l'insoutenable légèreté de l'être {le 14/05, à 03:30}

La question suivante était : – Si tu gagnais de l'argent grâce au jeu, qu'est-ce que tu en ferais ? Je n'y avais vraiment pas réfléchi quand je m'étais décidé à entrer dans le jeu. Mais lors du casting, la production m'avait parler de choisir entre Argent et Amour. Mon choix s'était porté sur l'Amour, bien sûre parce que je n'avais pas besoin de plus d'argent, j'en avais déjà suffisamment pour être à l'abri jusqu'à la fin de ma vie. Ce n'était pas un patrimoine négligeable et l'héritage était conséquent. Néanmoins, je n'avais pas besoin des biens familiaux pour vivre. Je vivais uniquement de mon salaire de styliste et en plus de ce que me rapportaient les ventes de ma boutique. L'argent n'était vraisemblablement pas le problème. Je n'étais pas quelqu'un qui dépensait l'argent par la fenêtre. Je m'offrais quelques cadeaux de temps à autres, mais rien d'extravagant. Ma fortune personnelle je voulais la partager avec les gens qui me tenaient à coeur. Parfois, j'offrais de l'argent à certaines œuvres caritatives que je défendais. Je posai ma tête sur l'oreille. – Si je gagnais de l'argent du jeu, je crois que je le donnerai aux candidats finalistes. Ou bien, je partagerais la cagnotte avec toi et avec mes proches. Les yeux dans les yeux, j'observais la réaction de ma partenaire face à mes propos. Je poursuivis en murmurant presque : – Pour être franc, j'en sais rien parce que ce n'est pas l'argent qui m'a poussé à venir m'inscrire à Fake Lover. J'ai assez d'argent pour vivre, je ne le cache pas. Ma famille a des propriétés et un héritage conséquent. Mais en choisissant le métier de styliste, ma grand-mère m'a tout simplement rayé de son testament. Cela va faire presque neuf ans que je suis devenu un paria aux yeux de ma famille. Je le vis pourtant très bien. De toute manière, je ne faisais pas vraiment parti de la famille. Je remarquais alors que c'était agréable de parler avec Laoise. Les mots découlaient de ma bouche d'une facilite déconcertante. Je la remerciais intérieurement de réussir à me délier la langue.

C'est presque avec impatience qu'elle attendait sa réponse. Dans un premier temps, il admit vouloir en donner aux autres finalistes, à ses proches ainsi qu'à elle. Elle, Laoise ? Non. Non, elle n'accepterait pas cet argent. S'il gagnait le jeu et donc le chèque qui allait avec, elle ne lui soutirerait pas le moindre billet. Elle n'était vraiment pas ainsi et n'avait pas besoin qu'on lui donne de l'argent. Cela dit, elle voulait bien admettre que c'était extrêmement gentil et généreux de sa part. Deux adjectifs qui semblaient bien qualifier son partenaire. Et finalement, il développa, abordant ainsi sa famille, sujet qui raviva la curiosité de la belle. Fronçant les sourcils, elle s'allongea à nouveau sur le dos, examinant le plafond tout en réfléchissant. « Ta grand-mère t'a rejeté parce que tu as trouvé un métier qui te plait ? » Qu'est-ce qui pouvait être désapprouvé dans le fait d'être styliste ? Quelque part, cela l'inquiétait. Et ainsi donc, cela faisait presque une dizaine d'années qu'il ne fréquentait pas ou peu sa famille ? Elle tourna le regard vers lui. « Ta famille, elle est comment ? » Était-ce une famille unie dans la joie comme dans la peine ? Ou était-ce plutôt une famille relativement divisée, distante ? Quelles relations entretenait-il avec chaque membre de sa famille pour que les choses tournent ainsi, qu'il soit relégué au rôle de paria ? Vraiment, elle était curieuse.

