Elle a décidé d'aller s'égarer dans les bois Pia, sans savoir trop ce qu'elle cherche, juste pour pouvoir explorer cet endroit dans lequel elle en s'est pas trop attardé jusqu'à maintenant. C'est pas trop son truc la forêt, on sait jamais, on peut y croiser le grand méchant loup. Pourtant elle a comme l'impression d'être apaisée par l'ombre que lui confèrent les arbres, par l’atmosphère qui règne, moins bruyante que la baraque bourrée de candidats qui cancanent et crient, presque autant qu'elle, à longueur de temps. Déjà un mois qu'elle vit avec eux. C'est drôle de se dire ça, parce qu'elle n'a pas vu le temps passer, comme l'impression qu'il s'enfuit à grandes foulées. Un mois passé à leur côté et elle n'a même pas encore pu parler avec chacun. Certains visages ne l'inspirent pas, c'est vrai, mais comme on est plus évolué qu'une bête sauvage, on est bien obligé de chercher à creuser un peu plus avant de décider de j'aime / j'aime pas. Elle sait qu'il faudrait qu'elle remédie à ça, mais pour le moment il n'y a que le vent, les arbres, et elle Pia. Sauf qu'elle découvre que ce n'est pas tout à fait vrai lorsqu'elle distingue une silhouette adossée à un tronc, des cheveux roux couvrant son visage mais pas besoin de ça, il n'y a qu'une personne dans le nid qui a une crinière de cette couleur là. Elle s'approche, un grand sourire lui barrant le visage. « Hey Gaëtane ! ». Elle se laisse tomber à ses côtés sans prendre le temps de se demander si celle-ci préfèrerait être seule ou pas, parce qu'elle ne se pose jamais ce genre de question là Pia. « C'est pas prudent de t'endormir comme ça dans les bois, on sait jamais sur qui ou quoi on peut tomber.. D'ailleurs tu crois pas qu'un lit, ce serait plus confortable, pour pioncer ? ». Enfin, elle dit ça comme ça, hein.

Elle sourit en voyant Gaëtane sursauter. Pas qu'elle s'amuse de lui avoir fait peur, hein, il y a déjà Isaac pour faire ça de ce qu'elle a entendu, seulement elle trouve la candidate drôle et plutôt atendrissante dans ses réactions. Car oui, il arrive à Pia de se laisser attendrir, et pourquoi pas devant une nenette aux cheveux rouges et ayant une forte capacité à laisser ses joues devenir aussi rousses que sa chevelure, justement. « Je- je ne dors pas... ». Elle hausse les épaules, ocultant d'un geste la question de savoir si oui ou non Gaëtane dormait, reportant plutôt son attention sur le visage maintenant disponnible de la candidate. « Jolies lunettes. T'avais pas celles-là la dernière fois, non ? ». Il faut dire que la dernière fois où elle avait eu une conversation un peu plus approfondie que les banalités d'usages avec Gaëtane remontait à la première semaine, soit presque un mois plus tôt. « Tu lisais quoi ? Pas un livre sur la vie des zèbres, j'espère. Je l'ai lu y'a deux jours, mais il est pas très intéressant. ». Autant lui épargner une lecture inutile. Quoi qu'elle ne serait pas étonnée de découvrir qu'elle avait lu la bibliothèque entière. A l'inverse de Pia, Gaëtane avait bien l'air d'une fille qui arrivait à lire plus de deux pages sans décrocher. « Non, je ne cherchai personne en particulier, mais comme tu l'as dit y'a beaucoup de bruit dans la maison, j'avais du mal à m'entendre penser.. ». Elle lui confie, sans cesser de sourire. A chaque fois qu'elle voit la petite rouquine, elle se demande ce qui a bien pu la pousser à se lancer dans ce genre d'aventure, Pia. Elle n'a pas l'air d'être faite pour vivre entourée d'une vingtaine de personnes qui hurlent et rient fort à longueur de journée, sous le regard attentif des caméras.

