Je ne suis pas passé loin d’une deuxième élimination dimanche soir, j’ai encore énormément de mal à me dire que le public m’a suffisamment sollicité pour que je puisse réintégrer l’aventure mais ça fait du bien au moral. La semaine dernière n’a pas été la meilleure, l’award que j’ai remporté m’a fait prendre conscience que je n’étais pas forcément le mec le plus apprécié au monde dans le nid. Pour en rajouter une couche Sacha est parvenu à faire le rapprochement entre Ana et moi en découvrant que nous avons formé un couple étant plus jeunes et, cerise sur le gâteau, Aaron a décidé de se tourner vers Adnan. Rajoutez à cette jolie petite recette une nomination et vous obtiendrez un bon cocktail explosif. Il y a beaucoup de choses sur lesquelles j’ai médité, notamment Aaron. En s’ouvrant à moi de cette manière il a surement espéré que je lâcherais l’affaire pour lui permettre d’avoir une chance avec Adnan, se rattraper avant qu’il ne soit trop tard et je peux tout à fait comprendre cela. Qui serais-je pour me mêler de leurs affaires, ne pas leur laisser l’opportunité d’aller plus loin et de former quelque chose de solide, de beau, d’unique ? Sur le papier ça semble plutôt simple mais ça ne l’est aucunement pour moi. L’enfermement comme c’est le cas dans le nid est dangereux pour les sentiments, je ne suis pas amoureux mais je me suis attaché à Aaron et j’ai du mal à décrocher. Il faut dire qu’il a laissé une empreinte béante en moi, il est celui qui a tout bouleversé, mon orientation sexuelle étant le premier truc qu’il a chamboulé en débarquant avec son sourire de tombeur et sa confiance. Depuis je me suis enfoncé, jour après jour dans une sphère infernale où je ne contrôle rien et je suis frustré, plus que jamais. Comprenez-moi, c’est au moment où les choses devenaient plus sérieuses que le bel Apollon a décidé de tout arrêter et même si je m’y attendais… C’est un moment qui reste malgré tout difficile à avaler, ça m’a fait un petit pincement au cœur.

J’aimerais avoir la force de caractère suffisante pour passer à autre chose mais ce serait faire le contraire de ce que je suis vraiment. Un débat intérieur a pris forme toute la semaine dernière et s’est terminé sur le prime lorsque je l’ai à nouveau embrassé, j’ai compris en effleurant ses lèvres pour ce que je pensais être un dernier baiser que je ne pouvais pas abandonner. Egoïste comme choix ? Totalement et je l’assume. Dans la vie je me suis toujours donné les moyens de réussir, d’obtenir ce que je désir et je ne compte pas m’y prendre différemment aujourd’hui. Tout est tellement difficile à comprendre ici, pourquoi suis-je autant attiré par lui, par son être, par sa peau, par son odeur ? Je n’en ai pas la moindre idée mais je suis tombé accro. L’appétit ne vient-il pas en mangeant ? N’aurait-il pas besoin d’un petit coup de pouce pour se rendre compte qu’il pourrait être sérieusement intéressé à moi ? Des questions auxquelles je ne pourrais jamais répondre à moins de me lancer à corps perdu, de prendre des risques qui pourraient détruire notre relation, aussi bancale soit elle déjà actuellement.

Je n’ai pas dormi de la nuit, le cerveau trop occupé à cogiter encore et encore et même si le sommeil me manque cruellement mes réflexions furent relativement intéressantes. Il ne peut pas ne pas être attiré du tout par moi, bien-sûr qu’il me désir, il n’aurait pas été si proche de moi pendant un temps si ça n’avait pas été le cas alors pourquoi ne pas se concentrer là-dessus ? Lorsque je me trouve à ses côtés j’ai le souffle coupé, je suis en permanence nerveux mais putain ce que ça me fait du bien de me sentir aussi… Vivant ! Aaron fait ressurgir ma compétitivité, il me donne envie de me battre, de prendre le temps d’analyser ma proie. Je ne suis plus qu’un fauve affamé qui observe, dissimulé dans les hautes herbes, son futur repas depuis un moment, je patiente sagement, j’étudie le terrain et lorsque le moment sera venu je sauterais, je chasserais et le dévorerait vivant. Et si le moment était venu ? N’est-il pas grand temps de faire un pas vers lui, de lui prouver que je ne suis pas uniquement là pour figurer ?

