+ @IMMA

J'avais réfléchi, peut-être même un peu trop. Mon comportement de la semaine passée me faisait honte, et plus j'y repensais, plus j'aurais aimé avoir un de ces pouvoirs, vous savez, remonter le temps et gifler bien comme il faut le Clarke du passé. Parce que je n'avais pas répondu à Imma. Parce que je m'étais défilé, comme je me défilais toujours lorsque j'avais peur de parler un peu trop. Me confier, ça n'était pas dans ma nature. J'avais beau faire des efforts, rien n'y faisait, je me sentais pris au piège, ma gorge se nouant à chaque fois que je lâchais un mot de trop sur ma personne. Peut-être était-ce un moyen de me protéger, peut-être n'avais-je simplement pas assez confiance. Peut-être avais-je peur. Fixant inlassablement le blanc du plafond, mes prunelles faisaient abstraction de tout ce qui pouvait m'entourer alors que je fronçais peu à peu les sourcils. Ce que j'étais pathétique. Comment avais-je pu avoir peur de me confier à Imma ? Elle ne m'avait pourtant pas demandé la mer à boire, non, simplement de parler un peu plus de moi. Et moi, j'avais prétexté une excuse pour partir. Si elle ne s'en était probablement pas rendue compte sur le coup, elle avait certainement du être frustrée de voir sa demander tomber à l'eau. Elle ne serait pas la première. Aussi, j'avais fini par bondir de mon lit et d'un pas déterminé, avais fouillé la moindre pièce du nid pour tenter de trouver la métisse. C'était finalement dans la salle zen que je l'avais aperçu. Serrant les poings pour me donner du courage, j'avais finalement lâché d'une traite. « Je suis désolé. Je... je n'ai pas réussi la semaine dernière. Il est peut-être trop tard maintenant, mais je suis prêt. Alors voilà, j'aime construire des choses. Des tables, des meubles, des balançoires, n'importe quoi, c'est mon truc, j'aime les travaux manuels. Je crois que je trouve une certaine sérénité à sentir les matériaux sous mes paumes. Je déteste rester enfermé trop longtemps au même endroit, je crois que j'ai besoin d'être en connexion avec le monde qui m'entoure, même si je donne parfois l'impression du contraire. Et puis surtout, je n'aime pas parler de moi. J-Je ne sais jamais trop quoi dire, j'ai peur de paraitre inintéressant. J'ai également du mal à suivre une conversation lorsqu'il y a trop de monde qui y participe, c'est comme ça, je suis facilement distrait. J'aime ma bulle comme elle est, invincible, proche de tout et pourtant si éloignée du reste du monde. J'ai peur du vide, j'adore les animaux, déteste les oiseaux, ne parle à mes parents qu'une fois tous les trois mois. Je suis abominable en cuisine aussi, Mackenzi pourra te le confirmer, et puis, je ne dors pas beaucoup non plus. Voilà. » Je l'ai fait. Mon coeur battait la chamade alors que je tentais de reprendre mon souffle, mes yeux plantés dans ceux de la jeune femme. Elle n'avait aucune idée de l'effort que je venais de faire.

Imma ne s'attendait pas à le voir. Allongée négligemment sur l'un des poufs de la pièce, elle se demandait ce qu'elle pourrait bien projeter contre les murs comme ambiance. Comme toujours, la solitude était son amie de quelques instants dans le nid; elle réussissait à se libérer pour un moment - souvent une heure - de rendez-vous avec elle. Elle peut faire le point, se rendre compte qu'elle avait été en danger la semaine passée et qu'elle réussissait malgré son caractère timide à convaincre les téléspectateurs de sa place ici. Elle n'est pas une touriste, catapultée ici sans réelle raison et qui n'est tellement pas à sa place que ça se remarque au premier coup d'oeil. Elle comprend enfin qu'elle est à sa place, pas moins qu'une autre personne tout du moins. Et c'est sur cette remarque que Clarke fit son entrée. Elle s'en voulait, pour la dernière fois. Pour lui avoir demandé un contact physique avec lui qu'elle n'aurait pas dû dévoiler, quelle aurait dû garder au plus profond de ses pensées et elle est même plutôt contente de ne pas l'avoir eu. Pour lui avoir demandé de parler aussi, alors qu'il n'en avait pas l'envie. Imma n'en a pas envie non plus, elle ne dévoile rien sur elle. Ou c'est plutôt par peur... Dans tout les cas, il était partie l'autre soir et Imma avait scrupuleusement suivit et gardé une distance appropriée entre eux. C'est toujours comme ça dans ce cas: elle est trop embarrassée pour reprendre un semblant de discutions comme si de rien était. Ce serait trop simple et puis elle n'oublie pas facilement. Doucement elle s'assoit un peu mieux dans son pouf, bien qu'elle n'ait pas pu faire autre