I'm late but not really
ft. Adnan & Andreja

Pia devait certainement l'attendre, et il n'avait pas l'intention de lui faire faux bond en cédant à l'appel de leur lit, assurément plus confortable que n'importe lequel des tapis du gymnase ; Il avait dormi sur plus dur que cela de toute façon. Et surtout il dormirait de toute façon mieux sur un tapis avec sa partenaire que tout seul sur un matelas, alors à quoi bon. Mais il n'avait pas sommeil, comme s'il n'avait pas encore épuisé son stock d'énergie de la journée, à tel point qu'il tournait en rond depuis presque une heure sans parvenir à trouver ce qu'il cherchait. Il errait d'une pièce à l'autre, comme s'il lui manquait quelque chose mais sans savoir quoi, à moins qu'il n'espère simplement que le sommeil viendrait à force de faire les cents pas et d'user la semelle de ses chaussures. Les autres commençaient à aller se coucher, preuve qu'il était vraiment tard, et lui il était toujours là, à marcher d'une pièce à l'autre ... C'était comme s'il avait peur qu'en s'arrêtant un truc se passe, une catastrophe, n'importe quoi. Il avait quitté le musée avec agacement, parce que c'était pourtant bien la dernière pièce du nid à laquelle il trouvait un quelconque intérêt, cela montrait bien le désespoir de sa situation qu'il ait pris le temps d'en faire le tour ... En fait c'était peut-être mieux qu'il redescende, qu'il aille rejoindre Pia au gymnase, il pourrait toujours réquisitionner le punching-ball ou le banc de musculation s'il avait toujours la bougeotte. Et puis finalement non, il n'était pas descendu, parce que passant devant la porte entrouverte de la salle de musique il lui avait semblé repérer une silhouette familière, et qu'en même temps qu'il reconnaissait Adnan une constatation lui était apparue d'un seul coup « Oh ! Ça être ton anniversaire aujourd'hui, non ? » C'était plutôt rhétorique comme question, il était pratiquement sûr de lui alors c'était plutôt une confirmation qu'autre chose qu'il espérait de la part de l'irlandais. Et jetant un oeil à sa montre pour remarquer que minuit était passé de onze minutes, il avait eu un blanc de quelques instants et finalement ajouté « ... C'est toujours lundi, en Europe, hm. » Donc il n'était pas vraiment en retard de ce point de vue là, il était même tout à fait dans les temps. « Alors bon anniversaire. » Il avait esquissé un léger sourire, et quitté le pas de la porte pour pénétrer entièrement dans la pièce, observant d'un air pensif les instruments de musique qui les entouraient, et particulièrement le piano auquel il n'avait osé toucher qu'une seule fois. Pour tout un tas de raison, mais par mélancolie principalement. « Tu avoir quel âge ? » Il avait un peu de mal à juger l'âge des gens, mais avec Adnan c'était encore plus dur car si le physique et la barbe lui donnaient un certain sérieux, son caractère lui rappelait plutôt la timidité adolescente, dont il ne se serait pas débarrassé avec les années. « J'ai pas un cadeau sur moi, mais ... enfin, je pense je déjà t'en faire un hier, hein. » Un cadeau à quarante-cinq milles cinq-cent euros s'il vous plait, c'était pas un billet de loterie ou une cravate.

J'avais décidé d'aller faire un tour du côté de la salle de musique. Ecouter Aaron ainsi qu'une poignée d'autres candidats m'avait réellement inspiré à tenter ma chance avec un piano. Je sais ce que vous allez me dire, qu'on n'apprend pas à jouer du piano en claquant des doigts, m'enfin, jouer petit papa noel ou vive le vent ne devait pas être très compliqué non plus, n'est ce pas ? C'était du moins ce que j'espérais. J'avais donc quitté ma chambre après une longue journée pour poser mon fessier sur le banc face au piano. Il y avait trop de touches. Je tentais une, deux notes sans grande conviction, alors qu'une légère grimace s'esquissait sur mon visage. Et puis un accord, faux, un second, toujours aussi faux, un troisième, on n'en parle pas. Bon dieu, c'était vraiment compliqué la musique. Il faut dire que lorsque l'on avait pas un minimum d'oreille, il était toujours plutôt difficile de se lancer, et mon oreille à moi, on ne pouvait même plus dire d'elle qu'elle était défectueuse à ce stade. C'était une catastrophe. Les Backstreet boys n'étaient pas prêts de m'entendre jouer une de leur chanson, comme mon camarade avait bien pu le faire. Ça avait l'air tellement drôle pourtant... Et puis j'étais certain qu'une fois la tâche accomplie, je serais super fier de moi d'avoir réussi comme je le voulais à jouer un morceau. Sauf que ça ne marchait pas comme ça, et qu'il fallait s'entrainer d'arrache-pied pour tenter de produire deux bonnes notes. Surtout sans partition. Parce que oui, en plus d'avoir une oreille aussi mélodieuse que mes patients de quatre vingt ans, je ne savais pas lire une partition. Et même si j'avais su, je n'en avais pas là, tout de suite, sous les yeux. Heureusement pour moi, une voix ne tarda pas à me sortir de mon désarroi, me rappelant ainsi à la réalité. Et autant vous dire que je n'eu pas besoin de me retourner pour reconnaitre la façon de parler de l'étranger. Minuit dix. « C'était hier, mais oui. » précisais-je en un léger sourire alors qu'il ajoutait que c'était encore Lundi en Europe, ce qui me fit légèrement rire. « Merci Andreja. » repris-je en me tournant vers lui, sans pour autant me lever du banc sur lequel j'étais assis. « Ça me fait vingt six ans, du coup. » j'allais lui répondre "je vais avoir" mais finalement je les avais déjà. Il faut dire que ses tournures de phrases induisaient mon cerveau en erreur. Je n'étais déjà pas bien malin au quotidien. « Oh et... oui... merci d'ailleurs... j-je te les rendrai à la sortie. » parce que je n'en avais pas réellement besoin, moi, de mon côté, je n'étais de toute façon pas ici pour l'argent. « Enfin, si j'en ai l'occasion. » si j'allais loin donc, ce dont je doutais fortement. Jetant un oeil aux touches du piano, je finis par murmurer un petit « Tu sais jouer du piano toi ? J'ai voulu apprendre, mais tout seul c'est compliqué... Et je suis presque certain que mes patients, à la clinique, ont plus d'oreille que moi. » et pourtant dieu sait qu'ils étaient sourds les bougres.

