ft. keelan

La nouvelle était tombée, au prime. Six nominés d’office d’un coup, et dans le lot se trouvait la plupart des candidats dont j’étais proche : Keelan, Finnick, Sami, Santiago… j’en venais même à plaindre mon partenaire qui était aussi du lot. Après tout, nous étions une équipe gagnante, il était d’ordre que nous allions nous rendre jusqu’au bout, non? Cette vérité était des plus ébranlées par ces mises en danger surprises. Mais pour autant, je ne me préoccupais pas vraiment de son sort. Enfin, un peu, d’accord. Seulement, j’avais mieux pour m’inquiéter. Keelan, notamment. Après le départ d’Ennio qui m’avait fait beaucoup de mal, voilà qu’on s’attaque à l’autre candidat dont j’étais proche, un autre de mes piliers, de mes repères dans ce nid. Et je m’inquiétais déjà de l’issue du prime de dimanche prochain, craignant qu’on ne lui montre la porte. J’eus du mal à trouver le sommeil, cette nuit-là, et quand neuf heures sonna, j’étais éveillée depuis un bon moment, me tournant et me retournant dans le lit. Un grognement du côté de mon partenaire me parvint jusqu’aux oreilles, et je compris que quitter le lit conjugal serait peut-être une meilleure idée, que de rester là, à ruminer mes idées noires (ou pas). Je me forçais donc à sortir du lit, et même de la chambre, traînant dans le couloir, vêtu de mon unique pyjama, sans trop savoir où aller. Mon errance me conduit dans la chambre voisine, et dans un lit dans lequel reposait un candidat qui ne vous était pas inconnu, ni à moi non plus. Je ne sais pas s’il dormait, mais qu’importe, je me glissais à ses côtés, puis trouvait même un moyen de me faufiler jusque dans ses bras, cherchant peut-être à me réconforter face une éventuelle séparation que je ne voulais pas vivre.

Si pour une fois, le prime en lui-même n’avait pas été très éprouvant – aucun clash à déplorer, juste le caractère à la con de Finnick, m’enfin ça ce n’était pas nouveau – en revanche la fin n’était pas des plus agréables. Trois éliminés, dont faisait parti des personnes que j’appréciais. Seulement comme si ce n’était pas suffisant, Cupidon avait dû rajouter sa petite touche personnelle à la fin. Il ne pouvait décemment pas nous laisser nous en aller ainsi. Et non. Il compensait le fait de s’être montré trop généreux durant le prime. Résultat des courses : petite annonce sympathique, 6 nominés déjà désignés. Bien sur, j’en faisais parti. Cela n’aurait pas été marrant si j’avais pu accéder comme les autres aux demies finales. Bah non. On les servait sur un plateau à certains, tandis que les autres…Nous avions été choisi selon le critère suivant : nous étions les moins populaires. Je devais être 13ème sur 18, un truc comme ça. Autant dire que c’était très mauvais. Surtout quand on savait qu’Andréas, un type antipathique au possible, salopard, était devant moi…Donc il y avait de quoi se poser des questions. Moi qui pensait être quelqu’un de plutôt sympa et charismatique, hm, je devrais peut être revoir mon jugement sur ma personne. Conclusion : je ne donnais pas cher de ma peau dimanche. Je ne perdais pas complètement espoir, mais disons que je n’étais pas très optimiste. Bon, après tout j’avais fais un beau parcours quand même non ? Alors si ça devrait s’arrêter dimanche, ça ne sera pas la fin du monde. Bien que je n’avais pas encore envie de quitter mes petits camarades. Bref, après le prime, j’avais fais un petit tour dehors, me griller un ou deux clopes, histoire de décompresser. Puis je m’étais couché, dans ce qui était mon nouveau lit depuis plus d’une semaine. Je ne savais guère à quel candidat éliminé il appartenait, mais ça m’allait très bien. J’étais comme qui dirait persona non grata dans mon propre lit, puisque partagé avec Finnick. J’avais bien compris que si je ne désirais pas me faire battre « accidentellement » durant la nuit, valait mieux que je découche. Ce qui m’arrangeait bien à vrai dire. Je préférais largement dormir seul. Je somnolais, lorsque je sentis une présence, qui me sortit de mes songes. J’ouvrais les yeux, pour tomber nez à nez sur la bouille d’Anabel. Elle était carrément blottie contre moi, sa tête posée sur mon torse. Ah on ne se refusait rien. « Hm bonjour toi » J’esquissai un sourire. « Que me vaut ce plaisir ? » Croyez bien que c’était loin d’être désagréable de se réveiller ainsi. Bien que c'était un peu...suspect non ? Je bougeai légèrement, passant mon bras autour d’elle, pour être plus confortablement installé.

