+ Je suis pas vraiment fâchée, évidement, mais au cas où, je préfère trouver sa veste avant lui. Je sais pas, si ça se trouve c'est vrai, il est revenu que pour ça et demain il sera déjà plus là, alors il vaut mieux que j'aille cacher sa veste autre part que dans mon placard, c'est le premier endroit où il irait chercher, je parie. Je l'enlève du cintre auquel je l'avais pendue et je la sers un peu contre moi avant de faire un détour par ma chambre. Je sais pas, c'est automatique, je passe au dressing puis je file dans ma chambre, pour me coucher en général, bon en vrai pas forcément avec sa veste sur le dos, y peut-être une ou deux fois où je l'ai oubliée quelque part, sans faire exprès, et puis parfois j'avais trop chaud pour la porter aussi. Mais bref. Je sais pas pourquoi je m'assois sur mon lit, je regarde celui qu'il partageait avec Ana. Je crois bien que j'y ai jeté un petit coup d'oeil tous les soirs, inconsciemment, parce qu'il me manquait, un petit peu. Puis je me laisse tomber sur le matelas alors que je sais qu'il va arriver et qu'il va voir sa veste, il va la prendre, je suis pas assez forte pour l'en empêcher, il va s'en aller, et voilà. Non mais c'était une blague, je sais, c'est obligé. Il peut pas revenir et partir déjà, comme ça. Pas sans sa veste en tout cas. Et ça y est, je viens de me souvenir que je devais lui trouver une bonne cachette. La machine à laver, ou quelque part dans la forêt, la cabane de pêcher sinon, hm. Je me redresse en pensant avoir trouver l'endroit parfait mais il est déjà là, dans l'encadrement de la porte. Crotte. « Non, attends, ferme les yeux, j'ai pas eu le temps de la cacher, tu dois pas la voir, tu dois pas savoir où elle est. » On dirait une gamine qui essaye d'avoir l'air autoritaire, là, je suis ridicule. Surtout qu'il la voit très bien, sa foutue veste, elle est juste entre mes mains. Rien ne l'empêche de la prendre et de s'en aller, et j'aurais l'air d'une idiote. Ah non pardon, j'en ai déjà l'air, enfin pas que l'air, faut dire que  je suis un peu idiote, moi, dans mon genre, quand même.

Je suis pas encore allée cacher sa précieuse veste, pourtant j'ai eu le temps depuis le moment où j'ai quitté le plateau jusqu'à maintenant, mais je suis restée sur mon lit à attendre je ne sais trop quoi. Qu'il arrive en fait, peut-être. Et quand il est là, je me sens trop bête, je voudrais bien continuer à faire semblant d'être un peu fâchée mais j'y arrive pas, j'arrive pas non plus à avoir l'air aussi sûre de moi que d'habitude, je suis presque inquiète qu'il ait dit la vérité et qu'il ait vraiment un avion à prendre pour rentrer chez lui. Mais Eryk, il plaisante toujours, enfin souvent, la plupart du temps. Faut pas tout prendre au sérieux avec lui, je sais. Mais là j'ai l'impression qu'il l'est, là, sérieux, au moins un peu. Il aime les chasse au trésor mais il s'en passera pour cette fois, il a même repoussé son avion. J'aimerais m'empêcher de sourire parce que je suis sensée être toujours un peu fâchée, mais j'y arrive pas. Il est trop fort, ou je suis trop faible, ou surement un peu des deux. « C'est vrai ce mensonge ? » Qu'il a pu faire repousser l'heure du départ de l'avion qu'il devait prendre. J'y crois pas une seconde, d'ailleurs mon regard en témoigne. Non mais, c'est bon, c'était vraiment une blague alors cette histoire d'avion, je suis rassurée. Il est quand même vraiment con, j'aurais pu y croire. Il vient s'asseoir à côté de moi. Je serre toujours sa veste entre mes petites mains alors qu'il m'avoue finalement que je lui ai manqué moi aussi. « Bah j'espère bien. » Je