Si Lloyd avait su qu'on leur imposerait une activité paintball, il serait venu ici plus souvent. Certains diront que c'est inutile de venir maintenant qu'on les a forcés à se tirer les un sur les autres et que la production ne leur jouera pas ce tour une deuxième fois, mais Lloyd a besoin d'exorciser la défaite qui l'a mené sur le banc des nominés. C'est thérapeutique en quelque sorte. Et puis passer un moment en compagnie de Buzzy Buzz, le cow-boy ultra-sexy mais complètement idiot engagé par la production pour les encadrer n'est qu'un plus parmi d'autres.  La nomination qui lui pèse sur les épaules ne l'ennuie pas outre mesure. Bien sûr, Lloyd préférerait être en sécurité comme huit autres candidats, mais ce n'est pas le cas et il est en paix avec cet état de faits. Il n'a pas peur, contrairement à certains qui craignent pour leur place. Pas qu'il soit sûr de réintégrer l'aventure dimanche soir, il n'est sûr de rien, mais être éliminé ne serait pas dramatique. Il a fait de son mieux et si le public décide qu'il a fait son temps, il l'acceptera et retournera voir sa fille et son adorable mari. Ils lui manquent moins maintenant que la lassitude des jours s'est imposée et qu'il se laisse porter par le flot continu d'informations et de visages. La carabine en main Lloyd se concentre. Il tire et touche la cible, pas de beaucoup, juste assez. Ça aurait été un tir à l'épaule au paintball. Quelqu'un rit, ou non, la personne ne rit pas. Elle étouffe un rire. Ses yeux se tournent vers Colin, grand champion du paintball qui a lui seul a permis à son équipe de gagner plus de points que la majorité des gens de son équipe réunis. « Tu veux me montrer à quel point tu mérites ton titre de tireur d'élite ? » demande-t-il en lui tendant la carabine.

Colin est une petite chose adorable dans son originalité exacerbée, Lloyd voit pourtant clair dans son jeu à en faire des tonnes puis à minimiser les choses. « Ça aurait été plus malin, maintenant tout le monde sait que tu es un serial-sniper en puissance. » dit-il malicieux. Il a tellement de mal à voir Colin déguisé en militaire, planqué sur un toit prêt à tirer dans la distance sur une cible mouvante que ses prétentions d'excellence ne lui semblent qu'une funeste plaisanterie. Une de plus, de celles qu'il raconte pour faire enrager les gens ou au contraire piquer leur intérêt. Voilà. Comme prévu. Il commence à revenir sur ses mots pour jouer la carte du gars capable de, plus ou moins littéralement, se tirer une balle dans le pied pour cacher ses véritables intentions. « Fais donc, je t'en prie. » lance un Lloyd amusé d'un geste de la main, laissant le champ libre au jeune vantard. La question que lui pose Colin, probablement pour le déstabiliser ou le faire enrager un peu, ne l'atteint pas vraiment, ce ne sont que des tactiques basiques de guerre mentale. Rappeler la défaite, puis couvrir cet affront d'une couche de sympathie en impliquant que Lloyd n'est pas responsable mais que ses équipiers le sont. « Je ne sais pas si je suis « vénère » d'être nominé, c'est chiant et décevant mais pas spécialement énervant. On a joué le jeu, clairement moins bien que vous... C'est tout. » fait-il un peu amer d'être condamné à la potence pour un crime qu'il n'a pas commis mais pas spécialement angoissé, si son heure est venue, il l'accueille avec les bras ouverts. Sa vie lui manque assez pour que son élimination ne soit pas uniquement teinté de noir. « De toute façon je peux rien y faire, vous nous avez écrasés et ressasser ça serait complètement contreproductif. Profite de votre heure de gloire cela dit, elle ne durera pas. » prévient Lloyd qui ne voit pas comment les six personnes sortant en vie de la nomination pourraient être renvoyées sans cesse sur le banc des nominés. Le tour de Colin re-viendra. Il a même son nom sur un des sièges éjectables pour l'avoir fréquenté souvent. Il tire et rate. Lloyd sourit, satisfait. « Impressionnant. Recommence. Et tente de toucher cette fois ou je serai obligé de répandre la rumeur que tu as été frappé par la chance du débutant dimanche. » minaude-t-il forçant un peu la main de son camarade. Pas trop, juste assez pour qu'il passe pour un dégonflé s'il refuse.

