Après le calme, la tempête. ( le 12 mars 2011, à 15h ), Gabriel.
J’étais tranquillement installé dans un des sièges qui parsemait la ‘petite’ pièce emplie de livres. Après l’agitation du nid lors du repas de midi, c’était assez reposant de se retrouver dans un endroit où on entendait les mouches volées. C’était sûrement trop calme d’ailleurs, car je tapais frénétiquement ma main sur l’accoudoir de mon siège pour ne pas me sentir désespérément seul. Mais j’avais vraiment besoin d’être seul un petit moment pour pouvoir sourire la plupart du temps. J’étais habitué à vivre dans une grande communauté, ma famille était plutôt nombreuse, mais subir les paroles, les préjugés et autres d’inconnus était bien moins facile que d’accepter ceux de vos proches. Toutefois, je n’étais pas du genre à m’énerver et à prendre part à un débat totalement stérile. Je préférais encore sourire avec indulgence et laisser courir. Mais j’avais trop laissé courir, c’était humainement impossible de ne pas donner son avis au bout d’un moment. Alors, oui, je profitais pleinement de ce moment de solitude, avant de me replonger dans la ‘foule’.
J’avais attrapé au hasard un livre, et j’avais eu de la chance, car il était passionnant. Bon, je ne savais pas vraiment où voulait en venir l’auteur mais c’était ça le plus intéressant paradoxalement. Ne rien savoir, se laisser totalement guider dans des idées parfois saugrenues. Un pur délice pour les méninges. Je griffonnais de temps à autre une forme dans mon carnet de dessin que j’avais sur mes genoux, comme toujours. Pour ainsi dire, il était rare de me voir sans, encore plus depuis que j’étais rentré dans l’émission. J’avais besoin de retranscrire tout ce que je voyais, totalement émerveillé par la nouveauté, totalement obsédé surtout par ça.
Alors que j’avais les yeux rivés dans mon livre, la main tenant un crayon se baladant sur mon carnet, je fus dérangé par quelqu’un entrant dans la bibliothèque. Je levais les yeux pour rencontrer une silhouette masculine. Je n’arrivais pas à mettre un nom sur la personne, mais cela ne m’empêcha pas de sourire à l’inconnu. « Tu es aussi en recherche d’un peu de paix ? » Une question toute bête, certes, mais je refusais de commencer une conversation par une présentation pompeuse.

La bibliothèque, seul endroit du nid où je n'osais pas mettre les pieds. En effet depuis que mon père m'avait malencontreusement raconté cette histoire de livres dévoreurs d'hommes, j'étais tout à fait réticent quant à l'entente de ce simple mot. Non je n'étais pas non plus un inculte ou quoi que ce soit, d'ailleurs je pensais même être plutôt cultivé pour quelqu'un de ma classe sociale, puisqu'après tout, en tant que professeur, les livres étaient mon quotidien. Certes ce n'était pas des romans mais des manuels scolaires de biologie, mais au moins je me sentais dans mon domaine. Ramassant les affaires que j'avais laissé trainé dans le couloir -non ne me demandez pas ce qu'elles faisaient là- je jetais un coup d'œil à la pièce, n'osant pas franchir son pallier. C'est une belle bibliothèque et des rangées phénoménales de livres s'y tenaient. Elle voulait que j'entre. Lâchant mes affaires, je finis par me laisser tenter, passant un pied puis deux, cette phobie était des plus ridicules. Avançant à travers le rayons, je scrutais les bouquins les yeux écarquillés, et bien que je ne savais pas réellement ce que je faisais ici, je continuais mon chemin comme si de rien n'était. Et c'est d'ailleurs par tout hasard que je tombais sur un jeune homme que je n'avais auparavant jamais vu. Ou alors, ma mémoire me faisait défaut.

« Tu es aussi en recherche d’un peu de paix ? » « Penses-tu réellement pouvoir trouver la paix en cohabitant avec vingt cinq personnes ? » dis-je d'un ton amusé avant de prendre un livre, au hasard et de le feuilleter « Non je visite, et je dois dire que je n'y connais rien... » riais-je de moi même avant d'apercevoir le titre du livre "le manuel du kamasutra" ... sérieusement ? « En bouquin, bien entendu » terminais-je tout en reposant le livre comme si de rien n'était.

L’homme était rentré complètement dans la pièce comme quand on rentre dans un lieu totalement inconnu, c’est-à-dire avec ne curiosité non feinte. Il ne semblait pas me connaître, mais cela n’était définitivement pas une barrière. « Penses-tu réellement pouvoir trouver la paix en cohabitant avec vingt cinq personnes ? » Ah, il n’avait pas faux sur ce point-là … Mais j’avais la douce espérance de pouvoir avec seulement quelques minutes à moi. De toute façon, je n’étais pas du genre solitaire, heureusement. Je faisais une petite grimace pour lui montrer qu’il n’avait pas tort. « Non je visite, et je dois dire que je n'y connais rien... » Il riait de lui-même, et je riais aussi avec lui, assez stupéfait que quelqu’un ne connaisse rien aux bibliothèques. Moi-même qui n’étais pas quelqu’un de super cultivé, j’avais un minimum traversé de tel lieu.

Il avait pioché au hasard sûrement un livre dans les étagères. Enfin j’espérais que c’était par hasard, car prendre consciemment la kamasoutra en présence de quelqu’un, ce n’était vraiment pas judicieux. « En bouquin, bien entendu » Je comprenais directement son sous-entendu, et je riais plus fort. Il reposa son livre là où il l’avait pris, mais même si il faisait comme si rien ne s’était passé, j’avais très bien vu le titre. Je me demandai si j’allais pousser le vice jusqu’à le taquiner sur sa malchance … C’est avec un sourire en coin, que je m’adressais à lui. « Une allergie aux … bibliothèques ? » J’avais fait exprès de laisser un blanc de quelques secondes dans ma phrase. Mais j’espérais qu’il n’était pas ce genre de personne qui se vexe de la plus petite allusion. Ces gens étaient profondément ennuyeux …