UNDER YOUR TEARS
@scarlett

C'est l'heure d'un saut dans la piscine pour décompresser, bien qu'on imagine difficilement qu'il soit possible de ressentir une quelconque pression crédible dans cet endroit plus que privilégié. Lloyd a juré de ne pas jouer avec la roulette avant jeudi, date des nominations, aussi Khadija est-elle relativement apaisée. Elle ne peut cependant pas nier que la révélation du secret de Jade a été un choc pour elle. L'héroïne de Black Swan ? Non mais, vous vous souvenez de ce film ? Portman est littéralement possédée, elle vit un vrai cauchemar... Khadi s'est rongé les ongles jusqu'au sang au cinéma devant cette histoire. L'enfer pur pour un humain que cette « maladie » de dédoublement masochiste dont souffre l'héroïne. Elle a beau se répéter que le cas de Jade a été romancé, exagéré pour les besoins cinématographiques, elle ne peut s'empêcher d'imaginer sans cesse Jade dans la peau de Natalie Portman. Dans son maillot blanc, elle exécute des brasses le long de la piscine, sentant ses muscles tirer et fatiguer, elle plonge la tête sous l'eau et ouvre les yeux. Protégée de tout et à l'abri du monde, elle poursuit sa nage par le dessous, insensible au manque d'oxygène. Lorsqu'elle remonte à la surface, elle n'est pas surprise de croiser quelqu'un, mais elle l'est de rencontrer Scarlett, parce qu'elle pensait justement à sa sœur... Scarlett dont elle a embrassé le dessus de la petite main d'albâtre au prime, lui signifiant qu'elle lui plaisait plus que la plupart des autres candidats de l'émission. Souriant, elle plonge de nouveau et se dirige vers elle avec agilité, son corps ondulant dans l'eau bleutée. Elle prend une inspiration en remontant et son regard croise celui de la rousse, dont elle s'approche en appuyant ses deux bras sur le rebord de la piscine. Ses longs cheveux trempés collent à ses épaules et le long de son dos, les pointes flottent mollement à la surface de l'eau. Elle la regarde un instant sans rien dire – toutes deux savent qu'elles n'ont pas toujours besoin des mots pour échanger quelque chose. Elle finit par inspirer longuement, sachant qu'elle ne saurait faire l'impasse sur le cas préoccupent de Jade. — Elle suit un traitement ? Portman n'en suit pas, dans le film. Mais nous sommes dans la réalité. Jade est forcément aidée, médicalement, non ? Elle a envie d'ajouter « et toi ? » mais se retient. Elle n'imagine pas à quel point ce doit être épuisant d'être la sœur d'une femme aussi tourmentée. — Ils appellent ça « schizophrénie », mais ce n'est pas le terme exact... n'est-ce pas ? Les maladies mentales restent encore un grand mystère pour la médecine et la psychiatrie. On met dans le terme « schizophrénie » tout un tas de maladies et dysfonctionnements qu'on n'arrive clairement pas à cerner, à résoudre. Jade est plus complexe qu'un simple terme médical. — Tu l'as toujours connue comme ça ? Ou peut-être est-ce survenu à un moment de leur vie... Le jour où l'insouciance de Scarlett a du prendre fin brutalement, et beaucoup trop tôt.

