Depuis qu'elle partageait sa tante avec Simone, leur complicité s'accentuait au fil des jours. Cela se voyait. Elles lavaient leur linge ensemble, faisaient la cuisine aussi et parlaient beaucoup entre elles. Cela fait un moment qu'elle ne s'était pas liée à une fille à cause de son travail et aussi peu de temps. Il était vrai que l'enfermement était un accélérateur de relations. Ces deux-là ne se quittaient presque plus. Ariadne se sentait plus à l'aise en la présence de la blonde. Alors qu'un climat de confiance s'était instauré entre elles, il leur arrivait de se lâcher plus facilement en la présence de l'autre. Il faisait chaud aujourd'hui, donc elles avaient décide de passer l'après-midi près du lac. Histoire de se rafraîchir. Aussi impressionnant que cela puisse être, il n'y avait presque personne. Elles étaient tranquilles au moins. Pour le moment. Elles se déshabillèrent, déposèrent leurs vêtements en tas et coururent vers le lac à toute allure. Elles se baignèrent en sous-vêtements, pataugèrent longtemps dans l'eau. L'eau était bonne et elles en profitaient le plus possible. Une fois la baignade terminée, elles se séchèrent tranquillement au soleil. Leurs rires résonnaient. Les effusions de joie se faisaient sentir. Ariadne était en bonne compagnie. Une idée lui traversa l'esprit. Un sourire amusé naquit instantanément sur ses lèvres roses. « T'as une chanson que t'adores chanter ? », lui demanda-t-elle avec malice. Une chanson qu'elle aime chanter à tue-tête, sous sa douche quand personne la regarde. Cela nous était arrivé à tous. Comme il n'avait aucune musique aux alentours, pourquoi pas la faire soi-même.

Il était tout de même étonnant que d’une simple discussion fortuite, il en avait découlée l’une de mes plus belles rencontres dans le jeu jusqu’à présent. Être tombée sur Ariadne dès mon entrée dans les abysses, c’était comme si Cupidon m’avait fait un petit cadeau. Car, étonnement, alors que j’étais peu encline à me lier facilement avec des demoiselles, celle-ci faisait exception à la règle. Les discussions coulaient aussi aisément qu’un fleuve tranquille, sans accroche ni bévue. On nous apercevait souvent qui traînaient l’une avec l’autre, nos camarades ne s’étonnant même plus de nous voir ensemble. En fait, c’était plutôt l’inverse qui détonnait. Il faut dire qu’en plus de partager notre tente, la lessive et les repas se faisaient conjointement, ce qui rendait ces tâches moins pénibles, à mon humble avis. Ça faisait du bien, d’avoir quelqu’un avec qui trainer, parmi cette foule d’étrangers (même si, techniquement, Ariadne faisait aussi partie du lot). La semaine avançait à bon rythme, et en cet après-midi ensoleillée, nous avions décidés de profiter du lac. Une petite baignade improvisée qui me donna le moyen de me détendre tout en m’amusant, vu les rires qui fusaient de part et d’autres de notre duo. Véritablement, la bonne entente était au rendez-vous entre nous deux, potentielles candidates dans cet univers télévisuel.  Et cette diversion temporaire me permettait d’oublier, justement, pourquoi nous étions coincés en plein cœur de cette forêt. L’attente me préoccupait, mais la présence d’Ariadne me distrayait suffisamment pour chasser de mon esprit mes inquiétudes sur mon futur à Fake Lover. Alors que nous étions posés sur le bord du lac, le soleil asséchant nos peaux et nos vêtements trempés, la jeune femme se tourna vers moi, un rictus au visage. Elle me demanda s’il y avait une mélodie que j’aimais bien chantonner. « Ça dépend. Je me refais l’intégrale de meilleures chansons de Queen quand je me balade en voiture. Sinon… » Et je baisais la voix, comme si je m’apprêtais à lui dévoiler l’un de mes plus grands secrets. « Il m’arrive de me laisser tenter avec la vieille pop quand je suis dans la douche. »  Pas question de faire ça en public, je n’avais pas envie de m’humilier. Je gardais ces couplets des Backstreet Boys ou des Spice Girls dans le domaine du privé. J’avais beaucoup trop honte pour les apprécier en toute liberté. D’autant plus que ça ne cadrait vraiment pas avec l’image que je souhaitais laissée paraitre de ma personne. Intriguée par cette question, je relevais un sourcil inquisiteur, jugeant du regard ma camarade pendant un instant. « Pourquoi me poses-tu cette question? » Que pouvait-elle bien avoir en tête? Voulais-je réellement le savoir?