C'était assez ambivalent en fin de compte, les sentiments qu'Andreja avait à propos de la salle de musique, raison pour laquelle il n'y mettait que rarement les pieds. Sa pratique du piano était surtout rattachée à sa famille, il jouait beaucoup plus jeune, agissant par mimétisme d'un frère à l'oreille musicale bien plus développée que celle des trois autres garçons de la fratrie, puis à l'occasion lorsqu'il retournait chez sa mère, pour un week-end ou lors des repas de famille, et pour cette raison jouer ailleurs et particulièrement dans un endroit inconnu lui donnait un sentiment de malaise. Comme s'il trahissait il ne savait quelle règle tacite qu'il se serait imposé, ce qui était parfaitement stupide, mais ... C'était comme ça. Pour ces raisons il n'avait joué qu'une seule fois sur le piano de la salle de musique du nid, et plus jamais depuis malgré un sentiment familier au bout de ses doigts lorsqu'ils avaient glissé sur les touches de l'instrument. Alors probablement que s'il n'avait pas remarqué une présence à l'intérieur malgré l'heure tardive, et cherché désespérément une occupation, il aurait passé son chemin. Mais au lieu de cela il avait laissé parler sa curiosité et avait rejoint Adnan dans la pièce. Adnan dont il s'était subitement souvenu que c'était son anniversaire, réalisant avec agacement qu'il était maintenant minuit passé de quelques minutes et qu'il était par conséquent en retard. « C'était hier, mais oui. » Hier, oui, mais d'un autre côté ils venaient tous les deux d'Europe, bien que de coins radicalement différents, et en Europe nous étions toujours lundi, par conséquent il n'était pas si en retard que cela, tout était question de point de vue. Et donc, joyeux anniversaire. « Merci Andreja. Ça me fait vingt six ans, du coup. » C'était bizarre, Andreja lui aurait donné moins. A cause de la naïveté qui transparaissait de sa manière d'être, peut-être, à cause d'une gentillesse et d'une peur de déranger exacerbées qui disparaissaient généralement en grandissant mais qui chez Adnan semblaient s'être ancrées plus profondément. Pour ce qui était du cadeau par ailleurs Andreja n'avait rien à lui donner, là, mais le brun lui pardonnerait sans doute parce qu'il avait déjà fait preuve d'une certaine générosité la veille « Oh et ... oui ... merci d'ailleurs ... j-je te les rendrai à la sortie. Enfin, si j'en ai l'occasion. » Andreja avait levé les yeux légèrement au ciel, parce que ce n'était pas vraiment dans le but de quémander qu'il avait dit cela « Ça même pas être du vrai argent, alors oublie. Et puis ça être le jeu. » Il n'allait pas essayer de faire croire qu'il n'aurait pas préféré donner cet argent à sa partenaire, à Lou, ou encore à Alistair, mais comme il venait de le dire c'était le jeu, et ils avaient tous les deux encore du chemin avant que l'argent de leur cagnotte devienne autre chose que des euros virtuels. Il n'allait pas dire non plus qu'il ne s'était jamais pris à rêver à ce qu'il pourrait faire avec l'argent de sa cagnotte s'il le récupérait, mais il avait toujours eu parfaitement conscience que pour le moment ce n'était que du vent. S'appuyant contre le piano, devant lequel était assis Adnan, il avait secoué la tête lorsque ce dernier lui avait demandé « Tu sais jouer du piano toi ? J'ai voulu apprendre, mais tout seul c'est compliqué ... Et je suis presque certain que mes patients, à la clinique, ont plus d'oreille que moi. » et laissé échapper un léger rire à sa dernière réflexion. Il ne saurait pas vraiment dire si l'oreille c'était un truc qui pouvait se travailler ou bien si c'était une fatalité, si on l'avait on était chanceux et si on ne l'avait pas alors tant pis. « Avant je jouer un peu, je appris avec mon frère. Mais plus beaucoup maintenant. » Malgré tout il avait quitté son côté du piano pour venir se mettre à côté d'Adnan, posant ses doigts sur le clavier « Quand j'ai voulu apprendre, il me dire que avec trois akord tu peux faire croire tu sais jouer. » Trois petits accords, en DO, FA, SOL, et on pouvait presque faire illusion. Juste assez pour faire croire que l'on était pas totalement nul, et positionnant ses doigts avec lenteur pour laisser à Adnan la possibilité d'assimiler il avait laissé les quelques notes s'échapper de l'instrument avant de dire « Essaye. » Et s'il réussissait cela pourrait même rester leur petit secret, il pourrait frimer sans dire qu'il avait appris cela il y a quelques jours seulement.