♦ Pour EMRYS

Lorsque le fin du prime avait sonné, j'avais quitté le plateau assez rapidement. Vêtu d'un débardeur et d'un jean noirs, j'avais marché jusqu'au ponton afin de me retrouver seul quelques instants. Je m'installais au bout de ce dernier et laissais mes jambes dans le vide, juste au-dessus de l'eau. J'attrapais l'unique caillou que je trouvais à un mètre autour de moi et le jetais avec une certaine force dans l'océan Indien. Je restais ensuite quelques minutes silencieux en repensant à tout ce qu'il venait de se dérouler dernièrement. Le seul prénom que j'avais à retenir était : Keziah. Je frappais alors violemment le ponton en bois tout en criant assez fortement un : « Putain ! »

Le prime tira à sa fin, et la plupart des candidats en profitaient alors pour quitter le plateau. Certains couraient déjà retrouver leurs lits, je suppose, tandis que d'autres traînaient encore un peu dehors, étant donné que ce soir il ne faisait pas si froid que ça. De mon côté, je partais seule, avec l'idée d'aller.. faire quelque chose qui me ferait oublier la défaite du clan de Loup, le miens en somme, contre celui de Roark. Je n'étais pas spécialement énervée, j'étais plutôt largement dégoûtée, déçue. Enfin.. En tournant les yeux, je vis Hermès qui s'en allait, en quelques sortes, et de par sa démarche on remarquait sans mal qu'il avait plutôt l'air sur les nerfs, ou peut-être que je me faisais des idées, après tout. Dans tous les cas, je m'autorisais à le suivre. J'avançais encore vers le ponton apparemment, tout du moins c'était ce chemin-ci que j'empruntais pour m'y rendre, à l'exception près que j'y voyais un peu plus clair, techniquement. Car, même si les lieux eux, étaient illuminés la plupart du temps, le trajet pour y aller l'était nettement moins. Puis, j'entendis sa voix, se qui confirmait le fait que j'avais su arriver sans grandes difficultés, finalement. « Hermès ? » Je fus hésitante un temps, puis avançais jusqu'à lui, allant m'asseoir à ses côtés. Je ne savais pas trop quoi dire, et par peur d'être ridicule, ou stupide, ou je ne sais quoi, je préférais me taire..

La défaite était une chose que je me refaisais de vivre. Pourtant aujourd'hui, elle était cuisante et je ne me remettais pas d'avoir été nominé d'office par ce gamin, ce Keziah pour qui j'aurais désormais une haine immense. Une seule chose m'importait : le voir sortir avant moi. Croyez-moi, je mettrais tout en œuvre pour lui faire quitter le nid. Il a voulu jouer avec moi, il en récolterait alors les conséquences. Je n'allais pas me laisser faire par un abruti comme lui. J'entendis alors une voix familière derrière moi. Je me retournais, suivant du regard ma partenaire qui vint s'asseoir à mes côtés. Je la fixais du regard avant de laisser s'échapper le mien vers l'horizon et l'océan. Sa présence me réconfortait mais jamais je ne le lui avouerais. Je ne disais rien et j'attendais. J'étais toujours trop énervé pour dire ne serait-ce qu'un mot de gentil même si Emrys n'était pas la cause de cette soudaine colère.

Même si Hermès avait l'habitude de ne jamais laisser paraître une quelconque émotion sur son visage, je commençais à le cerner tout de même un peu, et il était clair que les évènements de ce soir ne l'avait pas laissé doux comme un agneau, bien au contraire. J'avais les yeux rivés sur ce qu'il se trouvait en face de moi, tandis que le silence s'installait, doucement. Et après un soupir, je décidais de briser ce vide de paroles. « Alors ? On l'enferme dans la cave, on le torture, on l'assassine, ou bien on mixe les trois solutions ? » On, oui. Keziah n'avait peut-être visé qu'Hermès, mais puisqu'il était mon partenaire, j'étais tout de même concernée aussi, d'où le fait que j'utilise ce pronom. Je me tournais vers lui attendant de voir s'il avait déjà une idée de la façon par laquelle il voulait se venger, puisque j'imagine qu'il n'allait pas ne rien faire suite à ça, ce que je comprenais amplement.

Un silence apparut. Je ne voulais pas parler en premier, de peur de déverser mon ressentiment et la colère que j'avais emmagasiné durant le prime sur Emrys. Elle avait toujours était là et je ne pouvais pas lui faire ça. Ma partenaire brisa ce silence pesant. Je l'écoutais et souriais en même temps. Elle était là pour moi et c'était bien la première fois que ça m'arrivait. D'habitude, je n'avais pas ce genre d'attention. Dans mon monde, c'était "marche ou crève". Donc je marchais, je courrais même pour échapper à la mort et à la décadence d'une vie pour laquelle j'avais tout donné. « On mixe les trois mais je m'accorde un moment personnel pour l'étriper entre la torture et la mort, si tu veux bien. » Lui répondis-je. Je venais de lui révéler mes pensées face à ce candidat. Je l'aurais eu à mes côtés durant le prime, je pense que je n'aurais pu retenir de lui sauter dessus. Heureusement que Cupidon avait eu la bonne idée de mettre les couples interrogé au centre du plateau. Ce petit angelot n'était peut-être pas aussi con que je ne le pensais...

