@naveen @salomée
Immobile devant les baies vitrées, j'observe d'un air serein le patio. Je n'y pas envie d'y aller toute seule mais ce n'est pas pour autant que je me décide à aller chercher la compagnie de quelqu'un. Mon vœu semble avoir été exaucé puisqu'un candidat s'engage dans le patio. Mes grandes opales s'accrochent à la silhouette de Naveen qui prend place sur une chaise. Je le trouve assez dans son élément dans ce lieu.  Je ne lui ai jamais parlé, pourtant j'ai l'impression d'en savoir un peu sur lui avec ce que j'ai grappillé pendant le prime. Je me complais dans le fait d'apprendre à connaître les autres par distance, à travers ce que me raconte les gens simplement parce je ne sais pas faire. Ou simplement parce que la réalité est toujours trop décevante. Après deux minutes d'hésitation, je me décide à aller à sa rencontre. D'un pas presque maladroit, j'arrive dans le patio, je tente d'avoir une allure mesurée pour ne pas être tel un prédateur qui fond sans aucune hésitation sur sa proie. Je m'assois en face de lui, lui offre un sourire un peu accueillant. Je laisse un silence s'installer entre nous, le dévisageant pendant une poignée de seconde avant de me décider de l'ouvrir. « Elle marche bien ton agence matrimoniale ? » Je demande l'air tranquille avant de fouiller dans mes poches, à la recherche d'un briquet. Oui parce que j'avais écouté les portraits des candidats et ce détail avait réussi à capter mon attention sans que je sache trop pourquoi.  Et je ne pense pas avoir grand chose à dire d'intéressant sauf si c'est sur lui. J'allume ma cigarette alors que mes opales se perdent dans le reflet de la flamme. « Vous avez célébré combien de mariage en tout ? » Je l'interroge avant de capter du coin de l'oeil Salomée qui débarque assez rapidement. D'un geste presque automatique je lui tends mon briquet, parce que je crois que c'est ce qu'elle veut. Il faudrait qu'elle arrête de tout gratter, cette fille, on n'est pas des organismes de charité. Elle s'empare de l'objet tant désiré, je lui offre un simple sourire, en haussant les épaules, fière de mon anticipation.

Nicotine, nicotine, nicotine. Je prends ma dose depuis que j’ai été en manque la semaine passée. Ca me permet de découvrir des endroits différents par la même occasion, les lieux sont tellement grands que je me balade. Le patio fleuri fait partie d’un de mes lieux préférés pour l’instant. La végétation y est sympa, j’admire les fleurs pendant que je m’injecte le cancer tout en essayant de deviner les variétés pour le peu que je connais. Apercevant Jade et Naveen au loin je m’approche d’eux dans le but de sociabiliser un peu, je ne connais les deux que très vaguement mais ils ne m’ont pas laissé une mauvaise impression. « Oui. Ca parle botanique ? » On est dans un jardin alors je sais pas… je propose. Je saisis automatiquement le briquet que me tend la rouquine sans que je n’ai rien demandé. Trop serviable. Allumant mon bâtonnet, j’en expire la première taffe en faisant attention de ne pas rejeter toute la fumée dans la tête de Naveen en face de moi. « Merci. » L’indien se propose ensuite de se rendre à la cuisine dans un excès de galanterie qui égale sa gentillesse. Ce mec a l’air d’avoir vécu loin du monde pendant des années tellement il est dénué de mauvais sentiments. « Euh… rien du tout. C’est l’heure du thé en Inde ? » Je pose la question parce que ça m’intrigue. D’ailleurs par esprit aventurier je me lance. « Je vais prendre la même chose que toi. » Allez soyons fous. Tirant une nouvelle taffe je me tourne cette fois-ci vers la jolie rousse. « D’ailleurs Jade, tu viens d’où ? J’arrive pas à saisir son accent. » C’est un genre de jamais entendu, ça doit être un mélange ou quelque chose du genre mais je me dois d’obtenir une réponse pour arrêter de me casser la tête à chaque fois qu’elle prononce une parole.

J’arrive pile au bon moment à ce que je vois. Jade et Naveen s’unissant pour le meilleur et pour le pire. Ce serait original remarquez. « Oh je vois. J’imagine que je suis une des premières à être dans la confession. Je garderai le secret. » Jouant le jeu je fis signe de motus et bouche cousue avant que Naveen ne se dévoue à aller nous chercher des boissons. Je n’ai personnellement pas soif mais je suis curieuse de savoir ce que lui est habitué à boire à cette heure-ci. Je l’ai déjà un peu observé et il a des rituels très différents de tout le monde ici. L’une comme l’autre nous nous accordons à prendre la même chose que lui, l’indien s’éclipsant je continue la conversation avec Jade. Son exode est surprenante mais je trouve ça intéressant, le voyage c’est un truc qui me passionne. Tirant une taffe, j’hausse les sourcils par constatation. « Eh ben tu en as fait du chemin. Le choc culturel n’a pas été trop rude ? » Je l’aurais traitée de sale amerloc si elle n’avait pas précisé qu’elle était en Europe depuis quelques années. C’est sûrement pour ça qu’elle ne me débecte pas comme avait pu le faire Joren lors des abysses. Jade n’a pas du tout le comportement de l’archétype américaine. Je généralise mais je n’y peux rien si je les déteste, j’en ai une mauvaise image. A peine Naveen fut-il revenu que Cupidon déclencha sa musique au grand désespoir de tout le monde ici présent. « Génial. » Bravo là on touche le summum du racolage. La prochaine fois ce sera quoi ? Déclencher la musique pendant l’heure du repas comme ça ce sera grosse orgie dans la cuisine ? Ridicule. La rouquine se lança la première, moi au final je restais tranquille à attendre que chacun vienne me livrer son bisou. Ce n’est pas grand-chose mais le principe m’insupporte. J’esquisse un fin sourire face à l’idée de Naveen tandis que je porte de nouveau ma cigarette à mes lèvres, le scrutant légèrement. Il est trop mignon à être mal à l’aise. On l’est tous plus ou moins mais lui tout particulièrement. De là à s’éviter pour éviter que ça ne recommence… ahlala petit Naveen –beaucoup plus âgé que moi cela dit en passant. « Maintenant que c’est fait on ne doit plus avoir grand intérêt aux yeux de la production surtout que personne ne s’est jeté sur l’autre. Ils ne vont pas recommencer » Je balance ça pour le rassurer tellement je crains que sa gêne ne soit communicative. Jade aussi n’est pas tout confort mais c’est différent. Faisant diversion pour qu’on ne reste pas trois ans là-dessus je me penche au-dessus des verres posés sur la table. « Alors qu’est-ce que tu nous as ramené finalement ? » J’en oublierais presque la politesse, me redressant je pose de nouveau mon regard sur l’indien. « Et merci pour les verres. » Bref sourire à l'appui, je prends possession des verres un à un afin de les distribuer docilement.