J’avais de bien curieuses idées. Me glisser dans le lit d’un homme, au petit matin, puis me faufiler dans ces bras. Pour d’autres, il aurait été simple de comprendre clairement leurs intentions. Mais dans mon cas, seul le besoin de me faire rassurer, de sentir sa présence à mes côtés, motivait ces gestes. Aucun arrière pensé, aucune idée saugrenue. J’ignorais ce que lui en penserait. En toute définitivement, j’allais bientôt le découvrir, car à peine poser à ses côtés, ses yeux s’ouvrirent pour scruter l’intruse que j’étais dans son propre lit. « Hm bonjour toi. » me salua-t-il, me je ne répondis pas, trop occuper à me tailler une place tout contre lui. « Que me vaut ce plaisir ? » Encore une fois, je gardais le silence, jusqu’à ce que, bien installer, mon visage enfoui dans le creux de son cou, je sente l’un de ses bras m’entourer, nous offrant une position plus confortable que la précédente. J’avais l’impression d’être une petite fille effrayée par l’orage qui tentait de se réconforter dans les bras protecteurs de son père, une gamine fragile. Mais c’était ce que j’étais, au fond. « Je ne veux pas que tu partes, dimanche. » me forçais-je à lui faire savoir, du fond de mon petit refuge improvisé. Et si le seul moyen de le garder dans les alentours était de m’accrocher à lui, alors pourquoi pas. C’était un moyen comme un autre. Comme j’étais demi-finaliste, il serait forcé de rester avec moi, il n’avait pas le choix. Je lui interdisais de s’en aller, de me laisser comme avait été obligé de le faire Ennio. Non, je n’accepterais pas un deuxième abandon. Je n’en avais pas la force.

Se blottir ainsi contre moi, alors que nous étions tous deux très peu couverts, je n’étais pas sur que ça soit une très bonne idée. Mais pour l’instant, pas d’inquiétudes à avoir, espérons que ça reste ainsi. En tout cas, j’en voulais plus souvent de tels réveils. Il n y avait pas à dire, c’était carrément mieux qu’une Tweedy par exemple, comme l’autre jour, qui sautait sur le lit, et me secouais comme un prunier. Je préférais largement ça, il n y avait pas à dire. « Je ne veux pas que tu partes, dimanche. » m’avoua t’elle finalement. Hm c’était donc ça. Elle s’inquiétait pour moi. Et pour elle aussi en fait. On en avait parlé la semaine dernière, à quel point les départs pouvaient être peinant maintenant. Je lui avais dis qu’il fallait espérer à un miracle, sait on jamais aucune victime à déplorer cette semaine. Hm, je n’aurais guère pu me tromper plus. Et malheureusement c’était moi la victime. Surtout qu’il y avait de fortes chances, très grandes même, pour que je parte réellement dimanche à l’issue du prime. « Moi non plus. Je ne veux pas te quitter. » Hm non attendez, je reformulais. « Enfin…je ne veux pas partir quoi. » Oui voilà, c’était mieux. Mine de rien la signification n’était pas vraiment la même. Et là première, ça faisait un peu…Même si c’était vrai, je n’étais pas prêt à la laisser, elle. Mais bref, il était certain que je n’avais pas envie de quitter cette aventure, en général. Pas maintenant, pas si près du but. Ça serait vraiment les boules. « Je ne suis pas prêt à retourner à ma vie d’avant… » Mais alors vraiment pas. Alors si je pouvais avoir une ou deux semaines de sursis, ça m’arrangerait.

