MALO

Je suis en mission secrète. Oui, tout à fait. Et non, je ne suis pas suffisamment con pour annoncer ce fait à brûle pourpoint. Je suis en mission secrète, certes, mais elle n’émane pas de Cupidon. Celle-ci émane d’une candidate alitée, malade, et particulièrement chiante, qui refuse d’avaler une aspirine sans une gorgée d’excellent vin. C’est ainsi que je me retrouve, moi, un samedi soir, entrain de déchiffrer les étiquettes sur les bouteilles, avec l’aisance du gamin qui apprend tout juste à reconnaître les lettres. J’y connais rien en vin. Absolument rien. C’est bien simple, d’ordinaire, je ne bois pas. Une bière, de temps en temps, quand il fait soif, un peu de champagne pour les grandes occasions, mais rien d’autre. Le vin, qu’il soit issu d’un grand cru ou d’un géricane de chez Lidl, a le même goût âpre sur ma langue. Alors, me demander de descendre à la cave pour faire ma sélection n’est pas l’idée du siècle. Pourtant, je me suis exécuté. C’était ça ou entendre geindre pendant trois plombes. Et finalement, elle doit l’être, entrain de geindre, vu l’éternité qui semble s’être écoulée depuis l’instant où je suis entré ici. Un doigt sur les étagères, j’arpente de long en large les rayonnages. Parfois je sors une bouteille, histoire de... déchiffrant son étiquette avant de la reposer en soupirant. Châteauneuf du Pape, ça me parle vaguement, mais que dire de l’année ? Je n’y connais absolument rien. Finalement, j’en sors deux. Elles ont des noms qui me plaisent et l’étiquette est jolie, pleine de poussière, mais jolie. L’esthétique, c’est tout ce que je connais, c’est tout ce qui m’inspire, alors je me réfère à ça, encore une fois, même ici, même pour ça. Et puis j’hésite. Celle de droite, ou bien celle de gauche ? Sur celle de droite, un jolie château avec sa grille en fer forgée, et sur la gauche un vignoble et une croix cathare, me semble-t-il. Ils sont français tous les deux. S’il y a une seule chose que je sais en matière de vin, c’est que seul le vin français vaut le coup. Enfin, paraît-il. J’opte pour celle de droite... Non, celle de gauche ! Non, la droite !! Putain, la droite ou la gauche, bordel ? Est-ce que, finalement, celle que j’ai reposé tout à l’heure n’était pas mieux ? C’est à l’instant même où je m’apprête à en ouvrir une pour me l’enfiler cul sec, histoire d’oublier à quel point cette situation me prend la tête, que j’entends des pas à l’autre bout de la pièce. Je relève le nez et lance un regard plein d’espoir au nouvel arrivant qui n’est autre que... Heu...? Là, comme ça, j’en ai aucune idée ! Ha si ! C’est le créateur, là ! C’est quoi son prénom, déjà ? Ha oui ! « Ha ! Milou ! Tu tombes bien ! » je lance, super fier de moi, et du prénom que j’ai su retrouver. Il est impressionné, pas vrai ? « Tu t’y connais un peu en vin, ou pas ? C’est laquelle la mieux entre celle-là, et celle-ci ? » Je lui demande, m’approchant suffisamment pour lui montrer l’une et l’autre, à tour de rôle. Il va m’aider, n’est-ce pas ?