chose. Parce que Clarke ouvre la bouche et parle. Beaucoup, mais il parle surtout de lui. Alors Imma sent ses yeux s'embuer. Il fait ce qu'elle n'a jamais osé faire en vérité. Au-delà des banalités, elle n'a jamais rien dit de plus sur sa personne, et surtout pas d'une traite comme il venait de le faire, c'est certain. Elle a tout écoutée. Imma, elle a tout retenu. Elle savait déjà qu'il travaillait dans un zoo, mais c'est tout. Maintenant elle sait qu'il aime travailler de ses mains, que ça l'apaise. Qu'il n'a pas confiance en lui, comme elle n'a pas confiance en elle. Qu'ils sont pareils, qu'ils ont leur bulle à eux. Il la regarde en plein dans ses yeux. Alors doucement elle baisse les yeux parce qu'il la sonde beaucoup trop. Elle hausse ses épaules, tout en se relevant. "T'es pas inintéressant..." Qu'elle souffle en s'approchant doucement de Clarke, mais en ne croisant pas son regard. Elle parle vraiment tout doucement. "Je sais pourquoi tu dis ça, parce que je le crois pour moi aussi, mais on se trompe... On a peur, c'est tout..." Oui ils ont peur, peur de ce qu'ils sont. Mais ils sont tous sauf inintéressant. Elle parle pour lui, mais elle veut surtout parler pour elle. Lentement elle se rapproche toujours de lui. "Moi j'ai peur..." Qu'elle avoue. Elle a peur de parler d'elle, de passer pour une fille ennuyeuse sans aucun intérêt et de dire des bêtises. C'est ce qui lui lie la langue. Elle fait comme la dernière fois, elle fait comme dans la douche. Elle passe ses doigts délicatement sur la joue de Clarke. "J'ai peur, mais j'aimerai bien parler comme toi..." Comme il venait de le faire, parce qu'il a plus de prestance qu'il ne le croit.

Je ne savais pas ce qui m'avait pris. Au fur et à mesure que les mots sortaient en cascade de ma bouche, je pouvais sentir mon coeur se serrer un peu plus dans ma poitrine, au point où je craignais qu'il n'en vienne à imploser. Pourtant rien. Alors, je continuais à parler, à parler comme je ne l'avais jamais fait jusqu'ici. Ces dernières années avaient été particulièrement éprouvante pour moi, et je n'avais jamais réellement pu me confesser à qui que ce soit. Je ne savais pas bien si Imma était cette personne là, mais ce que je savais, c'était que j'avais ressenti le besoin de me confier à elle, chose que je n'avais pas réussi à faire lors de la semaine passée. Alors oui, peut-être était-ce trop tard, peut-être n'en avait-elle plus rien à faire de moi maintenant que je l'avais probablement déçu. Et pourtant, elle soutenait encore mon regard, si bien que je tentais tous les efforts du monde pour ne pas détourner le mien, ce qu'elle finit machinalement par faire. Mes prunelles ne la quittaient pas, non, pas une seule seconde. Lorsque ma prise de parole était terminée, je pouvais sentir mes mains trembler alors que je me mordais la lèvre inférieure, comme pour me faire taire. Tout mon corps était en ébullition, oui, j'avais l'impression d'avoir accompli un exploit alors qu'il n'en était en réalité rien. Je n'avais fait que parler de moi, chose que n'importe qui sur terre était capable de faire. Sauf moi. Sauf elle. Et je le savais, oui, c'était peut-être pour cette raison que c'était bel et bien à la brune que ces mots avaient été adressé. Evidemment, ma partenaire connaissait également quelques détails de ma vie, mais elle les avait appris au fur et à mesure, plus par indiscrétion que par réelle confession. Parce que je ne faisais que dans les détails, jamais aucune parole n'était aussi concrètes que celles que je venais de dire à Imma. Et alors qu'elle me répondait que je n'étais pas inintéressant, je tentais de la croire sur parole, même si je savais d'ores et déjà qu'il m'en faudrait bien plus pour avoir un peu plus confiance en moi. Elle ajoutait que nous avions peur, elle comme moi, et je hochais la tête alors que ses doigts effleuraient ma peau. Mon corps frissonnait de toutes parts, encore sous un choc qui n'avait pas lieu d'être. Alors, ma main vint chercher la sienne, mes doigts se glissant en douceur dans les siens alors que je murmurais un léger « Je ne t'oblige à rien, tu sais. Je peux attendre encore, si c'est ce dont tu as besoin. » Evidemment, j'aimerais en apprendre plus sur la jeune femme, mais je n'allais pas non plus la forcer, d'autant plus que je n'aurais pas aimé qu'on me le fasse en retour. « Du moment que tu sais que je suis là. » mon autre main était venue relever son visage pour que mes yeux se plantent dans les siens. J'étais sincère, et je souhaitais qu'elle en ait pleinement conscience.