Seule une crainte profonde de me faire… abandonner de nouveau, ou du moins, temporairement, m’avait poussé à m’infiltrer dans le lit, et dans les bras de mon camarade. Que ça lui plaise... ou pas. Mais je doutais que ce soit le cas : il m’appréciait assez, et me connaissait aussi suffisamment pour savoir que je ne cherchais qu’un moyen de me consoler, et de me rassurer, surtout. J’étais une enfant dans le corps d’une femme, une petite fille fragile qu’il fallait protégée contre vents et marées. Ou contre les annonces du vilain chérubin, hm. Mon visage blotti dans le creux de son cou, je lui avouais mon désarroi. Le voir quitter l’aventure, lors du prochain prime, n’était pas dans mes désirs. Et je m’inquiétais qu’encore une fois, mes précieuses illusions soient chamboulées par un ange en couche. Totalement crédible celui-là, d’ailleurs. « Moi non plus. Je ne veux pas te quitter. Enfin…je ne veux pas partir quoi. » Lapsus révélateur ou pas, je compris qu’il n’était pas prêt à quitter cette aventure. Que ce soit à cause de moi, ou n’importe qui – ou quoi – d’autre. Du moment qu’il ne se voyait pas montrer la porte à l’issue de cette fatidique soirée de dimanche prochain. « Je ne suis pas prêt à retourner à ma vie d’avant… » Notre vie d’avant. Le grand néant, pour ma part, puisque la vie qui m’attendait en sortant d’ici était à refaire, ayant quitté la mienne quelques mois seulement avant de participer à l’émission. Je n’avais ni emploi, ni endroit où vivre, ni aucun repère autre que ma seule cousine qui ne m’hébergerait pas éternellement. Je ne sais pas ce qui m’attendait, et c’est bien l’aspect qui m’effrayait le plus de cette fin. Elle me semblait abrupte, drastique. Inévitable. Je me défis légèrement de son étreinte pour relever la tête, posant mon regard dans le sien. « Tu veux bien me promette une chose? » que je lui demandais, d’une toute petite voix. « Je ne veux pas que tu m’oublies, en sortant d’ici. » Non, je ne voulais pas n’être qu’un souvenir, qu’une amitié de passage. Il comptait beaucoup à mes yeux. J’allais être incapable de tourner la page de cette émission et faire comme si les gens que j’avais connus ici n’existaient pas. Impossible. Ne me demander de faire un truc aussi pénible, par pitié.

« Tu veux bien me promette une chose? » me demanda t’elle en relevant la tête vers moi. « Bien sur, tout ce que tu veux » répondis je sans hésiter. Hm mouais, je ne ferais peut être pas mieux de dire ça. Cela serait con si je ne pouvais pas tenir ma parole. M’enfin c’était Anabel, elle ne devait pas vouloir quelque chose d’impossible. De toute façon, vous avez vu son visage ? Je serais bien incapable de lui refuser quoi que ce soit. « Je ne veux pas que tu m’oublies, en sortant d’ici. » Ah ce n’était que ça. Je passais ma main sur sa joue, pour la caresser doucement. N’y voyez pas là autre chose qu’un geste de tendresse. « Evidemment que je ne t’oublierais pas. Je serais bien incapable de toute manière. » Et je n’en avais surtout pas envie. « Alors je te le promets. » Même si ce n’était pas nécessaire. « Déjà je te kidnapperais surement à la sortie, pour ne pas que tu rentres en France. » Oui tout à fait, là voilà prévenue. C’était dommage si elle comptait y retourner. J’espérais qu’elle avait déjà fait ses adieux avant de venir ici. Bon, c’était juste histoire de lui faire comprendre, que c’était tout bonnement impossible – inimaginable – qu’on ne se revoit pas une fois cette aventure terminée. De toute façon, je ne lui laisserais pas le choix.