Papillons de nuit. (13 mars)

Des ombres passaient devant mes yeux, elles se superposaient et virevoltaient avec une certaine grâce. Je tentais avec un acharnement vain de les faire disparaître. C'était la bataille de toute vie, une guerre contre l'insomnie. Depuis aussi longtemps que je m'en souvienne, j'avais toujours eu des problèmes pour m'endormir. Et ils persistaient encore aujourd'hui. Je pense que c'est plus pour des raisons psychologiques que biologiques. Je n'ai jamais aimé dormir, je n'ai jamais aimé l'idée même que l'on puisse perdre partie conséquente de sa vie à ne rien faire, à ne penser à rien, à dormir seulement. Non, le sommeil ne m'aimait pas, et je n'aimais pas le sommeil. Comme ça au moins, c'était clair. Limpide même.

Plus la peine de batailler, ma nuit était terminée. Mais ça ne m'affolait pas, j'en avais l'habitude. Je m'en tirerais avec de grandes cernes violacées le matin venu, et quand bien même ? Je n'étais pas venu pour être belle ou pour faire plaisir aux téléspectateurs en apparaissant avec une mine resplendissante. Certes, ça m'emmerderait de passer à la télévision avec une tête de zombie, mais qu'est-ce que je peux y faire, sérieusement ? Je me levais donc de mon lit sans faire attention à mon partenaire et m'habillais d'un jean et d'un pull plutôt grand possédant de longues manches dans lesquelles je cachais mes mains. Puis, je me dirigeais directement vers le balcon. Là, je m'accoudais à la rambarde en allumant une cigarette, le regard dans le vide. Quelques secondes seulement après la mienne, quelqu'un fit son entrée. Je regardais le candidat par dessus mon épaule. Elyan. Je devais être la seule dans cet hôtel à avoir la mémoire des prénoms. « Insomniaque. Toi aussi ? »

Un coup de coude, deux, trois, j'en avais marre, j'ouvrais les yeux, balançais la couverture par dessus mon corps et sortais du lit. J'enfilais la même tenue que la vieille qui se trouvait au pied du lit, j'y ajoutais cependant une grosse veste moelleuse et je sortais de la chambre, à pieds nus dans le couloir, je crus apercevoir une ombre bouger sur la balcon, je sursautais avant de me rendre compte que je pouvais trouver un candidat à chaque coin d'ombre de la maison et à n'importe quelle heure. Je poussais la porte fenêtre pour me rendre à l'extérieur, un frisson parcouru tout mon corps, il faisait froid en fait, encore à cette saison, je n'imaginais pas la saison précédente qui avait dû courir dans le jardin par moins dix, ils étaient dingues d'avoir passé cette saison là, si j'avais pû choisir, j'aurais sans contexte fait la première saison qui c'était déroulé durant un été. Magnifique. Je détestais le froid, j'étais repartis en trombe dans la chambre pour prendre mes chaussures avant de me pointer sur le balcon où Sigride se tourna vers moi, me demandant si j'étais moi aussi insomniaque. Je hochais la tête avant de répondre « J'ai une partenaire qui me prends pour un punching ball la nuit, elle est dingue » Elle bougeait trop pour moi, elle m'avait réveillé bien trop tôt mais je pourrais alors apercevoir le soleil se lever. Je m'approchais du bord pour regardait la vue qu'on nous offrait, la piscine .. « Je ne suis pas sûr d'y mettre les pieds un jour là bas » Je regardais la jeune femme et lui sourit doucement, ne lui demandant pas ce qu'elle faisait là à cette heure, elle avait donné la réponse dans sa question.

