Cette saison encore, Cupidon avait fait fort avec son nid d'amour. En s'y baladant, on aurait dit une sorte de palais dédié aux jeux, aux rires et à la découverte, de quoi faire faire largement plaisir à la grande enfant que je suis. D'un pas léger, vêtu d'une petite veste, puisque malgré l'aspect chaleureux et coloré des lieux, il ne faisait pas si chaud que cela en Irlande à cette époque. Je me baladais dans le jardin, accédait au parc d'attractions et tombait un peu hasard sur un magnifique carrousel. Tellement émue, je poussais un petit cri d'excitation avant de courir droit vers l'appareil. Je m'installais sur un des chevaux de bois, le serrant tout contre moi, comme je le faisais quand j'étais petite. Sentir l'essence de ce bois vieilli par les années, associé au décor du manège qui semblait être d'époque, j'en aurais presque versé une petite larme. Heureusement pour moi et surtout pour mon amour propre, il me semblait voir apparaître un candidat aux abords du carrousel. À grand renfort de cris et de grands gestes des bras, je tentais désespérément de lui faire un signe :
Hey, toi par ici !!
Je ne savais pas du tout s'il allait m'entendre, venir vers moi tout sourire ou à l'inverse me prendre pour une folle. Au fond, moi, je ne voulais pas grand-chose, juste partager ce petit instant nostalgie avec quelqu'un. Et puis, celons-moi, l'une des meilleures manières de connaître un homme, c'est de connaître son enfance. Puisque celle-ci est souvent révélatrice de ce qu'il sera à l'avenir ou, en tout cas, permet souvent de comprendre les agissements futurs de certains êtres humains.

Le jeune homme que je venais d'accoster de manière, je dois bien l'avouer, un peu forcée se rapprochait. À mesure qu'il avançait, je me rendais compte que je le connaissais. Il s'agissais de Grey, le barbu au regard d'acier, un de mes anciens partenaires de la team Rowan. Il semblait en forme et content de me voir. Fidèle à lui-même, les mains dans les poches, il restait aux abords du manège, me demandant d'un air détaché, si j'étais contente d'avoir quitté la prison. Je lui souriais balançant comme ça naturellement :
J'aime trop la liberté pour ne pas être contente. En plus ce nid est génial, il y a tellement de choses à faire c'est juste formidable.
Je commençais à avoir froid sur ce cheval de bois, c'était surement dut au fait de rester planter sans bouger. En attendant, j'écoutais Grey tenter d'imaginer mon enfance. Sa vision était très clichée, mais au final pas si éloignée que ça de la vérité.
T'es pas loin de la vérité. Même si mon enfance c'était plutôt l'océan atlantique, les galettes de la grand-mère, les longues balades sur la plage, ponctués bien sûr de jeux en tout genre. Une enfance classique de petite fille en somme, bercée d'aventures, de rêves et de liberté.
Rien que d'y penser, j'en avais le frisson. Dieu que ces souvenirs remontait à loin, mais, malgré tout, ils semblaient tellement frais dans ma mémoire. S'en était troublant… En tout cas, j'avais eu la chance d'avoir eu une enfance privilégiée. Chose dont pas tout le monde pouvait se vanter. Curieuse, je tournais mes prunelles, qui c'étaient perdu dans le bleu du ciel à mesure que je pensais, vers Grey.
Ton enfance à toi, c'était comment ?
Je l'imaginais bien enfant, debout sur une trottinette à slalomé entre les barres d'immeubles d'une grande ville comme New-York ou Chicago. Il avait en tout cas, le physique de l'emploi celui du jeune américain ayant frôlé la limite, sans jamais tombé dedans et qui se retrouvait quelques années plus tard dans une télé-réalité. Moi, qui détestais cela, voilà que je tombais à mon tour dans des clichés. J'avais juste à être patiente et attendre un peu, sa réponse arriverait bien assez tôt.

