Il était presque vingt-deux heures. Je ne sais pas ce que faisaient exactement les autres, je m’en foutais un peu/beaucoup. Nuisette à la main, je me faufilais à travers les portes pour rejoindre la salle de bain. Personne. Elle était totalement vide. Dommage, de la compagnie ne m’aurait pas fait de mal. J’haussais les épaules, avançant vers un miroir. Miroir devant lequel je me m’étais à nue. Être à poil dans une salle de bain, il n’y a rien de choquant dans ça ? Enfin, à mes yeux, ce n’était absolument pas anormal, même face à des caméras. Mon corps, j’en étais fier et j’avais appris à l’exhiber depuis un moment maintenant. Le regard des autres ne me gênaient plus du tout, au contraire, j’aimais ça toujours un peu plus de jour en jour. Nous étions aussi dans le jeu par exhibition, alors nous n’avions pas à nous plaindre. Oh et puis, ce n’est pas ce genre de moment que l’angelot retiendra de mon passage dans son superbe nid. Agitant mon arrière train, je me mis à fredonner une chanson dans mon français natal, avant de fourrer ma brosse à dent dans mon bouche. Ouai, il n’y a pas d’arrière pensée possible. Toujours la chanson en tête, je me dandinais, levant mon bras gauche libre dans les airs. Je ne me rendis pas compte que la porte venait de s’ouvrir et qu’une jeune femme fit interruption dans la salle de bain. « Tu pourrais te rhabiller » Je ne reconnaissais pas cette voix. Je me tournais de trois quart, pour observer cette fameuse demoiselle. Nora. Je recrachais le dentifrice, avant de rincer ma bouche avec l’eau du robinet. M’essuyant la bouche, je me retournais totalement vers elle pour lui faire face. Elle semblait gênée. Il n’y avait pas de quoi… on est « faites » de la même manière. En tout cas, moi j’en étais certaine. « Pourquoi ? » Lui demandais-je, tout aussi neutralement qu’elle, tandis que mon regard reste posé sur elle. L’un de mes sourcils, le gauche comme toujours, se leva. J’haussais les épaules. « Ca te dérange ? »

C’est vrai, pourquoi devrais-je me rhabiller dans le fond, si c’est pour me déshabiller de nouveau dans quelques minutes ? Quoi, elle est aussi du genre à se doucher avec un maillot de bain, trop pudique pour montrer ses nénés à la télé. Oh et puis ce n’est pas comme-ci j’étais horrible hein : mon corps a été bien sculpté, je n’ai pas un gramme de graisse – oui c’est vrai – sauf là où il faut. « Parce qu’on est pas tous friand de ce genre de spectacle » Je considérais la chose quelques secondes. Elle n’avait pas tord, ça pouvait déranger les plus puritains d’entre nous… et si mes parents me voyaient, ils seraient encore plus horrifiés qu’ils ne le sont déjà. Bon, c’était un peu trop tard de penser à eux : ils avaient aussi dû me voir baiser et ça… « T’es pas non plus obligé de me mater… alors oui je pourrais me rhabiller, mais j’en ai pas envie… » Lui répondais-je, pas le moins du monde intéressée parce qu’elle me disait, mais tout en la regardant tout de même. L’un de mes gros pêchés, avec la luxure, c’est la paresse. Je ne voulais pas perdre mon temps à me baisser, d’autant plus que le spectacle des joues un peu rosies de Nora, face à ma nudité, m’amusait. C’est qu’elle pas mal gênée la petite. « Tu le fais exprès ? » Une moue de réflexion tordit légèrement ma bouche, alors que je me frottais le menton avec mon index. Ma réponse était déjà claire dans ma tête et pourtant, ma bouche disait complètement l’inverse, cherchant toujours la petite bête qui aurait très bien pu rester cachée. « Un peu ouai… » Déclarais-je, en levant une seule épaule, mon sourire habituel étirant mes lèvres à croquer. Evidemment que je le faisais exprès : de rester nue, mais aussi de me foutre un peu de tout, de faire la stupide, ou autre chose encore, qui pourrait renforcer mon image de douce idiote. « Tu devrais faire pareil… tu m'as l’air d’être une coincée ! » Rétorquais-je, finalement.