Colin plaisante sur le fait de les éliminer un par un à coup de fusil. Ce serait peut-être un bon plan s'il n'y avait pas les caméras ou s'ils ne savaient pas que Colin est le meilleur -à égalité plus ou moins- avec Lawrence une carabine entre les mains. Un plan qui aurait pu marcher, s'il ne comptait pas tant de faiblesses. « On sait tous les deux que t'es pas assez bête pour ça. » lâche-t-il avec un petit regard complice à son camarade. Lloyd a toujours accordé à Colin une intelligence plus grande qu'il ne le laisse paraître sous ses airs de gamin irritable et irritant. À tort ou à raison, dieu seul le sait. La grimace qui ponctue la réflexion du jeune tireur d'élite est à la fois cocasse et sinistre. Peut-être que c'est l'idée que Colin se fait d'un visage dangereux et qu'il n'a jamais vu dans un miroir à quel point il peut avoir l'air d'un enfant boudeur essayant d'obtenir une sucrerie supplémentaire de la part d'un père réfractaire à l'idée d'entretenir une carie naissante. « Ça reste entre nous et Buzzy Buzz, promis. » fait Lloyd en dessinant sur ses lèvres une aiguille venant lui coudre la bouche et l'enfermant par là dans un silence de circonstance. Gardien du secret d'État le mieux gardé de la décennie à coup sûr. La façon dont Colin semble être sûr de son retour, parce que lors de sa précédente nomination il a fini premier, lui fait à la fois chaud au cœur et froid dans le dos. Les choses ne sont pas toujours aussi logiques, il ne sait pas exactement ce que le public peut penser de lui ces derniers temps, il ne sait pas comment ses autres camarades sont vus et la possibilité qu'une nomination à huit disperse les voix autour du lui reste prégnante. « Ouais... j'aimerais que ce soit aussi simple, mais face à Naveen, Salomée, Grey et tous les autres, les votes vont être assez éclatés donc on ne peut vraiment rien prédire, à moins que tu aies une boule de cristal dans laquelle tu pratiques la voyance ? » conclut-il en plaisantant. Voilà, il a trouvé le deuxième secret de Colin. Il est extralucide et peut voir l'avenir des votes. Un secret fort utile pour quiconque souhaite gagner quelques voix. Peut-être même que le jeune américain peut conseiller son aîné sur la marche à suivre pour survivre à cette nomination. Lorsque le sujet s'éloigne de Lloyd pour atterrir sur la position confortable d'immunisé dont jouit Colin, l'aîné commente : « Entre toi et ceux qui gagnent des immunités à tire-larigot, certains vont finir en finale sans qu'on comprenne ce qu'il nous arrive. » Il ne dira pas qu'il trouve ça profondément injuste, chacun a la chance qu'il mérite et si la roulette décide de donner à certains sa bénédiction elle doit avoir une raison. Lloyd-Snö regrette seulement qu'elle ne soit pas un peu plus généreuse avec lui et un peu moins avec le reste de la bande. « Je veux bien, mais arrive un moment où tu es obligé d'assurer un minimum sinon tu vas passer pour un rigolo dont la réputation est surfaite. » explique-t-il quand Colin lui rappelle qu'il doit garder profil-bas pour ne pas trop attirer l'attention sur lui et ses talents. Des talents que ses parents auraient supposément exploités dans son enfance. « Pauvre petit. En fait t'es une sorte d'hybride entre une marionnette et un chimpanzé. » Et bim. Troisième secret percé de la journée et tout ça en une seule conversation. Lloyd est dans une forme olympique. Ou presque. Si seulement c'était aussi simple. Lorsque Colin lui retourne la question, il élude gentiment, ne voyant pas vraiment comment il pourrait lui expliquer en quoi il est au-dessus de la norme sans révéler d'indice flagrant sur son secret. « J'excelle en bien des domaines, certains que tu ne veux pas connaître et d'autres qui ne sont pas pertinents à l'aventure. Mais l'un dans l'autre je dirais que je suis très doué pour retomber sur mes pieds et gagner là où je devrais perdre. » élude-t-il finalement. Le deuxième tir vient se loger dans une peluche. Il ne sait pas si c'est la même que la première fois mais ça mérite un tonnerre d'applaudissement malgré tout. « Si le but était de tirer dans une peluche tu serais champion. » Il attrape l'arme que lui tend son camarade et se concentre sur la cible à atteindre. « L'avantage c'est que, moi, je peux me rater sans mettre en danger ma réputation. » nargue-t-il en appuyant sur la détente.