→ Hit the road Jack
le 04/05 à 15h35
avec Sive.

Franchement plus jamais. Oui, plus jamais je ne dors pas de toute la nuit. C’est un vrai cauchemar. Premièrement parce que les forces me manquent; deuxièmement quand elles ne me manquent pas je brûle un tas d’énergie à ne rien faire ou à faire des choses très simples qui, par conséquent, m’épuisent; troisièmement, j’ai d’énorme coup de barre de façon éparses. Pire encore, je ne me permets pas d’aller me reposer parce que je sais sciemment que si je pose ma tête sur un oreiller je vais dormir jusqu’à la nuit. Et, je ne peux me le permettre sinon je ne vais pas dormir de la nuit justement. Sinon, mon horloge biologique sera complètement inversée et pour la remettre dans le bon ordre ca va être encore plus cauchemardesque que cette journée. Ainsi, je préfère souffrir aujourd’hui et rétablir les choses rapidement plutôt que de les laisser trainer ad vitam aeternam et donc souffre deux fois plus. Pragmatique. Je sais. Ainsi, toute la journée j’essaie de m’occuper pour ne pas me laisser happer par un sommeil sans fin. Je traine ici et là, discute avec plusieurs candidats et candidates, passe du temps avec ceux que j’apprécie. Puis, il arrive fatalement un moment où on ne sait plus trop quoi faire ou où aller. Un moment battant, un moment de flottement. Je suis dehors, en plein parc. Et, il fait chaud. J’aligne les pas. J’ai l’impression de peser le double de mon poids de d’habitude si bien que me trainer d’un point A à un point B m’est difficile. En fait, j’ai l’impression de faire la traversée du désert. C’est horrible. Il fait trop chaud. La chaleur est étouffante, cuisante. J’ai soif. Ou alors, c’est parce que je suis tellement fatiguée qu’elle me touche plus. Je soupire, et retire péniblement mon top pour ne rester qu’en simple débardeur. Je déglutis la gorge sèche. Et, je trouve la force de traverser le parc pour aller me réfugier dans la forêt. Je ne sais pas trop où j’ai trouvé l’énergie de me trainer jusque là mais maintenant j’y suis. A l’ombre, au frais. Je m’enfonce quelque peu dans la forêt et finit par m’adosser au tronc d’un arbre. Putain, on croirait faire Koh-Lanta. Je reste debout, évidemment. M’asseoir serait une fatale erreur car jamais je ne me relèverais sinon. Je cale également ma tête contre l’écorce du centenaire. Mes prunelles fixent un point dans le vide, ma vision se trouble quelque peu. Je cligne des yeux, une fois, deux fois. Je me sens partir. Je suis fatiguée. Je lutte contre la fatigue et continue de lutter plusieurs secondes jusqu’à commencer à m’assoupir légèrement, fermant petit à petit les paupières.

Oui, c’est bien ça…dormir. Mes paupières lourdes, finissent par complètement se fermer. Je ne contrôle plus vraiment. Je me déconnecte progressivement de la réalité. Ma motivation précédente à rester éveillée s’évanouit de mal en pire pour disparaitre complètement. Je sens mes muscles se relâcher, se détendre. Autant dire que c’est mauvais pour moi. J’essaie vainement de lutter. Encore un peu. Non. La petite voix agaçante tente de me rappeler à l’ordre. Une fois, deux fois, trois fois… Rien à faire. Je la relègue à un troisième plan, au fin fond de mon esprit. Ciao. Dégage. Merci. J’ai l’impression de m’enraciner dans l’écorce du centenaire. J’y prends appuie, je m’y vautre complètement. Un soupir franchit mes lèvres. Et, je crois bien que je m’endors. Je ne sais pas combien de temps s’écoule lorsque j’entends mon prénom percer les airs. Je me dis que c’est mon esprit. La petite voix est revenue. La garce. Elle ne me lâchera jamais. Cependant, la réalité se rematérialise bien rapidement lorsqu’une main se pose sur mon épaule et qu’une voix douce, féminine s’élève de nouveau. Je sursaute en ouvrant brusquement les yeux. « Non, non, je ne dors pas, je ne dors pas ! » je m'affole, gesticulant, secouant vigoureusement la tête et me décollant du tronc de l’arbre. Mes yeux balayent quelque centimètre carré de la forêt avant de se poser sur Sive. La gentille Sive. J’esquisse un sourire. « Han, merci, tu m’as sauvée la vie ! » je lui fais alors. « Enfin, disons plutôt mon sommeil de cette nuit » je reprends d’une voix fatiguée. Puis, quand je suis fatiguée, je dois être câline parce que mes bras vont s’enrouler autour du coup de la demoiselle, qui honnêtement ne doit rien comprendre à la situation, et je pose ma tête sur son épaule. « Merci Sivy... » je lui souffle doucement. Réellement câline ? Ou simplement fourbe ? Parce que oui, je me dis que ce doit être un autre moyen dissimulé pour tenter de m’endormir, de trouver du repos. Ailleurs que sur un arbre ou par terre notamment.

