Parait-il qu'être curieux n'est pas toujours une bonne chose. Raphaël voulait bien le croire, hm. Après tout, cela devait dépendre du point de vue, et il pouvait également le concevoir. Mais lui, il avait toujours été curieux. Il n'avait d'ailleurs jamais pu y faire grand chose. Le fait est qu'on lui avait toujours interdit beaucoup de choses, que ce soit des informations, des biens ou des accès. Et tout cela avait contribué à nourrir, au fil des années, sa curiosité toujours plus gourmande. Du coup, même en grandissant, il n'avait pu faire autrement que de vouloir accéder à des choses qui ne lui étaient pourtant pas nécessairement dues. Sans doute parce que ses parents l'avaient privé de tout ce qu'il aurait mérité, justement. Allez savoir, peut être bien, hm. Quoi qu'il en soit, quand il remarqua que de jolies maisons semblaient abandonnées et que son esprit en conclut bien vite qu'il n'y aurait personne à l'intérieur pour l'empêcher d'aller y jeter un coup d’œil, Raphaël ne put que pénétrer à l'intérieur de l'une d'entre elles. Il ne comptait pas y fouiner, y farfouiller ou y mettre un quelconque désordre, soyons clairs. Il avait simplement envie de voir à quoi cela pouvait bien ressembler de l'intérieur. Ces maisons ne devaient pas être toutes jeunes. Peut être même qu'elles avaient été construites à une autre époque, ou du moins quelques décennies auparavant. Et honnêtement, cela avait tendance à l'intriguer fortement. Peut être parce que lui même avait tendance à penser qu'il n'était pas né au bon moment, hm. Au fond, il aurait peut être apprécié d'habiter l'une de ces maisons, quelques temps plus tôt. Sauf qu'il aurait probablement préféré être épargné par la Guerre, par toutes ces choses tristes et néfastes qui avaient du s'abattre sur ce pauvre village par le passé. Sa vie de maintenant le faisait bien assez souffrir, de toute manière. En tout cas, c'est toujours plongé dans d'intenses pensées qu'il pénétra donc à l'intérieur de l'une de ces habitations, vagabondant à l'intérieur de celle-ci et arrivant bientôt dans ce qui ressemblait à la salle principale, un salon ou un équivalent. Sauf qu'au moment où son regard balaya la totalité de la pièce, il se rendit compte que le canapé était occupé. Bon, rien de bien grave, vous devez vous dire. Sauf que lui, ça l'indisposait. Il venait de débarquer dans une pièce où quelqu'un avait probablement envie de dormir paisiblement. En fait, il allait probablement déranger cette personne. Mais s'il partait, il n'aurait aucun moyen de savoir si une discussion aurait en fait pu avoir lieu. Du coup, il préféra s'approcher du canapé et tapota doucement sur l'épaule de la personne qui s'y trouvait allongée. « Excuse-moi, je ... » Allez, il allait bien pouvoir trouver quelque chose pouvant justifier ce culot qu'il avait de le déranger. Hm ... « ... je n'aurais pas du t'importuner, pardon. » Ah ben bravo, voilà qui était fort utile. Maintenant, il allait passer pour un vrai crétin. Au fond, il aurait mieux fait de quitter cette maison. Oui, sans doute.

Sachez qu'il n'était pas habituel chez Raphaël de déranger les autres. Généralement, et même habituellement, il ne les fréquentait même pas. Alors vous pensez bien qu'il n'était pas courant qu'il soit amené à s'imposer à eux, ou comme ici, à les réveiller. Pourtant, il venait véritablement de tapoter l'épaule de l'un de ses camarades, sans trop savoir pourquoi à vrai dire. Pour avoir un peu de compagnie ? Hm, sans doute. Pour discuter avec quelqu'un ? C'est probable. Et toutes ces choses n'étaient pas du tout habituelles non plus chez lui, soyez en sûrs. Le fait est qu'il avait envie de faire des efforts, de se sociabiliser un minimum, et que son esprit lui avait plus ou moins indiqué de tenter une approche à l'égard du candidat qui se trouvait allongé sur ce canapé. Chose débile, quand on y pense, puisqu'il avait choisi un type qui avait probable mille fois plus envie de dormir tranquillement que de faire connaissance avec lui. Si ça n'était pas la preuve de la maladresse et de l'inexpérience de Raphaël, hein ... Le candidat s'éveilla alors légèrement, visiblement dans une incompréhension totale. En même temps, ça paraissait plutôt logique, vu qu'il l'avait probablement tiré d'un début de sommeil assez profond. Pour le coup, Raphaël se sentait bien bête. Il n'aurait jamais du l'embêter et aurait du le laisser dormir, puisque c'était assurément ce qu'il préférerait faire à cet instant précis. « Hm ... et bien ... » commença par formuler Raphaël, histoire de voir s'il était capable de lui expliquer la situation sans s'en manger une par la même occasion. Alors qu'en fait, non seulement son camarade le coupa dans son élan, mais en plus il avait l'air suffisamment compréhensif pour ne pas lui tenir rigueur du fait qu'il vienne de le réveiller. Voilà qui était pour le moins curieux, hm. Il disait donc que ça n'était pas grave. Voilà qui était rassurant. Mais il ne semblait pas comprendre le mot "importuner". Ah, euh ... et bien, il allait essayer de l'en lui expliquer le sens, alors. « Et bien, ça veut dire ... ça veut dire "déranger", "embêter" hm ... désolé, je suis plus doué pour trouver des synonymes que pour donner de concrêtes définitions. » Parce que bon, il n'était pas un dictionnaire sur pattes non plus, hein. Mais bon, ça devait se voir quoi. « Donc, tu ne me détestes pas ? » Oui, en plus de ne pas être capable de pondre un semblant de définition, il usait de termes pas tellement appropriés. Mettons cela sur le compte de son inexpérience sociable, hm.