Scar à passé la nuit dehors à se promener dans le domaine. Son esprit hermétique à toute chose à eut le don de lui servir de couverture protectrice. Le froid de l'hiver irlandais semblait ne pas avoir d'emprise sur elle, jusqu'à ce qu'au petit matin elle rencontre une nouvelle âme, plus colorée que la sienne. Elle s'est rendu compte que ses doigts étaient engourdis et que le sweat de Lino n'avait pas été suffisant à le garder bien au chaud. Elle qui sort d'un gros rhume, elle risque de nouveau passer du temps sous la couette. Tout est trop coloré ici, elle s'y perd. Rien n'est facile, parce qu'elle n peut pas vraiment regarder en arrière. Elle a toujours Jade à l'esprit, Jade et son bien-être. Elle sait bien qu'elle se met au second plan, mais c'est surtout parce qu'elle n'a jamais eut de réels besoins. Peut être qu'instinctivement elle s'est mise en veille à partir du moment où elle a comprit qu'elle devrait s'occuper de Jade. Peut-être ? Non en réalité Scar à toujours été en marge et c'est vrai que la condition de Jade lui permet à elle de garder la tête hors de l'eau. Égoïstement elle sait que si elle n'avait pas à s'occuper de Jade de la sorte, elle ne serait plus que l'ombre d'elle-même. Scar repense bizarrement à ce que disait Khadi sur sa pratique du surf, la façon qu'elle a de tout oublier au contacte de la vague. Comment le passé et le présent n'ont plus d'importance, mais que l futur lui étrangement apparaît plus clair que jamais. C'est une sensation qu'elle aimerait plus que tout ressentir, mais y a un problème de constructeur au niveau de ses émotions. Une pièce manquante. Elle glisse dans son maillot de bain noir, sans s'en rendre compte. Sa réflexion sur Khadi l’amène à avoir envie d'un petit bain dans la piscine. Elle n'est pas une très bonne nageuse, mais elle se dit que si elle va au bout de ses capacités dans cette piscine chloré, peut être qu'elle ressentira une once de liberté. En arrivant là-bas, elle ne s'imaginait pas tomber justement sur la belle naïade. Beaucoup sont encore au lit à l'heure qu'il est et les couloirs sont presque déserts. Les lendemains de prime tout le monde reste au lit tard, comme pour retarder le moment où on se rendra vraiment compte que notre favoris est parti. Khadi en blanc, elle en noir. C'est comme ça depuis le départ, elle se sent totalement à l'opposée de la brune et pourtant il leur suffit souvent d'un regard pour se faire comprendre. La rouquine approche de la piscine, ne quittant pas du regard la nageuse, de sa main gauche elle vient caresser l'empreinte encore chaude du baise main que lui a fait la demoiselle. Déclaration d'attirante qui dépasse complètement la rousse. Accoudée au rebord de la piscine la méditerranéenne, parle. Sa jolie voix lui demande des nouvelles de sa petite sœur. L'on associe toujours l'une à l'autre. Elle croit bien Scar, que les moments où on lui a posé une question sur elle et uniquement sur elle, se compte sur les doigts d'une main. Mais ça ne la dérange pas, pas venant de Khadi. « Oui, elle est suivit aussi. » Répond Scar en s'approchant du bord pour s'y asseoir et déposer ses jambes dans l'eau. Elle s'attendait à beaucoup de questions après la révélation du secret de Jade, alors c'est normal. « Elle en a les symptômes en tout cas, c'est juste pour la rentrer dans une case. Les maladies mentales font peur, même aux spécialistes. »  Qu'elle lui confie du bout des lèvres en se décidant à entrer complètement dans l'eau, sans s'éloigner de Khadi. « On à toujours été en marge elle et moi, mais c'était presque bien au début pour la famille. Tu sais ces manies qu'on les artistes de justifier leur comportement au nom de leur art ? Bah c'était ça, on est des artistes alors nos filles sont spéciales. »  Qu'elle lui raconte d'une voix absente. Ses fines mains jouent avec la surface de l'eau. « Elle avait dix-sept ans quand on l'a rentré dans cette boite, là bizarrement c'était plus « cool » d'avoir une fille hors norme. »  Elle ne sait pas trop si elle répond à ses questions. A vrai dire, elle aimerait ne plus trop parler de tout ça. « Tu as peur de quoi Khadi ? »  Dans la vie de tout les jours, là maintenant, est-ce qu'elle a peur. Parce qu'elle dit s'en servir de cette peur sur les vagues, mais là sa planche est bien loin d'elle. Alors qu'est-ce qu'elle a fait de ses peurs ?