Clarke s’inquiétait de savoir si c’était trop tard de parler de lui. Ce n'est absolument pas trop tard pour elle, loin de là. Jamais elle ne le forcera à parler, à dire des choses qu’il n’a pas envie de dévoiler. Imma est même plutôt très admirative de ce qu’il vient de faire. Elle a bien compris depuis longtemps - ou tout du moins avec elle - il n'est pas du genre bavard. Comme elle. Alors venir se planter devant elle et lâcher en une seule et unique fois des trucs sur lui, ce qu'il aime, ce qu'il est. Il aurait dit n’importe quoi, parlé du beau temps, dire un enchainement de bêtise, que ça aurait été pareil : elle est vraiment admirative. Alors doucement elle annonce sa théorie, l’idée que non il est loin d’être inintéressant. Et surtout son envie d’en faire de même : oui maintenant elle veut en faire de même. Pas le copier, mais profiter de cet élan de courage pour faire un pas en avant. Montrer qu’elle aussi elle peut parler, même s’il lui en coûte de parler d’elle. Si elle ne le fait jamais, ce n’est pas par soucis de mystère. C’est qu’elle a un peu honte en général. À cette idée elle baisse un peu les yeux. Comme lorsqu’il la touche. Bon en fait c’est elle qui a commencé, en lui caressant doucement sa joue. Parce que son visage l’attire, parce qu’elle a besoin de ce contact. Doucement il lui prend la main. Elle sourit doucement. Il est gentil Clarke, il ne l’oblige pas. Il peut attendre… « Mais après ça sera trop tard… » Qu’elle souffle doucement. « J’aurai plus envie… » Qu’elle ajoute, en baissant un peu les yeux. Doucement, Clarke relève son visage pour pouvoir planter ses yeux dans les siens. Imma est toujours gênée lorsqu’il fait ça, lorsque son regard sonde le sien. Et son corps continue de frissonner à son regard. « Oui je sais… Moi aussi je suis là » Qu’elle précise après lui. Oui elle est là pour lui, s’il a envie de parler à nouveau, de se confier. Elle sait rester muette, garder tout pour elle et surtout elle ne juge pas. Avec tout ce qu’elle a déjà entendu, non elle ne juge pas. Et elle sait quel lui non plus. Et sans rien dire, elle se perd de se rapprocher de lui. Mieux que la dernière fois, elle passe ses bras autour de son torse, pour venir poser sa tête sur son épaule. Plus que pour un simple câlin, elle se dit avant tout qu’ainsi, elle n’aurait pas la pression de son regard sur elle. Qu’elle pourrait mieux parler ainsi. Imma est plus lâche. Elle ne pourrait pas se planter devant lui comme il a fait alors. Elle peut simplement le faire à l’abri, mais de ses bras. « J’habite la capitale de la Namibie, dans un quartier très populaire. Comme métier je… Je fais la vaisselle dans un beau restaurant, parce que j’ai pas trouvé mieux que ça, parce qu’on veut pas trop de moi en fait… Avant j’allais à l’école et c’était bien, mais je m’ennuyais trop. Et puis mes parents ont besoin d’argent et je veux les aider… Mais je veux pas trop faire ça toute ma vie. Je veux être danseuse. Je danse du hip hop et j’aimerai rester ici aux USA pour en faire mon métier, parce que ça ne servira à rien chez moi. Mais je crois que c’est qu’un rêve… Mon chez moi me manque un peu quand même… J’aime bien passer le week-end loin de la ville. Et voir le désert parfois… Une fois j’ai caressé un serpent sauvage… Et je sais pas nager… Et j’ai jamais été en boîte de nuit, parce que c’est pas pour moi Et je… Je… sais plus quoi dire… » Elle souffle, elle avale sa salive. Elle a beaucoup parlé d’un coup pour elle, parce qu'elle n'a dit que peu de choses au final...