Bon, Raphaël pouvait probablement se rassurer au sujet d'une chose : que son camarade ne lui ait pas aboyé dessus malgré le fait qu'il vienne de le réveiller. Parce qu'il aurait pu avoir à faire à quelqu'un de ronchon à qui ce réveil aurait fortement déplu et qui ne se serait ainsi pas gêné pour le lui faire comprendre. Mais non, visiblement, ce jeune homme n'y voyait pas grand chose de mal. Tant mieux, hm. Parce que Raphaël commençait doucement à culpabiliser et qu'il aurait assurément vite fait de fondre en larmes si le jeune homme qu'il venait de réveiller se mettait subitement à lui crier dessus. Et bien oui, Raphaël était sensible. Même très sensible. Trop, assurément. Tout comme il était timide et facilement embarrassé. Pour preuve, lorsque son camarade lui demanda la définition du mot "importuner" - ce qui ne lui parut pas plus étrange que cela, bizarrement - Raphaël se mit à hésiter, à bégayer légèrement, un peu comme s'il avait terriblement peur de dire une bêtise, d'avoir l'air bête. Disons qu'il était rare qu'on lui demande ce genre de choses et qu'il n'avait pas tellement l'habitude de devoir improviser des définitions de la sorte. Il avait beau savoir ce que ce terme signifiait, il n'était pas forcément aisé de le restituer à l'oral. Ainsi donc, il préféra opter pour quelques synonymes, rien de bien utile, mais c'était à peu près tout ce qu'il était capable de lui fournir dans l'immédiat. Mais il s'en voulait pour le coup, c'est évident. Parce qu'il craignait de ne pas l'avoir contenté, de l'avoir déçu. Peut être avait-il sérieusement attendu de lui qu'il lui fournisse une jolie définition, toute claire, toute limpide. Or, il n'avait pas été capable de grand chose. Du coup, non seulement Raphaël ne put faire autrement que de s'excuser - chose terriblement habituelle chez lui - mais il se mit également à craindre que son camarade change brusquement de ton et s'emporte pour de bon. Alors qu'en fait, ce ne fut pas du tout le cas. Il le remercia, dans un premier temps, puis chercha visiblement à comprendre ce qui poussait Raphaël à hésiter autant sur les mots. Ses joues s'empourprèrent alors légèrement, tandis qu'il baissa doucement les yeux. Oui, en gros, il était gêné. Habituel ça aussi, hm. « Je ... j'ai toujours eu quelques difficultés à m'exprimer. Un rien me met généralement mal à l'aise, alors je ne parle pas toujours très clairement. » Voilà qui était véridique. Parce qu'effectivement, son incapacité à formuler très clairement ses pensées résultait de son perpétuel embarras. Dieu sait qu'il lui menait la vie dure, celui-là. Mais voilà que Raphaël chercha à savoir si son camarade ne le détestait pas. Comprenez bien qu'une telle question sortait peut être de nul part, mais elle était sérieuse. Au fond, il partait du principe que les gens naissaient pour le détester, mais que certains d'entre eux pouvaient changer d'opinion à certaines occasions. Donc oui, tout cela était éperdument idiot, et il en avait conscience. « Je sais que beaucoup me méprisent, me détestent. Je ne pense pas faire quoi que ce soit pour le mériter, à part peut être agir assez maladroitement et faire preuve perpétuellement d'un grand embarras ... Je ... je pensais surtout que ce réveil inattendu aurait pu te pousser à me haïr. Je l'aurais compris, hm. » Mais si son camarade ne le détestait pas, c'était assurément une bonne chose. Ça en faisait au moins un, n'est-ce pas.