@Maha

J'ai cette chanson dans la tête depuis que je me suis réveillé et j'arrive pas à m'en défaire. C'est pas trop grave parce que je sais que ça va passer, puis je suis pas de trop mauvais poil, mais c'est un peu chiant à la longue. En plus je suis presque sûre que j'ai à peine dû en rêver pour que ça me reste et que ça tourne en boucle mais je me souviens pas du tout du rêve, et c'est peut-être ça qui m'agace le plus. Je saurais sans doute jamais si j'étais un des gros aliens gluants et moches, ou si j'étais dans la peau du chien ou de Will Smith, ou si ça avait rien à voir avec les hommes en noir et que j'ai juste la chanson qui m'est venue comme ça. Je sifflote le générique partout ou je vais depuis que j'ai les yeux ouvert. Dehors pour mon petit footing, dans la cuisine en avalant de manière pas du tout raffinée mon espèce de mélange milk-shake à la  banane, avec de l'oeuf, du bacon, du lait et des céréales -c'est délicieux même si ça en a pas l'air comme ça- en me rasant et surtout sous la douche. Je m'arrête même pas quand quelqu'un débarque, pas même la brunette. En plus la salle de bain c'est une pièce magique parce que partout ailleurs je chante comme une casserole mais ici j'ai l'impression que j'ai une voix en or, digne des plus grands chanteurs qui ont pu venir séjourner ici. Sauf que c'est évidement qu'une impression et ça s'arrange pas quand je commence à rapper, vraiment de pire en pire. Heureusement le ridicule ne tue pas, ni les regards assassins des autres. Je termine de me rincer, je chope une serviette pour me sécher et je m'approche de la demoiselle en dansant presque aussi bien que quand j'avais vingt ans. Je fais exprès de la bousculer un peu. J'attrape sa petite main dans ma grosse patte. « Here come the men in black, nanananana-naaa. Vas-y chante poupée. Here come the men in black... » Je tente de la faire tourner sur elle-même, mais pas sûr que ce soit une excellente idée de la solliciter autant dès la matin, en plus elle s'est peut-être levée du mauvais pied et je suis bien parti pour me faire rembarrer, moi. Mais c'est quand même pas de ma faute si je suis de bonne humeur et que j'ai cette vieille chanson dans la tête.

Je n'arrive pas à émerger. Je débarque dans la salle de bain, innocement, prête à me brosser les dents, pour bien commencer ma journée mais je crois que le destin en a décidé autrement et que je n'ai pas vraiment le choix. Cecil fait son show. Je me fais emportée un Cecil qui est de bonne humeur et commence à me pourrir avec sa chanson là. Je sens que je vais l'avoir dans la tête mais parce que je suis de nature généreuse, je m'abstiens de faire toute remarque qui pourrait le couper dans son élan. Sauf que le senior a bien décidé de faire des vagues et de perturber ma matinée. Il me bouscule, je me contente de rouler des billes bien décidée à lui faire comprendre mon agacement. Finalement, il ose même se saisir de ma main pour me faire virevolter là où il veut et je dois chanter. Non mais ça va pas ou quoi. « T'es sous acide ou quoi ? » je demande alors tandis que je me laisse faire, tournant délicatement sur moi-même entraînée par Cecil qui est au taquet de bon matin. « Quitte à choisir je préfère celle-ci » je réponds alors en amorçant légèrement la suite. « Leave Me Alone-Stop It ! Just Stop Doggin' Me Around » je chantonne vaguement en me moquant pour citer notre cher MJ décédé et lui faire passer un message.  « Bon alors c'est quoi ton secret pour être aussi joyeux ? » je lui demande simplement en plantant mes prunelles claires dans les siennes[/color]

Je suis de plutôt bonne humeur même avec une chanson dans la tête dont je n'arrive pas à me défaire. C'est même peut-être bien cela qui rythme ma joie de vivre du matin. Ou le fait de me dire que si je continue de chanter ça va me passer mais ça risque de tourner en boucle dans la caboche de quelqu'un d'autre qui me maudira pour un siècle au moins -et j'avoue que ça m'amuse assez. Et en plus de casser les oreilles aux pauvres candidats qui auraient le malheur de se trouver à proximité, je décide de me mettre à danser. Dans ma jeunesse j'étais vraiment douée, mais avec l'âge j'ai quelque peu perdu en souplesse, c'est certain, bien qu'il me soit tout bonnement impossible de perdre mon sens du rythme, c'est inné ça je crois. J'embarque la brunette qui se trouve là sans lui demander par avance, ce serait trop poli et pas assez spontané venant de moi. Je vois bien que ça la saoule mais j'ai appris à passer outre ces petits regards, les répliques exacts de ceux que me lance ma fille quand je m'emmerde profondément mais qu'elle n'ose pas me le dire avec des mots -c'est que ça briserait mon petit coeur de papa ours, comprenez, et elle m'aime trop pour ça. Enfin dans la cas de la demoiselle ici présente, je pense que c'est quelque chose comme de la politesse ou tout simplement de la gentillesse, voire même un peu de respect envers l'ancien de la saison. Ou pas. Elle finit par me demander si je suis sous acide, tout en se laissant emporter docilement, ça me fait sourire. « Ouh non, penses-tu, se serait montrer le mauvais exemple. » J'oserais jamais. En temps qu'aîné mieux vaut que je m'abstienne, surtout à même pas dix heures du matin, ce serait un peu exagéré. J'essaye juste de faire un échange de ma tête à sa tête et de lui foutre la chanson dedans, mais faut pas le dire sinon elle va partir en courant. Pour l'instant elle se prend presque au jeu, c'est sympa. Même qu'elle décide de changer de chanson. « Michael Jackson, aouh ! » Je fais avec un horrible accent américain. Les paroles ont beau vouloir signifier qu'elle veut que je la laisse tranquille, j'ai plutôt envie de continuer à m'égosiller avec elle. Surtout que maintenant du coup je l'aime bien. En même temps suffit de chanter du Michael et ça y est, t'es mon nouveau meilleur pote -ou presque. Mais je finis par la lâcher quand même, la pauvre, le supplice à déjà assez duré. Puis elle veut connaître mon secret pour être si joyeux de bon matin. « Ah, si je te le disais ce serait plus un secret. » Bah non, mais en fait j'en ai même pas, je suis pratiquement tout le temps de bonne humeur -sauf quand je le suis pas.