Mon cœur s’emballe et j’en oublie tout ce qui a toujours permis à mes barrières de résister à toutes ces tentations. Au diable la pudeur, au diable ce que ma famille pourra penser de moi, je ne veux pas avoir de regrets et je ne laisserais certainement pas ma chance passer. Je sais ce qu’il me reste à faire, j’en ai envie depuis tellement longtemps que les gestes me semblent naturels, je n’ai aucunement honte de ce que je m’apprête à faire, pas peur qu’il me rejette car je sais qu’au fond de lui il en a autant envie, si ce n’est plus encore, que moi. Je réduis la distance qui nous sépare à grandes enjambées, je quitte ma chambre pour rejoindre celle dans laquelle dorment généralement Felice et Aaron. A cette heure-là on ne trouve plus personne dans cette pièce, ils sont déjà tous debout et c’est une bonne chose, l’homme qui me fait chavirer est encore endormi, allongé sur le ventre sous sa couette. Il est tellement beau lorsqu’il dort, il a cette expression neutre qui me fascine et si je savais un peu mieux dessiner j’aurais probablement pu me mettre à capturer cette image pour pouvoir la contempler éternellement. Je m’apprête à dépasser les bornes et je trouve cela tellement excitant que j’en oublie tout ce qui nous entoure, je me glisse lentement, discrètement sous la couette, me colle à son dos brûlant, il est temps… Libère toi Jaheim, ne fantasme plus, agis ! « Bonjour ! » Mes lèvres s’attardent le long de son oreille d’où je viens de lui susurrer ce simple mot, je n’en dirais pas plus, mes lippes rencontrent avec tendresse le lobe de son oreille que je taquine coquinement. Mes doigts découvrent son dos, effleurent ses omoplates et descendent tout le long de sa colonne vertébrale, si ce n’était que de moi je lui ferais l’amour immédiatement mais n’allons pas trop vite en besogne. Je préfère lui offrir le plus agréable des réveils et je sais exactement comment m’y prendre. Ma langue flirte dangereusement avec son cou, je m’attarde le long de son épaule déviant contre son dos que je recouvre de tendres baisers, chastes avec une touche de malice. C’est la première fois que j’embrasse un homme de cette manière mais je ne suis pas déçu, sa peau a un goût fabuleux, je pourrais l’embrasser encore et encore pendant des heures sans jamais me lasser. Mes mains, elles, deviennent plus impatientes, elles dévalent son dos et s’arrêtent à la ceinture de son boxer, mes doigts effleurent sagement ses fesses protégées par ce morceau de tissu, mais pour combien de temps ?

Felice quitte le lit et j'ai désormais tout le loisir d'avoir la couette à moi tout seul. Mes yeux restent clos, je suis coincé entre deux mondes : rêve et réalité. Je ne suis pas totalement endormi, et loin d'être réveillé non plus. Je ne saurais dire depuis combien de temps je traine, combien de temps il s'est écoulé entre la sortie de Felice et son retour... Deux minutes, voir même une heure... Je perds totalement la notion du temps. Puis je me rends rapidement compte que ce corps qui me rejoins, qui colle son corps brûlant à mon dos n'est pas celui de ma partenaire. « Bonjour ! » Son souffle me donne des frissons, il s'écrase au creux de mon oreille comme une douce caresse. Je suis dans les vapes, je ne comprends pas trop ce qui se passe et clairement, je n'ai pas la force de bouger ni même l'envie. C'est agréable cette proximité, cet élan d'affection pour un réveil. Ca me manque ce genre de geste au pied du lit, ça me rappelle ce que je peux ressentir quand quelqu'un m'aime, tout simplement. Alors oui j'ai encore envie de profiter de ce moment, de rester dans cette douce illusion. Mon corps répond positivement, ondule lascivement malgré moi contre son corps, sous ses caresses impatientes, sous ses lèvres qui parcourent mon corps dans des baisers passionnés. « Ne fais pas ça... » Je murmure doucement sans conviction. Après m'être gentiment laissé faire, une de mes mains passent sur sa nuque, mes doigts se baladent, s'enfouissent dans ses cheveux pour les caresser, comme pour l'inciter à continuer ses baisers... sauf que je me reprends petit à petit, et que je me retourne pour lui faire face, les yeux ouverts. Mes mains se posent sur son torse, pour instaurer une certaine distance entre nous et pourtant, je m'amuse à faire parcourir mes doigts dans des douces caresses innocentes. « Je sais ce que tu penses, mais tu te trompes. » Il joue avec mes nerfs, mais je tiendrais bon.

