all i want, 27.04 - 12:25

+ @ALLEN

Ce midi là, j'avais choisi de le passer avec l'une des personnes que j'estimais le plus dans le coin. A vrai dire, je crois que tout le monde avait plus ou moins la même image que moi d'Allen, puisqu'il continuait d'être en tête des sondages de popularité, ce qui ne m'étonnait clairement pas. Sa place, il la méritait, et je pouvais même déjà parier sur sa victoire, oui. Enfin, je préférais ne pas le dire à voix haute histoire de ne pas lui porter malchance, lorsque l'on savait à quel point je pouvais parfois dires des sottises. Enfin, je l'avais croisé dans les cuisines, et lui aussi avait eu dans l'idée de manger dehors, nous avions donc comme un accord convié que ce midi là se déroulerait au salon de thé, d'autant plus qu'il fallait profiter du soleil plus que jamais. C'était fou comme le temps pouvait être l'inverse de celui que je supportais par chez moi. En général, c'était gris, pas forcément agréable au quotidien, alors qu'ici il faisait presque tout le temps beau. Je m'étais donc attelé à faire un sandwich, pas franchement doué pour faire quoi que ce soit d'autres. Pain, beurre, jambon, quelques salades, deux tranches de tomate, vraiment pas de quoi soulever des foules, mais au moins, j'étais certain de ne manquer de presque rien. Nous partions donc en direction du jardin, et une fois l'espace vert rejoint, je ne pouvais m'empêcher de lui demander. « Dis, comment est-ce que tu as su qu'Andrea était la bonne ? » enfin, il me semblait que c'était bien son nom, mais vu ma mémoire pour ceux ci, j'avais des chances de me tromper. « Enfin, je veux dire, je crois savoir que vous n'êtes plus ensemble, mais sur le moment je veux dire... » J'avais toujours eu des soucis à définir mes relations avec les femmes. J'avais toujours tendance à m'emballer trop vite, lorsqu'il n'y avait rien. Pire encore, je pouvais me lasser sans même m'en apercevoir. C'était compliqué, aussi je préférais demander à Allen ce qu'il avait ressenti à ce moment là, quand il avait su. Avec un peu de chance, ça pourrait m'aiguiller.

En arrivant ici, Allen n'aurait sûrement jamais imaginé qu'il pourrait s'attacher à autant de candidats, lui qui n'avait pas été très entouré ces dernières années et qui s'était du coup imaginé qu'il ne serait pas extrêmement simple pour lui de se lier à ses camarades. Mais il était sociable de nature, et cette aventure le lui avait rappelé, tandis qu'au fil des semaines il s'était rapproché de plusieurs candidats, certes à des degrés différents, mais au point qu'aujourd'hui chacun d'entre eux comptaient pour lui. Clarke faisait justement partie de ceux qu'il avait appris à connaître et à apprécier, ainsi la perspective de déjeuner en sa compagnie fut plus que tentante, c'est pourquoi ils prirent ensemble la direction du salon de thé, où ils pourraient profiter du beau temps et discuter un petit peu, après avoir emmené de quoi se nourrir. Une fois sur place, le canadien eut alors la surprise de se voir poser une question qu'il n'avait pas vraiment vu venir, car il avait beau entendre souvent parler de son mariage, il avait plus l'habitude qu'on le questionne sur la fin de celui-ci. « Eh bien, en fait, on jouait un couple dans la série grâce à laquelle on s'est rencontrés. On s'est donné la réplique pour la première fois le jour de son arrivée au studio, je l'avais jamais rencontrée auparavant, et lorsqu'elle m'est apparue … disons que je me souviens m'être dit que c'était la plus belle fille au monde. » Il afficha un sourire doucement amusé, parce qu'il avait bien évidemment conscience que ça pouvait paraître cliché au possible, voire carrément ridicule si on ne croyait pas du tout au coup de foudre. « Mais je crois que c'est quand on a vraiment discuté pour la première fois que j'en suis tombé amoureux. Parce qu'en plus d'être une très jolie fille, c'était quelqu'un de formidable. » Andrea faisait partie de ces êtres qui avaient une vraie beauté intérieure, et même aujourd'hui que les choses étaient beaucoup plus compliquées, il serait incapable de dire le moindre mal de celle qu'il avait tant aimé. « J'ai su que c'était la bonne parce que je me suis projeté dix ans en avant et que je nous ai vu, elle et moi, assis dans le même canapé à surveiller nos enfants » reprit-il ensuite, en affichant un sourire plus mélancolique, parce qu'il avait beau savoir que ça n'était pas une mauvaise chose que tout ça soit à présent derrière lui, il ne pouvait pas s'empêcher d'avoir une pensée émue pour le début de cette histoire. « Mais je pense que tout le monde ne le ressent pas de la même manière ou avec la même intensité. » C'était histoire que Clarke ne s'imagine pas qu'il faille absolument pouvoir se projeter avec quelqu'un pour s'estimer amoureux. Lui, c'était quelque chose qu'il faisait facilement, parce qu'il était du genre à s'emballer un peu vite. « Moi par exemple, j'ai pas eu tant d'intuition que ça. » Il avait ajouté, dans un haussement d'épaules un peu triste, pas encore totalement capable d'évoquer toutes ces choses sans avoir un pincement au cœur, mais moins affecté qu'il l'aurait sûrement été quelques semaines plus tôt. « Si tu te sens incroyablement bien quand tu es avec elle, et qu'elle te manque dès qu'elle s'éloigne de toi, c'est déjà un indice si tu veux mon avis » glissa-t-il enfin à son camarade, tandis qu'il lui lança un regard complice, parce qu'il n'était pas idiot, il savait bien que cet intérêt soudain pour sa vie sentimentale cachait quelque chose. Et de ce qu'il avait compris, Clarke s'était effectivement rapproché de certaines candidates. A lui de voir s'il avait ou non envie de lui en parler.

