@Léo

J'ai mis un certain temps à m'endormir pour commencer, et je me retrouve deux heures plus tard avec Gekko squattant mon espace vital, son bras me servant d'oreiller. Je me demande s'il est pas carrément cinglé. Il me réveille en se reculant, avec brutalité, mais quel con. Mais au lieu de continuer une discussion qui risquerait de tenir tout le monde au courant de notre charmante relation, amère à cause de la perturbation qu'il incarne, je me tire. J'emporte avec moi les draps, juste pour chier, et parce qu'il me mérite. Je les abandonne dans les couloirs, je m'en moque, il ira les chercher, puisqu'il a du temps à me faire perdre, je vais agir comme lui. Je vais dans le dressing où j'enfile mon maillot deux pièces assez rapidement. Je me rends dans la salle de bain et je commence à me faire couler un bain parce que je sens que je suis dans l'incapacité de retrouver le sommeil après l'énervement que je ressens encore pour mon partenaire, à l'instant. J'envisage sérieusement de migrer ailleurs, dans un des lits libres à cause des départs des éliminés parce que je ne supporte plus cette cohabitation qui ne m'apporte rien. Attirée par du bruit, je me redresse rapidement et mes prunelles captent rapidement la silhouette d'un candidat que je ne connais très bien. Léo débarque dans la salle de bain, pas très frais non plus. Je lui adresse un vague signe du menton. « Gekko m'a réveillé » je laisse échapper simplement d'une voix lasse sans trop savoir si c'est ma fuite nocturne qui l'a réveillé lui aussi en formant ainsi une petite chaîne. « Alors ce n'est pas à moi que tu dois en vouloir » je ronronne alors en posant sur lui un regard si adorable, dont j'ai le secret. « Tu as une sale gueule » je constate quand même, l'air de rien, un sourire vaguement narquois qui s'installe sur mon délicat minois avant de tester la température de l'eau avec ma main. Brûlante. J'entre dans le bain assez rapidement.

C’était moins une, ça m’a clairement pendu au nez mais j’suis toujours là. Amen mon lit est confortable ce soir pour encore au moins deux semaines. Bon le souci c’est qu’évidemment j’peux pas en bénéficier pleinement avec Mylah qui dort à côté mais c’est un détail. De toute façon là j’ai d’autres préoccupations que sa présence à mes côtés, à laquelle j’me suis finalement habitué à force. Je suis dans un malus pas possible. J’ai même pas eu la force de fêter mon retour qui de toute façon est moins glorieux que la semaine passée, c’est que la deuxième fois et on a déjà l’impression que c’est un truc super redondant. C’est complètement laconique que je me suis couché, peinant malgré tout à trouver le sommeil. J’ai entendu tous les candidats venir se coucher un par un, le regard fixé sur le plafond et les molaires serrées. C’est moche, c’est franchement moche. Pourtant j’ai fini par réussir à trouver un somme aussi léger soit-il, tellement qu’il est brisé à la première discussion qui fait irruption dans la pièce. Je reconnais la voix de Maha direct et ça m’aurait carrément fait rire si j’étais pas encore dans un coltar quasi-complet. Les discussions s’arrêtent, la scène doit être terminée sauf que voilà j’y arrive pas. C’est vraiment gonflant d’autant plus que j’arrive pas à m’ôter mes démons de la tête. Je soupire puisque je connais la solution et que le fait de me lever me coûte franchement. D’un geste las j’attrape le chapelet qui trône sur ma table de nuit, le manquant une première fois pour finir par le retrouver avec ma paume de main. Je reste un moment assis, la tête dans le vague en tentant de prendre un minimum mes esprits et je me lève direction salle de bain. Un coup d’eau fraiche sur la gueule et c’est parti sauf que la lumière est déjà allumée. J’aperçois Maha en maillot de bain. C’est quoi ce bordel ? C’est une illusion, un rêve, un craquage total ? Qu’est-ce qu’elle fou en maillot de bain ? Elle m’explique la raison de sa venue, raison que je connais. « J’ai entendu. » J’suis encore vaporeux, pas tout à fait prêt à une conversation longue. Me dirigeant vers les lavabos je m’appuie un temps sur le rebord le temps d’immerger de toute cette lumière qui en plus de m’éblouir me martèle le crâne, posant le chapelet juste à côté. Je relève les yeux dans le miroir pour voir Maha et son regard de bichette à l’appui. « J’irais lui casser la gueule plus tard. » Genre. Elle soulève le sujet de ma sale dégaine. Ouais, pour pouvoir la voir dans le miroir c’est bien moche. « Laisse-moi le temps de me réveiller pour me refaire une beauté. » En parlant de ça… je me passe un coup d’eau fraiche sur le visage, balayant le surplus de ma main et l’essuyant avec une serviette qui traine par-là, et finis par le retourner vers elle. « Qu’est-ce que tu fous en maillot de … » Le temps que j’me réveille avec les grands moyens Maha s’est glissée dans le bain. « Ok. » que je note plus pour moi-même. « Même si ton sauvetage me vaudrait la qualification de héros, fais attention de pas t’endormir là-dedans. » Et en plus je suis préventif, nombreux ici l’auraient laissée dans le danger. « La paroisse a besoin de moi. » Même si là c’est plutôt moi qui ait besoin d’eux plus que du contraire. Comme d’hab en fait. Empoignant ma croix je suis prêt à m’en aller parce que, qu’on soit clairs, la salle de bain c’est pas non plus l’idéal et en plus avec Maha qui fait trempette à 6h du mat’.

J'en déduis que Léo a tout entendu. Mes grands opales délavées se contentent de suivre ses mouvements pas très précis. « La violence ne résout rien » j'annone de ma voix enfantine en esquissant un simple sourire parce que je sais très bien que le candidat déconne, enfin, j'espère. Qui ira frapper Gekko alors qu'il suffit qu'il s'habille en clochard pendant une semaine pour qu'il se sente mal. Donc pas besoin d'arriver à de tels extrêmes. Léo est lent du cerveau ce matin, il n'est pas bien vif, j'hausse simplement les épaules avant de m'immerger un peu plus, l'eau arrivant au niveau des épaules. Je doi faire attention. « Oui, oui, t'inquiète » je lance d'une voix distraite, je gère, je ne risque pas de m'endormir pour finir par me noyer, je suis bien trop précieuse pour cela. Ce serait une trop grosse perte pour eux, enfin ! Surtout pour Léo en plus. Il m’enchaîne. Je suis sûre d'avoir mal entendu sur le coup. « Pardon ? » je reprends alors en me demandant de quoi il me cause. Je finis enfin par remarquer qu'il tient une croix. Je peine un peu à y croire sur le moment, je bats des cils pendant une poignée de seconde. « Elle a besoin de toi, pour quoi ? » je demande vaguement, pas trop convaincue. « Viens par ici deux secondes » je lui ordonne d'une voix plus qu'autoritaire parce que je me demande pourquoi il me parle de paroisse ou quoi. Je me lève pas parce que je vais avoir froid si je quitte brutalement l'eau brûlant. Je remonte mes genoux contre ma poitrine avant de tendre une main hors du bain pour le faire venir. L'eau déborde un peu sur le sol, tant pis. Il a l'air un peu vaseux je crois. «Tu es sûr que tu vas bien ? » je lui demande alors en fronçant les sourcils avant de redresser un peu la tête à cause de la différence de taille, enfin, surtout parce que je suis assise et lui debout.  « Je suis sûre que tu trouveras des médocs dans la trousse de Gekko si tu veux » je lâche quand même parce que Léo a l'air super étrange ou c'est simplement parce que je ne suis pas réveillée ou encore énervée par mon partenaire. Il peut se servir, oui, ce qui est à mon partenaire et à moi, par définition, il peut y aller. « Tu vas me faire flipper » je lance d'une voix quand même neutre en tranchant sur le fait qu'il est étrange ce matin. Promis, la prochaine fois je ferai moins de bruit si c'est pour le retrouver dans cet état indéterminé.

