+TILDA

Un nouveau prime était en approche, et encore une fois, j'avais été épargné par les nominations, ce qui n'était pas le cas de ma partenaire qui elle, se retrouvait en danger tout comme beaucoup d'autres personnes que j'appréciais. Cette semaine, j'avais eu le temps de réfléchir à pas mal de choses. Peut-être était-ce parce que j'étais anxieux, et que plus le jeu avançait et plus je ressentais ce besoin de me confesser, d'avancer. Je savais qu'il ne fallait pas que je parle, que je garde tout pour moi jusqu'au moment de la grande révélation, mais c'était plus fort que moi. Alors, pour me contenir, j'avais noyé toutes mes pensées à l'aide de mes écouteurs, et d'un peu de musique des années quatre-vingt. Ringard que vous me diriez si je pouvais vous entendre d'ici, et vous auriez totalement raison. Mais je n'étais pas réputé pour être à la mode que ça soit au niveau vestimentaire -bien que je faisais des efforts-, musical ou déco. J'étais comme ça, je ne vivais pas dans mon temps. Je trouvais que les musiques rétro avaient plus de sens, oui, elles me parlaient plus. Parfois, je m'imaginais la folie que ça devait être lors des concerts comme les Beatles, Blondie ou les RHCP. Vraiment, ça devait être super. Et puis ainsi, ça me permettait de faire le vide, d'échapper une réalité qui se voulait parfois un peu trop oppressante, comme aujourd'hui par exemple. Pénétrant dans les coulisses, je déposais mes affaires dans les casiers à dispositions avant de me placer devant un miroir pour ajuster ma chemise. Je ne le sentais pas ce prime, non, encore moins que les autres. Et c'était sur ces braves pensées que Tilda était venue se poser à côté de moi, pour jeter un oeil au miroir également. Par automatisme, je dégageais mes oreilles, rangeant mes écouteurs tandis que je lui adressais un timide sourire. Une question me brûlait les lèvres, et comme une évidence, Tilda me semblait soudainement la mieux placée pour me répondre (bien que ça n'était peut-être pas le cas). « Dis... Est ce que c'est bizarre d'habiter encore chez ses parents à vingt six ans ? » je ne me rendais pas bien compte, mais ici j'avais la nette impression que tout le monde était indépendant. « Tu penses qu'il faudrait que je songe à trouver un appartement ? » J'en avais les moyens, oui. Mais je ne savais pas trop... « Je... J'ai peur de me retrouver tout seul. » Car au final, je ne fréquentais pas tant de monde que ça et la solitude risquait de me guetter.

Oui, on pouvait dire que ça m'angoissait tout particulièrement de me retrouver seul. Pour tout vous dire, je l'avais été plus ou moins toute ma vie. J'étais pourtant quelqu'un d'agréable, mais on ne pouvait pas dire que j'avais un jour été populaire d'une quelconque manière. Je ne faisais pas vraiment d'effort pour l'être non, je me contentais d'être moi. Et j'avais la nette impression que ça ne suffisait jamais, que partout où j'allais je n'étais que la pièce rapportée. Je suppose que mes nombreux déménagements n'avaient pas vraiment arrangé les choses, et que l'amour étouffant de mon père avait peu à peu écarté toutes les personnes autour de moi. Il fallait pourtant que j'avance, que j'arrête de penser qu'être seul n'avait pas d'importance, car je me rendais ici compte que ça l'était. Je me sentais bien entouré de personnes que j'appréciais, de personnes que j'estimais. De personnes qui m'estimaient, moi pour ce que j'étais et non pas pour ce que je pouvais leur apporter. A leur yeux, je n'étais pas qu'Adnan, le serviteur de la première semaine, non, j'avais l'impression d'être quelqu'un à part entière. Ici, je n'étais pas une pièce rapportée, non, j'étais une véritable pièce du puzzle, j'avais mon importance. Mais je savais que tout ceci n'était que le temps d'une poignée de jours, que dans quelques semaines, il faudrait que je dise adieu à tout ça, que je laisse tout ce que j'avais construit ici pour rebâtir quelque chose dehors. Je ne savais pas encore bien comment j'allais me débrouiller, et peut-être devrais-je commencer par quitter le cocon familial ? Je crois qu'il était temps pour moi de prendre mon envol et d'arrêter d'avoir peur de ce qui pouvait bien m'arriver. J'avais économisé de l'argent pendant un petit bout de temps maintenant, on pouvait même dire que j'avais de quoi être indépendant financièrement parlant, même si je savais que mes parents ne me lâcheraient jamais de ce côté. Mon père avait bien trop d'argent pour ne le garder que pour lui. Du coup je m'étais dit que ça serait plutôt bien de demander à Tilda ce qu'elle en pensait. C'était peut-être bête, mais elle me renvoyait cette image d'une femme forte et indépendante qui n'avait besoin de personne d'autre qu'elle pour avancer dans la vie... ce qui n'était clairement pas mon cas, il fallait bien l'avouer. Mais d'après elle, elle ne voyait pas où était le problème, que si je me plaisais comme ça, il n'y avait pas de raison pour que je change. « J-Justement... Je me dis qu'il est peut-être temps. Enfin, tu sais, je crois que c'est le moment d'avoir quelque chose à moi, je... J'ai de plus en plus l'impression de ne pas être à ma place. Tu vois ce que je veux dire ? » C'était compliqué, et je ne m'exprimais peut-être pas très bien. Je vivais chez mes parents, rien n'était réellement à moi au final. « C'est bien la colocation ? Tu crois que c'est à peu près pareil qu'ici ? C'est vrai que je n'y ai jamais pensé... » C'était surtout que j'avais peur de tomber sur un inconnu, et qu'au final, nous n'ayons réellement aucun point en commun. Tilda vivait donc sur l'argent de ses parents, et au final, c'était également mon cas. « J'ai entendu dire que tu es infirmière aussi, comme moi. Enfin, je travaille dans une maison de retraite. T'es dans un hôpital toi ? » C'était plutôt une drôle de coincidence d'ailleurs, et je me demandais bien quel était exactement son parcours. « Elles sont vraiment très jolies tes boucles d'oreilles. » repris-je finalement alors que mes prunelles se posaient sur son reflet, via le miroir.

