Sixtine au confessionnal !

Syssoï, quel secret penses-tu avoir découvert ?

Je commence a bien connaître le confessionnal. Entre mon buzz, ma sieste Gabyienne et ma prise d’otage avec le groupuscule terroriste Sixtoï, j’ai presque l’impression d’être dans mon deuxième chez moi, excroissance de ma chambre où je recevrais les visiteurs en tout genre. Je suis sur mon trône, jambes écartées, bras reposant sur chaque accoudoir. J’suis royal là, ou pas ? Sixtine ne tarde pas à me rejoindre, affublée en Ruben, ce qui me donne envie a) de la frapper par surprise b) de la plaindre une fois au sol. Mais je reste immobile, me contentant de plisser les paupières pour retrouver la Sixtine qui se planque là-dessous. J’attends qu’elle s’installe, puis je lance, en observant mes ongles. « C’est là qu’on est censé se jeter l’un sur l’autre et copuler jusqu’à demain, non ?» Pince sans rire, on pourrait presque me croire sérieux. Je laisse le silence s’étirer, puis je demande, de but en blanc. «Comment tu fais ?» Je me suis penché en avant, les coudes sur les cuisses, et je l’étudie minutieusement comme si j’allais trouver ma réponse au fond de ses yeux.

J’arrive au confessionnal avec ma panoplie habituelle, sauf que j’ai laissé tomber les chaussures. Je pourrais attaquer la production si je me plante une écharde dans le pied, aussi j’espère ardemment souffrir pour la bonne cause en mettant le pied où il ne faut pas. Cependant il ne m’arrive rien de ce genre, et je passe la porte sans la moindre égratignure. Ce saligaud de Syssoï m’a buzzé, pas étonnant vu qu’il a récolté deux indices sur mon secret. Je prends place en face de lui, écoutant attentivement ce qu’il a à dire. « Ouais, j’crois bien qu’il est grand temps, non ? C’est pas comme si je t’avais pas grillé, à me tourner autour toute la semaine. » Je me mords la lèvre inférieure dans un geste sensuel, qui n’a finalement rien de très excitant étant donné que deux gros sourcils dessinés au crayon noir me barrent le front nuit et jour. J’ai plutôt l’air d’un gorille en rut, m’enfin. « Comment je fais quoi ? Pour te résister ? Pour passer ma semaine dans la peau de Ruben ? Ou pour supporter mon secret ? » Non mais sans déconner, y’a plus nébuleux comme question. Je me penche à mon tour en avant en l’imitant, posant mes coudes sur mes genoux en soutenant son regard. Vas-y mon petit, tu n’y trouveras rien au fond de mes yeux mystérieux. J’espère qu’il en viendra au fait, parce que ce suspense ça me fait quand même un peu stresser.

«Moi ? Te tourner autour ?» je demande en haussant un de mes vrais sourcils tandis qu’elle imite ma position et qu’on se retrouve nez à nez comme deux gros cons. Tiens, j’lui vois plus qu’un oeil. Sixtine-Ruben le cyclope. «Je t’ai vu...» Je siffle bas comme un serpent, ouai, un peu la voix de Voldemort lorsqu’il cause de fourchelangue. Sexy à mort. «... Dans la salle de bain, à mater mon joli derrière et mon dos massif...» Je plisse un oeil, me demandant un instant si elle me voit en cyclope aussi. J’avais jamais remarqué que ses yeux avaient la même couleur que la mienne. Oh Mon Dieu ! C’est peut être ma soeur. Question : Puis-je avoir envie de ma soeur ? Autre Question : Est-il normal d’avoir envie de ma soeur déguisé en Ruben ? Encore une autre Question : dois-je consulter un psy ? Je laisse échapper un rire devant son air impassible. «Ok, tu lis pas dans les pensées, je peux déjà rayer cette théorie.» Comme si elle m’avait un jour effleuré l’esprit, tiens. Je reste en position, et la contemple un peu plus attentivement. Je vais me péter un neurone à ce train-là. Je laisse un nouveau silence s’installer entre nous, puis je souffle. «Comment tu fais pour cacher ça à tout le monde ? Durant le prime... Tu... Tu es parvenue à prendre sur toi. Comment tu fais pour te gérer si bien ?» Je suis sérieux. Impressionné, surpris, hésitant, mais sérieux.