J’compte pas aller frapper Gekko sous peu, déjà parce que je suis pas dans la violence et aussi parce que pour m’énerver à ce point il faut vraiment forcer. Déjà que la seule capable de jouer avec mes nerfs ici est Sailor, tout simplement parce que dans le genre elle me prend assez facilement à mon propre jeu et ça la rend bien agaçante, j’vais pas aller attaquer Gekko sans raison. Bon qu’il emmerde Maha est une chose mais le frapper en est une autre. La pauvre en est quand même à venir squatter la salle de bain de bon matin, même moi j’en suis pas encore là avec Mylah. Quoi qu’on nous blâme avec la grande blonde mais le couple de Maha craint encore plus que le mien. Et dire qu’avec Gekko on avait gagné des tickets d’or, ça a été vraiment con de pas les utiliser, m’enfin on prédit pas l’avenir. Comment j’pouvais savoir qu’une fille aussi canon cachait une psychorigide de première ? C’était pas écrit sur son front en entrant. A choisir j’aurais préféré me récupérer Maha, tenez j’suis même préventif avec elle. Même la gueule complètement enfarinée j’arrive à lui demander de pas se noyer avant de partir faire ma prière. J’allais tourner les talons quand la brune m’assène ses questions. « Pour ma grandeur. » C’est une façon comme une autre de transformer la chose, pour le coup j’suis qu’un énième paumé qui a su se trouver un guide ; on repassera pour la grandeur. Je cille le temps d’assimiler l’ordre de Maha qui sonne comme une agression à cette heure-ci mais j’peux bien accepter de faire un détour vers elle avant de sortir de la pièce donc je m’exécute sagement. J’mets les pieds en plein dans l’eau qui vient de déborder, ayant un petit réflexe pour voir brièvement c’qui se passe à ce niveau-là. Finalement mon regard revient à Maha, il doit être vaseux et j’ai vraiment du mal à les garder fixés sur elle. « Ouais nickel t’en fais pas. » Non ça va pas du tout mais c’est tellement flagrant que même mon mytho d’arracheur de dent ne servira pas à le masquer. J’ai juste pas envie qu’on se préoccupe de mon bien-être, c’est un truc avec lequel j’ai du mal. C’est simple : ça me gêne. Oui ce n’est pas une hallucination, y a bien un truc qui me gêne et c’est ça, voilà, ça me désarme. J’ai du mal à accepter l’aide en général mais là l’attention de Maha me touche aussi con que ça puisse paraître. « Merci. » Le nombre de fois où j’prends la peine de remercier quelqu’un se compte sur les doigts d’une main et Maha y a le droit. Sauf que ça sera pas efficace. « Mais ça servira à rien, j’vais utiliser mon remède perso. » Je lève la main dans laquelle j’ai empoigné mon chapelet et là elle me dit que j’vais la faire flipper ? Pardon ? J’comprends pas, j’dois pas être encore assez réveillé. « Pourquoi ? » Je la regarde confus. Bon. J’vais y aller, tenter de faire la bonne figure devant Maha devient de plus en plus difficile. « Tu m’fais une place pour quand je reviendrais ? Ca fait partie de la thérapie. » J’ai presque l’air d’un chiot tristounet parce que dans l’coup je dirais pas non à un bain d’eau chaude. A moins que ce soit de l’eau froide qu’il me faille pour me calmer. J’sais pas mais comme j’préfère privilégier la relaxation aux manières fortes ça m’semble être une bonne idée et j’suis bien décidé à m’en faire couler un quoi qu’il arrive.