Elle comprend peu à peu les choses, mieux qu'avant, en écoutant Scarlett avec attention. En lui parlant de sa sœur, elle veut en réalité en apprendre plus sur elle. Souvent, on se révèle plus profondément en nommant ceux qui nous entourent, nous touchent, ceux en qui on s'investit, qu'en se confiant directement sur soi. Visiblement, les parents des sœurs avaient eu leur période « filles exceptionnelles ». Et puis, les choses s'étaient gâtées. Scarlett avait du prendre le relai, Jade avait du être rejetée par un couple qui n'était absolument pas prêt à s'occuper d'un enfant « dérangé ». Pourtant, beaucoup de génies subissaient la folie, sous de nombreuses formes très variées. Elle imaginait à présent combien avait du être compliquée la fin de l'adolescence pour une Scarlett qui portait la santé, le bienêtre, la vie même de sa sœur sur ses épaules, entre ses bras. Elle avait du assumer trop de rôles à la fois, celui du médecin, de la mère de substitution, de la sœur, de l'amie... Jade s'accrochait à elle comme un nourrisson à sa mère. De ce que Khadija avait pu observer, jamais Scarlett ne l'avait rejetée. Seulement, ici, elle s'était autorisée à aller vers d'autres, à tisser des liens dont Jade aurait pu être blessée. Le malade qui souffre est parfois cruel avec les autres, peut-être parce que personne ne ressent sa souffrance autant que lui. Khadija pose sur Scarlett un regard tendre. Elle ne saura jamais la convaincre d'être égoïste. Mais à vivre pour faire survivre sa sœur, Scarlett avait finit par acquérir une certaine inconsistance à ses propres yeux. Elle comprenait, à présent, les imagines envoyées par Scarlett : cette sensation de ne pas exister vraiment, cette crainte d'être folle. Et que les autres soient aussi fous qu'elle. Elle était trop immergée dans l'univers de sa sœur, qui n'était, elle devait l'admettre, pas le sien. Ce n'était pas sa souffrance, pas son combat. — Et toi, tu as toujours été là..., souffle-t-elle, à moitié immergée dans l'eau. Une réflexion qui ne sonne pas comme une admiration, non. Presque comme une déception. Avait-elle jamais osé vivre pour elle ? Khadija sourit lorsque Scarlett la questionne sur ses peurs. Elle nage près de Scarlett, descendue à son tour dans l'eau, laissant ses peurs jaillir d'elle et danser en cercle tout autour. — J'ai peur de ne plus pouvoir surfer, un jour, entame-t-elle en pensant à si elle se brisait quelque chose, si elle avait mal au dos... Si elle avait une maladie grave, un cancer, par exemple... — J'ai très, très peur de l'immobilité, avoue-t-elle, un peu penaude. — Je souffre d'hyperactivité et aucun traitement n'a jamais pu me... calmer. Même adolescente. S'imaginer dans un lit d'hôpital plus d'une semaine... Dans un fauteuil devant la télé... — Avant, je faisais un cauchemar, souvent le même. Je baissais les yeux sur mon corps, et je n'avais plus de jambes... Juste deux minuscules petits moignons tout lisses. A ce souvenir, elle nage plus rapidement, sentant avec un plaisir maladif ses membres bien actifs et ses muscles éprouvés. — J'ai peur de la guerre... Elle poursuit sans relâche, bien décidée à montrer à Scarlett que nos peurs nous sont naturelles, intrinsèques, et que plutôt que d'essayer sans cesse de les combattre, nous devons apprendre à vivre avec. — Je sais que je n'aurai pas le même courage que mes parents si jamais il faut se défendre... Et par les temps sombres qui courent, avec le Moyen-Orient qui s'emballe et se soulèvent contre les vieilles dominations capitalistes et colonialistes... ça fait très peur. Elle regarde Scarlett et sourit, avant de plonger et de nager en ondulant comme une sirène jusqu'à elle. Elle ressort de l'eau en souriant de nouveau. — J'essaie d'apprivoiser mes peurs. De les voir comme... des parties de moi, et non des tumeurs néfastes dont il faudrait se débarrasser. Ses deux doigts attrapent une mèche rougeoyante de Scarlett qu'elle laisse glisser contre sa peau. Le rouge ne part pas. Ce sont des vrais. — Le surf me permet de les affronter. En lui faisant prendre conscience d'à quel point elle est vivante, et d'à quel point elle a le droit de profiter de cette chance égoïstement. — Je voudrais t'apprendre... Sans Jade. L'une après l'autre, séparées. Quelque chose que Scarlett ferait pour elle, juste pour elle.