Comment il fait l’innocent le Syssoï. Bon j’avoue, je tente juste de le provoquer, mais je suis presque certaine que ça lui a effleuré l’esprit de me plaquer contre un mur, même si –soyons clairs- il ne le fera jamais. Ou alors il n’y a que moi ? Merde, si c’est le cas j’ai du souci à me faire pour mes hormones. Il faut que je trouve un moyen de les calmer, et vite. « Ouais et alors, ça te dérange ? » Certes, je ne m’en cache pas. Si on a plus le droit de se rincer l’œil de temps à autre . . . Je remarque au même instant que je le vois flou si j’essaie de le regarder dans ses deux yeux. Je suis obligée de choisir entre le droit ou le gauche, et je me perds dans son iris clair. Je comprends mieux quand on me parle de mon regard fascinant, c’est vrai que ça devient tout de suite plus intéressant de mater un œil quand il a une belle couleur. Question : est-ce normal de mater un œil ? Autre question : si je mate un œil qui ressemble au mien, est-ce que ça veut dire que je suis excitée par mon propre œil ? Encore une autre question : dois-je consulter un psy ? Goliath raye la mention ‘médium’ de son carnet de secrets, comme s’il n’avait pas encore remarqué que j’étais tout sauf extralucide. Y’avait qu’à voir la conviction avec laquelle je me plantais à chaque fois que je buzzais quelqu’un. Puis il me pose une série d’interrogations troublantes, et je sens son souffle chaud sur mon visage. Je vacille un peu sur mes coudes, serrant les lèvres. Putain, il essaie de me piéger le con. « Je . . . » Je ne sais pas quoi dire. « Tu sais que tu m’emmerdes ? Tu vas accoucher oui ? » J’ai l’air un peu contrariée, mais grâce aux sourcils fournis de Ruben je suis convaincue qu’on ne distingue pas bien les petits plis.

Haha, elle avoue la gourgandine ! C’est pas comme si j’avais eu un doute quelconque, faut bien avouer qu’elle n’est pas très discrète lorsqu’elle penche la tête sur le côté afin d’étudier mon côté pile sous différent axe. Elle va peut être finir par en faire un de ses fameux schéma si... réalistes. Est-ce que ça me dérange ? Je prends le temps de réfléchir une seconde à la question. Non, non je ne crois pas que ça me dérange. Enfin, je ne m’étais jamais pencher sur ce sujet, donc je pense que non. Mon corps... il est beau, c’est un fait, comme de nombreux corps. L’admirer n’a rien de honteux à mon sens. Mais sachant que je suis le seul du nid à me doucher dans la seule tenue possible pour ce genre de circonstance, à savoir aussi nu que Dieu a souhaité me créer, j’imaginais qu’elle aurait une sorte de réticence à avouer son matage intensif. «Non.» Je fini par répondre avec franchise. «Mais évite de me témoigner trop d’intérêt, je risquerais d’y répondre. Je ne suis qu’un homme.» Ca aussi c’est d’une franchise absolue. La plaquer contre un mur n’est pas du tout dans mes projets, j’aurais peur de déclencher le 21 décembre 2012 avant l’heure, voir un deuxième BigBang. Dieu seul sait ce que la fusion de deux âmes à la gémellité diabolique peut donner. Je respire en silence, me focalisant sur ses... son iris, avant d’entrer dans le vif du sujet. Ce n’est pas véritablement une question, c’est plus un constat qui me sidère et me fascine. Elle vacille légèrement, puis se reprend. L’humour fait place à la contrariété, et visiblement, je l’emmerde. Je ne peux réprimer un sourire en coin. «Du calme, Mooglie... Tout va bien. Tu comptes me montrer ta dark side, mon ange ?» C’est pas de l’arrogance, c’est ma façon de la chercher, de la provoquer, je ne cherche pas à la piéger puisque mon idée est déjà clair dans ma tête. Le bout de mon index se glisse sur le pli entre ses vrais sourcils, là où le crayon noir le met en évidence. La pulpe de mon index s’en trouve noircie, et je parviens à en tâcher le bout de son nez, malgré la faible distance, voir l’inexistence de distance entre nos naseaux. «Tu souhaites vraiment que je lâche le mot ?» Je vais y venir, de toute manière, je n’ai pas le choix, mais je ne peux m’empêcher de préférer le confort de cette pseudo ignorance, tant que le vilain mot ne sera pas tombé entre nous.