Il marche dans la flaque, mais il est pas doué lorsqu'il est à l'ouest. Tout va bien. Je lui glisse un regard étonné pendant quelques secondes, gardant le silence pendant un certain moment. « Tu ne sais pas mentir » je ricane simplement en roulant des billes. Je suis experte pour détecter cela. Surtout que sa gueule parle pour lui en réalité, il est grillé. « Un jour, je t'apprendrai » je balance un peu plus sérieuse sans insister parce que je suis comme ça, je n'ai pas non plus envie de faire la psychologue si la personne préfère garder ses dramas pour lui. Léo me fait bien prendre conscience que je suis inutile, pour le moment. Il me désigne son chapelet, il va prier ou quoi. J'imagine. Je ne préfère pas trop m'attarder là-dessus. Léo ne comprend pas pourquoi il a un potentiel effrayant ce matin, je crois qu'il a mal regardé sa face, je ne voix aucune autre explication. « Ne me refais pas un remake de Shining, c'est tout » je lui demande très sérieuse parce que ce film m'a traumatisé toute mon enfance. « En plus, je suis une victime trop facile là » je balance un peu plus moqueuse pour le coup, oui, je suis toute vulnérable et fragile dans mon bain telle une poupée de porcelaine. « Va prier mais reste serein » je conclus alors de ma voix cristalline en le regardant d'en bas. Léo abuse encore un peu plus en me demandant s'il peut squatter mon bain. « Depuis quand tu demandes la permission ? » je souligne simplement. Je vous l'avais dit, il est étrange ce matin ! CQFD. Parce qu'habituellement avec Léo, on ne se demande rien, on agit, on prend nos aises parce que c'est toujours ainsi. Ou alors on demande mais simplement par politesse quoi. « Si ça fait partie de la thérapie » je concède alors en haussant les épaules. Non mais c'est bon, on a de la place dans ce bain, on est même large à deux, encore. « Mais dépêche toi, je m'ennuie » je lui demande d'un air impérieux en vrillant mes prunelles aux siennes avant d'esquisser un geste de la main pour lui dire de dégager rapidement et de revenir aussi rapidement si possible. Je lui montre les cinq doigts de ma main, il a exactement cinq bonnes grosses minutes pour aller faire ce qu'il veut. Il quitte la pièce. Je me laisse un peu plus glisser dans la baignoire pour m'immerger complètement dans l'eau, même la tête pendant quelques secondes. C'est juste encore plus silencieux, plus calme. Je remonte à la surface pour récupérer l'air nécessaire à mes poumons avant de recommencer l'opération quelques fois, pour m'occuper.

Maha ferait une victime parfaite pour un nouveau scenario de film d’horreur dont je pourrais être l’acteur principal si je le décidais là, maintenant. « C’est justement parce que c’est trop facile que ça m’intéresse pas. Je verrai ça plus tard. » Elle n’a donc rien à craindre son heure arrivera en temps voulu. Enfin bref, je prendrais bien un bain après tout ça. « J’sais pas. » Ouais, non, j’sais pas, j’suis perdu. Maintenant qu’elle le dit moi aussi ça m’parait absurde. Sérieux il vaut mieux que j’me casse, j’serais plus opérationnel après. Par contre là Maha elle rigole, son délais est beaucoup trop court. « Ca ce sera pas assez. » que je lâche ne désignant la paume de sa main de mon index. C’est impossible de prévoir pour combien de temps je vais en avoir mais certainement pas cinq minutes, même si elle s’ennuie c’est pas un motif valable à la précipitation. Je m’éclipse parce que clairement j’tiens plus et en plus peu importe les efforts que j’y mets j’suis pas crédible. Je cherche un endroit calme, j’ère dans l’hôtel tel un fantôme, m’accommodant des quelques bribes de lumières qui filtrent pour me guider et sans savoir trop comment ni pourquoi j’me retrouve dans la salle de bal. C’est parfait. Petit à petit je me sens mieux, mon poing relâchant pression sur la croix que je tenais fermement au commencement. J’ai encore assez de lucidité pour me rendre parfois compte que c’est con et tellement psychologique de se sentir mieux par simple croyance en un esprit supérieur, après tout ça ne fait que deux ans j’peux pas non plus me proclamer comme étant le plus fidèle des fidèles, pourtant c’est bel et bien l’effet que ça me procure. J’ouvre les yeux et mets un temps à me reprendre comme à chaque fois dans cette situation. Aussitôt relevé que je me mets à la recherche d’un paquet de clope, il doit bien y en avoir un trainant sur une table dans les parages et bingo, je mets pas longtemps à en trouver un. Avec tous les fumeurs qui trainent ça n’a rien d’étonnant… ah tiens bah c’est un des miens en fait. Ouais, c’est encore moins étonnant puisque je laisse tout trainer par flemme de ranger et surtout par