GABRIELLE

J'observe intensément un petit point noir que je ne parviens pas à reconnaître sur mon doigt. Il ne me semble pas l'avoir déjà aperçu auparavant, pourtant là tout de suite, il capte mon regard comme jamais. C'est simple, je ne vois que ça. Je le frôle du bout des doigts, sentant un léger relief sous mon touché, avant de réitérer le geste avec cette fois-ci davantage de force. Je grimace. Bon sang, comment une aiguille a-t-elle réussie, au juste, à venir se loger aussi profondément dans ma chair. J'essaye désespérément de l'attraper, avec les ongles, en pressant ma peau espérant bêtement qu'elle jaillira miraculeusement, se révélant au monde extérieur... Rien. Rien ne marche. Je soupire. Mine de rien c'est sacrément douloureux. Aussi étrange que ça puisse paraître, je ne sentais absolument rien, avant d'avoir identifié la nature du point noir, mais maintenant que j'ai compris de quoi il en relevait, j'ai la déségréable impression de ne rien sentir mis à part ce corps étranger enfoncé dans mon doigt. C'est stupide, mais c'est comme ça. Je lui jette un dernier coup d'oeil, avant de me lever et de partir en quête de quoi que ce soit pouvant me venir en aide. Je dois être atteint du syndrome de la malchance continue. Moi, qui ne sors pratiquemment au grand jamais du nid de Cupidon, ai tout de même trouvé le moyen de me planter un réel pieu miniature dans mon corps. Je marche, lançant des regards alertés un peu partout au sein du château, avant de s'arrêter, comme un radar bien réglé, sur une silhouette alongie paisiblement sur l'un des canapés du salon. Je m'approche, avant de planter mon doigt blessé sous le nez de Gabrielle, l'obligeant sans aucun doute à loucher pour distinguer la moindre chose. « Je me suis fait mal. » J'annonce, dans une réplique digne d'un gamin de neuf ans.

Elle venait juste de finir de manger, la rousse sort de table, pose son assiette dans l'évier, et finit de ranger la table. Tout est brillant et propre après son passage, à croire que la vie en communauté l'a rendu un peu plus méticuleuse. Une fois la cuisine rangée, la vaiselle faite, la rousse va se reposer sur le canape, en s'étendant de tout son long. Elle pose sa tête sur un coussin qui traine par-là, elle a à peine le temps de se poser que quelques arrive, et lui met son doigt devant sa figure. Gabrielle reconnait Elvis.
« Tu veux que je fasse un bisou magique ? » lui demande t-elle avec un léger sourire au coin des lèvres. Gabrielle se relève, son dos s'appuye sur le dossier du canapé, elle croise ses jambes, elle est désormais assis. Elle s'empare du doigt blessé d'Elvis pour l'examiner avec une certaine attention. Elle se rend compte qu'il s'est enfoncé un truc dans le doigt, elle grimace, ça doit faire mal. Elle effleure le point noir, il lui semble qu'il s'agit de la tête d'une aiguille. C'est étrange, elle n'ose pas tellement se prononcer. « Comment tu t'es fais ça ? » le questionne t-elle en pinçant ses lèvres charnues, elle se demande comme elle va faire sortir ça de la chair d'Elvis, ça risque d'être douloureux, elle ne préfère pas lui demander, elle connait déjà la réponse. S'enfoncer une aiguille dans le doigt, faut être fort pour faire ça. « Tu veux que j'essaie de la faire sortir ? » se propose t-elle, elle ne peut pas laisser Elvis se balader avec ça dans le doigt, ce n'est pas humain.

« Tu veux que je fasse un bisou magique ? » Je cligne des yeux, me demandant intérieurement si elle plaisante ou bien si elle est sérieuse. Non parce qu'avec mon esprit cartésien et rationnel, la magie c'est bien la dernière chose à laquelle je suis capable de croire. Elle prend mon doigt entre les siens et examine avec attention ma blessure. Là tout de suite, je me sens un peu comme un brave et courageux aventurier qui s'est estropié en affrontant tout un tas d'épreuve et tourments. Inutile de préciser que j'ai passé la journée entière à traînailler à l'intérieur du château en lisant des bouquins à la bibliothèque et en jouant sur ma nitendo DS. Elle frôle le point noir et je grimace. Bon, d'accord, j'en rajoute un peu, ce n'est pas aussi douloureux que je le laisse paraître, mais ça m'amuse de jouer ainsi la comédie. « Comment tu t'es fais ça ? » Je fronce les sourcils, essayant très sincèrement de me remémorer le moment où l'aiguille a pu apparaître sous ma peau, mais je ne suis pas plus avancé que tout à l'heure. « Pas la moindre idée. » je lui réponds honnêtement une légère moue aux bords des lèvres, tout en haussant les épaules. « Tu veux que j'essaie de la faire sortir ? » Je cligne des yeux, pesant le pour et le contre, avant de réaliser que la colonne des pour possède un argument de taille non négligeable: éviter de choper le tétanos. « S'il te plait. » finis-je par demander avec un air digne d'un petit animal tout abattu. « Je dois avoir de trop gros doigts, j'ai pas vraiment réussi tout seul. Peut-être qu'avec le truc là... » Je récupère ma main pour mimer un mouvement de pince, censé figurer une pince à épiler.