A ma question, il hocha négativement de la tête. « J'ai une partenaire qui me prends pour un punching ball la nuit, elle est dingue. » Sa remarque me fit sourire. Visiblement, sa partenaire était tout le contraire du mien qui, une fois qu'il était couché, ne bougeait plus de la nuit. Pas même un orteil ou une oreille, rien, il était immobile. « Assomme-là. » lui lançais-je en souriant. « Mon partenaire c'est tout le contraire. J'ai l'impression de dormir avec un cadavre, il ne bouge pas d'un cil. Je vérifie qu'il respire toutes les deux heures environ, il me fait peur. » C'était la réalité en plus. Il entrait presque en léthargie, et c'était perturbant. Bon, ceci dit au moins moi il ne m'embêtait pas en gesticulant sans cesse, comme Sheelah semblait le faire avec Elyan. « Je ne suis pas sûr d'y mettre les pieds un jour là bas » Suivant son regard, je baissais les yeux vers la piscine. Un coup de vent vient me cingler le visage. Je regardais mon interlocuteur en lui adressant un sourire presque imperceptible. « Hum, à la réflexion là tout de suite ça ne me donne pas envie non plus. »

A ma réflexion, Sigride m'ordonna le fait de l'assomer, je ne pu que rire légèrement avant de m'asseoir sur le rebord du balcon, l'écoutant me parler de son partenaire qui ne bougeait pas et ressemblait à un cadavre, j'arquais un sourcil et déclarais « Je ne sais pas ce qui est le mieux, prendre des coups ou s'inquiéter à tout vas pour un parfait inconnu froid et sans vie ... On pourrait les mettre ensemble » Concluais-je alors sur un ton des plus comiques. A la réflexion que je portais, Sigride jeta un regard vers le bas, m'indiquant qu'elle n'en avait pas non plus envie, là de suite, ce n'était pas pour elle « Je ne suis vraiment pas fan de la piscine ... Si je te révèle un secret, tu le gardes pour toi? Pas que je doute que tu ne puisses pas garder un secret, après tout nous sommes tous là avec un secret à garder ... Je parles trop » Nerveux ou pas, j'avais cette sale habitude de ressembler à une vraie pipelette, je ne me contentais jamais d'un mot ou deux, sauf si la personne avec qui je parlais n'étais pas porté dans mon coeur. « C'est plus simple de faire connaissance avec quelqu'un d'autre que son partenaire ... c'est fou, on est presque intime et je préfère de loin ta présence à la sienne » Je descendais doucement de la rembarre pour venir glisser mes fesses sur un petit fauteuil.

Après m'avoir patiemment écouté en s'asseyant sur la rambarde du balcon, Elyan proposa de mettre nos partenaires ensemble, ce qui en réalité me semblait être une bonne idée. Les coups de Sheelah ne dérangeraient pas Phoenix qui pourrait hiberné paisiblement sans que personne ne s'inquiète pour lui. « C'est une idée ! Une très bonne idée ! Mais alors pour ça il faudrait qu'on dorme ensemble, et j'espère que tu bouges un peu quand tu dors, mais pas trop, que tu n'as pas les pieds aussi froid que des glaçons sinon faudra dormir en chaussettes, que tu ne n'es pas du genre à entrer dans des longs monologues pendant ton sommeil et surtout, que tu ne ronfles pas. Sinon je risquerais d'avoir envie de t'étouffer toutes les deux minutes. » Dis-je en souriant, consciente de passer pour la fille la plus exigeante qu'il puisse exister. Peu après, Elyan exprima le désir de me révéler un secret, certainement en rapport avec notre discussion sur la piscine. Il paraissait confus, et il en devenait presque attachant. « Si tu parles trop, alors moi … Alors moi je parle cent fois trop. Mais ceci dit, oui je sais garder des secrets. Tu ne sais pas nager ? » J'avais lancé ça au hasard le plus total. J'étais comme ça. A faire des suppositions non fondées, à ne pas craindre le ridicule la plupart du temps.

Elyan descendit de son perchoir et y préféra un fauteuil, certainement plus confortable. Se faisant, il m'expliqua qu'il s'entendait mieux avoir moi qu'avec sa partenaire, et je le mimais, prenant place en face de lui. « C'est vrai. J'ai du échangé trois ou quatre mots avec mon partenaire, pas plus. Alors évidemment, c'est réciproque, après à peine quelques minutes partagées, je me sens déjà plus proche de toi que de lui. » Je me rendis soudain compte que j'avais complètement oublié ma cigarette qui s'était presque entièrement consumée. Mon étourderie me fit sourire et je la jetais dans un cendrier. « Pour en revenir à ta partenaire, lors de la première soirée, ta confusion à cause de son prénom m'a fait mourir de rire. »