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Il a eu de la peine à dormir cette nuit. Enfin, techniquement, ça ne change pas de d’habitude, sauf qu’aujourd’hui, il ne peut pas rejeter la faute sur un sommeil agité, puisqu’il s’agit simplement de stress. Oui, bien que ça ne soit pas son genre, il est nerveux. Il appréhende le prime de tout à l’heure. Ce n’est pas la première fois qu’il est nominé, mais ce soir a une saveur particulière. Il est aux portes de la finale. Son objectif n’est pas de remporter l’aventure – il sait pertinemment que cela n’arrivera pas – mais de faire partie du carré finale. Pas pour la fierté, mais pour valider sa cagnotte. Même si elle est bien maigre par rapport à d’autres, il aimerait l’avoir, cet argent, même si ça ne risque pas de l’aider plus que ça. Et puis, il y a un autre facteur de stress, habituellement il ne lutte pas contre neuf autres candidats, aux profils bien plus intéressants que le sien. Il ne se fait pas vraiment d’illusions, pour autant il ne peut s’empêcher de s’en faire. C’est stupide, il en a conscience, ce n’est qu’un jeu après tout. Quoi qu’il en soit, il est parvenu à dormir quelques heures, mais aux alentours des sept heures du matin, après s’être tourné et retourné pendant une heure dans son lit, il abdique et prend la direction de la cuisine. Le nid est désert et cela ne le dérange pas de bénéficier d’un moment de calme avant l’euphorie de ce soir. Enfin, c’est mal connaître les pouvoirs de cet endroit et sa capacité à ne jamais laisser une personne seule plus d’une dizaine de minutes, puisqu’il a à peine le temps de sortir un verre et le jus d’orange que Clémentine débarque dans la cuisine. Il sort un second verre qu’il remplit pour le donner à la jeune femme. C’est un peu leur façon de trinquer, la fois précédente pour leur sauvetage à l’issue de leur nomination respective. Et cette fois-ci, pour la demi-finale. Il est un peu en retard, mais il n’a pas eu l’occasion de la croiser avant aujourd’hui. « À nos places en demi-finale. Un peu en retard, je te l’accorde. » Il tend un verre à Clémentine, tandis qu’il garde le sien en mains, légèrement tendu, afin de trinquer dès qu’elle se sera saisie du sien. C’est qu’il veut faire les choses biens, hm. Il ne se voyait pas arriver jusqu’ici, il ne sait pas pour sa partenaire, mais il a bien envie de fêter cela depuis la semaine précédente. S’il n’était pas aussi tôt et qu’il ne s’était pas promis de ne pas retoucher à l’alcool, il aurait même fait un cocktail. « Tu appréhendes le prime ? » Non, il n’a pas du tout envie de trouver quelqu’un dans le même état que lui, absolument pas. Il réalise bien vite que ce n’est pas le sujet qu’il veut mettre sur le tapis, il vaudrait mieux qu’il se change les idées plutôt que d’enfoncer le couteau dans la plaie. « Tu retiens quoi de cette aventure ? » Voilà, ça c’est un meilleur sujet. Et puis, l’heure est au bilan.

Il accueille Clémentine avec un verre de jus d’orange, référence à la façon dont elle avait fait de même il y a deux semaines, pour ‘’fêter’’ cette fois-ci leur sauvetage à l’issue de nominations particulièrement serrées. Cette fois, pas de sauvetage en vue, mais une place en demi-finale. Tout peut s’arrêter ce soir, mais ils peuvent être fiers de leur parcours respectif. Il a un peu de retard dans les célébrations, c’est vrai, mais c’est l’attention qui compte. Il finit par lui parler du prime, lui demandant si elle ne l’appréhende pas un peu. Au fond, il a besoin de savoir qu’il n’est pas le seul à angoisser pour cela, mais la jeune femme met un terme à ses espoirs. Il vaudrait mieux lui reposer la question le soir-même. « C’est noté. » Il dit plus cela pour ne pas rester silencieux, sachant qu’il aura probablement oublié ce point-là de leur conversation d’ici ce soir. Il a une mémoire sélective, malheureusement. Clémentine lui dit ensuite qu’ils peuvent s’attendre au même panel de réactions. « Oui, c’est vrai. Sauf que toi, tu as Hadrien. » Et ça rend les choses tout de suite différentes, à ses yeux. Parce qu’elle, elle a quelqu’un sur qui compter, quelqu’un qui va l’épauler et dont elle est certaine de ne pas perdre l’affection. « Ce n’est pas pour autant que je me réjouis de ce moment. » Et par ce moment, il entend bien évidemment la révélation de son secret, ou plutôt, de la seconde partie de son secret. Le fait de savoir qu’elle et Hadrien risquent de supporter le même genre de réaction que lui n’est pas pour l’apaiser. Au contraire, ils ont l’air bien plus à l’aise que lui. Ceci dit, ils n’ont jamais vraiment parlé de cela entre eux, il ignore beaucoup sur elle tout comme elle ignore beaucoup sur lui. Il préfère lui demander ce qu’elle retient de cette aventure, un sujet bien moins délicat que le prime. La première partie de sa réponse l’intrigue. On ne peut pas plaire à tout le monde, c’est un fait. « Tu en doutais ? » Il ne dit pas cela comme une critique, simplement il s’imagine qu’elle avait déjà pu comprendre que c’est impossible de faire l’unanimité, alors elle l’a rendu curieux, il doit l’admettre. Elle continue ensuite avec une réponse qui pourrait tout autant s’adapter à sa situation. Il aimerait bien y croire autant que Clémentine, mais c’est impossible. Il se contente simplement de hocher brièvement la tête pour lui faire comprendre qu’il a enregistré sa réponse, avant de porter le verre à ses lèvres tandis qu’elle lui retourne la question. Il marque un temps d’arrêt. Au final, il retient bien moins de choses qu’elle, c’est un triste constat. « Je ne suis pas totalement un inadapté social, c’est bon à savoir. » C’est la première chose qu’il retient, probablement la plus importante. Il est venu ici pour deux raisons, l’argent et la possibilité de se prouver qu’il n’est pas totalement réfractaire aux autres et à l’idée de tisser des liens avec eux. Ça semble avoir fonctionné. Et puis… c’est tout. Il retient d’autres choses, c’est certain, mais rien qui n’influencera sur sa vision de la vie. « Tu penses garder contact avec les autres ? » Et dans les autres, il élimine d’office Hadrien, cela va de soi.