Je partageais mon aventure avec McKayla depuis maintenant huit semaines, et ce soir j'avais conscience qu'il y avait des chances pour qu'elle me quitte, pour que le public décide qu'il était temps pour elle de quitter le jeu. Et ce qui me gênait plus qu'autre chose était le fait que j'étais presque certain que d'autres candidats pensaient la même chose. Je ne comprenais pas vraiment comment on pouvait vouloir voir quelqu'un quitter le jeu, d'autant plus lorsqu'il s'agissait de quelqu'un qui ne causait jamais de problème. Peut-être était-ce parce que j'avais un peu trop d'estime pour tout le monde, et qu'à mes yeux chacun méritait sa place. Tout le monde ne fonctionnait apparemment pas comme ça, et je ne trouvais pas ça forcément très correct. Mais là encore, fallait-il être "correct" pour aller loin dans une aventure comme celle ci, ou était-ce justement ceux qui s'acharnaient sur une ou deux personnes, prenant pour cible d'autres candidats lorsque le travail était terminé, qui allaient loin ? J'espérais que le public ne faisait pas partie de ce dernier groupe. Alors oui, rien que ce soir, je risquais de me retrouver seul. Et la solitude allait très certainement m'attendre à ma sortie également, puisque je ne voyais pour le moment pas bien en quoi ma vie allait changer. Evidemment certains me reconnaitraient dans la rue, mais ça n'était pas ça que j'appelais être "bien entouré", non, à mon sens il fallait réellement avoir des proches, des gens sur qui je pouvais compter. Il était temps pour moi d'affronter la réalité, et de me faire des contacts, et cette aventure avait tout de même été un réel tremplin pour moi de ce côté là. Tilda me dit que c'était le signe que j'étais prêt à voler de mes propres ailes, et j'hochais la tête. Elle avait très certainement raison, bien que ça risquait d'être un peu plus compliqué que prévu. Je n'étais pas certain que mon père accepterait aussi facilement de me laisser partir. Il aimait bien que je sois à portée de mains, même quand il n'était pas sur les lieux. Mes lèvres s'étirèrent lorsqu'elle me parla de sa vie. Elle avait donc déjà vécu quelque chose du genre ? « Oui, c'est vrai que je me sens plutôt bien ici. » On pouvait même dire que je m'épanouissais, même si je ressentais encore ce besoin conséquent d'avancer. Mais ça n'était pas une mauvaise chose, non, tout le monde avait besoin d'avancer un jour ou l'autre, que ça plaise à l'entourage ou non. Elle était donc infirmière en chef, c'était assez impressionnant, moi je n'étais qu'un infirmier de base, même si tout le monde estimait mon travail et mon implication au sein de l'institut. « Et du coup, tu penses pouvoir travailler encore un peu avant d'accoucher ? » Parce que je ne savais pas à combien de semaines elle en était exactement. Quant au fait de travailler dans une maison de retraite. « Oui, j'aime beaucoup. Les personnes âgées ont toujours pleins d'histoires à raconter, tu sais, chacun a un passé différent, du coup je trouve ça vraiment très intéressant. Et puis tout le monde m'aime bien là bas, je me sens utile, chose que je n'ai pas forcément l'impression d'être au quotidien. » Oui, là bas je pouvais aider à mon niveau, et voir que je pouvais réellement faire quelque chose de bien pour les autres. Apparemment, c'était sa mère qui lui avait donné ces boucles d'oreilles. « Elle a beaucoup de goût. Tiens d'ailleurs, tu as des idées de prénoms pour ton bébé ? » C'était probablement la question qui me brûlait les lèvres depuis quelques semaines, me connaissant, j'aurais nommé mon enfant avec un prénom un peu improbable alors il ne valait mieux pas qu'elle m'écoute à ce sujet.