L'entente et la convivialité étaient indéniables. Nous avons tout de suite accrochés. J'y voyais presque un signe. Un signe que l'aventure n'allait pas être aussi désagréable que je ne le pensais. Nous passions quasiment notre temps, bras dessous bras, complices et enjouées. Je n'avais pas l'aisance de certains à se sociabiliser rapidement. Mais avec elle, cela avait collé tout de suite. Nous nous sommes accordés une baignade en plein cagnard pour se rafraîchir. Nous nous dorons au soleil tranquillement quand je l'interrogeai sur ses goûts musicaux. Celle-ci me cita Queen, puis m'avoua que ça lui arrivait de chanter de la vieille pop sous la douche. Comme tout le monde, je suppose. Elle devina à ma tête que j'avais une arrière-pensée. Elle avait raison. L'air de rien, je commençai à chantonner. « I want to break free. » Je regardai la blonde et lui fit un clin d'oeil, sûre que cette chanson lui plairait beaucoup. Je me levai, me servis de mon poing comme micro et entonna la suite avec d'autant plus de conviction.  « I want to break free. » Je riais entre les paroles, ne me prenant pas de tout au sérieux. La situation était des plus invraisemblables, mais je prenais mon pied. J'en oubliais presque les caméras autour. Je baissai légèrement pour attraper les mains de ma binôme et la fis tournoyer. « I want to break free from your lies/You're so self satisfied I don't need you. » La mélodie coulait de source. Cette chanson était une des plus connues du répertoire des Queen. En hommage à ce cher Freddie. Je ne quittai pas du regard Simone, en sautillant autour d'elle. « I've got to break free/God knows, God knows I want to break free. » J'éclatai de rire, puis tendis le micro imaginaire à mon amie. A son tour de nous faire un show. Toujours ayant la mélodie dans la tête, je continuai à fredonner tandis que la jeune femme prenait le relais.

Spoiler:

Si la chance était de notre côté, ce que j’espérais, Ariadne et moi ferions partie de cette aventure, et cette éventualité me faisait presque rêver. À vrai dire, je n’avais jamais songé me lier d’amitié avec quelqu’un à ce stade-ci de l’aventure. Alors que rien, encore, n’était officiel. Il fallait tout de même voir le bon côté des choses, si cette dernière s’arrête abruptement, dimanche : je repartirai d’ici avec une nouvelle amie. C’était la moindre des choses, et c’était loin d’être négligeable, quand on y pensait. Complice, je devinais sans peine la direction que ma camarade s’apprêtait à prendre, alors qu’elle me questionnait, presque insouciante, sur mes goûts musicaux. Heureusement, je n’avais rien avoué de trop honteux. Freddie Mercury et son groupe étaient tout simplement mythiques, je n’avais pu les ignorer, puisqu’il m’accompagnait dans chacun de mes déplacements. Encore quelque chose que mon père m’avait transmis, cet amour de Queen. Dieu merci, je n’avais pas hérité des goûts douteux en matière de musique de ma mère. Sans commentaire. Voilà qu’Ariadne se met à pousser la chansonnette sur un air bien connu, sinon LE plus connu de tous. Un choix tout à fait de circonstance, en y songeant bien. Je la regardais s’affairer, riant avec elle à chaque fois qu’elle ouvrait la bouche pour pousser la note. Il n’y avait rien de sérieux dans tout ceci, encore moins alors qu’elle me forçait à me lever pour me faire tournoyer, avant de se laisser porter par la musique, s’énervant à mes côtés, me soutenant du regard afin que je ne l’abandonne pas dans ce délire qu’elle se tapait toute seule. J’hésitais, un instant… mais bien vite, je décidais de me laisser prendre au jeu. Délaissant son micro imaginaire, j’attrapais la première chose à me tomber sous la main, à savoir mon soulier, puis entrait en action. « I’ve fallen in love. »  Je possédais bien des talents, mais malheureusement pas celui de chanteuse, même si ma voix était loin d’être agressante. Disons qu’elle n’était pas totalement à point.  « I’ve fallen in love for the first time, and this time I know it’s for real. » Théâtralement, j’attrapais sa main, comme pour lui chanter la pomme, riant tout autant qu’elle, ménageant tous les efforts pour conserver mon sérieux. En vain. « I’ve fallen in love, yeah/God knows, God knows I’ve fallen in love. » Il lui revenait à elle de poursuivre sur notre incroyable reprise du succès de Queen. J’espérais que Freddie ne se retournait pas dans sa tombe. Ce n’était pas si terrible, non?