SANTIAGO.

Quand j’ai un souci quelconque, depuis que je suis gosse, je me réfugie dans une chose. La plus belle chose du monde, celle qui me fait tout oublier, le seul médicament à tous mes maux, ce pourquoi je me donne corps et âme… La musique. Je joue depuis des années, depuis que mes parents nous ont obligé a choisir une activité extrascolaire à Jamie et moi. La musique m’a toujours fascinée, c’est logique donc que j’eus choisis de jouer d’un instrument mais mon père a refusé la guitare. Donc ce fut le piano. J’ai souvent aperçu la femme de ménage s’arrêter dans le couloir quand je joue du piano dans le salon, ma mère, elle, vient carrément s’asseoir dans la pièce et m’écoute parfois pendant une ou deux heures. Aujourd’hui c’est pour moi que je joue et moi seul, mes doigts défilent sur les touches et rapidement j’en viens à jouer l’une des mélodies les plus connues. Requiem for a dream. J’adore cette musique et j’avoue joué sans même réellement y penser, je suis dans mon monde, seul l’arrêt total de la musique me déconnectera mais comme c’est moi qui joue, je contrôle. Et c’est vivifiant.

Aujourd’hui, sans raison particulière, je suis de bonne humeur. Je pète la forme et j’ai envie de chanter et sauter un peu partout dans le château. D’ailleurs, c’est ce que je fais un peu là. Je suis au premier étage et je chantonne une musique que j’ai en tête en dansant discrètement. Je n’ai pas envie non plus que la caméra filme cet instant ou que quelqu’un me voit. Puis, là, je suis soudainement interrompu dans ma chanson par un bruit qui ressemble à un piano. Ah oui c’est ça. Je reste derrière la porte de la salle de musique et je décide d’écouter. Whaou. La personne qui joue de l’instrument gère. Je décide donc de ne pas l’interrompre. Puis, à la fin du morceau, je débarque dans la salle curieux de connaître le nom de l’artiste. Il s’agit de Finnick. « Bravo mec, tu gères. » Je l’applaudis un peu. Enfin un tout petit peu. Il joue bien. Maintenant, ce n’est pas tout à fait le morceau que j’aurais choisi à sa place. « Mais tu penses au suicide ou quoi ? » Non, car franchement, plus dramatique comme chanson tu meurs. Ok, c’est une musique culte et elle est bien mais moi je préfère les chansons joyeuses. Des trucs qui ne font pas déprimer quoi. « Sérieusement, ça va pas ? » Je me rends compte que je peux être con parfois. Le jeune homme fait grise mine et moi je lui parle de suicide. Tsss. Bon, maintenant, je pense pas qu’il irait jusqu’à là mais quand même. Autant demander directement ce qui cloche.

La musique s’arrête et doucement j’atterris dans ce monde qui, à l’heure actuelle, me fait un peu chier. Ca aurait pu être moins brutal si… « Bravo mec, tu gères. » Santiago n’était pas arrivé. Mais j’apprécie toujours quand on me fait des compliments, surtout sur le piano étant donné que ça fait plus de quinze ans que j’en joue. Je souris en le voyant applaudir et tout. « Merci. » Je dis alors. « Mais tu penses au suicide ou quoi ? » Pardon ? J’ouvre de grands yeux, le suicide ? Moi ? Jamais ! J’sais que je suis parfois un peu lâche mais quand même, pas au point de refuser de vivre. « T’es fou ! » Ca sort tout seul, bon j’imagine bien qu’il a dit ça comme ça et pas en étant sérieux mais quand même, faut faire gaffe hein. « Sérieusement, ça va pas ? » Ouais évidemment, si j’avais joué l’hymne à la joie ou la vie en rose ça l’aurait fait moins dépressif, hein. Je soupire, bon. De toute manière j’imagine que c’est un peu écrit sur ma tronche depuis deux jours. « Nop c’pas la joie, mais ça va finir par aller mieux. » Je déteste me faire plaindre, me confier, ce genre de truc. Et puis vu qu’il dort avec Tweedy, j’imagine qu’elle lui a déjà raconté. Ou pas en fait mais au pire ce n’est pas important. « Oh, je t’ai pas encore félicité pour notre secret… On voulait vraiment pas que tu confirmes, comme avec Sami. On est joueurs, Jamie et moi, mais d’un coté… » Je souris. « C’est libérateur. » Ah tellement, ça tombe à pic en plus, juste quand j’ai besoin d’être vraiment moi pour gérer la situation avec Tweedy.

