La salle de détente est un endroit qu’il commence à fréquenter plus que de raison. Cela fait environ deux semaines qu’ils sont ici, et l’excitation autour du parc d’attraction dans lequel ils évoluent n’est pas encore totalement retombée, mais à l’inverse de ses camarades, Colin préfère squatter des endroits plus « familiers » comme cette fameuse salle de détente. Pourtant, elle n’a rien d’extraordinaire, il s’agit juste d’un coin avec une belle télévision, quelques instruments, un bar, des objets qu’il peut tout à fait retrouver à l’extérieur, ne serait-ce que dans la baraque des vieux, mais ici, cela a une autre saveur. Et puisque son quotidien, depuis qu’il a arrêté la fac, se résume à grignoter devant des films débiles, cet endroit lui apparait comme la solution ultime pour satisfaire sa flemmardise aiguë. Et si la semaine dernière il est tombé sur Na’vi préparant sa séance de méditation, cette fois-ci il distingue la silhouette de Jade dont les mains s’affairent avec délicatesse sur les touches du piano. Inutile de préciser que la musique classique n’a pas sa faveur (et encore moins le piano grâce à Nancy qui insiste pour qu’il s’y mette) mais par respect – car oui, c’est une notion qu’il connait et qu’il est capable d’appliquer de temps à autre – il laisse la demoiselle terminer. En réalité, il s’imagine qu’elle en a bientôt fini avec la pièce, il ne voit pas comment on peut s’occuper des heures durant derrière un piano, et lorsqu’il est passé devant l’endroit il y a un peu moins d’une heure, aucun son n’en émanait. Quand elle a terminé, aucune réaction de félicitations, pas d’applaudissements ou de « bien joué », simplement la bouche qui s’entrouvre pour savoir si elle compte rester longtemps ici, mais elle le double rapidement et se met à jouer à la voyante. « Ah, non, désolé, y’a déjà Scarlett donc t’es immunisée, j’tape pas dans les trucs bizarres avec des sœurs. » Ouais, surprenant de sa part, mais ce n’est pas son truc, il peut se montrer assez classique quand la situation l’exige. « J’compte sur toi pour pas trop montrer ta déception, sinon ça va être… t’sais, un peu inconfortable et tendu entre nous, ce serait dommage. » D’autant plus qu’ils sont très proches, hm. « Quoi que, p’t’être que ça va t’inspirer un morceau, et à défaut d’être ton âme-sœur, j’serais ta muse. C’est cool, aussi. » Et super flatteur, aussi. Bon, à voir le visage de la jeune femme, c’est pas gagné. S’approchant finalement de l’instrument, appuyant son coude contre celui-ci et tenant sa tête avec sa main, il scrute le regard de la demoiselle. « Vas-y, j’t’écoute. » Il lance, l’air béat comme il sait si bien le faire plaqué sur son visage.