Il n’y a pas grand-chose de plus à faire sur ce château gonflable et pourtant je suis toujours tentée de me rendre ici. Quelque chose m’attire, peut-être est-ce la part très enfantine de ma personnalité qui reprend le dessus à chaque fois ? Quoi d’autre ? Il n’y a clairement rien de bien intéressant à faire ici, on s’ennuierait presque très rapidement et sauter comme une gamine pour avoir l’impression de flirter avec la gravité ne m’intéresse guère, je suis trop vieille pour ces bêtises. Je l’ai surtout déjà fait les deux fois où je suis venue ici. La dernière fois c’était avec Grey, nous avons commencé à nous battre gentiment et à voir qui serait le plus fort, aujourd’hui j’ignore si je vais trouver quelqu’un ici, il se trouve que si, à croire qu’on ne peut jamais vraiment être seul peu importe l’endroit où l’on choisit de se poser. Colin est là, occupé à faire j’ignore quoi, penché, les fesses en l’air et je ne résiste pas à cette invitation, le diablotin qui m’habite ne peut pas refuser une telle occasion, ce serait du gâchis après tout. Je m’approche discrètement pour ne pas être grillée et au parfait moment je plaque très fort mes deux mains sur son popotin pour le pousser en avant. Il se rattrape un moment mais termine quand même par une belle petite chute sur la surface gonflée, il n’aura pas mal mais j’ai bien rigolé en tout cas. « T’as définitivement pas de fesses, ç’en est déprimant, il n’y a rien à palper ! » Il n’y aura même pas de trace rouge à contempler sous son calbut, rien du tout, de quoi être très déçue.

Le château gonflable est bien le dernier endroit où Colin pensait mettre un jour les pieds. Déjà qu’il n’apprécie pas vraiment ce contexte parc d’attraction, mais en plus il faut qu’on leur colle une attraction réservée au moins de dix ans, on peut difficilement faire pire dans le genre ridicule. Certes, Colin arrive très bien à l’être sans faire d’efforts particuliers, mais cet endroit est à coup sûr le meilleur moyen pour eux de perdre toute crédibilité, en sautant comme des petits fous sur le trampoline ou en nageant dans la piscine à boules. Après bientôt deux mois dans ce nid, il n’a pas jamais testé les lieux, et ce n’est pas aujourd’hui qu’il compte commencer. Ou du moins, pas de la façon dont on s’attendrait à ce qu’il profite des lieux. Après sa petite escapade dans la salle de sport – qu’il a bien vite quitté – il prend le chemin de l’extérieur pour y fumer une ou deux cigarettes, la conversation avec Lloyd l’ayant perturbé. Le candidat n’y est pas vraiment pour quelque chose, mais Colin a encore de la peine à se faire à l’idée que tout le monde connait désormais son histoire, ou du moins les détails qu’il veut bien communiquer. Profitant de l’air frais pendant presque une demi-heure, ce n’est qu’au moment de regagner l’intérieur qu’il aperçoit le château gonflable et qu’il décide de s’y arrêter… pour y faire la sieste, oui. Depuis qu’il passe dans le coin, il a pu constater que l’endroit était souvent déserté, contrairement au salon ou à sa chambre. Et comme il accumule les heures de sommeil en retard, il a besoin d’être sûr de bénéficier d’un certain calme. S’engouffrant dans l’attraction. Il enfonce ses pieds sans pour autant sauter, dans le but d’estimer le confort du truc. C’est pas un matelas, mais ça se tient. Il se baisse ensuite pour tester la surface avec ses mains pendant quelques instants, avant qu’il sente une pression sur ses fesses et se retrouve déséquilibré. Tentant de garder son équilibre quelques secondes, il finit toutefois par chuter sur la surface du château gonflable. Il reconnait la voix qui s’adresse à lui, et se tournant pour faire face à Greta sans pour autant se relever, il secoue la tête. « À quoi tu t’attendais aussi, les américains sont soit obèses soit squelettiques, et j’fais, a priori, pas partie de la première catégorie. » Rien d’étonnant à ce que ses fesses soient plates au possible. « Mais bon, tu sais, si tu veux toucher mes fesses t’as pas besoin de me prendre par surprise. » Pas du tout, même, hm. Finissant par s’allonger confortablement, il affiche un sourire narquois sur les lèvres en détaillant Greta depuis sa position couchée. Avec difficulté, donc. « T’es pas un peu trop vieille pour v’nir ici ? » Pour une fois que son âge lui rend service de son côté, l’autorisant à squatter le château gonflable, hein.