Je dois avoir l’air ridicule présentement. Mais je m’en fous tellement. Il n’y’a que la fatigue qui me travaille présentement, qui occupe mon esprit, le hante et le paralyse. Je comprends mieux l’expression: mourir de fatigue. C’est une réelle torture pour l’esprit qui contamine fatalement les muscles. Je me repose sur l’épaule de Sive. Sive qui semble se raidir soudainement. Je ne veux pas la mettre mal à l’aise. Ca fait tilte dans ma tête si bien que je m’ordonne de me relever. Maintenant. Enfin, au plus vite. Dans les minutes qui suivent de préférence. Le temps que mon cerveau ordonne et coordonne la manœuvre. Il est vrai que lorsque je me sens à l’aise avec une personne j’ai tendance à être très tactile et à ne pas me poser de questions avant d’agir. Moi, je pense que c’est bon signe. Ceci dit, il faut que j’apprenne à attendre que cette sensation s’installe entre les deux personnes. Vous voyez, que ce soit réciproque. Je ne peux me permettre ce genre d’écart si la personne en face n’est pas dans le même état d’esprit que moi. Puis, lorsqu’elle gronde mon prénom, je sursaute et recule comme un ressort. Après quoi, elle me fait le détail de possibilité qui s’offrent à moi. Me border dans mon lit… j’en rêve presque. Mais non, il ne faut pas que je me laisse séduire par ce genre de proposition ! Tiens bon Nora. « Justement, j’espère pouvoir m’écrouler dans mon lit ce soir, et reprendre mes bonnes habitudes. » je lui explique avec une petite moue fatiguée. « Je ne sais pas comment j’en suis arrivée à ne pas dormir de la nuit… » j’ajoute aussi dans un soupire exaspérée. « Et, si on trouve une occupation à deux ?! » je lui propose esquissant un petit sourire. « Après tout, je ne sais pas grand-chose de toi ! Sauf que tu sais jouer ‘j’ai du bon tabac’ au piano en loupant quelques notes, et que tu as de bons goûts musicaux » je lui dis alors qu’un sourire mutin se dessine sur mon visage. « Parle moi de toi Sivy’, si tu veux bien » Oui, je ne force jamais personne à faire quoique ce soit. D'ailleurs, ça sonne un peu façon: Père Castor, raconte nous une histoire. Avec la voix niaise et les yeux qui brillent.

Je lui explique le pourquoi du comment tout en continuant d’aligner, tant bien que mal, les pas, les uns devant les autres. Sive me confie son point de vu sur les habitudes. J’esquisse un léger sourire. « Je suis bien d’accord, elles aliènent » je surenchéris en soupirant, feignant l’exaspération. Franchement oui, c’est un cercle vicieux. Une rengaine, une routine qui asservie tout autant qu’elle assujettie quiconque. Et, le pire c’est quelle crée une espèce de cadence qui devient indispensable. La jeune femme enchaine et me gratifie d’une pichenette. J’échappe un rire. J’ai l’impression d’avoir cinq ans, à nouveau. « Je ne te le fais pas dire ! » je m’exclame, tentant de me sortir de mon état de loque amorphe. Après quoi, je demande à la belle jeune femme de me raconter un peu de son passé, de son présent. Plus simplement de sa vie. Elle commence par me dire qu’elle n’est pas douée pour ça. Je lui souris. Un sourire rassurant, l’incitant à commencer. Je ne suis pas là pour juger ou quoi que ce soit d’autres. Je veux juste la connaitre un peu plus. Peu importe comment elle s’y prend, ou ce qu’elle raconte. La belle reprend la parole et je l’écoute, attentivement. Mon regard passe de temps à autre entre elle et le sol. Oui, me casser la gueule par inadvertance, très peu pour moi. Ce n’est pas le ridicule de la chute qui m’effraie. Mais plutôt de m’endormir. Enfin, de ne plus pouvoir me relever après. Au fil de son petit récit sur sa vie, je comprends mieux, maintenant, pourquoi elle n’est pas très routine. Soit. Je demeure silencieuse jusqu’à ce qu’elle me propose de lui poser des questions si jamais je voulais savoir autre chose. J’acquiesce d’un signe de tête. Je note, je note. Pour l’instant rien ne me vient mais ca ne saurait tarder. D’ailleurs, elle enchaine en me retournant la question. « … J’ai vécu aux Etats-Unis une très grande partie de mon enfance parce que mes parents sont astronautes. » Ouais, les impératifs parentaux. Bref. « Et, pour poursuivre mes études, j’ai décidé de revenir ici, dans mon pays natal. Parce que j’avais aussi besoin de changer d’air, de m’éloigner un peu. Cependant, je ne peux me passer de mes frangins, donc je les ai aussi et surtout rejoint. Haha, l’indépendance tu parles. » je plaisante, tout sourire. Oui, je n’ai aucun mal à avouer la chose. J’ai quitté les Etats-Unis, mes parents, pour mes deux grands frères. Life is life comme dirait l’autre. « Je suis étudiante en médecine, j’aime me rendre utile. Sinon… attend, quoi ? C’est ton anniversaire ! » je m’exclame presque ahurie lorsque cette idée me revient en tête, en m‘arrêtant. « Personne ne le sait en plus ! » je poursuis toujours aussi ahurie, face à elle. « Mais, mais, joyeux anniversaire ! » j’enchaine avant d’afficher un large sourire rayonnant. « Tu aurais du le dire, il n’est pas trop tard après tout. Non. Tu dois souffler tes 26 bougies. Même si c'est en comité restreint. Obligé. Tu crois que si on demande aux techniciens, ils nous amèneraient le matos ? Quoiqu’un gâteau n’est pas compliqué à faire. On peut toujours s’en charger. Ouais, c’est-ce qu’on va faire. » je débite pensive, faisant les cent pas, sans la consulter. Cela me parait tellement normal que je reprends contact avec la réalité en secouant légèrement la tête. « Aller viens ! » je scande en la prenant par la main, m’élançant dans les bois afin de me rediriger vers le château. Si elle a des doléances, ce sera pour plus tard.