Le silence. Seul le bruit de sa machine à coudre résonnait dans le couloir. Il était appliqué, concentré sur sa création. C'était la deuxième robe qu'il créait depuis le début de l'aventure. Il était particulièrement fier de celle-ci, car il avait récupéré de vieux tissus ça et là pour confectionner cette robe particulière. Lors de la dernière séance d'essayage avec la délicieuse Nora, la participation de la jeune femme allait être prochainement récompensé car il allait lui offrir la robe bleue. Un cadeau précieux dont il se séparait volontairement. Cette deuxième robe était aussi destinée à une autre personne. Mais il préférait lui offrir plus tard, au moment venu. En attendant, il voulait la terminer au plus vite. De couleur émeraude, elle descendait au niveau du genoux. Les pans étaient aériens, composés d'une étoffe vaporeuse. Le dos de la robe était transparente. Une délicate texture, surtout fragile. Il ne fallait pas enfiler la robe seule. L'aide d'un second était primordial. Les lunettes sur le nez, il était en train de coudre les bretelles pour qu'elles soient rattachées au bustier. Le bustier allait épouser parfaitement les courbes féminines. La robe n'était pas tout fait prête. Il comptait le terminer pour bientôt. Il arrêta un moment la machine pour vérifier si tout était en ordre. Il semblait satisfait du résultat. Il sourit, il leva et posa avec douceur sur le dos de la chaise. Il méritait une pause. Il regarda l'heure sur sa montre. Il était un peu trop tard pour boire du thé. Il avait une envie soudaine de vin. D'ordinaire, il n'aimait pas trop boire car il aimait rester sobre lorsqu'il faisait son travail de couturier. Il se laissait aller à un ou deux verres d'un vin primeur. Il n'aimait pas en abuser. Le vin était un élixir, tel le nectar que buvaient les divinités antiques. Il devait être consommé avec modération. Aujourd'hui, il s'accordait un moment de détente et de plaisir en descendant au sous-sol, en direction de la fameuse cave à vin. Il remarqua en entrant avec sa canne qu'il n'était pas le seul ici bas. Il reconnut la silhouette qui se dessinait au loin. Il se souvenait de son nom. Loxias. A la fois original et étonnant. Il l'interpelle : - Ha ! Milou ! Tu tombes bien ! Malo étouffa un rire. Il l'avait appelé par le nom d'un chien connu dans l'histoire de la bande-dessinée belge. - C'est Malo., rectifia-t-il d'un ton amusé. Son interlocuteur avait besoin d'aide pour choisir un bon vin. - Tu t’y connais un peu en vin, ou pas ? C’est laquelle la mieux entre celle-là, et celle-ci ? Il s'approcha pour lire les étiquettes des deux bouteilles qu'il avait dans ses mains. - Oui, je m'y connais un peu. Il n'était pas vraiment un spécialiste. D'ailleurs, les noms de deux vins lui étaient inconnus. - Pour être franc, je ne connais aucun des deux. Le meilleur moyen de savoir, c'est d'y goûter. Il enleva sa veste qu'il déposa sur l'un des barils de bière, retroussa les manches de sa chemise puis alla chercher des verres. Il revint et prit des mains, une des bouteilles de vin et l'ouvrit avec le tire-bouchon. Il versa un peu de vin dans son verre. Il fit les différentes étapes de dégustation : d'abord, il en admira la robe (couleur rouge). Ensuite, il en huma l'odeur, puis goûta l'arôme. - Pas mauvais. Il regarda Loxias puis lui tendit le verre. - Tu veux goûter, Loxias ?

« C’est Malo. » me coupe le candidat en ponctuant le tout d’un sourire. Ok, il ne le prend pas mal, mais je préfère tout de même enchainé histoire de noyer mon malaise dans le reste. Pour une fois que je pensais me souvenir d’un prénom, voilà que je lui attribue celui d’un chien. Super. Cela dit, il ne semble pas en faire grand cas, et pousse même la politesse jusqu’à se pencher sur les bouteilles proposées par mes soins, afin d’en lire les étiquettes. Il m’informe qu’il s’y connait un peu, ce qui est toujours mieux que moi qui ne m’y connais absolument pas. Il y a fort à parier que je ne trouverais aucune différence entre les deux, voir même au mélange des deux pour ne former plus qu’un seul et même liquide. « Pour être franc, je ne connais aucun des deux. Le meilleur moyen de savoir, c'est d'y goûter. » Il est sérieux, là ? Je l’observe avec perplexité, m’attendant à ce qu’il se