Embêter les autres, je dirais que c’est ma passion principale, l’histoire de ma vie au plus grand dam de ceux qui aiment être pénards au quotidien. Je suis presque certaine de ne pas être mal reçue par mon camarade, Colin me rappelle un peu les premières années de mon adolescence avant que je ne tombe enceinte. J’étais assez terrible dans mon genre, à tout faire pour emmerder mes parents beaucoup trop conservateurs à mon goût. Ils en ont bavé et je comprends aujourd’hui pourquoi ils m’ont tourné le dos un moment après avoir appris que j’étais enceinte. Avec l’expérience de la maternité je peux à présent affirmer que je n’aurais pas fait les choses comme eux, mon fils et moi sommes restés très proches même lorsqu’il a traversé cette période où les jeunes semblent tous devenir des abrutis ou des boulets… Ou les deux ! Je l’ai soutenu et j’ai su plutôt bien gérer la barre entre souplesse et autorité, il a eu la liberté nécessaire pour se casser la gueule, découvrir par lui-même certaines choses et expérimenter tout en disposant d’une personne prête à l’écouter s’il ressentait le besoin de se confier et qui assurait ses arrières en toutes circonstances. Nous, les parents, nous sommes censés être les anges gardiens de nos enfants. Je suis pas mal perturbée depuis que Colin nous a dévoilé son secret, j’ai été choquée et terriblement attristée pour lui et je dois admettre que j’ai beaucoup de mal à passer outre. Certaines des réflexions qu’il a pu faire, sa manière d’être… Un nombre assez important de petit détails prennent à présent sens et je me sens stupide de ne pas avoir regroupé les morceaux de ce puzzle alors que j’en avais les moyens. Difficile également de trouver les bons mots à prononcer pour lancer la conversation là-dessus, je me doute qu’il ne doit pas avoir envie d’en parler, les autres doivent déjà être sur le coup et il frôle surement l’overdose de bons sentiments. Ainsi, je préfère partir sur quelque chose d’autre, conservons la légèreté qui nous a permis de faire connaissance ne premier lieu. Mes mains se font baladeuses au moment de s’abattre sur le fessier, trop plat à mon goût, au jeune garçon qui s’écrase comme je l’avais prédit. Parfait, je me marre en le regardant se redresser, surpris d’avoir été victime d’un odieux canular. « J’ai tendance à oublier que tout le monde n’a pas de sang black dans les veines ! » Nous sommes les mieux lotis vis-à-vis de cela, sans être obèse nous parvenons à avoir des fesses généreuses, plus agréables à regarder que celles d’un petit blanc sans relief. Je lève les yeux au ciel lorsqu’il me parle de toucher à ses fesses sans avoir besoin de le pousser ou de trouver un prétexte bidon. « Tu devrais savoir que je ne suis pas du genre à passer par quatre chemins… Tu risques de trop t’y habituer si je le fais ! » Il s’allonge comme si de rien n’était et me balance une nouvelle vacherie sur mon âge. « Tu vas voir si je suis trop vieille pour ici quand je t’aurais touché les fesses avec mes pieds et que tu auras valdingué de part et d’autre ! » J’en suis capable, depuis le temps que je le lui promet. « Tu veux faire quelque chose pour te changer les idées ? N’importe quoi… » Je propose, plus sérieuse, si je peux l’aider à retrouver un petit peu de folie loin de la lourdeur de son secret je suis prête à le faire.