flemme de chercher après. Comme ça tout reste à disposition un peu partout. Je m’en grille une sous la fraicheur matinale, si tant est qu’on peut appeler ça comme ça mais disons que c’est déjà moins suffocant qu’en pleine journée et ça fait du bien. J’sais pas pour combien de temps j’en ai eu, j’estime environ à vingt-cinq minutes à l’aveuglette. C’est long mais c’est nécessaire. Maha pouvait bien attendre avec ses cinq minutes, d’ailleurs j’me demande si elle est toujours dans son bain ou non. J’écrase ma cigarette, direction le dressing pour enfiler un short de bain en remplacement de mon caleçon. J’suis surpris de constater qu’elle est toujours là à faire trempette. « Maha » Je susurre d’une façon assez flippante pour marquer mon entrée. Non, j’suis pas assez taré pour lui faire un remake de Shining même si l’idée m’a évidemment traversé l’esprit, tout simplement parce que c’est impossible d’imiter le mec sans basculer dans la caricature de bas étage. « J’pensais que tu serais partie. Toi qui as compté les minutes depuis mon départ, j’ai mis combien de temps ? » J’suis assez curieux de le savoir. Doucement je me glisse dans le bain face à elle, l’eau encore chaude m’arrachant un soupir de soulagement. J’étends mes jambes, profitant de la sensation. « Ah t’as essayé de te noyer pour voir si ça me faisait revenir ? C’est bien tenté. » Je note, venant de remarquer ses cheveux trempés. La sournoise. Je tente de me caler dans la baignoire, c’est assez grand pour deux mais j’peux pas m’empêcher de prendre de la place. Mon regard vient se poser dans celui de Maha en face de moi. « Maintenant que je sais que t’es la plus parfaite des menteuses vas-y dis-moi sur quoi tu m’as menti, que j’ai une idée de comment on s’y prend. » Et un bon exemple surtout, parce que j’ai pas oublié la conversation d’il y a X temps pour autant.

Apparemment ma mort n'est pas prévue pour toute suite, j'en suis ravie. Il m'annonce que cinq minutes ce n'est pas assez. J'arque un sourcil perplexe alors qu'il s'éloigne. Je ne sais pas combien de temps il faut prier, j'imagine que c'est bien aléatoire, et puis même, cela ne m'intéresse pas, cela fait des années que je me suis éloignée de la religion ou de la foi. Je devrais même dire qu'elles m'ont laissé tombé plutôt. Cinq bonnes minutes se sont écoulées, ça commence à durer un peu son histoire. De toute façon, je me suis mise dans la tête qu'il ne reviendra pas. J'appuie ma tête sur le rebord de la baignoire et je crois m'endormir un instant, quelques secondes, ou plus parce que je finis par être réveillée par le retour du candidat. « Léo » je ronronne de ma voix sucrée pour contraster avec son air de tueur en série qui ne m'effraie pas, pour le coup, il est aussi mauvais comédien. Il me demande depuis combien de temps il est parti. Genre je suis sensée compter le temps de son retour tant je ne peux respirer sans lui. « Tu ne m'as pas manqué à ce point » je casse alors en posant mes prunelles sévères pour montrer que je tire un peu la gueule face à son abandon. Il m'a laissé seule, en me laissant croire que cela allait être bref, je ne lui pardonnerai jamais. Ou pas. «Mais ça a duré longtemps » je grogne simplement avant d'aller poser mes fines chevilles sur les genoux, en étirant mes longues jambes. Il peut bien me servir de support après plus de vingt minutes d'attente qui ne sont pas légitimes. « Tu respectes vraiment rien » je l'incrimine, il a largement dépassé le délai que je lui avais gracieusement accordé. Sa remarque suivante m'arrache un simple sourire éphémère. « Ah non, j'ai bien compris que tu me laisserais mourir seule » je me plains alors en lui adressant mon regard de chaton esseulé, ce qui est le cas. Je dois éclaircir un point, apparemment. « Je ne peux pas te dire, enfin pas tout de suite » je glisse dans un sourire narquois. Il finira par savoir, mais le plus tard sera le mieux, enfin, c'est dans mon intérêt. « Mais si tu veux des conseils, plus c'est gros et plus tu es crédible » je balance alors moqueuse bien que cela soit vrai. « Et les esprits des gens sont bourrés de clichés et se font un jugement sur les apparences » je souffle alors parce que je le sais, tout le monde agit de la même façon. Je peux même en citer quelqu'un dans ce Nid. Je trouve cela déplorable mais je ne vais pas m'en plaindre puisque cela sert ma cause, ma personne, mes buts à atteindre. « Et sinon, maintenant que tu es calmé, tu peux enfin me dire ce qu'il ne va pas ?» Je lui demande parce que c'est une excellente diversion. « Je sais que le fait de me voir te rend toute chose, mais à part cela ... » je lui laisse pour qu'il puisse enfin s'exprimer.