mette à rire devant mon air perdu, avant de me désigner l’une des deux bouteilles pour mettre fin à la plaisanterie. Mais, à la place, il se contente d’ôter sa veste et de retrousser ses manches de chemise, comme un médecin en plein gala, prêt à intervenir sur une jeune femme victime d’un malaise. “Laissez-moi faire, je suis médecin.” je l’entends, presque, dire dans ma tête, comme un acteur de série Z, un air surjoué de sérieux au visage. Il s’éloigne et je le suis du regard, l’observant s’emparer de verres, avant de revenir vers moi pour récupérer une des deux bouteilles. Ha bah oui, il est sérieux en fait. Remarque, avec un peu de recul, cela semble logique. Je suppose qu’il était venu ici dans le but de déboucher une bouteille, et c’est ce qu’il fait, finalement. Ma bouteille restante à la main, je le détaille, tandis qu’il se sert un verre, puis qu’il s’occupe à le faire tourner entre ses mains, profitant du liquide écarlate qui danse contre les parois. En silence, je note les différentes expressions qu’il affiche en humant le vin, avant de le porter à ses lèvres. C’est tout un cérémonial que j’observe avec curiosité. Malo -et non Milou- gonfle ses joues un instant, avant de déglutir. Verdict ? « Pas mauvais. » Ravi de l’apprendre. Je jette un coup d’oeil à la bouteille restante, hésitant entre la reposer ou la lui proposer, quand je prends conscience qu’il me tend le deuxième verre. « Tu veux goûter, Loxias ? » J’avoue ne pas trop savoir que répondre à cette question. J’aurais l’air con a refuser, non ? D’autant que je me trouverais dans l’obligation de lui expliquer que j’évite de boire, ce qui entrainera l’inévitable question du pourquoi. Et puis, un verre de vin ne peut pas me tuer, n’est-ce pas ? Limite j’en aurais bien besoin en ce moment. Voilà pourquoi je me retrouve à tendre la main pour récupérer le verre, tout en m’approchant de la table, sur laquelle, se trouve posée bouteille et tire-bouchon. « Dois-je répondre du même cérémonial ? » je demande en bon élève, tout en me délestant de ma bouteille superflue sur la table. Hésitant, le regard interrogateur en direction de Malo, je reproduis ses gestes, faisant danser le vin contre les parois du verre, avant d’en renifler le contenu, toujours aussi maladroitement, et de porter l’élixir à mes lèvres. C’est bien comme ça qu’il faut faire ? Je me sens con, intrus de cette religion étrange. Le vin, râpeux sur ma langue, se déploie dans mon gosier, et éclate dans ma bouche. J’accuse un mouvement de surprise, et garde les yeux ronds fixés sur le ballon. « Alors ça c’est bizarre. » je lâche, malgré moi, avant de reporter mon attention sur ma partenaire de boisson. « Je n’arrive pas à savoir si j’adore ou si je déteste. » je l’informe avec surprise, avant de lui tendre mon verre vide. « Faut un second test, je crois. » Et c’est ainsi que débute l’alcoolisme, les enfants.

Il lui prit le verre et lui demanda d'une voix hésitante : - Dois-je répondre du même cérémonial ? Il acquiesça de la tête. Le jeune homme répéta les trois étapes de dégustation, comme un élève assidu. L'anglais constata que son homologue masculin ne devait pas boire souvent. Une certaine maladresse se percevait dans ses gestes et ses incertitudes ne faisaient qu'accroître. Quant à Malo, le goût légèrement amer lui était resté en bouche. Le vin n'était pas d'une qualité exceptionnelle. Il prit un air dubitatif. Elle était buvable, rien de plus. Il avait posé sur la table, tire-bouchon et la bouteille de vin. Il observa son interlocuteur déguster le vin avec attention. Verdict ? - Alors ça c’est bizarre., dit-il en premier lieu avant de rajouter : - Je n’arrive pas à savoir si j’adore ou si je déteste. Il comprenait tout à fait son indétermination. Il était dans le même cas que lui. - Faut un second test, je crois. Loxias lui tendit son verre vide pour qu'il le remplisse de nouveau. Il le souleva la bouteille et versa dans le verre le liquide aux reflets rougeâtres qui redonna à son partenaire de dégustation. Il en versa dans un autre verre. Avec un sourire aux lèvres, il trinqua. Le tintement des verres résonna dans la cave. Il recommença les mêmes gestes pour goûter le vin. Cette fois-ci, il se concentrait sur un point essentiel : il devait