réplique comme si c'était une évidence, que je devais forcément lui manquer alors que bon, il devait clairement avoir mieux à faire que de penser à moi ou même de regarder l'émission. Je souris plus franchement cette fois, et peut-être un peu bêtement aussi, surtout quand ses yeux croisent les miens. Je me décide enfin à poser sa veste sur mes jambes, puis j'appuie mes coudes sur mes genoux et je cale ma tête dans mes mains tout en la penchant légèrement, pour pouvoir toujours le voir. Il me félicite pour ma place en demi-finale. « Ouais, merci ! C'est... Super ! Je suis trop contente. » Je m'exclame d'un air pas forcément très enjoué en fait. Pourtant je suis vraiment ravie d'être allée aussi loin, c'est juste que... « Mais je me dis que je mérite peut-être pas ma place, en fait. Tu vois, je me dis que si ça se trouve, si j'en suis arrivée là c'est juste un coup de chance, rien de plus. » Et Dieu sait combien j'ai pu être malchanceuse par le passé, et encore aujourd'hui, alors tout compte fait, c'est peut-être tout à fait normal que la chance me sourit pour une fois, pour changer, je sais pas. Enfin je devrais pas me plaindre ou trop m'en réjouir non plus, parce que lui, le pauvre, il est parti beaucoup trop tôt. « Dis, c'est comment le retour à la réalité ? » Je lui demande, tant que j'y pense, d'une voix teintée d'un soupçon d'angoisse face à l'inconnu, avant qu'il fasse référence à l'ambiance pendant les primes. Il voudrait savoir si elle est toujours telle qu'il y a eu droit il y a même pas quelques heures et si elle est aussi représentative de celle qu'il règne en semaine ou pas. Je me contente d'abord de hausser les épaules. « De plus en plus, si. » J'affirme, parce que pour ma part, c'est ce que je ressens. Chaque prime est presque aussi long et ennuyant que la semaine qui le précéde, depuis quelques temps. « En fait, je crois que c'est depuis que t'es parti. Genre la semaine d'après, j'ai vraiment eu l'impression que tout le monde faisait une dépression je te jure. A commencer par moi, même si tu m'avais dit de pas être triste, je m'en souviens. » Mais bon disons que c'était plus facile à dire qu'à faire, surtout quand on contrôle rien et qu'à cela s'ajoute d'autres facteurs. « Je suis restée en pyjama pendant deux jours, je crois bien, avec ta veste aussi. Et à un moment j'ai eu trop peur parce que je pensais que les traces de mascara dégoûtantes partiraient pas. Mais si, c'est bon, regarde, plus rien... » Je lui montre l'endroit exacte et heureusement, pour moi, on ne voit plus rien du tout, c'est tout beau, tout propre. « Enfin, je sais pas pourquoi je te raconte ça, tu dois te dire "non mais, en vrai elle a pas du tout pris soin de la seule chose que je lui ai laissée, je ferais mieux de la prendre et de me barrer, elle est vraiment trop folle, peut-être même folle de moi, cette nana". Et t'aurais entièrement raison, hm. » Petit moment d'auto-dérision, ça peut pas me faire de mal. N'empêche que c'est vrai, je le reconnais, c'est ultra bizarre de dormir, voir de passer des journées entières à porter la veste d'un type qu'on connaît depuis quoi, un mois, malgré le fait qu'on s'entende bien avec lui et qu'il nous ait déjà beaucoup manqué après à peine un petit jour d'absence. Ah, je m'agace. Je sais pertinemment que ce genre de conneries, les "sentiments", sont juste sacrément plus développés ici que dans la réalité, alors peut-être que... Je sais pas, je me fais un film, mais genre un méga blockbuster avec un réalisateur de génie, des acteurs au top, des scènes d'actions géniales et de supers effets spéciaux.