La relation qu'elle entretient avec sa petite sœur est compliqué à comprendre. L’œil extérieur est souvent fasciné par leur complicité. Mais beaucoup ne comprennent pas, la majorité à vrai dire. Quand on connaît l'histoire de Jade, ce qui n'est pas donné à tout le monde. On a tendance à penser que Scar s'est sacrifié au profits de sa petite sœur. Y a du vrai là dedans, mais il faut comprendre qu'elle a besoin de tout ça. C'est son encre, elle a trouvé un équilibre dans cette relation complexe. En effet elle pourrait tout sacrifier dans le but de garder tout ça comme c'est. Khadi, elle fait partie des gens qui ont comprit. Du moins c'est l'impression que se fait Scar, c'est ce qu'elle s'est dite lors de leur confrontation. Khadi, elle comprend les choses. Elle écoute les mots de Scar, n'en perd pas une miette comme si c'était la clef de quelque chose. C'est naturellement que lui parle Scar, elle essaye de ne jamais faire semblant avec Khadi, parce qu'elle a l'impression qu'elle mérite mieux que ça. Qu'elle mérite une version d'elle bien plus honnête, même si elle a moins de relief, moins de couleurs. Son commentaire sonne comme un reproche. « Bien sûr, c'est ma sœur. » Qu'elle ajoute d'un air distrait. Elle a la notion des liens de famille, mais ce n'est pas seulement parce qu'elle est sa sœur. Elle est plus que ça, sa meilleure amie, sa mère, sa plus grande admiratrice. Elle ne sait pas quoi penser de ce reproche à peine voilé. « Tu n'approuve pas ? » Elle lui demande tout de même du bout des lèvres. La belle brune est dans l'esprit de Scar depuis le début, depuis les abysses. Il y a quelque chose chez elle, qui défie toutes les lois. Elle a sut Scar dès qu'elle l'a rencontré, que tout ce qu'elle avait put connaître avec les autres, que tout ce qu'elle avait retenu de ses autres rencontres ne s'appliquerait pas à elle. Cette demoiselle à sut la toucher d'une manière assez inédite, elle ne saurait comment le dire, comment l'expliquer. Alors c'est tout naturellement qu'elle vient la questionner. Elle semble toujours foncé droit devant sans se poser de questions. Elle lui explique avoir peur de ne plus pouvoir surfer un jour. Et ça fait écho en elle, comme Jade vit de plus en plus mal d'être éloignée de sa carrière de danseuse. La rouquine n'a pas de passions débordantes, elle ne sait pas ce que c'est. Elle ne peut qu'imaginer. « Hyperactive ? » Scar ne sait pas trop ce que ça implique. Elle connaît le terme médicale, mais comment ça se traduit chez Khadi. Une irrésistible envie de toujours avoir quelque chose à faire ? Une preuve de plus qu'elles sont les opposées. Elle si calme, elle qui peut se poser pendant des heures devant un livre ou sa machine à coudre. « C'est terrible. » Elle souffle presque fébrile à l'idée de faire un jour le même genre de cauchemar, elle ne sait pas comment elle réagirait. Scarlett se demanderait certainement qui allait s'occuper de Jade alors ? Quand elle lui parle de la peur de la guerre, ça la dépasse un peu. Parce qu'elle manque cruellement d'information sur la belle pour comprendre. Elle ajoute quelque chose sur ses parents. « Tu viens d'où Khadi, y a la guerre chez toi ? » Scar fronce les sourcils, l'attitude typique qu'elle adopte quand elle s'inquiète. Sauf qu'habituellement c'est pour Jade qu'elle s'inquiète et uniquement elle. Elle sait que c'est une petite française, mais ses origines ? Elle n'écoute pas assez ce qu'il se passe autour, peut être que cette information est connue de tous. « Tu es courageuse. » Elle ajoute, parce qu'elle a cette façon de parler de ses peurs, elle les acceptes comme partie d'elle-même pour en faire quelque chose de positif. Alors que Scar, ça la paralyse ce genre de choses. Le soucis, c'est qu'elle n'a pas souvent peur, mais quand ça lui arrive c'est comme si ça prenait toute la place vide dans son cœur. Comme si ce n'était plus que cette émotion qu'elle pouvait ressentir, la peur finit par primer sur toutes les autres qu'elle peine à ressentir en temps normal. La belle attrape une mèche de cheveux à la rouquine, elle esquisse un doux sourire et attrape sa main au vol. « J'espère que t'as de la patience alors. » Scar à toujours été trop tête en l'air pour la danse, le sport. Trop lunaire pour la musique, pas assez curieuse pour les études. Ce n'est pas quelqu'un qui apprend facilement à moins qu'il s'agit d'une nouvelle langue. C'est pas quelque chose qui la passionne pour autant, ça lui occupe l'esprit, c'est comme la couture. « Je te plaît ? » Qu'elle lui demande d'un air presque mutin, masqué par une timidité grandissante qu'elle vient caché en s'immergeant totalement dans l'eau sans attendre de réponse.