déterminer le goût du vin. Il fit appel à ses sensations visuelles, olfactives et gustatives. Il en admira la robe. Il en huma les effluves. Pour la fin, il laissa ses papilles décider. Il le fit remarquer : - La couleur est belle, comme le rubis. Donc, c'est un vin plutôt jeune. Il faut savoir qu'un vin rouge perd de la couleur en vieillissant. Tu vois cette brillance ? Tant qu’un vin brille dans notre verre, celui-ci est encore en vie. Remarquable. Émerveillé par l'opacité du vin, il agita son verre et remarqua des gouttelettes glisser le long des parois du verre. Il approcha son verre du visage de Loxias : - Tu vois ces petites gouttes ? On n'appelle cela des larmes. Plus les larmes sont serrées entre elles et lentes à glisser sur les parois, plus le vin est alcoolisé. La teneur en alcool n'est pas élevé pour ce vin-ci. Tant mieux. Parce que je ne tiens pas très bien l'alcool. Il rit, puis continua sur sa lancée : - Quant au parfum, des notes florales. On dirait qu'ils ont mis un peu d'épice. Je dirai du muscade. Il réserva le meilleur pour la fin. - Maintenant le goût. Il est fruité. Ni trop sucré, ni trop acide. Il est long en bouche. Plutôt harmonieux comme vin. Le vin n'est pas mauvais. Il sera meilleur quand il aura un peu vieilli. Ensuite, il posa le verre sur la table : - Tu n'es pas très alcool, n'est-ce pas ? , finit-il par lâcher.

Je n’y connais absolument rien en vin, et foncièrement, je n’aime pas ça. Mais là, je ne sais pas si c’est la journée de merde que je viens de passer, la soirée de merde en perspective, ou simplement le vin en lui-même qui diffère de tout ce que j’ai pu goûter jusqu’à présent, j’ai envie de prolonger l’instant, et le goût du breuvage sur ma langue. Je me surprends même à tendre mon verre, à nouveau, quémandant une nouvelle rasade. Malo ne se fait pas prier pour me resservir, et se resservir par la même occasion. Il pousse même le vice jusqu’à trinquer avec moi, les deux verres tintant dans l’écho que confère la vaste cave voûtée. J’avise une chaise, et m’y pose, approchant mon verre de mes lèvres pour me l’enfiler aussi rapidement que l’autre. Quand je vous dis que je n’y connais absolument rien. Mon geste s’interrompt au moment où mon regard tombe sur Malo, dont le cérémonial reprend. Ha ? Encore ? C’est pas juste pour le premier verre, ça ? D’accord. Mon bras redescend, et mon verre, intact, se repose sur la table. Ce type me parait totalement dingue à ausculter son verre de la sorte, mais je me plie à l’exercice, histoire de ne pas dénoter dans le décor. Par mimétisme, je m’emploie à être son reflet, parodiant ses attitudes avec quelques secondes de différé. Et je m’applique. Je soulève le ballon, laisse danser le vin contre ses parois, puis je m’empresse de le renifler, encore une fois. « La couleur est belle, comme le rubis. Donc, c'est un vin plutôt jeune. Il faut savoir qu'un vin rouge perd de la couleur en vieillissant. Tu vois cette brillance ? Tant qu’un vin brille dans notre verre, celui-ci est encore en vie. Remarquable. » Ah ? S’il le dit. Moi tout ce que je vois c’est du vin. Je serais bien incapable de faire la différence avec les autres que j’ai pu observé jusqu’à présent. Maintenant, s’il me mettait un autre verre sous le nez, alors oui, oui je pourrais peut être faire le jeu des 7 erreurs. Mais là... Là, je me contente d’agiter mon verre, comme lui, sans trop savoir pourquoi. « Tu vois ces petites gouttes ? On n'appelle cela des larmes. Plus les larmes sont serrées entre elles et lentes à glisser sur les parois, plus le vin est alcoolisé. La teneur en alcool n'est pas élevé pour ce vin-ci. Tant mieux. Parce que je ne tiens pas très bien l'alcool. » Les larmes du vin ? Ok, il a fumé quoi, lui ? Du vin qui pleure... Ok... J’hoche la tête, hein, je ne voudrais pas le contrarier. Et quand il sniffe à nouveau son verre, je fais pareil. Ça devient une habitude, un réflexe, je m’emploie a être son exact reflet. « Quant au parfum, des notes florales. On dirait qu'ils ont mis un peu d'épice. Je dirai du muscade. » Mais... C’est qu’il n’a pas tort !! Maintenant qu’il en parle, moi aussi je note la touche de muscade. Ce qui me plonge dans des abîmes de perplexité. De la muscade dans du vin ?! Le temps que je m’interroge, mon