Je n’avais effectivement pas spécialement envie de me rhabiller. Je pensais qu’en venant ici, ne pas choquer de petites âmes sensibles dans le nid. Malheureusement c’est le cas… mais sérieusement je ne pensais pas faire quelque chose de réellement mal. Simplement, si elle m’avait pas adressé la parole, j’aurai été prendre une douche, puis je me serais habillée sans faire d’histoire et presque rapidement en prime. Elle me parlait, d’accord, mais qu’elle ne s’étonne pas de me voir dans mon plus simple appareil autant de temps. « Ne prend pas non plus tes désirs pour des réalités. » Parfaitement callée dans mon rôle, j’émis un fait rire, secouant négativement la tête. Ce qu’elle était drôle la gamine ; je sais bien que tout le monde envie mon corps et que les demoiselles ici se ferait bien de la chirurgie esthétique pour être comme moi. Je levais un sourcil, ne répondant pas à ce pic digne d’un enfant, qui me fit rire encore une fois. « Si pour toi se trimballer les fesses à l’air, coucher à droite à gauche, c’est un signe de ‘hypitude’, ce n’est clairement pas mon cas… Alors ouais, j’préfère limite que tu me considères de coincée » Evidemment ma jolie, pas besoin de me le préciser, j’avais bien remarqué. D’ailleurs pour lui bouger son cul à elle, les mecs devaient bien en chier. « Oh non c’est mal me connaître que de dire ça. Je suis à l’aise comme ça et ce n’est pas de ma faute si je ne peux pas m’empêcher de baiser… Ce n’est pas de ma faute non plus, si t’es plus du genre à porter une ceinture de chasteté… » Déclarais-je, un sourire en coin. N’empêche, elle avait la tête de la belle et jeune vierge typique, qui n’attend que le mariage pour se faire sauter… beurk. « Ca te rapporte quoi d'être comme ça ? » Je la considérais quelques secondes, du coin de l’œil. Je n’aime pas ce genre de question. C’est le genre de question piège qui pourrait me faire plonger et faire ressortir par la même occasion mon petit cœur que je ne montre jamais. En plus, dans le fond, même si Nora me semblait nunuche, coincée et agaçante ; bah elle avait l’air aussi sympa… un petit peu, le minimum. Ce qui me fait vachement chier, je pouvais bien le penser. On pouvait même rajouter qu’elle venait de me « toucher » avec cette remarque, mais j’essayais de ne pas le lui montrer. Je lâchais un rire demi amusé, lui montrant le petit rictus que j’avais sur le visage, avant de me mettre dos à elle. « Tu comprendrais pas… » Lui répondais-je, sarcastique, pour reprendre l’expression de Keelan. Non, effectivement, elle ne comprendrait pas alors je ne vais pas lancer dans des explications absurdes.

Tout ce qu’elle me disait, me passait par une oreille et ressortait par l’autre. Que du blabla de jeune fille qui devrait, justement apprendre à moins parler. Salope/chaste/écarter les jambes, ouai ouai c’était bien beau… L’on me juge tous les jours, tous le temps, et heures vingt-quatre. Pour n’importe quoi et ce, je crois, depuis mon enfance. J’étais comme qui dirait complètement immunisée à présent. Par contre, sa fameuse question me taraudait… enfin… Qu’est-ce que ça me rapportait de jouer les salopes ? Des tas de mecs, à coup sur. Me faire remarquer, un tout petit peu. Exister, un tout petit peu aussi, mais je sais très bien mettre mes autres talents à disposition pour exister dans un « nid » emplit de personnes insignifiantes. Je n’ai juste simplement pas envie de m’expliquer à une gamine telle que Nora. Tous ces pseudos candidats bien sous tout rapport étaient, en général, les pires inquisiteurs. « A bat les apparences Irène, ca prend pas » Je me stoppais dans ce que je faisais, levant un sourcil vers celle-ci. Sérieusement ? Elle croyait me démasquer en quelques minutes et qu’en autant de temps, elle me m’était à genoux avec sa capacité de physionomiste. « Je pense que si c’est un tant soit peu clair pour toi, tu n’as pas trop de soucis à te faire pour moi. » Je penchais ma tête un peu sur le côté, mes yeux s’arrondissant. Je pinçais mes lèvres, ma mâchoire serrée, pour éviter de lui répondre… trop rapidement. D’accord, elle m’avait touché « en quelques sortes », mais qu’est-ce qu’elle avait à me prendre de haut comme ça ? Je jouais les idiotes, je récoltais les insultes qui vont avec et je m’en accommodais. Ca me faisait même marrer. Sauf que dans certains cas, ça ne me fait pas marrer du tout. J’ai plus de chose dans la tête qu’elle ne semblait me le signaler. Je suis même prête à parier que j’ai autant de chose dans la mienne, qu’elle dans la sienne. Je me mordais la lèvre inférieure, me retournant vers la jeune femme : « Non mais c’est très clair pour moi. Je sais très bien pourquoi je me comporte ainsi. Alors je rectifie, avec milles excuses de ma part: j’ai juste pas envie que tu comprennes. » Autrement dit : j’ai aucune envie d’étaler ma vie pour une gamine, qui plus est, une gamine comme toi. D’ailleurs, sérieusement, qui ici serait digne d’entendre le récit de ma merveilleuse vie ? Keelan avait réussi à me berner et, contrit, je lui avais raconté un bout de ma vie… on ne m’y prendra plus une deuxième fois. Je me dirigeais vers l’armoire aménagée au prénom d’un éliminé, devenu mienne ; j’en sortais une boîte en forme de bouche, contenant quelque chose qui ne regardait pas la demoiselle. D’ailleurs, j’avais décidée d’ignorer et la fille dernière moi, et sa requête totalement absurde qu’est de me voir remettre mes habits.