J’ai qu’une idée très approximative du temps passé dans la salle de bal mais j’imagine que Maha saura m’en dire plus puisqu’elle attendait mon retour avec impatience plongée dans la détresse de son ennui. Comme elle est encore dans son bain j’en déduis que ça fait pas non plus une heure et que mon approximation de vingt minutes a des chances d’être exacte mais la voix cassante qu’elle emprunte me laisse penser que c’était quand même un peu longuet. On est loin de ses cinq minutes mais c’est pas comme si je l’avais pas prévenue. « Quoi ?! Comment c’est possible ? » Je m’insurge presque, glissant dans le bain en tâchant d’ignorer son humeur. Ça va lui passer, je tends à penser que les foudres qu’elle avait contre Gekko ont eu le temps de s’apaiser entre temps et que par conséquent dans le cas présent ce n’est qu’une affaire de quelques minutes avant qu’elle redevienne l’enfant sage qu’elle est habituellement. Je crois comprendre qu’elle s’est ennuyée de moi pendant ces longues poignées de minutes. « Ca aurait pu être pire. » J’identifie son agacement sur son visage et ça me tire un maigre sourire. Elle peut s’estimer heureuse ça aurait pu durer des heures, ça a déjà duré des heures. Je trouve que j’ai fait vite, ce n’est d’ailleurs pas assez suffisant et je m’estime pas encore au top de ma forme mais disons que ça suffira pour le laps de temps que j’aurais à passer avec Maha dans ce bain. Au moins sous l’eau elle ne verra pas mes mains si jamais elles se remettent à trembler. Sa façon de m’accuser de ne rien respecter alors qu’elle s’installe tranquillement sur moi me doucement rire et je remarque ses cheveux trempés. Elle se trompe sur toute la ligne. « Je serais le premier touché, tu sais bien que je ferais jamais une chose pareille. » Je réponds pour la réconforter elle et ses yeux de Chat Potté fourbe. Si Maha venait à ne plus être ici mon nombre de potes au sein de cet hôtel serait rabaissé de 2 à 1, ce qui veut dire que je perdrais 50% des personnes que j’affectionne vraiment. Donc non, j’préfère veiller à ce que Maha reste en vie. Basculant ma tête en arrière, mon regard vide se pose sur le plafond pendant que je l’écoute me parler de ses mensonges. J’me demande si elle m’a vraiment menti sur des points essentiels ou non, au fond j’aimerais savoir à qui j’ai vraiment affaire et cette histoire de secrets a quelque chose d’assez frustrant. Dans l’instant en fait parce que sinon ça gêne pas plus que ça. Elle a l’air d’avoir une sacrée expérience dans le domaine d’ailleurs. Je relève la tête une fois son explication terminée, l’hypothèse qu’elle ait pu inventer le plus gros mytho du siècle m’ayant interpellé. « Alors t’es pas palestinienne c’est ça ? » Je la fixe, un sourire en coin se hissant sur mes lèvres. « Enfant de la guerre adoptée par une famille de diplomates, la jeune Maha tente de sauver son peuple de la guerre. » J’annonce ça comme un gros titre mais ça m’a l’air pas mal dans la globalité. Ca pourrait être ça. « Je m’en rapproche ? » Sourire malicieux à l’appui, j’hoche légèrement la tête et hausse un sourcil tel un Sherlock en herbe. Maha revient sur un sujet que j’aurais aimé éviter. Je garde un silence, mon regard posé sur elle puis je finis par lâcher un soupir avant d’ouvrir de nouveau la bouche. « Trouve par toi-même. » Ce n’est pas que j’veux pas c’est que j’peux pas. J’écarte mes ailes, mes coudes prenant appui sur les bords de la baignoire, mon avant-bras retombant je caresse distraitement de l’index le dessus d’un des pieds de Maha tel un gosse se tranquillisant avec son doudou. Mon regard ayant vrillé sur la gauche, pensif, je reviens me focaliser sur elle. « C’est un donnant-donnant, tu viens déjà d’en voir beaucoup et j’en suis pas franchement très fier. » Je lui avoue, haussant brièvement les sourcils dans un auto-jugement. Je tente déjà de le cacher à Mylah qui est au courant du bail donc forcément tomber sur Maha à ce moment-là était pas idéal. « Mais peu importe tout va bien, c’est l’affaire de deux jours. » que je balaie en essayant de m’en convaincre moi-même. C’est plus un souhait qu’une affirmation mais pense être sur la bonne voie.