En effet, j'étais rangée du côté d'Hermès. Normalement, j'aurais d'abord pensé à moi, car dans ma logique chaque être-humain pense, ou devrait penser, à lui en premier, ça me paraît loin d'être si égoïste que les autres le prétendent, mais plutôt normal, enfin.. si je ne me suis pas ranger de mon propre côté c'est que visiblement cette semaine allait passer sans mal, grâce à l'immunité que m'avait offerte Castiell, lors de son dilemme, bien plus tôt dans la soirée. Privilège que mon partenaire n'avait pas reçu, ou bien, si, mais dans le sens contraire, étant envoyé directement sur le banc des nominés. Et il était clair que ça ne l'enchantait pas, et moi non plus, pour tout dire. Je trouvais notre duo parfait, vraiment, et je ne voulais, pour rien au monde, qu'il ne change. Je souriais alors en remarquant que ma proposition l'avait fait sourire également. « Aucuns problèmes ! » Il était clairement probable que Keziah meurt durant l'étripage, et non pas après, mais je ne pouvais pas lui refuser ça, après tout. « Enfin, pour être sérieuse un instant. Si tu quittes ce nid vendredi, saches que c'est moi qui t'étriperai.. mais puisque tu n'as pas envie de partir, il n'y a pas de raisons que ça se produise, n'est-ce-pas ? » demandais-je, un grand sourire aux lèvres. Il était juste impossible qu'Hermès quitte ce jeu.

Ma partenaire me surprenait de plus en plus. Premièrement, elle me proposa de liquider Keziah et maintenant elle acceptait mes propositions concernant sa mort. J'étais surpris mais fortement conquis par sa réaction. Il n'y avait pas à dire, Emrys et moi étions fait pour nous entendre. Je n'en doutais plus désormais. « Ohooooh ! » Lançais-je alors en levant les mains en l'air comme un vulgaire criminel. « Je ne te savais aussi sauvage... J'apprécie cette nouvelle facette que je découvre en toi, Emrys. » Je rebaissais finalement les bras pour m'appuyer dessus lorsque je me penchais légèrement en arrière. « Et je n'ai pas l'intention de quitter le nid avant que Keziah ne soit parti. J'aurais ma vengeance et crois-moi, il nous suppliera de le laisser quitter la maison une fois que j'exerçais ma colère sur lui. » Je pouvais être machiavélique. Je le savais et désormais Emrys aussi. Lorsque l'on s'en prenait à moi, je répliquais.

« Héhé, j'aurais eu peur de t'effrayer si jamais je t'avais fais voir cette partie de moi dès le début. » répondais-je, avant de lui donner un léger coup de coude. Je regardais ensuite mes pieds, j'étais encore chaussée de mes hauts talons, mais ils ne touchaient pas l'eau comme j'avais pu le croire quelques secondes auparavant. Tout en les agitant encore, je m'autorisais à reprendre la parole. « Non, en fait, la vérité c'est qu'ici, t'es mon binôme, mon double, et je trouve ça normal d'avoir ma place dans ton armée. Tu es comme mon Joseph Staline, et je suis ton Nikolaï Iejov.. avant que tu ne m'exécutes. » Légère séance d'histoire, by Emrys. C'est drôle, cette matière faisait partie de celles que je détestais le plus quand j'étais encore en âge d'étudier, et pourtant, en ce moment, je n'arrêtais pas d'en ressortir quelques personnages, ou tout un tas d'autres choses qui touchait à cette discipline. Bête, je me tournais vers lui. « Désolée, je passe trop de temps dans la bibliothèque depuis qu'on est là. » Je riais alors, gênée. Ma comparaison était loin d'être brillante, et je m'en rendais bien compte, maintenant. Autant de par le fait que mon partenaire n'avait rien d'un homme politique, ni même d'un dirigeant soviétique, et de mon côté, je n'avais rien d'un nabot sanguinaire..

« Si tu me l'avais montré dès le début, j'aurais eu une meilleure impression te concernant. » Lui avouais-je alors sans détour. Je n'avais pas véritablement eu de mauvaise impression la concernant mais si j'avais connu son tempérament de fauve, elle serait rapidement monté dans mon estime. J'écoutais alors les propos de la jeune femme. Je n'étais pas habitué à ce genre de comparaison mais oui, pourquoi pas. Elle-même s'excusait de ces paroles. Je ne voyais pas où été le mal. Bien que je n'étais pas un fervent admirateur de politique, j'avais tout de même quelques notions d'histoire qui m'avait permis de comprendre ce qu'Emrys avait voulu dire. « Ne t'inquiètes pas, je ne t'exécuterais que si nous arrivons en final ensemble pour être sur de remporter le jeu. » Lui dis-je alors sur un ton plus que sérieux. Mais le sourire malicieux que j'arborais par la suite trahi mes véritables intentions. « Bon, on plonge ? » Lui demandais-je alors en passant du coq à l'âne sans prévenir.