– Ta grand-mère t'a rejeté parce que tu as trouvé un métier qui te plait ? Je la vis froncer des sourcils, elle ne comprenait pas l'attitude de ma grand-mère vis-à-vis de moi. Son petit-fils, tout de même. Je vins poser mon doigt au centre des plis de son front, le point situé entre les deux sourcils. – Tu sais que tu vas finir par avoir des rides si tu reste comme ça longtemps. Je vis ses sourcils se rehausser, mais son regard exprimait toujours de l'indignation. Puis je hochai la tête avec un calme apparent – Ta famille, elle est comment ? , me demanda-t-elle. Mon sourire faiblit tandis que mes yeux azurés fixaient toujours ceux de sa partenaire. Elle soutint mon regard, attendant une réponse de ma part. Sa curiosité ne me déplaisait pas, cela m'arrachait un sourire par inadvertance. – Et bien ..., commençais-je. Je ne savais pas par où débutait. – Je vais essayer de faire la version courte. Alors, je n'ai connu que ma famille du côté paternel. Je n'ai jamais connu mes grand-parents maternels. Ma mère est morte trop tôt. J'avais environ sept-huit ans. Elle s'est ... noyée. Je fis une pause, je laissais défiler quelques secondes. Des images d'un passé révolu vinrent remonter à la surface. Des souvenirs qui n'étaient les plus douloureux. Je repris d'une voix blanche, pour ne laisser transparaître aucune fébrilité. – Ma mère s'appelait Ophélie. D'origines françaises, elle était une grande danseuse de ballet. C'est à Paris qu'elle rencontre mon père, Victor. Il était anglais, il était chirurgien. A ma naissance, mon père nous abandonna ma mère et moi. Nous avions été recueilli par ma grand-mère, la mère de mon père. Elle n'a pas apprécié le comportement de son fils, il était mort à ses yeux. Ma mère n'a jamais plus parlé de lui. Le cœur brisé, elle est tout simplement morte de tristesse. Mon regard se voila d'une tristesse infinie. A chaque fois que j'évoquais, je ressentais deux sentiments contradictoires : de la fierté et de la mélancolie. Les mots découlaient seuls de ma bouche involontairement. – Donc, ma grand-mère s'est occupée de mon éducation jusqu'à ma majorité. Elle était incapable d'éprouver la moindre gentillesse envers moi. Aucune once d'amour. J'étais un enfant plutôt solitaire. Mes cousins et cousines m'adressaient peu la parole. Même en grandissant, ils m'ignoraient. Sauf une, ma bien-aimée Mona qui est devenue la directrice artistique de ma marque. Nous étions inséparables, elle et moi. Un petit sourire naquit sur mes lèvres en pensant à elle. – Quand j'ai annoncé à ma grand-mère que je souhaitais devenir couturier, elle l'avait très mal pris pensant que j'avais un avenir plus grand que cela. Je suis devenue une honte pour ma famille, car j'avais choisi d’exercer un métier artistique. Être styliste n'avait rien de glorieux. Donc, je suis parti pour Paris pour étudier dans l'une des meilleures écoles du monde. Pratiquement sans le sous. Mais ... Mon sourire s'élargit un peu plus. – Mais c'était les plus belles années de ma vie. Je concluais en posant un regard bienveillant sur Laoise. – J'espère ne pas t'avoir ennuyé avec mes histoires.

Ses sourcils reprirent leur forme habituelle au contact de son doigt, cependant son regard, lui, ne changea pas de teinte. Renier son petit-fils parce qu'il est styliste ? Non, mais sérieusement ? Elle ne pourrait jamais comprendre la grand-mère de son partenaire. Vraiment. Elle finit par lui poser une question bien simple et relativement ouverte: comment était sa famille. Et il répondit, face à une Laoise tout particulièrement intéressée par cette histoire, une Laoise qui d'ailleurs, se réinstalla sur le côté et ne quitta plus des yeux Malo. Au fur et à mesure que le récit était dévoilé, son regard se fit désolé, attristé. Le jeune homme n'avait vraiment pas eu la vie facile et sa famille n'avait jamais été très supportrice. C'était dommage. La famille, c'est censé apprécier tout un chacun malgré et pour son caractère, ses choix de vie et ses goûts, n'est-ce pas ? Il faut croire que la famille de Malo était une exception à la règle. Dans la matière, il ne devrait pas y avoir d'exceptions. Et toujours fidèle à lui-même, il s'enquit de l'état d'ennui ou non dans lequel elle pouvait se trouver. « Tu ne m'ennuies pas. Pas du tout. » Elle était d'ailleurs contente d'en savoir plus sur lui, bien qu'elle apprécierait davantage d'apprendre de bonnes choses sur son compte. Puisque cela voudrait dire qu'il avait vécu de belles aventures durant sa vie. Bien qu'il disait que ces quelques années avaient été les plus belles de sa vie, les épreuves qu'il avait dû traverser n'étaient pas très joyeuses. Pour ne pas dire pas du tout. « Je suis désolée. Que ça n'ait pas été facile pour toi. » Elle n'y était pour rien, mais elle était désolée quand même. Perdre ses parents si tôt, c'était déjà terrible. Être considéré comme un paria, ça l'était d'autant plus. Tout ça parce qu'il était la personne qu'il était... Elle ne comprenait pas la réaction de sa grand-mère. Si un simple métier pouvait détruire la relation entre une grand-mère et un petit-fils alors... alors Laoise se disait qu'elle était gravement dans les ennuis, au vu de sa propre vie et de ses propres choix. C'était très égoïste de ramener tout cela à elle mais elle ne pouvait s'en empêcher.