Léo s'étonne, et je continue de tirer la gueule, par principe, pour rester un minimum cohérente et ne pas me faire l'effet d'une girouette. « Parce que depuis ton départ tu ne comptes plus » je lui annonce d'un air neutre et tranquille comme si je lui disais qu'il allait faire beau toute la semaine, une banalité. J'imagine que je dois m'estimais heureuse que cela ne dure que vingt minutes, je manque de m’étouffer. « Je n'ai pas signé pour ça » je grogne à voix basse. Léo ne me laisserait jamais me noyer sans intervenir, c'est ce qu'il tente de me faire comprendre, à l'instant. « Ce n'est même pas pour moi que tu le ferais en plus, mais pour toi, pour ne pas te retrouver tout seul, sale égoïste » je me marre alors en feignant un regard blessé, touché, parce que je sais que c'est vrai, je fais partie des rares candidats à pouvoir le supporter, j'ai un mental d'acier, il faut dire. Léo s'essaie aux devinettes, je l'observe d'un air désabusé, un sourire narquois plaqué sur mes pulpeuses pendant quelques secondes. « Oh si je le suis » je réponds en roulant des billes. J'écoute la suite, en esquissant un sourire presque las. J'ai quand même du mal à l'entendre un peu plaisanter, je fronce légèrement les sourcils. Je ne peux pas m'empêcher d'embrayer sur ce sujet qui a le don de me passionner tout en me désolant. Ça m'anime. « On ne vaut plus grand chose » je lui dis simplement parce que juridiquement, on est dans la merde et c'est peu de lui dire, alors sauver mon peuple, c'est une mission impossible. « Sauver un peuple éclaté, sans territoire et gangrené par la peur et la violence ? » Je lui demande alors bien que cela soit juste une question rhétorique à mon avis.  « L'horreur règne à Gaza depuis longtemps » je lance simplement d'une voix douce parce que j'y suis allée l'année dernière, j'ai vu le ciel orangé -sans que cela ne soit un coucher de soleil- les bâtisses détruites, les habitants en panique, les corps, l'armée, le bordel quoi. Parfois j'ai l'impression que les images sont imprimées à vie sur mes rétines, c'est pour cela que je préfère la tranquillité et la sûreté de la France. Je ne renie par mon peuple, ma nationalité, mais c'est trop dur à supporter. « C'est bien trop compliqué » je conclus simplement parce qu'il suffit qu'il évoque un peu la situation pour que je me prenne la tête avec en voulant la retourner dans tous les sens pour trouver une porte de secours. J'y peux rien, je viens d'une famille d'enflammés qui a l'impression d'être les défenseurs des droits de l'homme, ici, je suis éteinte parce que je ne peux pas en parler vu que les gens s’intéressent simplement à qui finira en couple avec qui. Pour résumer. C'est con parce qu'on me prive de la seule chose qui compte un peu dans ma vie, enfin, officieusement quoi. Je dévie sur Léo. Je dois me démerder toute seule, je lui offre une délicate grimace en guise de réponse. Il est insane et la religion l'aide à ne pas déconner ? « Ça te soulagerait si je trouvais ton secret ?» je lui demande alors, très sérieuse, un sourcil arqué, parce que j'attendais une réponse concrète. « Je peux pas t'aider ? » je l'interroge ensuite lorsque je sens l'épiderme de ses doigts frôler le mien, je le laisse faire. Je pars du principe que tout problème à sa solution et que celui de Léo ne doit pas faire exception à la règle ? Léo m'assure que tout va bien, bon ça va deux secondes, je roule des billes pour lui montrer ce que j'en pense. J'étire un simple sourire. « C'est une souffrance psychologique ? » je lui demande alors. Oui, je suis réglée sur le mode question depuis son retour, il va devoir s'y faire.