Après plusieurs semaines de jeu, je découvre les talents de pianiste de Finnick. Whaou. La classe. De toute façon, je crois que j’en apprends tous les jours sur un peu tous les candidats. Plus grand chose ne me surprend maintenant. En revanche, le choix de morceau qu’à fait Finnick ne m’enchante pas plus que ça. J’ai l’impression d’être à un enterrement ou d’assister à un suicide. En parlant de suicide, il ne compte pas passer à l’acte quand même ? Non. Ouf. « Heureux de le savoir. » Je me mets aussitôt à rire. Si je fais semblant d’être vexé, je comprends parfaitement ce que le jeune homme voulait me dire par là. Et puis, je dois dire que je suis toujours rassuré. Je ne l’aurai pas imaginé pensais au suicide mais quand même. On ne peut être sûr de rien. Surtout que le candidat a triste mine. D’ailleurs, je décide de lui demander directement si ça ne va pas. Et il me confirme que non. Je crève alors aussitôt d’envie de savoir pourquoi. Je me doute que cela a un rapport avec Tweedy mais j’ose pas tellement le lui demander. Peut-être plus tard. Il ne semble pas tellement apte à en parler. Il change de sujet de conversation même. « Merci mais je dois avouer ne pas être fier pour autant. J’aurai dans un sens préféré que votre secret soit tout autre. » Je préfère être franc. Je pense que Finnick pourra comprendre. Du moins je l’espère. En tout cas, j’imagine que cela doit être libérateur. Non, à vrai dire, je ne l’imagine même pas, je le sais puisque j’ai vécu exactement la même chose avec mon secret. Un secret semblable au leur. « Oui, ça fait vraiment du bien. C’est très dur de ne pas être soi pendant plusieurs semaines. » Si mon secret a été découvert au bout d’un mois, le leur a été découvert au bout de deux mois. Respect. Je ne suis vraiment pas sûr que j’aurai tenu jusqu’à là.

« Heureux de le savoir. » Dit-il en riant, faussement vexé, du coup je ris avec lui. Finalement il me demande si ça ne va pas mais comme je ne veux pas en parler je reste vague avant de totalement changer de sujet. J’ai autre chose à faire que m’épancher et lui a surement autre chose à faire que m’écouter. Du coup je le félicite d’avoir trouvé notre secret à moi et Jamie. « Merci mais je dois avouer ne pas être fier pour autant. J’aurai dans un sens préféré que votre secret soit tout autre. » Je soupire avant de hocher doucement la tête, je comprends. Je ne sais pas ce qui le lie à mon frère mais j’ai l’impression que c’est assez fort. Et que ce qu’il s’est passé entre moi et Jamie le dérange vraiment. Pourtant il n’y a aucune raison, ça n’arrivera plus. Plus jamais. « T’aurais voulu qu’on ne soit pas frères ? » Je demande, bien sur que c’était ça. Dire que je ne pouvais même pas imaginer avoir grandit sans lui, mine de rien même si on a voulu faire croire qu’on se détestait profondément, ce n’était que de la rancœur de mon coté. Un frère n’est pas censé abandonné l’autre, non ? Hm, soit. « Oui, ça fait vraiment du bien. C’est très dur de ne pas être soi pendant plusieurs semaines. » Je hoche la tête. « C’est clair ! » Vraiment dur, même si c’était juste le rôle de Jamie et que, de par notre éducation similaire, je n’avais pas eu trop de mal a entrer dans sa peau. Finalement je crus bon de dire une deuxième chose à Santiago. « Ca n’arrivera plus, c’est pour ça qu’on est venu ici, parce qu’on pouvait pas continuer comme ça. » C’était ça ou se perdre pour de bon et ni lui ni moi n’étions prêts à ça. Vous nous imaginer dans un jeu sinon, hein ? Non, lui a autre chose à foutre, vraiment, moi ça ne m’intéressais juste pas.

