Je suis allongé de tout mon long. Parfaitement linéaire, tel un i couché, je respire profondément sur les tapis confortables. Cette salle respire la zen attitude et je suppose qu’elle porte décidément bien son nom. Quelques minutes avant, j’avais appuyé sur les boutons pour qu’un fond sonore m’accompagne dans ma relaxation. Au bruit des vagues et de la brise marine, je tentais de tempérer et calmer mon souffle. Seulement vêtu d’un jogging et d’un t-shirt échancré, je tentais de faire le vide dans ma tête. Mes paupières closes, je laissais mon cœur battre plus lentement, mon souffle ralentir. Je me concentrais sur le bruit des vagues tantôt violentes tantôt douces et reposantes. Ma respiration devenait de plus en plus régulière et on pouvait le constater en voyant mon thorax se gonfler et se dégonfler au fur et à mesure de mes respirations. Mes muscles tendus devenaient de plus en plus souples et relaxés. J’étais quelqu’un qui de très nerveux, j’avais besoin de faire le vide de temps à autre au risque d’exploser. J’entendis alors un son m’indiquant que quelqu’un venait d’ouvrir la porte de la salle et je sentis bien vide les tapis s’affaisser sous le poids d’un autre candidat. Mes paupières se rouvrirent aussi, mes billes fixant le nouvel arrivant. Un type qui faisait partie de mon campement durant notre passage dans les abysses, et donc de mon équipe. J’étais suffisamment relaxé pour ne pas le tuer du regard pour m’avoir dérangé ainsi dans ma demi-heure de plénitude. Je risquai même une petite plaisanterie. « Envie d’une balade en mer ? » je demande, refermant mes paupières, toujours allongé, sans trop prêter attention à ce qu’il pouvait bien faire. Le bruit des vagues devenait de plus en plus intense et violent. « Je te dois te prévenir, on est pas à l’abri d’un naufrage imminent. » Mes yeux se réveillent à nouveau et je le cherche du regard. Mes prunelles le trouvent alors. « Prénom ? » je demande comme un roi demanderait à son sujet qu’on lui mette des raisins en bouche. Parfois, j’étais trop fainéant pour y mettre la forme.

Il y avait toujours trop de monde. Où que j'aille, il fallait qu'il y ait au moins deux personnes occupant une pièce et si la conversation était toujours plus simple lorsque je me retrouvais en tête à tête avec quelqu'un, il était évident que je ne supportais pas vraiment les conversations de groupe. Je ne pourrais pas bien vous en donner les raisons, simplement que lorsque trop de monde était englobé dans une conversation, j'avais rapidement tendance à m'effacer et à perdre le fil. Je n'aimais pas m'imposer, d'ailleurs, je n'étais de base pas quelqu'un de particulièrement encombrant. On pouvait clairement affirmer que dans un groupe, je perdais tous moyens et charisme, si bien que j'en devenais presque transparent. Evidemment que j'avais un avis sur tout ce qui m'entourait, qui n'était pas du genre à juger ? Simplement, je préférais le garder pour moi, du moins lorsque ça ne me concernait pas. Alors voilà, dans un groupe, je ne me sentais plus concerné. Parce que je n'avais jamais réellement eu l'impression de faire partie d'une quelconque société, comme ci celle actuelle m'avait rejeté. En réalité, c'était plus ou moins moi qui m'était mis en retrait. Par chez moi, je ne croisais pas beaucoup de monde, et ne fréquentais que les personnes que je connaissais depuis un moment, soit des amis d'enfance. Je n'avais jamais eu l'impression d'avoir besoin de plus, du moins jusqu'à aujourd'hui. Jusqu'à cette émission. J'étais là pour évoluer, comme la plupart des autres candidats. Mais pas aujourd'hui, non, ce jour là, j'avais simplement besoin de calme. Alors, c'était en direction de la salle zen que je m'étais naturellement dirigé. Poussant la porte, j'avais bien vite remarqué Istvan, soit l'un des seuls candidats à qui je n'avais pas parlé, mais dont le nom m'avait marqué. Merci les abysses. Il ouvrit d'ailleurs bien vite les yeux alors que les miens s'ancraient dans ceux ci. Il plaisanta, mes lèvres tentèrent de s'étirer, en vain. « Je suppose qu'à ce moment, ça sera à toi de prendre la situation en mains, capitaine. » repris-je à demi-amusé tout en prenant place à même le sol. « Clarke. » un capitaine qui ne connaissait même pas les prénoms de ses matelots, pas franchement glorieux tout ça. « Tu l'as vécu comment cette semaine en tant que capitaine ? » repris-je finalement curieux en posant mon dos contre l'un des murs, tant pis si je passais par dessus bord.