Je suppose qu’au final derrière mon petit air de gros dur, viril et décidé à faire les choses à sa manière je ne suis qu’un esclave. Le larbin de mes propres sens aiguisés depuis six semaines par un Aaron qui m’a donné les ressources nécessaires pour me libérer de mes chaines mais qui a oublié de préciser qu’il n’y aurait que cela. Une délivrance qui me parait nettement plus comparable à l’enfer plutôt qu’à la liberté. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé, suite à notre discussion sur la barque la semaine passée je me suis complètement effacé pour qu’il puisse réfléchir. Pour qu’il puisse tenter ce qu’il avait à faire pour reconquérir Adnan mais je me suis senti tellement vide, tellement différent de celui que je suis en temps normal que je n’ai pas pu tenir sur la durée. Qui pourra réellement me reprocher d’avoir envie de me battre moi aussi ? Il ne m’aime pas, je ne l’aime pas mais contrairement à lui je ressens cette ouverture, la naissance d’une histoire bien différente de toutes celles que j’ai pu vivre avec des femmes. Il est le seul à me rendre fou de la sorte et je ne veux pas me priver du bonheur qu’il pourrait m’apporter. Je suis égoïste en réagissant ainsi, je ne prends pas en compte ce qu’il m’a avoué réellement désirer mais je ne peux m’empêcher de songer à ce qu’il pourrait inconsciemment souhaiter. Adnan c’est le candidat idéal, le choix de la sécurité, le petit mec sympathique, timide et très romantique qui ne fera jamais de vagues, celui avec lequel on aura tout de suite la certitude de vivre une très belle histoire. Comment ne pas être tenté par un homme comme lui ? Mais est-ce vraiment ainsi qu’Aaron se voit ? N’est-il pas comme moi au fond, prêt à prendre les bons risques pour s’offrir ce qui le fait réellement vibrer ? Ne pouvons-nous pas créer une histoire de toutes pièces en débutant avec des fondations peut-être moins solides, de promesses moindres mais une énergie nettement plus représentative de ce que « l’amour » et la passion devraient être ? Peut-être que je me trompe sur toute la ligne, peut-être même que je berce d’illusions mais je ne lâcherais pas et il aime cela. Je n’ai pas l’habitude d’être aussi proche d’un homme mais cette sensation est exquise, mon corps tout entier est livré à lui-même, abandonné au milieu d’une jungle très dangereuse, l’électricité statique expose mon corps à d’énormes impulsions qui m’excitent davantage encore. « Ne fais pas ça... » Peut-être que s’il avait été vraiment convaincu par ses propres mots je me serais arrêté mais il apprécie clairement ce réveil, comment ne pas être charmé après tout ? L’une de ses mains se trouve une place de choix contre ma chevelure épaisse et encore toute décoiffée par la nuit, il caresse la peau de ma nuque et je crains pendant une demi-seconde d’être à deux doigts de l’infarctus. Je me sens tellement bien lorsqu’il est à mes côtés, voilà ce que serait la parfaite définition d’être à ma place. Lui et moi, allongés l’un contre l’autre, laissant nos corps s’exprimer pour nous. Il se retourne et me fait enfin face, ses yeux sont encore endormis mais ça lui donne un charme ravageur, le prendre dans mes bras pour le serrer fort et lui offrir le plus sensuel des réveils qu’il pourra avoir dans sa vie me tente tellement. « Je sais ce que tu penses, mais tu te trompes. » Un sourire confiant écarte mes lèvres pulpeuses, en manque de leur dose quotidienne d’Aaron. « Ah oui ? Et je pense à quoi en ce moment ? Là, tout de suite ? » Il me repousse mais m’aguiche à la fois, difficile de ne pas y voir un signe encourageant, ses doigts effleurent innocemment mon torse mais il ne m’en faut pas plus pour m’enflammer. L’espace commence cruellement à me manquer là-dessous, mon caleçon me gêne et je me lancerais bien dans un moyen encore plus agréable de démarrer la journée. « Tu es beau ! » Je lui susurre avec un horrible sourire béat, c’est la vérité et je me sens obligé de le lui faire remarquer de cette manière. Je pourrais être plus sage, l’écouter à nouveau mais je n’ai plus envie, je ne veux pas être le gentil petit mec qui regarde l’homme qu’il désire plus que tout au monde sortir avec l’autre garçon, je ne suis pas ce mec qui se plait dans le rôle du figurant. J’attrape l’une de ses mains que je fais remonter jusque sur mes lèvres, mes lippes contournent ses doigts fins et masculins avec sensualité, elles s’arrêtent parfois contre le bout de ses doigts pour l’embrasser. Qu’il est difficile de résister à la tentation.

« Ah oui ? Et je pense à quoi en ce moment ? Là, tout de suite ? » C'est pas difficile de savoir à quoi pense Jaheim, vu la façon qu'il a de se comporter tout de suite avec moi. Il m'aguiche et ça réussit plutôt bien puisque j'y réponds favorablement sans vraiment trop me mouiller. « T'as envie de moi. » J'affirme en plantant mon regardé assuré sur lui. Je sais tout de même quand quelqu'un a envie de moi et Jaheim en a envie, c'est sur. C'est pour ça que je tente d'instaurer une distance entre nous, même si l'envie de lui répondre, de sentir toute son affection se ressent également. « Tu es beau ! » Il me fait sourire et je me laisse docilement faire lorsqu'il embrasse mes doigts. Je viens même caresser un peu les pourtours de ses lèvres charnues avec un sourire.  « Toi aussi t'es beau mon Jaheim. » Mais je le repousse une bon fois pour toute, en douceur. Pas question de faire l'amour ce matin. Y a bien trop de facteurs contre. En plus de mes nouvelles résolutions, y a bien une chose qui me repousse complètement. Je pense à Felice, au fait que cela soit son lit aussi. Moi je sais, que des draps se changent, qu'il y a rien de sale dans le fait de dormir dans des draps propres même si quelqu'un a pu faire l'amour là dedans. Mais les autres, ceux qui ont déjà fait des remarques sur moi, eux ils ne le savent pas. J'ai pas encore envie qu'elle se fasse importuner par eux, que je leur donne raison de l'importuner. Non pas question, elle m'a défendu envers et contre tout la dernière fois au prime, maintenant c'est à moi de lui montrer ma reconnaissance. Je pose un baiser sur son front avant de me relever. « C'était un réveil vraiment sympathique... » Mais ce ne sera qu'un réveil.