La conversation sur la musique a rapidement prit fin. Finnick a alors décidé de me féliciter pour son secret découvert, sans doute pour ne pas avoir à évoquer ses problèmes de cœur. Soit. Je lui avoue ne pas être pleinement satisfait de ce résultat. J’aurai préféré que leur secret soit différent. Et il semble comprendre immédiatement pourquoi. « Ouai. Ou que l’un soit adopté. » Cela peut paraître dur à entendre mais je ne suis pas du genre à cacher ce que je pense. Maintenant, je peux concevoir que cette idée paraisse inacceptable pour les deux frères. J’imagine qu’ils tiennent énormément au lien qui les unit malgré tout ce qui a pu se passer. Ils s’aiment, c’est indéniable. Mais pas forcément de la bonne façon. Ou j’en sais rien. Je suis pas psychanalyste. En tout les cas, j’ai toujours du mal à concevoir l’inceste. Et je crois, que cela ne passera jamais réellement. Mais qui sait ?! « Je comprends. » Et je ne dis pas ça pour brasser du vent. Je comprends réellement les raisons qui les ont poussés à faire ce jeu. J’imagine même que j’aurai agis de la même manière. En tout les cas, je trouve leur histoire quelque part touchante. Le lien fraternel fort qui les unissait n’est pas perdu. Au contraire, ce jeu n’a fait que le renforcer. Ou plutôt, il leur a permis de se redécouvrir et d’entamer une nouvelle relation saine. Du moins, c’est ce que j’espère. Puis je me repasse les paroles du candidat dans la tête. Je me rends compte qu’il parlait peut-être plutôt de l’inceste quand il disait que cela n’arrivera plus. Et moi qui réponds que je comprends. Merde. « Il ne faut plus jamais que cela arrive. » Que ce soit l’inceste ou leur ancienne relation conflictuelle, je ne leur souhaite plus jamais de revivre ça. « Ce jeu nous sera tous bénéfique je crois. » Une pointe de nostalgie prend place. Je commence à présent à penser à l’après Fake Lover et j’ai terriblement peur. Je ne souhaite pas y être. J’ai réellement appris à aimer vivre ici et je crois que le retour à réalité sera très difficile.

« Ouai. Ou que l’un soit adopté. » J’hausse un sourcil. Lequel des deux, hm… On ne se ressemble pas tellement, certes, mais quand même… Je passe une main dans ma nuque « C’est difficile à imaginer. » J’avoue. Vraiment, ça ou qu’on ne soit pas frères, dans les deux cas c’est assez difficile à imaginer pour moi. Même si on a pas vécu ensemble ces six dernières années, on ne peut vraiment comprendre que si on a vécu ça. On pense toujours un peu à ce frère même si on ne le voit plus, jumeau ou pas je pense qu’un lien fraternel a toujours une certaine force. « Je comprends. » Encore une fois j’arque un sourcil, l’inceste, il comprend ? Je pense qu’il n’a pas tout à fait compris ce que je voulais dire, en fait, d’ailleurs il se rectifie. « Il ne faut plus jamais que cela arrive. » Je soupire. Je viens de le lui dire, ça n’arrivera plus. Je ne pense pas que Jamie ou moi on refera un pas vers ça, et même si l’un de nous le fait, l’autre saura mettre un stop. Je saurai le faire en tout cas. « Ce jeu nous sera tous bénéfique je crois. » Je hoche doucement la tête puis je pense à Tweedy, tout ce que j’ai merdé avec elle. « Peut être. » Je dis simplement, personnellement je suis arrivé dans ce jeu en étant parfaitement en accord avec moi-même – si ce n’est cette histoire avec Jamie – et je n’ai pas envie de ressortir sans avoir mis les points sur les i avec la jeune femme.