Je n'étais pourtant pas de ces garçons qui s'intéressaient particulièrement à la vie amoureuse des autres, ou même à la sienne. Et pourtant, voilà que je posais des questions sur celle d'Allen. Quelque part, je me disais que demander conseil à une personne qui avait l'air de plutôt bien s'y connaitre en la matière était quelque chose qui ne pourrait que m'apporter, puisque qu'on se le dise, même si j'avais déjà eu deux ou trois relations plutôt courtes, on ne pouvait pas dire que j'étais un expert. J'étais même sacrément maladroit lorsqu'il s'agissait de faire part de mes sentiments, probablement parce que j'estimais qu'ils ne regardaient que moi, et ce même si ça n'était pas forcément vrai. Le brun m'expliquait donc qu'il avait rencontré sa femme lors d'un tournage et qu'il avait tout de suite su, du moins, il avait ressenti cette attirance. Il est vrai que j'oubliais de plus en plus qu'Allen était de base quelqu'un ayant déjà percé plus ou moins le petit écran. Si au début de l'aventure je l'avais noté comme étant une personnalité, aujourd'hui je ne le voyais simplement plus que comme Allen, ce qui n'était franchement pas plus mal. Mes lèvres s'étirèrent en un léger sourire lorsqu'il me donna ses premières impressions sur son ex-femme, me disant que j'aurais probablement pu penser exactement la même chose que lui si je m'étais retrouvé à sa place. Il m'expliqua ensuite qu'il s'était projeté dix ans après et qu'il s'était vu avec elle et leurs enfants. Je ne savais pas bien combien de temps ils étaient restés ensemble, mais il me semblait que cette projection n'était pas tout à fait véridique au final puisque je ne me rappelais pas qu'Allen ait justement des enfants au jour d'aujourd'hui, si bien que je ne pouvais m'empêcher de le lui demander. « Et tu en as aujourd'hui, des enfants ? » Après tout, c'était peut-être le cas, nous ne connaissions pas tous les détails de la vie de chacun, surtout par ici, avec un secret à défendre. Il ajouta ensuite que tout le monde ne ressentait pas les choses de la même manière, et je hochais la tête pour approuver sans pour autant ajouter un mot. Parce qu'il avait raison, chacun était différent, c'était d'ailleurs probablement ce qui était le plus compliqué dans une relation. « Tu as quand même du vivre de belles années avec elle. » Je n'avais jamais réellement envisagé l'échec comme quelque chose de définitif, plutôt comme un meilleur moyen de rebondir, de se relever. Finalement il ajouta quelques paroles à mon égard alors que je fixais ses prunelles qui me laissaient deviner qu'il avait bel et bien percé mon jeu, si bien qu'un sourire presque imperceptible étira une petite seconde mes lèvres. « A vrai dire, j'ai peur que ça ne soit qu'une phase. » C'était peut-être étrange, largué ainsi, mais je me savais légèrement impulsif lorsqu'il s'agissait des sentiments. « Qu'arrivé à l'extérieur, tout change, que je ne me retrouve moi-même plus ou que je me lasse. » Parce qu'il ne s'agissait de personne d'autre que moi, je me voyais comme celui qui poserait probablement le plus de problèmes.