Il n’est pas compliqué, Colin, quand sa flemme l’emporte. S’il est fatigué, il a cette capacité à s’endormir n’importe où. S’il a faim mais aucune envie de cuisiner – et même s’il avait envie il en serait incapable –, il est capable d’engloutir des aliments qu’il déteste. S’il a des obligations auxquelles il n’a pas envie de se soumettre, il attend généralement que quelqu’un s’en charge. Ainsi, alors qu’il est déjà presque dix-heures, monsieur se veut légèrement fatigué, mais n’a pas pour autant envie de rejoindre le nid. Même s’il n’est pas spécialement fan de la vie en communauté, il s’y est plutôt bien adapté jusqu'ici, mais il y a des moments où il ressent également le besoin de s’isoler, et c’est le cas aujourd’hui. Même si le nid se vide chaque semaine, c’est mission impossible d’être tranquille, ainsi faut-il opter pour des endroits insolites, comme ce château gonflable qu’il voit régulièrement vide, la majorité du nid devant penser comme lui, estimant que c’est marrant une fois, deux fois éventuellement (bien que de son côté il n’ait jamais testé ni le trampoline, ni la piscine à boules), mais que cela perd vite de son intérêt, surtout lorsqu’on a passé la dizaine. Ainsi, il pensait réellement être seul, mais c’est sans compter sur Greta qui vient l’interrompre, d’une façon propre à elle, en le poussant en avant après lui avoir claqué les fesses. Bien évidemment qu’il est plat, il n’est ni un sportif, ni un afro-américain, vu son gabarit cette révélation n’est d’aucune surprise. « Bah qui sait, vu mon arbre généalogique un peu compliqué, j’ai peut-être été volé à une famille de black quand j’étais bébé, hein. » Et donc ses parents n'ont eu que le juste retour de leur action. Ça se tient, hm. Reste le problème de la couleur de peau, mais cela s’est déjà vu des enfants et des parents qui n’avaient pas la même couleur, de même que des frères et sœurs. Il tient un truc, là. Décidant de ne pas se relever – il est très bien au sol, affalé puisque c’est presque sa position naturelle – il l’observe avant de lui annoncer qu’elle n’a pas besoin d’user de stratagèmes pour avoir le droit à toucher son fessier. Plat, peut-être, mais visiblement attirant. « Oh mais j’demande que ça, en plus j’suis à la recherche d’un cougar, faut bien qu’on commence quelque part. » Il lance, faisant écho à son échange avec Lloyd, quelques heures auparavant. « Quitte à devenir intimes, y’a autre chose que tu veux toucher ? » Sait-on jamais, hein. « À part mon oreille, s’entend. » Ou sa joue, pour ce que ça vaut. Se mettant encore un peu plus à l’aise, il ne manque pas de lui sortir une nouvelle plaisanterie sur son âge, ce qui devient une habitude. Mais c’est de bonne guerre, ça marche aussi dans l’autre sens. Affichant un sourire amusé à la réflexion de Greta, il roule sur lui-même pour se retrouver sur le ventre, bombant les fesses. « J’attends de voir. » Il n’est pas à l’abri d’une surprise. Reprenant finalement une position plus confortable, il réfléchit quelques instants après la proposition de la doyenne. « En fait j’ai un truc à te demander. » Il commence, s’asseyant en tailleur sur le trampoline. « Si ton fils voulait pas de toi, tu t’écarterais ? Parce que vous les parents vous voulez le bonheur de vos enfants, ce serait la chose à faire, tu crois pas ? » Il lui semble que son fils n’est pas beaucoup plus vieux que lui, et maintenant que son secret a été dévoilé, il peut se permettre ce type d’interrogations, d’autant plus si ça peut l’aider à comprendre l’autre point de vue, pour trouver la meilleure solution à son problème.