Il n’est qu’un homme, certes. Et je ne suis qu’une femme, ce que les individus masculins semblent oublier. Je note l’injustice de notre condition, qui fait de nous les soi-disant plus raisonnables des deux genres. Il suffit d’observer Siomha pour se rendre compte que ce n’est guère une règle universelle, néanmoins je pense qu’il est effectivement prouvé que ces messieurs ont davantage de mal pour se contrôler lorsqu’il s’agit d’histoire d’hormones. « Je retiens la mise en garde. » Je glisse un sourire parfaitement innocent, lorsque vient sa tentative de mettre fin à ma mauvaise humeur soudaine. Je me contente d’un petit grognement qui veut tout dire, grimaçant comme une gamine à qui on confisque sa poupée Barbie. Mon côté sombre ? Non, il est bien loin d’une simple impatience. Son doigt parcourt mon front, maquillant le bout de mon nez de crayon noir. Je plisse celui-ci, secouant la tête afin de l’empêcher de me barbouiller davantage. Je n’ai pas envie non, qu’il crache le morceau, mais Cupidon va commencer à s’impatienter. Et malgré la boule qui me tenaille le ventre à l’idée qu’il ait percé mon secret, je suis curieuse de savoir ce qu’il a découvert à mon sujet. Je hausse les épaules, l’air contrit, un peu boudeur. « On est là pour ça, après tout. » Et puis si ça se trouve il se plante complètement, n’est-ce pas ? L’espoir fait vivre. Je croise mes doigts sous mon menton, les triturant les uns avec les autres dans l’angoisse de l’attente qu’il laisse perdurer. Il va la cracher sa pastille Valda, oui ?!

Je peux me tromper, évidemment, je peux même faire totalement fausse route, j’en ai conscience. Mais je commence à la connaître suffisamment bien pour que cette dualité dans sa personnalité ne m’ait pas échappé. J’ai pas songé un instant que cela puisse être son secret, pas plus que mon autisme n’a quelque chose à voir avec le mien, mais… l’indice lâché au prime, et la force qu’elle dégage pour refouler ses émotions, ont fini par avoir raison de ma raison. Mais en effet, peut être que je me plante, peut être que ma fâcheuse tendance à étudier les schémas des cerveaux des candidats m’aura induit en erreur. Peut être. Peut être pas. Et c’est justement ce « pas » en trop qui me pousse à la réticence. Pourquoi faut-il qu’elle et Moore se retrouvent avec des secrets aussi intimes et… handicapants, aptes à changer la perception que les autres ont d’elles. Pas la mienne de perception, moi je m’en fous, Sixtine restera toujours, et de manière inaltérable, la seule femme que je laisse me traîner dans la boue et me rouer de coups. Oui, notre relation est idyllique, n’est-il pas ? J’ai tiré sur la corde trop longtemps, l’angelot en couche va finir par me gueuler dessus avec sa voix sous hélium. Quoique, avec Moore on avait été encore plus long, il me semble, non ? Je souffle. En fait, je crois que j’aime pas buzzer. J’aime le moment intime avec la personne en face –sauf s’il s’agissait du vrai Ruben, évidemment-, mais je n’aime pas lire la tension et la vulnérabilité chez elle. « Je parle de ta bipolarité, Sixtine. » Voilà, j’ai lâché le mot. Maintenant, ça passe ou ça casse.