partenaire de dégustation s’emploie a porter -enfin- le verre à ses lèvres. J’en fais de même, précipitamment, manquant m’étouffer en voulant aller trop vite pour rattraper mon retard. « Maintenant le goût. Il est fruité. Ni trop sucré, ni trop acide. Il est long en bouche. Plutôt harmonieux comme vin. Le vin n'est pas mauvais. Il sera meilleur quand il aura un peu vieilli. » Ca veut dire quoi “long en bouche” ? Je ne comprends rien à ce charabia d’expert. Du vin c’est du vin. Je serais bien incapable de dire s’il est bon ou non. Et quand à savoir s’il est vieux ou jeune, en général je me contente de regarder l’année sur l’étiquette. Bien qu’avant, je pensais qu’il s’agissait de la date de péremption. Après avoir jeté une bouteille de 1958 et manqué provoqué la troisième guerre mondiale, j’ai retenu la leçon. « Tu n'es pas très alcool, n'est-ce pas ? » Monsieur fait dans l’euphémisme ? Je ne peux m’empêcher de sourire, en avalant ma deuxième gorgée. Longue, la gorgée. « Si... Mais sans la fermentation préalable, en fait. » Et hop, une gorgée de plus. Je suis entrain de déglutir lorsque je précise : « Du jus de raisin tout simple, en gros. » Comment lui dire que jusqu’à mes dix-neuf ans, je n’avais jamais avalé une goutte d’alcool ? J’ai enfreins quelques règles, depuis, mais l’alcool reste quelque chose de très épisodique, pour moi. Evidemment, je ne le tiens pas, puisque je n’en ai jamais fait une consommation quotidienne, et déjà, la tête me tourne un peu, après un verre et demi de vin. Pathétique. Mais plaisant. « Et toi ? Tu n’es pas censé être créateur ou un truc du genre ? Comment ça se fait que tu t’y connaisses autant en vin ? » Je lui demande, en reposant mon verre, dans lequel il ne reste plus qu’un fond, pour m’emparer du tire-bouchon et m’occuper de la deuxième bouteille sur laquelle j’hésitais. « Quoi ? » je lui demande en le voyant m’observer faire. « Il faut bien tester, pour faire un choix. Et je voudrais mettre tes conseils en application, voir si j’ai bien tout retenu. » J’aime apprendre. Qu’importe la leçon, j’aime apprendre. Alors, après la théorie, la pratique. Logique.

- Si... Mais sans la fermentation préalable, en fait. Le jeune homme confirma les dires de Malo qui l'observait ingurgiter une gorgée de vin conséquente. Il commençait alors s'inquiéter car l'alcool se diffusait plus vite que Loxias ne le pensait. D'un ton amusé, il lui conseilla : - Doucement. Ne bois pas trop vite. Celui-ci sentait peu à peu les effets de l'alcool se diffuser dans son organismes. Il fit pareil que Loxias, il vint se choir sur une chaise juste à côté de la sienne et finit son verre d'une traite. C'était bien plus que du jus de raisin. Il sentait ses sens s'altérer légèrement. La saveur enivrante du vin engourdissait son corps. - Et toi ? Tu n’es pas censé être créateur ou un truc du genre ? Comment ça se fait que tu t’y connaisses autant en vin ? Il acquiesça tout en dévisageant en silence son verre vide. - Pendant les vacances d'été, ma cousine Mona aimait m'emmener à des dégustations de vin dans les caves, dans le sud de la France. Elle m'a appris tout ce qu'elle savait à propos de l'art de déguster du vin. Ma femme était également une fine amatrice de vins. Mon travail de styliste m'empêche de consommer de l'alcool en trop grande quantité. Bien que parfois, j'avoue avoir une envie de boire irrépressible. Mais je suis toujours contrôlé jusque là. , dit-il en regardant Loxias ouvrir la deuxième bouteille. Il lâcha un petit rire. Viola aimait boire un vin rouge avant se coucher, en écoutant un peu de Bach. Il revoyait clairement l'image d'une Viola, dégustant avec ferveur son verre et s'allongeant dans un canapé en cuir. Son regard s'assombrit au souvenir de sa femme. Il avait besoin d'un autre verre. Cela lui permettait d'oublier un instant la souffrance de la perte. - Quoi ? Le sourire de l'anglais s'élargit. - Il faut bien tester, pour faire un choix. Et je voudrais mettre tes conseils en application, voir si j’ai bien tout retenu. Il hocha de la tête en plongeant son regard chaleureux dans le sien. - Enivrons-nous, alors., s'exclama-t-il en levant son verre, en l'honneur de Loxias. - Et toi, que fais-tu dans la vie ? , lui demanda-t-il d'une voix sereine.