Je peux juste pas y croire à son histoire d'avion, même si à un moment je me suis posé quelques questions, j'ai un peu paniqué je crois, et j'ai pas trouvé ça sympa qu'il dise qu'il était là que pour sa veste, alors je suis partie avec mon air de fille faussement contrariée, mais un peu pour de vrai quand même, en fait. Et puis finalement, je m'étais rendue à l'évidence : ça ne pouvait être qu'une blague, qu'une plaisanterie de plus que je prenais surement bien trop à coeur pour le coup. Je sais pas s'il se rend compte de toutes les choses qui me passent par la tête quand il blague en ayant l'air si sérieux, et de tout ce que je peux ressentir, aussi éphémères soient ces sentiments sur le moment. Mais je ne préfère même pas en parler, du moins pas maintenant parce que rien ne sert d'en faire toute une affaire ce soir alors qu'il est à peine de retour, je n'ai pas envie de tout gâcher. Il me félicite pour ma place en demi-finale, mais étrangement, je n'arrive plus à m'en réjouir autant qu'avant. Il vient de me venir à l'esprit que je ne pouvais en être arrivé là que par hasard et j'ai un peu de mal à m'y faire. Mais Eryk pense que c'est normal, qu'il y a forcément une part de chance là-dedans. Lui, il trouve que je mérite ma place, ça semble même comme une évidence, parce que si le public n'avait pas voulu de moi demi-finale, je n'y serais pas, en plus on m'a déjà sauvée deux fois, c'est vrai. « T'as sans doute raison. » Je finis par conclure d'un air un peu plus convaincue que tout à l'heure après m'être mordue la lèvre inférieure un petit moment. A présent, j'aimerais savoir comment s'est de revenir à la réalité après l'émission. Je dois avouer que le premier adjectif qu'il me donne me fait presque peur, mais je laisse tout de même échapper un léger « hm. » comme si je comprenais ce qu'il voulait dire, alors que je n'en sais rien, ou du moins pas encore mais ça ne va pas tardé. N'empêche que si lui a trouvé que c'était brutal, je n'ose pas imaginer comment ça sera pour ceux qui, comme moi, sortirons à la toute fin, puisque je compte rester jusqu'au bout même si je ne fais pas partie du carré final. Enfin il me rassure tout de même un peu quand il dit que c'est aussi beaucoup de bonheur. Ça, je peux beaucoup plus facilement me le représenter, et ça me fait sourire. Encore quand il dit qu'il a dû mal à se faire à ce que certaines personnes le reconnaissent dans la rue. « Oh, ça doit être chouette. J'ai hâte d'être dehors. » Rien que pour qu'il y ait des gens qui se retournent sur mon passage et se disent qu'ils m'ont vu à la télé. « Mais en même temps j'ai pas hâte, on est quand même pas si mal, ici. » Je remarque, pensive. Après tout, on a pas besoin de travailler, on peut gagner -ou perdre- de l'argent, qui de toute façon ne nous sert pas à grand chose puisqu'on est logé, nourrit et qu'on a tout ce qu'il faut à disposition, ou presque. Ça manque juste de magazines et de boutiques de fringues, mais depuis le temps, j'ai bien compris qu'on ne pouvait pas tout avoir dans la vie, je devrais donc faire avec. Si seulement on nous laisser vivre ici pour toujours, ce serait bien. On resterait ensemble, on vieillirait ensemble, on mourrait ensemble, enfin peut-être pas au même moment, mais au moins on serait ensemble, du moins jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un, qui se retrouvera forcément tout seul à la fin, hm, et ce serait le gagnant de ce jeu de la vie, en fait. Non mais il faut que j'arrête de rêver. De toute façon, Eryk me ramène bien vite sur terre en me posant des questions à propos de l'atmosphère, que je trouve assez différente depuis le prime où il s'est fait éliminé, et dans ma tête, les deux trucs sont un peu liés, peut-être pas forcément pour tout le monde, mais au moins dans mon cas. En même temps, il l'avait dit qu'on se ferait chier sans lui. « Oui, je m'en souviens. » J'affirme dans un sourire. Et donc il avait raison. En même temps, y en avait pas deux des comme lui cette saison, donc il était évident que sans lui, le nid serait différent. J'exagère beaucoup quand je parle de dépression, même en ce qui me concerne. J'ai juste été très affectée et cette semaine aura très certainement été la plus longue et pénible de toute mon aventure. Une semaine où j'ai passé mon temps en pyjama, presque pas coiffée ni maquillée, donc encore plus moche que d'habitude quand je fais des efforts. J'espère qu'il regardait pas l'émission à ce moment-là. De toute façon, peut-être qu'il ne la regardait pas tout court. Mais si ça avait été le cas, à cette période-là, il m'aurait vu avec sa veste et il se serait sans doute dit que j'étais sacrément bizarre comme fille. Et j'aurais pu ne rien dire, comme ça il ne saurait pas, sauf que je sais pas pourquoi, je me mets, ou plutôt me remets vu que je radote et que je lui en avais déjà parlé au prime, à lui