoir une crise de la trentaine difficile. Si gosses et bière sont la formule miracle pour grossir, Ghika est tranquille. « J'aurais jamais d'enfant et je ne bois pas de bière. La bière, entre le houblon et le gaz ça fait gonfler, c'est pour ça que j'm'en tiens à la vodka. » plaisante-t-il à moitié. Avoir un enfant ça pourrait être une très belle expérience, mais à moins que la recherche ne progresse énormément il n'aura pas de descendant. « Et aussi parce que j'aime pas le goût de la bière. » Ce qui est vrai, parce que franchement, en servir toute la journée à des ivrognes pauvres comme les blés, c'est la meilleure méthode pour se dégoûter de cette boisson, rien que l'odeur le met mal à l'aise. « Pourquoi tu dis ça ? Moi j'serais cap de le faire au-dessus du Grand Canyon, même pas peur ! » Bon, c'est pas dit qu'il en sorte vivant, mais qu'importe, pour le challenge, il serait capable de tenter le coup, mais pas avant ses quatre-vingt quinze ans, histoire qu'il ait le temps de s'entraîner. « Alors, tu vas essayer de choper quelle nana toi ? » demande-t-il sans y mettre de forme. Bah quoi ? Juste parce qu'il est gay, il ne peut pas parler des filles ? Il a plus de goûts que la plupart des mecs dans cette maison et il a des yeux pour voir les jeunes femmes qui peuplent le nid.

Le sujet des enfants n'est vraiment pas son préféré. Avoir un mode de vie différent de la norme ne vient pas sans son lot d'espoirs à abandonner. Il y a des conséquences à sa sexualité et si au jour le jour il s'en accommode très bien, se projeter dans le futur n'est pas vraiment son passe temps favori. Qu'Eryk ne le comprenne pas immédiatement ne l'étonne pas, souvent les gens analysent la vie des autres selon leur point de vue hétéro-normé et en oublient les spécificités des autres populations. « C'est pas une question d'en vouloir ou non. Mais c'est assez difficile d'avoir un enfant quand tu couches pas avec des filles et puis... tant que je suis pas sorti de la fac et que j'ai pas un job qui paye mieux que barman, je vois pas comment j'pourrais m'occuper d'un marmot. Donc t'as des enfants ? » demande-t-il légèrement curieux, peut-être parce qu'Eryk lui paraît être une sorte de grand gamin plutôt qu'un père potentiel, mais encore une fois, qu'est-ce qu'il y connaît ? « Ça serait plus convaincant si je le disais pendu au trapèze ? » plaisante-t-il en attrapant la barre en bois reliés à deux cordes et s'élançant dans les airs, en rigolant parce que l'attrait de la gravité le fait accélérer pendant sa descente avant qu'il ne se jette dans le vide pour atterrir dans le filet. Ça fait pas vraiment mal, mais c'est quand même moins agréable que tomber du câble de funambulisme. « Oh... donc t'es un mec sérieux, j'pensais pas qu'il y en avait dans ce genre d'émission. Tu pourrais être leur sugardaddy si tu gagnes l'émission et que tu deviens super riche. » le taquine-t-il assez peu convaincu du fait que le type est du genre à ne pas avoir envie d'aucune des filles, plutôt canons, du nid. Elles sont quand même assez nombreuses à avoir vingt-sept ou vingt-huit ans. Quant à lui ? « Boarf... je suis le genre de type qui ne couche pas avec douze personnes à la fois, alors pour l'instant il n'y a qu'Auguste excite un peu mon imagination. » répond-il sans apporter de précision, c'est pas comme s'il devait lui révéler le fond de toutes ses pensées.