« Doucement. Ne bois pas trop vite. » me conseille-t-il tandis que j’avale le fond de mon verre. J’aurais du suivre son conseil, puisque la tête me tourne légèrement, quelques secondes, avant que je ne retrouve la pleine possession de mes moyens. C’est un signe avant-coureur, une sorte de mise en garde, mais j’y suis tellement peu habitué que je n’y prête pas la moindre attention. A la place, je l’interroge sur ses connaissances en matière de vin. Et sa réponse, bien que très développée comme je les aime, me laisse perplexe. « Pendant les vacances d'été, ma cousine Mona aimait m'emmener à des dégustations de vin dans les caves, dans le sud de la France. Elle m'a appris tout ce qu'elle savait à propos de l'art de déguster du vin. Ma femme était également une fine amatrice de vins. Mon travail de styliste m'empêche de consommer de l'alcool en trop grande quantité. Bien que parfois, j'avoue avoir une envie de boire irrépressible. Mais je suis toujours contrôlé jusque là. » me confie-t-il. Ce qui me laisse songeur c’est la mention de son épouse et l’emploi du passé la concernant. Je l’imagine immédiatement veuf, simplement parce que s’il était juste divorcé, sa femme aurait beau ne plus être sa femme, elle en resterait une amatrice de vin, et l’emploi du passé ne se justifierait pas. Peut être que je réfléchis trop, aussi. Peut être que je devrais me contenter de lui poser la question. Mais, j’imagine sans mal la douleur de la perte de son épouse, son unique amour, et à sa place, je n’aurais aucune envie d’en parler, et encore moins qu’on me pose des questions à ce sujet. Aussi, je garde le silence, me contentant de m’emparer de l’autre bouteille pour en ôter le bouchon. Et devant son regard interrogateur, je lui explique le but de la manoeuvre. Après la technique, la pratique. « Enivrons-nous, alors. » En effet, il semble en avoir besoin, lui aussi. J’ouvre la bouteille dans un «ploc» des plus prometteur, avant de nous verser deux verres, pas plus haut que le bord. « Et toi, que fais-tu dans la vie ? » m’interroge-t-il pendant que je soulève mon verre à hauteur de regard. « Je virevolte. » je lui réponds avec légèreté, mon vin tournoyant dans mon verre. « J’ai fait un peu tous les jobs du monde, ceux ne nécessitant aucun diplôme. Et puis, plus récemment, je me suis rendu compte que les gens appréciaient mes dessins et mes photos. Alors, sans prétention, je croque des touristes pour leur vendre mes gribouillages quelques euros. Ils sont contents, moi aussi, et tout est parfait dans le meilleur des mondes. » Non, je ne compte pas faire ça toute ma vie, un jour je m’arrêterais de courir et je pourrais enfin trouver un métier stable. Mais en attendant, celui-ci me convient très bien. « Il est plus foncé que l’autre, donc plus vieux, c’est bien ça ? » je demande, changeant radicalement de sujet, en lui désignant mon verre. « Et les larmes semblent épaisses, ce qui signifie une forte teneur en alcool ? » Je ne suis pas très sûr de moi, mais je m’applique. Par contre, en humant le vin, je suis bien incapable de desceller autre chose que le raisin fermenté. Je ne dois pas être très doué. Testons son goût, maintenant.