parler de ça, de sa stupide veste que j'adore pourtant. Mais c'est moi sur le coup qui me sent bien stupide, en fait, parce que je sais pas m'arrêter, pourtant je me le suis dit : Jessica tais-toi, c'est bon, il en sait assez. Et finalement, j'en ai trop dit, un petit peu trop, mais trop quand même, en fait beaucoup trop surement. La gaffe. Dans une seconde de désespoir, j'imagine que peut-être il n'aura rien entendu, rien remarqué, oui, peut-être. Mais non. Il plante ses prunelles dans les miennes, il a un air tellement plus sérieux que d'habitude, ça me trouble complètement. J'en perdrais presque tous mes moyens quand il me demande s'il a raison de penser que je suis folle de lui, mais je rebondis presque immédiatement. « Quoi ? Non ! C'est... C'est pas du tout ce que je voulais dire, en fait, je... Quel heure il est, là ? Tard forcément, je suis fatiguée c'est pour ça que je commence à raconter n'importe quoi. Et je sens que toi aussi t'es épuisé, ouf ! On devrait aller se coucher, allez. » Oui bon, c'est un peu la panique à bord. Je sais pas ce que je suis sensé dire, faire ou penser. Je peux pas non plus savoir ce qu'il pense, lui, je suis pas dans sa tête. Enfin il doit se dire que je suis un sacré numéro, sans doute bien une espèce de folle, oui, de lui ou pas, peu importe. « Et tiens, reprends ta veste, ça vaut mieux. » Je dis en me levant un peu brusquement avec l'idée de sortir de la pièce en tête, lui plaquant ce qui lui appartient contre l'épaule tout en m'y appuyant légèrement le temps de retrouver l'équilibre et de décider de l'endroit où je vais aller me cacher pendant les quelques heures à venir. Ou alors je reste là et j'attends de voir ce qu'il se passe, ça peut-être bien aussi. De toute façon, j'ai le coeur qui bat tellement vite, la bouche qui devient tellement sèche, la gorge et l'estomac qui se serrent tellement forts, que je suis incapable de réfléchir correctement (déjà que c'est jamais bien brillant en temps normal).

J’ai hâte de connaître l’après Fake Lover, et à la fois pas tellement parce que je me sens plutôt ici. Mais il a raison, encore pour la deuxième fois déjà, parfois le temps peut être long. « Hm, si, on peut se faire vraiment chier par moments. » Et puis la réalité me manque un peu mine de rien. Je me demande ce qui a changé, ce qui se passe, j’ai même presque envie de lui demander mais ça me gâcherait toute la surprise. J'ai déjà passé plusieurs mois enfermée loin du monde, je peux bien attendre encore un peu. Il me demande si mes proches me manquent. « Pas trop, non. » Je réponds en grimaçant un peu. De toute façon, quand j'y pense vraiment, j'ai pas vraiment de proches au sens premier du terme. Ma mère est morte et elle me manque, évidement, mais depuis bien plus longtemps que le début de l'aventure et puis je crois avoir réussi à me faire une raison depuis le temps. Quant à mon père, disons qu'on ne s'est jamais vraiment bien entendu, alors aucun risque qu'il me manque. Mes amis et mes collègues, à la rigueur. Je ne pense même pas leur manquer, moi. Je ne pense pas être indispensable à la vie de qui que ce soit dans mon entourage le plus proche, et c'est bien comme ça. Je pense pourtant m'être attachée à quelques personnes au cours de cette aventure, et Eryk est évidement l'une d'entre elles. La première de la liste même, et bien, bien loin devant les autres. Y avait qu'à voir l'état dans lequel je me suis mise rien qu'après son élimination ou même la façon dont je le regarde, dont je me sens quand il est là. Mais c'est idiot tout ça, les sentiments, ces trucs un peu chiants que je sais pourtant bien camoufler d'habitude. Mais là je me suis un peu laissée emporter, j'ai pas su m'arrêter. Et je réagis un peu trop vivement en niant, alors que ça doit crever les yeux. Mais moi, je suis pas sûre, je sais pas, je préfère dire que non, c'est pas ça, ça à rien à voir. N'importe quoi. Et je change vite de sujet en disant qu'il se fait tard, on devrait aller se coucher. Même si je doute réussir à dormir beaucoup cette nuit. C'est que ça s'agite déjà pas mal dans ma tête. En plus, en fin de compte, je décide de lui rendre sa veste, mais j'avais tellement l'habitude de dormir avec depuis le soir où il était parti que ça va me faire tout drôle de plus l'avoir avec moi, ou carrément sur moi. Enfin c'est trop tard pour la lui reprendre des mains maintenant. Il dit que j'ai raison, il est fatigué, il pourrait même dormir toute la journée. Et quand il m'annonce que cette conversation n'est pas finie, je sens clairement que c'est le moment de m'enfuir de la chambre pour me rendre n'importe où, pourvu que je puisse me retrouver un peu seule. Dire qu'hier encore je trouvais le nid trop vide et je me sentais un peu trop seule, justement. Comme quoi, une seule et unique personne peut facilement tout remettre en cause du jour au lendemain.