Il aime bien quand les gens le prennent pour un gamin ou presque. Il ne sait pas exactement l'âge qu'a Eryk, il a une petite trentaine, mais ce n'est pas comme si lui était un teenager. « J'ai quoi six ou sept ans de moins que toi ? » rigole-t-il, essayant de lui faire comprendre qu'il est largement en âge d'avoir des enfants. « Je fais un cursus assez diversifié, à Oxford on peut choisir cinq matières, deux principales et trois mineures et obtenir un diplôme assez bien côté sans avoir à se focaliser dans un seul domaine. Moi j'suis spécialisé en droit et sociologie, mais j'étudie aussi l'économie, la psychologie et les lettres. Du coup j'vais pouvoir être prof d'à peu près n'importe quoi plus tard, ça ou bosser dans une banque ça rapporte bien. » explique-t-il sans préciser à quel point avoir d'éminents professeurs lui expliquer les fondements du droit anglo-saxon peut-être fascinant, c'est pas le genre de conversation qu'on entame dans une salle de gym. Une prochaine fois, à la bibliothèque peut-être, ce serait plus approprié. « Deux à la fois, c'est beaucoup trop. » rigole-t-il en imaginant deux gosses courir dans une maison en hurlant. Il ne sait pas si c'est parce qu'il a été enfant unique mais il ne se voit pas avoir plus d'un enfant, si un jour il venait à avoir une descendance. « Profite c'est peut-être bien la dernière. Et du coup t'es marié ou un truc du genre ? » lui répond-il concernant son sérieux en sortant du filet. Si personne ne le lui a dit avant, il doit y avoir une très bonne raison après tout. Et voilà qu'il continue à parler d'Auguste, Ghika commence à se dire qu'il aurait dû lui signifier que ce sujet n'est pas du domaine de la discussion entre eux. Mais maintenant qu'ils y sont... il ne va pas lui dire de la fermer. « Je sais pas trop. Il avait bien droit de goûter aux œufs de flétan avant le caviar... » ironise-t-il, se doutant bien qu'au fond la plupart des gens considèrent que c'est le jeune artiste au corps d'éphèbe qui constitue le caviar dans cette métaphore. Lui même ne se voit pas vraiment comme une comparaison valable avec ce produit de luxe en réalité, mais la plaisanterie est courue et il ne voit pas de mal à égratigner un peu l'image de papier glacé du jeune coureur de caleçons. « Ok j'exagère un peu sur le rapport de qualité, c'est juste qu'Auguste fait ce qu'il veut, on n'est pas engagé dans une relation, donc bon... qu'il couche avec Aaron c'est pas un aphrodisiaque, mais je peux comprendre. » tente-t-il d'expliquer sans réellement se convaincre lui-même. Il peut comprendre l'attrait que représente le séducteur, il n'y aurait probablement jamais cédé, mais après tout, ce n'est pas lui qui s'est fait draguer, et comme il vient de le dire, au fond Auguste ne lui doit aucun compte.

Il marque un point, mais pour avoir une relation harmonieuse avec son enfant Ghika a l'impression qu'il faut que l'écart d'âge ne soit pas trop élevé, mais il ne va pas répondre à ça. Ça n'a aucun intérêt d'épiloguer sur quand et comment il pourrait avoir un gosse. Impressionné ? Tant mieux, il peut, Ghika n'est pas le plus sexy du nid, il l'a bien compris au dernier prime, mais il est probablement parmi les plus cultivés. Quant à ses parents... « J'connais pas mon père et ma mère aurait préféré que je sois chirurgien. Mais oui, je suppose qu'avoir un enfant qui fait des études ça lui donne le sentiment d'avoir réussi quelque chose, bien qu'entre nous c'est justement parce qu'elle a été une mère merdique que je fais des études. » Il dit vrai, assis au bord du filet, s'il fait des études c'est au départ pour échapper à l'emprise de sa mère sur lui. Parce qu'elle le vampirise et que partir à des milliers de kilomètres d'elle lui a paru la meilleure solution. Que son actrice de mère s'en serve maintenant comme d'une fierté lui semble tout à fait aberrant mais avec elle on peut s'attendre à tout alors il ne serait pas surpris. « Vaut mieux les vendre en pièces détachées, organe par organe ça rapporte beaucoup plus. » Et même attendre un peu, Ghika croit se souvenir que le foie se régénère, ce qui permettrait de faire plusieurs transplantations et d'amasser plusieurs chèques. Un véritable jackpot, une façon aussi pour l'enfant de rembourser les dépenses que ses parents ont eu à faire depuis sa naissance. « No waaaaay ! Tu me paraissais tellement posé comme mec ! Tu crois pas que tu lui donnes raison en participant à des télé-réalités ? » rétorque-t-il quand il apprend que l'ex-femme s'est barrée parce qu'Eryk est trop immature. Un type qui parle à ses déjections ? Trop immature ? Non, Ghika refuse d'y croire. Quand le sujet Auguste est abordé de nouveau, il hausse les épaules. « On verra, j'espère qu'Akela aura plus intéressant à nous raconter. » conclut-il avant de retourner aux trapèzes , s'élancer et de s'y pendre par les genoux. La tête en bas il peut continuer la conversation, ou se laisser tomber dans le filet au choix.