Grey se révélait au final sans grande surprise. Une enfance classique pour un enfant, né à Brooklyn, de l'insouciance, des potes, suivis surement par la suite par quelques dérives savamment dosés afin de ne pas aller trop loin et finir. Mais, malgré tout dans cet destinée un peu trop lisse à mon goût quelque chose me chiffonnait :
Mais, corrige-moi si je me trompe, tu vis au Canda aujourd'hui ? Comment un jeune de Brooklyn a-t-il fini flic au Canada ?
Je ne m'attendais pas à ce qu'il me donne tous les détails, surtout que certains d'entre eux devaient surement avoir un lien avec son secret. Mais bon, curieuse comme j'étais, je ne pouvais pas m'empêcher de vouloir tout savoir. Attentive, je continuais malgré tout d'écouter Grey, sa remarque sur le parc d'attraction me faisait bien rire. C'était aussi surprenant qu'inattendu et j'aimais cela :
J'allais à Disneyland Paris quand j'étais petite. Durant mon adolescence, cela s'est calmé avant de reprendre de plus belle lorsque j'ai emménagé pour mes études à Paris. Cet endroit est magique, j'aime aller m'y ressourcer dans les moments de grands stress.
Le parc du nid d'amour était super, mais Disneyland c'était nettement plus grandiose et encore, je n'avais jamais visité les parcs américains qui, selon les dires de mes amis, étaient absolument hors du commun. Je dérivais encore dans mon flot de pensées, m'éloignant de l'essentiel auquel je revenais bien vite :
Il faut une première à tout. Cela va ce n'est pas trop… douloureux comme dépucelage ?
Cette plongée violente dans le monde gnan gnan de l'enfance aurait pu bouleverser plus d'un homme viril. Mais Grey ne semblait pas être perturbé. Après, il était peut-être un excellent acteur. Je ne le connaissais que depuis une semaine à peine… Je pouvais donc, très bien, être surprise.

En écoutant Grey, je me rendais bien vite compte que j'avais eu une existence assez privilégiée. Une vie plutôt banale, sans grand bouleversement si ce n'est un simple déménagement de ma Bretagne natale vers la capitale. En écoutant le peu d'informations que Grey me donnait, je me rendais compte que la sienne, par contre, semblait semée d'embûches.
Des fois je regrette d'avoir eu une vie aussi linéaire. J'aimerai mieux avoir une existence comme toi, pleine de rebondissements à l'image de celle des héros de séries-télé.
D'ailleurs Grey, avec son physique et son sublime regard aurait fait un parfait super-héros. Policier le jour, justicier la nuit, le rêve des petites filles et des ménagères…
[color#A90543]T'as une belle gueule d'acteur, tu as déjà pensé à tenter des castings ?[/color]
Moi la gratte papier qui pendant longtemps ne sortait de son bureau que pour rentrer chez elle. Voilà que je tentais de donner des leçons à une personne qui n'en avait, visiblement pas besoin. Au-delà de ça, sa remarque sur le dépucelage me fit beaucoup rire, tant celle-ci aurait pu être mal interprétée.
Heu… Tu parles de quel type d'acte là ? Parce que moi, j'ai des copines qui ont tenté d'accélérer la cadence dans certains de leurs actes et je ne peux t'assurer que ce fut loin d'être salvateur…
À moins que le fait d'avoir quelques petites hémorragies internes, puisse être considéré comme une forme de libération. Vu notre monde actuel, cela ne m'aurait même pas étonné. Mais bon passons, Grey venait de me poser une question des plus intéressante. Me grattant le menton, je réfléchissais quelques brefs instants avant de répondre :
Je dirais ma liberté de mouvement. J'aime vagabonder d'un lieu à un autre sans contraintes. Or, vu l'étroitesse de la prison, c'était vite devenu assez compliqué. Et toi ?
Quoi qu'il arrive, le fait d'avoir passé une semaine en taule m'avait coupé l'envie d'y retourner pour toutes mon existence. Mais pas seulement, puisque cela m'avait aussi permis de profiter de chaque seconde de mon aventure et surtout de me rendre compte de la chance que j'avais d'être dans cette émission.