+@IMMA

Tout mon corps était en suspension, comme si la minuterie de la machine à lavée suffisait à me maintenir en vie, avec juste assez de pression et de suspens pour accaparer toute mon attention. Et si mon regard ne semblait plus vouloir quitter ces quelques barres rouges défilant sous mes yeux, il n'en était rien de mes pensées. Oui, elle étaient ailleurs, dessinant un néant juste sous me prunelles, là, j'aurais pu le toucher si j'en avais eu le courage. Mes vêtements roulaient encore et encore alors que je ne portais qu'un débardeur et un pauvre pantalon quelque peu troué. Je ne savais même plus s'il était censé l'être, ou si c'était nouveau, si je m'étais accroché quelque part. Tant pis, je le portais tellement peu de toute façon que j'estimais la réponse sans réelle importance. A vrai dire, je ne me souvenais plus vraiment d'où provenaient la plupart de mes affaires. En général, je ne portais que des vêtements confortables, pas franchement élégants, encore moi remarquables. Des pull, tee shirt, pantalons banals. Il n'y avait rien à dire de plus et aucun autre mot pour les décrire, mais je me plaisais dans ma cape d'invisibilité, la plupart du temps. Je marchais souvent les yeux rivés vers le sol, pour n'avoir à croiser le regard de personne. Je savais que je pouvais aisément les mettre mal à l'aise, comme si j'étais un monstre, et que mon regard en disait plus long sur moi-même que toute ma personne. C'était peut-être vrai. Peut-être n'en avais-je pas conscience. J'en doutais. Aussi, je restais là presque hypnotisé par cette machine, pas réellement dérangé par le bruit. J'avais probablement connu pire. Et puis finalement, une autre personne poussa la porte, ce qui me tira de mes songes le temps d'un regard. C'était Imma. Je me souvenais qu'Akela avait qualifié notre précédente conversation "d'inutile" mais je n'étais pas d'accord. Pas plus que le fait que j'avais fait exprès de la rejoindre dans la douche puisque ça n'était pas le cas. Je n'étais pas de ceux qui osaient ce genre de choses, mais il pouvait bien penser ce qu'il voulait de moi, de toute façon. « Je ne suis pas très présentable, désolé. » furent les premières paroles qui réussirent à sortir de mes lèvres, sans que je ne sache réellement pourquoi. Je l'étais probablement déjà plus que lors de notre première rencontre. Un peu plus habillé, du moins.

Imma ne râle jamais, même pas devant les tâches ménagères. C’est qu’elle a l’habitude d’en exécuter souvent chez elle pour aider ses parents et puis elle fait tout de même la vaisselle comme métier. Il ne faut pas être une râleuse pour faire la vaisselle contre salaire. Ce n’est pourtant pas ce qu’elle compte faire ce matin, non, elle doit laver ses vêtements. Un impératif pour quelqu’un comme elle, n’ayant pas forcément prévu une garde-robe pharamineuse pour l’aventure. C’est qu’elle n’avait même pas eu l’idée d’intégrer l’aventure à un moment donné – trop fou - ou tout du moins si elle y avait pensé, elle se voyait rester une ou deux semaines. Pas plus. C’est alors avec un panier de linge rempli entre ses bras qu’elle entre dans la laverie. Dans son panier, elle a aussi un petit paquet emballé de papier d’aluminium. C’est qu’elle a à peine mangé au matin et la faim se faisant ressentir, elle avait fait un crochet par la cuisine. Une banane coupée en morceau, deux morceaux de brioche. Pour s’occuper durant le lavage. Son panier resserré contre elle, son pas non assuré, ses yeux se posent immédiatement sur Clarke déjà présent dans la pièce. Elle le regarde, tout simplement parce qu’il ne la regarde pas. Alors lorsqu’il la regarde, elle détourne ses yeux pour s’attaquer à ses affaires. Elle pose son panier, son paquet sur une machine plus loin. Elle a honte en fait, honte de ce qu’il s’est passé dans la douche, de son petit spectacle ridicule. Pour autant, elle n’a pas envie de l’effacer de l’histoire. C’est que sans ça, ils ne se seraient peut-être jamais parlé, n’aurait pas partagé un truc. Ce qui fait qu’entre eux pourtant, c’est embarrassant. Et ce qu’il lui dit est assez étonnant, c’est qu’elle ne s’attendait pas à ça. Il n’est pas présentable. C’est lui qu’il le dit, pas elle. « Ca importe peu. » Elle souffle, en haussant les épaules. En vérité, il serait habillé d’un sac poubelle qu’elle n’aurait pas réellement prêté attention à ça. Ce n’est pas de la négligence à son égard, c’est simplement qu’elle ne juge pas. « Je suis pas la reine d’Angleterre » Elle ajoute, dans un mouvement d’épaule. Elle dit ça, pour ne pas dire qu’elle n’est rien. Alors il n’a pas besoin de s’habiller comme un lord pour être avec elle ou elle ne sait ce qu’il entend par présentable. D’ailleurs cette idée la fait sourire et comme à son habitude, son sourire la gêne. Alors elle bouge sa tête, elle la baisse sur ses affaires, qu’elle prend dans ses bras pour les mettre dans la machine. Et puis elle regarde son paquet. Elle se mordille la lèvre, avant de souffler sans vraiment le regarder. « Tu as faim ? » Elle l’ouvre pour lui montrer ce qu’il y a dedans. En fait elle veut détourner la conversation.