J’attendais qu’il me balance son prénom. Les vagues semblaient de plus en plus déchaînées dans la salle zen et je m’entêtais à essayer de remettre la main sur son prénom. Je l’avais au moins entendu une fois, c’était évident.  J’avais été son chef d’équipe mais il m’était impossible de revenir dessus. Tant pis, il me le dirait bien assez tôt. J’avais parlé d’un éventuel naufrage et tandis qu’il prenait place au sol à mes côtés, il me fit remarquer que je devrais prendre les choses en main si un naufrage était imminent. Je sens très bien qu’il insiste sur la notion de capitaine, référence à mon présupposé leadership de la semaine dans les abysses. Ca me fait plus sourire qu’autre chose. Il me confie alors enfin son prénom et je tente alors d’imprimer l’information dans mon crâne, associant son visage à ces quelques lettres. Je distingue alors pour la première fois la couleur de ses yeux. Je le détaille sûrement trop longuement et il remarque mon insistance sur le haut de son visage. « Tes yeux m’intriguent. Je ne suis pas le pro des compliments alors ça vaut ce que ça vaut mais je trouve ça super beau. » C’était dit. Les yeux vairons, je trouvais ça tout simplement déstabilisant et sublime. C’était la première fois que je rencontrais quelqu’un en chair et os qui en avaient. Ma journée était faite. « C’est quoi comme association de couleurs ? » J’avais envie de dire bleu et rouge mais il ne pouvait définitivement pas avoir les yeux rouges. Ca devait être le brun, influencé par le bleu, qui donnait rouge. Il revient à mon statut de leader. Je ricane alors. « C’est juste pas pour moi. » Clairement pas,  prendre soin des autres, veiller sur eux, non merci. J’ai déjà du mal à me gérer moi-même, ce n’est pas pour devoir être responsable d’une ribambelle de candidats. « Je suppose que ca s’est vu. » Je glisse alors, affichant un sourire au candidat. « Parle-moi de toi. » Je souffle, en me reposant sur le sol, mains derrière la nuque.

On ne pouvait pas dire que le candidat avait brillé par son rôle de capitaine, puisque celui ci n'avait presque pas été aperçu dans les abysses, et que même d'autres avaient du prendre la relève concernant les tâches à réaliser, notamment la répartition des tentes. Personnellement, je m'en fichais, ça ne m'avait pas empêché de vivre ma vie dans le campement, et puis de toute façon, tout ceci était derrière nous maintenant, et il était évident que je n'avais aucunement envie de repenser aux abysses. Je ne savais même pas comment j'aurais réagi si j'avais moi-même été désigné pour être capitaine d'équipe. Je n'avais pas ça dans le sang, non, à vrai dire je détestais les groupes de manière générale. Le tatoué finit par me rappeler à la réalité lorsqu'il me demanda quelles étaient les associations de couleur... de ? Oh, mes yeux. « Bleu clair et marron. » repris-je avant d'ajouter « Certains y voient du rouge. Ça a tendance à les mettre mal à l'aise. Tu peux y voir ce que tu veux. » Il n'y avait pas de couleur imposée après tout, la normalité étant subjective. Peut-être même y verrait-il d'autres couleurs, je n'en savais rien. Mes yeux restaient un sujet de questionnement constant, auquel je devrais assister toute ma vie apparemment. Malgré moi, j'en revenais à évoquer son rôle de leader, et celui ci me confiait que ça n'était pas pour lui et que ça avait probablement du se voir. « Oh, très peu. » ironisais-je en le comparant mentalement à Claudia. On pouvait clairement dire qu'il s'était fait écraser pour le coup. « C'est une autre semaine. » finis-je par conclure pour lui signifier que tout le monde avait probablement déjà oublié ce détail. Pas moi, mais comme je vous le disais, ça n'était pas mes affaires après tout d'autant plus que je n'avais aucune raison d'en vouloir au blond. Cinq cent euros, ça ne changeait pas une vie. Il voulait maintenant que je lui parle de moi, alors que j'avais déposé mon menton sur mon poing, assis en tailleur. « Il n'y a pas grand chose à dire. » Je le pensais, si je commençais un monologue sur ma personne, il risquait fortement de trouver ça barbant. « Je t'ennuierais, crois moi. » un léger sourire étira mes lèvres alors que mes prunelles parcouraient les bras du candidat. « T'en as beaucoup ? » De tatouages. Il était probablement l'un des seuls à en posséder ici. Enfin, j'en avais un sur la cheville, mais bien comparé aux siens.