Leurs regards sont rivés l'un à l'autre, tandis que Scarlett, si assurée lorsqu'il est question de Jade, semble douter de tout le reste. Khadija n'entend pas approuver ou désapprouver qui et quoi que ce soit, elle n'est pas assez intelligente pour cela, et n'en connait pas suffisamment sur les deux sœurs. — Qui suis-je pour juger ? Personne, répond-t-elle avec fermeté, se remettant à sa juste place afin que jamais Scarlett n'imagine une seconde qu'elle se permet d'avoir ses petits avis sur des relations dont la complexité la dépasse, et de loin. Elle nage encore, poussant ses brasses jusqu'aux orteils, réflexive. Elle ne veut pas répondre n'importe quoi à Scarlett, parce qu'elle mérite qu'on soit doux, honnête avec elle sans jamais paraître dur. Elle est courageuse, elle aussi, et elle n'a pas idée d'à quel point. — Quand il est question de Jade, tu as toujours les réponses. Ta voix est claire, ferme. Mais quand il s'agit de toi... tu es comme de la peinture dans laquelle on verse de l'eau. La couleur devient moins nette, le bleu électrique devient bleu pâle. Pourtant, regardez ses cheveux, regardez ses yeux. Scarlett est haute en couleur. Mais quand vous regardez sa bouche s'ouvrir et se fermer, ses lèvres se mouvoir et former des mots, c'est la silhouette de Jade qui se dessine. En deux brasses, Khadija se rapproche de Scarlett, et se redresse dans l'eau sans avoir pied, ondulant comme un dauphin. — Dis-moi ton prénom ? Sa question paraît bête, et pourtant. Elle voudrait entendre « Scarlett » avec la même clarté, la même diction affirmée que lorsqu'elle prononce « Jade ». Scarlett. Ses parents ne l'ont pas nommée ainsi par hasard. Elle est la couleur maitresse, le devant du décors, elle est aussi le rideau rouge du théâtre qui masque le plus important, l'essentiel, ce qui attend sur la scène que le rideau se lève. « C'est terrible », qu'elle dit. Oui, cette impossibilité de se poser, de s'arrêter pour penser, pour retourner ses idées dans sa tête, lui a souvent pourri la vie, l'a empêchée de faire des études. Et sa résistance stupide aux traitements... Bornée comme pas deux, Khadija. Courageuse, parce qu'elle apprend à vivre avec et à en faire une force, tout comme Scarlett a appris à ne pas en vouloir à Jade de lui prendre sa vie. — Voilà enfin un point commun, signale-t-elle dans un sourire mutin. Elle sait, elles savent, à quel point elles sont différentes toutes les deux – il suffit de voir les couleurs qu'elles arborent aujourd'hui. — Mes parents étaient en Iran pendant la Révolution contre le Shah. Ils se sont battus pour... eh bien, pour ce qu'ils pensaient être un monde meilleur. Mon père a fait de la prison, ma mère... sa famille lui a tourné le dos définitivement quand il a été clair qu'elle était une révolutionnaire. Ces souvenirs ne sont pas les siens, mais elle en a entendu parler de nombreuses fois. — Le gouvernement qui a succédé au Shah ne leur convenait pas, alors ils sont partis en France. Moi, je suis née au Pays Basque, ajoute-t-elle fièrement. Elle est heureuse de ses origines, se sent pleinement basque ; aux origines iraniennes. Une histoire qui ne lui appartient qu'à moitié, dans un passé dont elle n'a pas fait partie en personne. Oui, elle aura de la patience, songe-t-elle quand Scarlett attrape sa main dans la sienne et plaisante. Elle en aura pour elle. La question de Scarlett, en mémoire du prime, lui arrache un sourire, qui s'élargit quand elle la voit disparaître sous l'eau. Elle attend, patiemment, qu'elle remonte, son sourire toujours sur ses lèvres. — Tu es la seule fille à me plaire, dit-elle avec douceur. — Tu m'as plue dès que je t'ai vue, avant de voir tous les autres, avant de savoir que tu as une sœur et de connaître son visage. Tu m'as plue pour toi seule, ce que tu montres, ce que tu sembles être. Sans sœur pour partager sa vie, sans transparence.