Je ne compte plus. Moi. Je ne compte plus. Cette Maha est cruelle, j’en perds tout mot. En fait je vais me contenter d’un sourire parce que la bougresse va sûrement arrêter de râler à un moment donné. J’arrive même pas à m’agacer sur le fait qu’elle ait pu croire que je lui obéirais même pour un truc aussi important. De toute façon ce n’est pas ce genre de caprice qui arrive à jouer sur mes nerfs et j’aime bien Maha avec son côté emmerdant, sinon ce serait trop ennuyant. Je la laisse exprimer son mécontentement toute seule mais je tiens quand même à lui mentionner qu’en cas de disparition de son être j’en serais la principale victime ici. Bon déjà parce que je l’aime bien, aussi parce qu’on est souvent ensemble et surtout parce que je me sentirais super seul. Ca d’ailleurs elle l’a deviné et ça m’extirpe un rire tant ça me fait bien marrer. « N’importe quoi ! C’est aussi pour toi, t’as encore pleins de belles années devant toi il faut que tu puisses en profiter. » Je pense à son futur, m’voyez. Même si apparemment mademoiselle pourrait se reconvertir dans le mensonge professionnel j’aimerais bien savoir ce qui se cache derrière ses mythos qui de toute évidence sont tellement bien faits que je sais même pas sur quoi m’appuyer. Sur l’évidence, apparemment. Bon bah prenons ce qu’il y a de plus évident à son propos : ses origines. Même si l’idée principale est apparemment fausse selon les dires de Maha, ça m’inspire une théorie qui pourrait être tout à fait plausible dans le genre je suis venue à Fake Lover pour faire passer un message. Petit à petit mon air arrogant s’efface en l’écoutant parler de son peuple. Il faut dire que Maha sait comment sortir une phrase qui calme et le fait qu’elle dise qu’ils ne valent plus grand-chose, elle et son peuple, m’interpelle. Je la scrute en ne pipant mot, me contentant de l’écouter. Je n’ai rien à ajouter sur ce qu’elle raconte, la façon dont elle s’exprime laisse passer tout l’intérêt qu’elle peut porter sur le sujet. Face à elle, je peux voir parfaitement ce qui passe sur son visage quand elle s’exprime et même s’il n’y a rien de spécial qui filtre ce n’est pas pareil pour son regard. C’est visiblement un sujet qui lui tient à cœur. « Je retire donc mon hypothèse. Au moins ça m’aura permis d’apprendre quelque chose que j’ignorais de toi. » Je ne connaissais pas son intérêt réel pour le sujet. Finalement pas besoin de secrets, on garde tous quelques détails pour nous ici. D’ailleurs Maha se penche sur le mien. Si ça me soulagerais qu’elle le découvre ? « Non. » Ca ne changerait strictement rien. Je n’ai pas un secret dramatique comme il y en a chaque saisons, du moins j’estime pas être de ces mecs à l’histoire surnaturelle, et je vis très bien avec au quotidien donc ça me dérange pas. « Je vois pas pourquoi je serais soulagé de perdre ma cagnotte. » Par contre si elle veut m’aider à la renflouer avec des buzz foireux je prends volontiers. Lorsqu’elle me demande si elle peut m’aider mon regard s’est déjà perdu sur l’eau depuis quelques secondes. « Non plus. » Je lui réponds distraitement avant qu’un battement de cils me ramène au monde réel. Mon regard revient vers Maha. « Il n’y a pas à m’aider, t’es têtue. » J’esquisse un sourire en coin parce qu’elle lâche pas l’affaire quoi que je dise. D’ailleurs sa question suivante m’arrache un rire. « J’ai l’air de souffrir psychologiquement ? » Je dois être parmi les personnes les plus tranquilles de toute la sélection. « Je me porte comme un charme. » Je m’enfonce dans l’eau, y plongeant mes bras pour que n’émerge plus que ma tête.« Tu viens d’épuiser ton quota de questions gratuites, si t’en as une autre elle devra se faire en confrontation.» La maline a réussi à avoir quelques réponses de ci de là donc y a un moment il faut dire stop quand même. « Désolé business is business. » que je lui sors avec un accent un peu limite. L’avantage c’est qu’avec Maha on peut discuter en français et ça c’est franchement pas négligeable.