Je devrais peut-être faire plus attention, j’aurais cette affreuse tendance à embêter les autres sans me poser la moindre question concernant leur réaction. Il arrivera forcément un jour ou je tomberai sur un os. En attendant de me faire pourrir par quelques individus dépourvus d’un bon sens de l’humour j’en profite. Difficile de ne pas être tentée d’embêter un petit con comme Colin, je suis quasiment persuadée qu’il ne me brûlera pas sur le buché pour avoir osé lui mettre les deux mains aux fesses dans un objectif purement technique, le faire tomber en le déséquilibrant. L’occasion pour moi de me rendre compte du peu de formes de Colin, je serais presque tentée de lui proposer de manger ultra-gras et de faire un petit peu de musculation pour remédier à cela, les mecs avec de belles petites fesses bombées plaisent aux femmes… Aux hommes aussi mais je ne crois pas que Colin soit vraiment branché par les pénis. Je ne mâche pas mes mots et fonce droit au but en lui signalant qu’il a un vraiment un cul typique de mec blanc, il n’y a rien à se mettre sous la dent et la réponse qu’il m’offre n’est pas celle que j’attendais, elle me surprend et me décontenance un bref instant. « J’en doute fort, mais je remarque l’effort ironique ! » Je n’aurais pas pensé qu’il se lancerait dans les petites phrases piquantes d’humour sur son secret fraichement dévoilé. De base je pensais que le sujet était sensible, je suppose qu’il l’est, on plaisante souvent sur ce qui nous touche le plus. Il me fait aller, comme d’habitude, en précisant que je n’ai nullement besoin d’avoir recours à de petits stratagèmes pour lui toucher les fesses, comme si mon objectif se trouvait là et comme si je ne l’aurais pas fait auquel cas. « Peut-être que si tu ne passais pas ton temps à penser à voix haute cougar j’en aurais envie… » Je souffle innocemment, plus par provocation qu’autre chose. Il me propose de me faire plaisir en touchant autre chose et, parce que j’ai des pensées impures, mes yeux me trahissent immédiatement en descendant sur la zone supposée aphrodisiaque sous sa ceinture. « Toucher quoi ? J’suis pas vraiment certaine qu’il y ait quelque chose à toucher là-dessous. » Mais je dis ça, je ne dis rien bien entendu. Il me provoque en ramenant sur le tapis ma vieillesse et je poursuis en le menaçant à nouveau. Colin ne trouve rien de mieux à faire que de se retourner pour me tendre ses fesses à nouveau, il cherche le ptit con. « Tu sais ce que l’on dit ? Tout cul tendu mérite son dû, j’devrais peut-être aller chercher Grey ! » J’ai cru comprendre qu’il avait besoin de câlins depuis que Naveen l’a refoulé. Le sérieux nous tombe sur le coin du nez avec perte et fracas et je reste silencieuse un moment, à réfléchir, prendre le temps de bien m’interroger sur ce qu’il vient de me demander. Il doit s’en poser des questions et même si je l’aime beaucoup je ne peux m’empêcher de penser à la souffrance de ses parents biologiques. Plutôt que de me tenir debout comme une abrutie devant le château je grimpe et m’installe à côté de lui, à moitié allongée et appuyée sur mon coude. « Difficile à dire. » Il n’a pas idée de la complexité du rôle de parent. « Tous les parents veulent le meilleur pour leur enfant et seraient prêt à faire n’importe quoi pour eux... » Les bons parents en tout cas. « Mais tu ne peux pas demander à tes parents de tout oublier de ton existence. Tu es une partie d’eux comme ils sont une partie de toi ! » Je me concentre indirectement sur lui mais je pense qu’il est bien plus intéressé par cette partie de ma réponse que celle concernant mon fils et moi. « Si mon fils voulait à tout prix que je me l’écarte de sa vie ce serait comme perdre une partie de moi… Je serais détruite… J’aimerais affirmer à deux cent pourcent que je me plierais à ses exigences pour m’assurer son bonheur mais je n’en suis pas certaine. » Le sujet est tellement difficile qu’il me parait bien compliqué de raisonner et de mettre la main sur un argument infaillible.