– Je suis désolée. Que ça n'ait pas été facile pour toi. Je pris sa main dans la mienne et répondis avec sincérité. – Non, tu ne dois pas être désolée. Toutes ces épreuves m'ont rendu forts et ont fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Ma famille ne voulait pas de moi. J'ai crée ma propre famille pendant les années de galère à Paris. J'ai rencontré des gens honorables qui font désormais partis de mon entourage le plus fidèle. Je leur dois mon ascension. Je ne les remercierai jamais assez. Je replaçai une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille et toujours avec le sourire, je poursuivis : – En te voyant et en t'écoutant parler, je ne peux m'empêcher de me dire que tu as grandi dans une famille aimante. Ton indignation face au comportement de ma grand-mère en est la parfaite illustration. Mes yeux commençaient peu à peu à faiblir. Le sommeil n'allait pas tarder venir frapper à ma porte. Grâce à Laoise, j'allais bien dormir. Son enthousiasme et sa gaieté de cœur me faisaient oublier mes démons du passé. Elle avait réussi à m'apaiser avec sa voix chaleureuse et ses traits généreux. Je sentais que je pouvais lui faire confiance. Cela ne mettait plus arriver depuis longtemps. Je voyais en elle quelqu'un sur qui je pouvais compter. Je voulais qu'elle m'apprécie comme je l'appréciais à cet instant. Elle dégageait une telle aura affectueuse que je ne pouvais pas y être insensible. – Je crois que la production a choisi la partenaire idéale pour moi et je suis très heureux de partager ma couche avec toi. Je lui fis une œillade, avec un sourire mutin. J'entendis le silence s'installer peu à peu dans la chambre. Il était bientôt l'heure d'aller se coucher. J'étouffai un bâillement. – Je pense qu'il serait temps de s'endormir, tu ne crois pas ? Nous continuerons cette discussion, une prochaine fois.

Bien sûr qu'elle était désolée. Elle n'était pas la raison des malheurs de Malo, elle n'avait rien à voir avec cette famille éclatée et pourtant. Elle se disait qu'alors qu'elle coulait des beaux jours dans une jolie maison, qu'elle osait se plaindre des attentes trop élevées de ses parents, Malo, lui, n'avait même pas la chance d'avoir une famille à ses côtés. C'était triste, dommage, injuste. Il était quelqu'un de bien, elle en était persuadée, il aurait mérité du soutien. Un maigre sourire s'étira sur ses lèvres. Elle ne savait exactement ce qu'elle souhaitait lui faire comprendre avec cela. Peut-être qu'elle était contente que les choses se soient arrangées pour lui. Et en effet, elle avait vécu dans une famille relativement aimante. Une famille avec ses limites, ses distances et ses jardins secrets, une famille qui avait certaines valeurs, des traditions, des choses pas toujours faciles à accepter ou à supporter, mais cela restait une famille. Sa famille. Elle se rendait compte de la chance qu'elle avait de les avoir. Vraiment, c'était une chance. Elle se révélait d'ailleurs assez chanceuse ces temps-ci, puisqu'elle avait hérité de Malo en tant que partenaire. Et comme il le disait si bien, il était sans doute aussi le partenaire idéal pour elle. Elle était tombée sur quelqu'un de gentil, de généreux, pas un gamin immature ou grande gueule. C'était sympathique, vraiment. « C'est réciproque. » Elle était sincère, cela semblait évident. Elle acquiesça à ses paroles. Dormir était une bonne idée. « Bonne nuit. » le salua-t-elle simplement avant de déposer un rapide bisou sur sa joue. Elle s'allongea sur le ventre, les mains cachés sous l'oreiller et ferma les yeux. Une bonne nuit de sommeil bien méritée en perspective.

**Contenu sponsorisé**