« Oui, elles sont neuves... c'est les stylistes qui m'ont donné celles-ci, elles trouvaient que les autres étaient... has-been. ». Elle hausse un sourcil, étonnée. « J'trouve pas qu'elles étaient has-been. Ça te donnait un air un peu rétro, c'était cool. Mais celles-ci te vont bien. ». De toute façon, si on se fiait à la façon dont étaient fagotées la plupart des stylistes qui s'occupaient d'eux, on pouvait douter de leur légitimité à se moquer des lunettes de Gaëtane. Elle hoche la tête simplement lorsque celle-ci lui désigne son bouquin pour lui dire qu'il parle d'antiquité, de vieilleries et tout ça. « C'est pas vraiment mon truc, l'histoire. Un peu comme tout ce qu'on apprend à l'école, d'ailleurs. ». Pia elle a les pieds et les pensées ancrés dans le présent, ça ne l'a jamais intéressé de savoir comment était la vie des gens qui étaient là avant. De toute façon, ils sont morts, non ? Plus personne ne se souvient d'eux de manière individuelle, aucun intérêt à imaginer leur existence de manière collective. Elle rit franchement lorsque Gaëtane lui demande si elle s'intéresse aux zèbres. « Pas vraiment. Disons que le livre était là, la couverture était inspirante, du coup je l'ai pris. Mais moi mon truc c'est plus les baleines.. ». C'est la vérité, en plus. « C'est difficile des fois... mais j'essaie de m'y habituer. ». Elle acquiesce. Si c'est difficile pour elle parfois, elle n'imagine pas les efforts que ça doit demander à une personnalité discrète et posée comme Gaëtane. « Qu'est-ce qui t'a poussé à participer à l'émission, en fait ? » Elle l'interroge, de but-en-blanc, la question lui brûlant les lèvres depuis sa première rencontre avec elle. Elle se demande où elle a bien pu trouver l'énergie de choisir de supporter une trentaine de candidats plus bruyants qu'une cage aux singes dans un zoo.

« Ah, merci... » Elle l'aurait dit rien que pour voir cet air un peu gêné sur le visage, dans une modestie maladive. Elle lui trouve quelque chose de touchant, à Gaëtane. Avec cette manière d'avoir toujours la crainte de déranger, alors qu'en réalité elle ne voit pas qui quelqu'un comme elle pourrait déranger. Cette fille, c'est la Discrétion faite femme. Elle lui dit qu'elle comprend lorsqu'elle lui avoue que l'école ce n'est pas son truc. Elle, ça doit être plutôt l'inverse. Elle l'imagine en gamine curieuse, heureuse d'apprendre toujours, peut-être même qu'elle adorait faire ses devoirs en rentrant de l'école. Peut-être que dans un univers parallèle Pia aurait aimé aussi. Un univers ou les mots se seraient installé dans son crâne plutôt que de n'y être que de passage, rentrant aussi rapidement qu'ils en sortaient. « Les baleines ? ». Elle hoche la tête, avant de rire lorsque la rouquine lui demande si elle est océanographe. « Dans une autre vie, peut-être. Mais non, je suis serveuse dans un restau. Je joue de la guitare dans un groupe, aussi. ». Elle ajoute, comme pour redorer le blason. Pas qu'elle considère ça comme honteux d'être serveuse. Elle aime son métier, elle aime le contact humain qu'il lui offre, les habitués comme ceux qui ne viennent qu'une fois. Mais elle sait qu'être serveuse, ce n'est pas réellement un métier qui vous offre le luxe de pouvoir vous vanter. Pas dans l'esprit commun, en tout cas. « Oh je... c'est un peu compliqué... ». Elle incline la tête légèrement, offrant l'image d'un chiot curieux. Elle n'a pas envie que la française s'arrête là, elle veut en savoir plus sur qui elle est. Un sourire satisfait se loge sur son visage en voyant qu'elle accepte de continuer de lui raconter un peu qui est Gaëtane. Des milliers de questions lui brûlent la langue pendant son récit, mais elle les laisse bouillonner à l'intérieur, par peur d'être trop intrusive. Pourquoi est-ce que Gaëtane parle de sa " tutrice légale ", elle ne vit pas avec sa mère ? C'est qui ce docteur, c'est un psy ? Pourquoi est-ce qu'elle voit un psy, alors ? Et comment sont les autres personnages de son âge, selon elle ? Sans doute moins timide. Plus aptes à faire la fête, peut-être. Aimant crier et gesticuler sans raisons autres qu'une envie d'attention. Elle met un instant à répondre lorsqu'elle lui retourne la question, accrochée au fil de ses pensées. « Un peu comme pour tout dans ma vie. Par hasard. ». Son sourire se fait plus grand alors qu'elle évoque cette vérité. La vie de Pia se résume à des coups du hasard. Des chances qu'elle saisit. Des occasions sur lesquelles elle saute.  « J'ai regardé la dernière saison. J'ai entendu que les castings étaient ouverts, j'me suis dit que j'allais tenter ma chance. Et je suis là. » C'est aussi con que ça. Une simple question de circonstances. Elle n'a pas trop l'habitude de se questionner avant de se lancer dans une aventure, même si elle l'avait quand même fait avec Fake Lover, parce que c'était différent. Il y avait la dimension du secret. Ça changeait beaucoup de choses. « Et maintenant que tu es là.. T'es heureuse de t'être embarqué là dedans ? ». C'était sans doute la question la plus importante qu'ils devaient se poser, à ce stade de l'aventure.