A plusieurs reprises, le canadien avait été amené à évoquer sa vie sentimentale, que ce soit par le biais des questions posées sur les primes ou au détour de conversations où il avait livré plus ou moins de détails. Mais alors qu'on le questionnait le plus souvent sur sa situation de célibataire, sur le fait qu'Andrea avait souhaité mettre un terme à leur union, ici Clarke désirait obtenir des informations sur le début de cette histoire. Il se souvenait alors que le tout jeune garçon qu'il était à l'époque de sa rencontre avec Andrea avait vécu son premier coup de foudre au moment où ses yeux s'étaient posés sur cette petite blonde enthousiaste et d'une beauté saisissante. Il avait conscience que ça pourrait sembler ridicule, que la description qu'il faisait de ce moment ressemblait à la scène clé de n'importe quel film pas très original, mais si Clarke désirait savoir ce qu'avait vraiment provoqué chez lui cette rencontre, et d'où était ensuite née la certitude qu'elle était faite pour lui, il ne pouvait décemment pas faire l'impasse sur ce genre de détails, qu'il choisisse de le croire ou non. Il évoqua par la suite le moment où il s'était projeté dix ans en avant et où il s'était vu avec Andrea, veiller sur leurs enfants. Et c'est apparemment ce détail qui attira particulièrement l'attention de son camarade. La mine du canadien s'attrista alors légèrement à la question qu'il lui posa. « Je … oui, j'en ai deux » qu'il articula, en se forçant à afficher un léger sourire, parce qu'il aurait certainement un peu de mal à comprendre qu'il ait l'air de le dire avec de la peine, alors que c'était a priori ce qu'il voulait, fonder une famille. Il paraissait en tout cas évident que tout le monde ne vivait pas ces choses-là de la même manière, lui il ressentait toujours les choses avec une grande intensité, mais il y en avait certainement qui ne parvenaient pas forcément à se projeter, ou qui ne pensaient pas nuit et jour à l'être aimé. C'est à une nouvelle question qu'il eut droit de la part de Clarke, et celle-ci ne le mit pas beaucoup plus à l'aise que la précédente. « J'ai été heureux pendant quinze ans » affirma-t-il alors, comme s'il cherchait à s'en convaincre lui-même, tandis qu'il tâcha aussitôt de penser à autre chose, parce qu'au final il en revenait là encore à la fin de cette histoire, autrement dit à la partie la plus triste pour lui. Il tâcha de faire discrètement comprendre à son camarade qu'il avait compris qu'il ne lui demandait pas ça par hasard, qu'il y avait peut être bien une fille, dans les parages, pour qui il avait pu développer des sentiments sur lesquels il avait encore un peu de mal à mettre un nom. « Ici, on ressent forcément les choses avec plus d'intensité. On est isolés du reste du monde, en huis clos avec une vingtaine de personnes, c'est forcément particulier » souffla-t-il alors lorsque son camarade sembla émettre des doutes quant au fait que ce qu'il ressente puisse être réel, et ne risque pas de s'évanouir une fois qu'il aurait retrouvé l'extérieur. « Mais je ne pense pas que nos sentiments soient faussés pour autant. On s'est certes liés à des gens qu'on aurait pas forcément connus dans d'autres circonstances, mais je pense que ce qu'on ressent les uns pour les autres n'est pas moins authentique que si on était à l'extérieur. » Parce qu'en dépit de ce cadre un peu particulier, c'était bien à des personnalités qu'ils s'étaient attachés. Alors bien sûr, ça revenait à penser que personne ici ne jouait le moindre rôle, et c'était justement ce qu'il aimait penser, lui, parce qu'il ne savait pas comment il réagirait s'il apprenait que quelqu'un à qui il s'était lié s'était montré sous un faux jour. « Parle-moi d'elle » ajouta-t-il doucement, en captant le regard de son camarade pour l'inciter à avoir confiance en lui. Il ne prétendait pas être l'oreille la plus attentive qui soit, mais il pensait savoir écouter. Mais surtout, il n'incitait jamais quelqu'un à parler s'il n'était pas susceptible de s'intéresser à ce qu'on lui dirait. « Tu n'es pas obligé de me donner son nom, je veux juste t'entendre me dire ce qui fait qu'elle compte pour toi, et ce qui a pu t'amener à te demander de quelle façon tu pourrais bien savoir si elle est celle qu'il te faut. » Parce qu'il savait que c'était pour ça qu'il l'avait interrogé l'instant d'avant, pour savoir s'il y avait des signes qui ne trompaient pas, et qui prouveraient qu'il était peut être tombé sur la bonne. Alors qu'en réalité, c'était surtout la façon dont il aurait tendance à en parler qui risquait de livrer des réponses.

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