Je ne sourcille pas –et si je l’avais fait on n’aurait pas pu le louper- lorsque Syssoï lâche enfin le morceau. Je sais qu’il va dire ça, et l’indice dévoilé sur mon secret pendant la soirée me conforte dans cette idée, même si dans mon esprit cela s’intitule davantage ‘trouble maniaco-dépressif’. Je me recule dans mon siège, passant ma langue sur mes lèvres asséchées par cette petite discussion. Je l’observe longuement en silence, sondant son esprit. Je me demande, en dehors de ce foutu Cupicon, s’il a perçu des signes extérieurs de ce qu’il croit être mon secret. Pour la période d’expansivité de l’humeur, je crois que c’est plutôt évident. Cela n’a échappé à personne que je suis légèrement folle sur les bords, à courir à droite et à gauche pour exprimer ma bonne humeur et mes attentions démesurées. Cependant en ce qui concerne l’épisode dépressif, je suis davantage perplexe. Je porte mes doigts à mes mentons, puis il me semble que je mets le doigt dessus. D’après ce que je me souviens, j’ai eu un petit coup de barre la deuxième semaine. C’est peut-être ça, qui lui met la puce à l’oreille en ce qui concerne la bipolarité. Mais cela ne signifie rien. Je soupire après cette intense réflexion. « Je vais jouer le jeu en t’affirmant que ce n’est malheureusement pas mon secret très cher Syssoï. J’ai peut-être tendance à répondre à mes émotions de façon exagérée, cependant ce n’est pas maladif, du moins pas à ce que je sache. » Je lève mes mains vers le ciel, haussant les sourcils en élargissant mon sourire. Allez mon petit, ne gaspille pas tes 5 000 euros, hein !

Sa façon de me répondre est, en elle-même, un jeu de dupe auquel elle se livre. Si je m’applique à décortiquer sa phrase, alors son «je vais jouer le jeu» devrait immédiatement précéder un pieu mensonge qui serait «ce n’est malheureusement pas mon secret». Et si moins par moins égal plus, alors sa véritable réponse, celle sans fard et sans masque serait «c’est bien mon secret.». Sauf qu’on parle de Sixtine, et au même titre que je prends un malin plaisir à tenter de lui foirer sa Ruben-Mission, je la sais capable de prendre un malin plaisir à mettre de côté notre sacro-sainte amitié pour faire foirer mon buzz. Dans ce cas, elle utilise contre moi mon esprit logique et tente de me faire valider un secret qui n’est pas le sien. Mais... Connaissant le fonctionnement de mon cerveau, elle peut totalement être capable de savoir que j’en viendrais moi-même à cette conclusion, et préserver son secret de cette manière sachant que je m’estimerais malin en ne confirmant pas mon buzz... Ou alors je l’imagine plus intelligente qu’elle ne l’est ? Pourquoi faut-il systématiquement que mon cerveau carbure de manière hyperactive ? Si je demande un Valium à Stupidon, est-ce qu’il acceptera de me l’injecter directement entre les deux yeux ? Mon visage se ferme, mes traits se font plus durs. Je me recule, enfonçant mes ongles dans les accoudoirs de manière à juguler mes nerfs. «T’es consciente que rien n’a plus d’importance à mes yeux que ton secret ? T’en as conscience, pas vrai ? Que rien de ce que j’ai pu te dire ou te faire durant ces derniers jours n’était réel ou sincère ? Que tu n’es qu’un pion que j’ai l’intention de déplacer sur l’échiquier et qu’une fois son utilité passée, je sacrifierais pour protéger mon roi ? Tu le sais tout ça, pas vrai ?» Je suis cruel, j’en ai conscience, et tout en moi n’est plus que cruauté gratuite et plaisir mesquin. J’imagine même que mon visage s’en trouve enlaidit... Ou peut être pas, puisqu’il parait que ma beauté froide est cruelle en l’état.