L'avis de Khadi semble toucher la rouquine. Elle a crut voir une expression presque déçut quand elle comprend que Scar fait passé les besoins de la petite soeur avant les siens depuis des années maintenant. Ce n'est peut être pas la meilleure façon pour elles d'avoir une relation saine, mais ça marche depuis des années. Alors pourquoi changer ? Elle pourrait la juger ce n'est pas si grave. Mais qu'elle lui dise franchement si elle trouve que leur relation est toxique, ce ne sera pas la première fois qu'on lui dit ce genre de choses. Mais on ne peut pas lui faire changer sa ligne de conduite, toujours elle fera passer Jade avant les autres, avant elle. La brune lui dit qu'elle n'est personne pour la juger. Peut être bien, Scar plisse les lèvres et esquisse un léger sourire. Elle voit bien qu'elle tente par son attitude de la rassurer sur ce qu'elle peut penser. "Je sais bien que notre relation peut être toxique, tu à le droit  de me dire ce que tu en pense." Elle siffle entre ses lèvres sans quitter ses opales vertes. La brune semble voir Scarlett d'une façon inédite, c'est assez déstabilisant de se confronter à son regard. Scar ne sait pas comment y faire face, curieuse elle aimerait pouvoir se voir à travers les opales vertes de la belle brune. Ce qui est assez déconcertant c'est qu'elle semble tout connaitre d'elle sans rien vraiment savoir sur Scarlett. Ce qu'elle à remarquer sur la façon qu'elle a de parler franchement de sa petite sœur et d'être plus hésitante quand il s'agit de sa personne, c'est tout à fait vrai et bien vu. La rouquine écarquille les yeux, stupéfaite de l'entendre dire autant de vérité sur elle, sur sa sœur. Elle ne sait pas quoi lui répondre, elle se sent quelque peut mise à nue devant la brunette, c'est à la fois agréable et effrayant. "Je..." Qu'elle commence d'un ton hésitant, son regard s'enfuie sur la surface de l'eau. Quand elle lui demande de prononcer son prénom, elle reprend quelques couleurs et lui affiche un sourire amusé. Elle croit comprendre ce qu'elle a derrière la tête et ça l'amuse un peu, parce qu'encore une fois elle met l'accent sur une vérité. "Scarlett ?" Qu'elle dit sur l'interrogative, parce qu'il lui arrive de ne pas être sûre à ce sujet, comme sur beaucoup de sujet d'ailleurs. Et le pire c'est que ça la fait rire sur le moment. Parce qu'elle pourrait lui dire la tout de suite que son prénom c'est Jeanne, elle pourrait la croire sur parole. La belle se livre sur ses peurs, Scar la trouve particulièrement courageuse, un point commun qu'elle lui lance. "Tu le pense vraiment ?" Elle ose demander presque fière de s'entendre dire qu'elle est courageuse. Elle n'a pas l'impression de l'être. Scar écoute les confidences de la belle, qu'elle prend comme un trésors précieux, qu'elle gardera pour elle à jamais. Elle ne sait pas ce que c'est que d'avoir des parents courageux comme les siens. Et elle comprend mieux sa peur de la guerre. "Tu dois être fière de tes parents." Elle souffle admirative, tout en comprenant que cette héritage peut être compliqué à porter. La brune est fascinante, elle se sent belle dans son regard, importante. Et elle a comprit lors du prime, que c'est parce  qu'elle lui plaisait, elle aimerait bien en savoir plus là dessus. Parce que Scar ne plait pas, pas lorsqu'elle se contente d'être sa version désarticulé. Elle plait quand elle revêt le costume de la séductrice. Mais pas quand elle offre son profil blessé, fragile et lunaire. La question la met mal à l'aise, alors elle essaye de faire passer tout ça en plongeant sous l'eau un instant. Elle ne sait pas qui elle va retrouver en remontant, un Khadi souriante ? Elle sourit la brune. La seule fille qui lui plait, ça fait d'elle quelqu'un de spéciale. Un sourire sur les lèvres Scar ne perd pas un mot de ce qu'elle lui conte. "J'aimerais pouvoir me voir à travers ton regard." Elle souffle presque fébrile. "Ta présence me fait du bien." Qu'elle ose lui confier, presque effrayé. Parce qu'il y aura une fin à ce jeu, parce que Scar n'a pas les épaules pour les déceptions. Elle tempère d'un beau sourire. "Il me reste un câlin à utiliser, pour mon cadeau de Noël." Elle lui confie amusée, avant d'écarter les bras, en attente de la cueillir entre les bras.

« Je sais bien que notre relation peut être toxique ». Cette phrase résonne dans l'esprit de Khadi, qui, pour toute réponse, cligne lentement et doucement des yeux face à Scarlett. Scarlett sait. Alors, elle n'a rien d'autre à apprendre de Khadija. C'est une relation de symbiose qui a tendance à les enfermer toutes deux. Cela crée un sentiment de bienêtre rassurant pour les deux filles, mais peut aussi mener au drame. Preuve en est qu'elles sont toutes deux agacées d'être sans arrêt considérées par les candidats du jeu comme un seul et même tout. Aux yeux de Khadija, Scarlett essaie de jouer trop de rôles à la fois pour sa sœur. C'est si touchant et si adorable qu'elle serait incapable de lui en faire le reproche. Elle veut être la mère, le père, la sœur, l'amie, l'amante, le substitut d'une existence à laquelle Jade se refuse. Si Jade subit un dédoublement de la personnalité, si elle s'augmente volontairement elle-même, c'est bien parce qu'elle manque terriblement de confiance, qu'elle est persuadée qu'elle ne peut se suffire seule à elle-même. Elle emmène sa sœur dans cette considération, l'obligeant malgré elle à, elle aussi à son tour, se dédoubler. Le résultat, c'est que non seulement Jade ne va pas forcément mieux, mais en plus, Scarlett perd de sa propre personnalité en donnant tout à sa sœur. La dévotion a ses limites. Khadija attend que Scarlett prononce son propre prénom, et, lorsqu'elle le fait, elle se met à rire avec elle. Scarlett elle-même perçoit la chose. — Tu vois ? Elle dit dans son rire, observant Scarlett avec tendresse. — Tu me poses la question, tu attends que je valide ? Que je te dise « oui, c'est bien ça ton prénom » ? Pas question, souffle-t-elle, mutine. Elle se remet à nager de courtes brasses tout près d'elle. — Je ne sais pas comment tu t'appelles, je ne sais pas qui tu es. En tout cas, je le saurai toujours moins que toi. Elle finit par revenir devant elle et, se laissant submerger dans l'eau, elle ne laisse que sa bouche à la surface. — Comment tu t'appelles ? Elle espère que, cette fois, Scarlett prononce son propre prénom avec affirmation, une certitude qui ne souffre pas de transparence. Connais-toi toi-même, dit le philosophe. Et c'est tellement dur, et tellement vrai. Scarlett peine à croire que Khadi la trouve véritablement courageuse. Elle sort de l'eau jusqu'à la poitrine et s'approche d'elle, prenant ses mains dans les siennes, toutes mouillées et fraiches, ses yeux dans les siens. — Je te trouve très courageuse. Sa voix est si ferme qu'elle ne souffre aucune réplique. Elle ne dit pas cela pour l'encourager, ou la rassurer, tout simplement parce que ça ne leur apporterait rien, ni à l'une ni à l'autre. Il fallait un courage incroyable pour dédier sa vie à celle de sa sœur, pour accepter, si jeune, de prendre cette responsabilité. La façon avec laquelle Scarlett affrontait son insécurité dans ce jeu... La façon dont elle arrivait malgré tout à aller vers les autres, vers Lino, vers Khadija... Sa façon, ferme et maternelle, d'appeler sa sœur tandis qu'elle était dans l'eau, au fond de la piscine, « viens, viens »... Elle quitte les mains de Scarlett en entendant parler de la fierté de ses parents. Se laissant tomber dans l'eau, elle hoche la tête. — Très. Je me sens parfois un peu bête, à côté d'eux. Ils ont pris des risques dingues pour des idéaux, un monde meilleur... Moi, je les prends face à des vagues... Souvent, ses défis avaient semblé dérisoires, voire inutiles aux yeux de son père. Sa mère, elle, comprenait. Mais le père avait toujours pensé que Khadija cherchait la vie au mauvais endroit... Elle sourit en entendant Scarlett. — Je suis sûre que tu t'adorerais, dit-elle dans son sourire. Elle se trouverait si belle, si mignonne, si mystérieuse et si tendre. Sa présence lui fait du bien. Une douce chaleur qui n'a rien à voir avec l'eau de la piscine envahit Khadija. Comme une enfant, Scarlett tend les bras, demandant un câlin. Khadija se laisse cueillir, s'approchant en ondulant dans l'eau et se pressant contre Scarlett, l'entourant elle aussi de ses bras, son visage et son petit nez enfin plongés dans ces cheveux flamboyants qu'elle aime tant. — On se reverra, si tu le veux, murmure-t-elle en l'étreignant.