Réveil. Lever. Prière. Petit déjeuner. Course. Douche. Parfois pas toujours dans cet ordre-là. Parfois je petit déjeune avant la prière, tout dépend des personnes se trouvant à la cantine, et quelques fois, je ne cours pas. Mais chaque matin, le rituel reste pratiquement, à quelques détails près, inchangé. Aujourd’hui, c’est le cas, et lorsque j’arrive, passablement essoufflé et en sueur de mon parcours à travers champs, je n’ai d’autre préoccupation que de prendre une douche très rapidement. Mes affaires sont déjà prêtes, je suis quelqu’un d’organisé, et il me suffit de les récupérer avant de redescendre dans la cour, que je traverse en direction du bâtiment abritant les toilettes et la salle de bain. A cette heure-ci, en général, il n’y a personne, les lèves-tôt sont déjà passés, et les lèves-tard sont encore couché, mais par mesure de précaution, je tends l’oreille avant d’entrer. Je sais que c’est commun, je sais que les autres ne se gênent pas pour y entrer qu’importe l’heure, qu’importe le nombre, mais j’ai beau me faire violence, je n’y parviens pas. Pas pour moi, ma propre nudité ne me dérange pas, mais pour les femmes, je trouve plus respectueux de tenter, autant que possible, de préserver leur intimité. Aussi, depuis la porte, sans un regard, j’espionne. Mais aucun bruit d’eau annonçant quelqu’un entrain de se doucher, aucun clapotis significatif d’un bain entrain d’être pris. Je ne fais pas preuve de plus de zèle et entre, persuadé d’être absolument seul. Et quelle n’est pas ma surprise de découvrir une présence, mais surtout une présence gesticulante face au miroir. Malgré la couche de crème blanchâtre sur son visage, je devine sans peine les traits d’Elliot, et tandis qu’elle se dandine, je m’approche dans son dos, trop occupé à tenter de deviner la chanson qu’elle écoute pour me rendre compte que je fais preuve d’impolitesse. Les bras croisés, la tête légèrement penchée sur le côté, je me concentre sur le rythme de ses hanches pour deviner le tempo, et peut être même la mélodie. Sauf qu’après un bref sursaut, tout s’arrête. Je comprends que c’est parce qu’elle m’a repéré en relevant le nez, et en attrapant son regard à travers le reflet. Oups ? « Ça ... ça fait longtemps que t'es là ? Je ne t'ai pas entendu entrer. » Je souris, une sourire d’excuses, parce que j’ai conscience d’avoir merdé. « Je... Désolé, j’ai cru que la pièce était vide, et quand je t’ai vu, j’ai... » j’ai quoi ? J’ai bloqué comme un con sur une musique inaudible, juste parce que lorsqu’il est question de musique je deviens obsessionnel. Alors je m’approche, avant une main vers son oreille, et après un « Je peux ? » récupère un de ses écouteurs pour le glisser dans ma propre oreille. Oh, James Brown ! Pas ma préférée, mais ça ne m’empêche pas de fermer les yeux et de hocher de la tête en rythme. Cela dit, je me lasse vite, j’ai toujours trouvé ces musiques bien trop répétitives, et lui rends l’écouteur en souriant. « Tu préfères que je sorte ? » je lui demande en désignant la porte derrière moi.

Je n’ai pas l’habitude d’entrer sans prévenir, encore moins de m’imposer alors qu’une femme s’y trouve, mais le contexte, ici, est particulier, et lorsque je prends conscience de mon erreur, il est trop tard, je suis déjà entrain de profiter du spectacle depuis bien trop longtemps. Je tente de présenter des excuses, mais celles-ci m’apparaissent superflues et quelque part, accusatrice, comme si je m’excusais d’avoir été surpris, là où je souhaiterais m’excuser d’être entré, tout simplement. Si bien que je fini par les laisser inachevées, avant de m’approcher pour récupérer un de ses écouteurs. Je lui demande la permission, tout de même, avant, par politesse, mais ne lui laisse guère le temps d’y répondre tant je me trouve pressé par la curiosité muée en besoin vital. Du funk. Je ne sais pas s’il s’agit de son genre de prédilection, ce n’est pas le mien, mais ça se laisse écouter très agréablement. J’aime lorsqu’il y a plus de changements dans la mélodie, dans la rythmique, j’aime les mélanges hétéroclites, sans rapport apparent, mais qui s’assemblent merveilleusement, créant un ensemble quasi magique, presque mystique. Je lui rends son oreillette en un sourire, puis l’informe que si elle souhaite mon départ, elle n’a qu’un mot à dire. « Non, non. Tu peux rester. Tu ne me dérange pas. J'ai tendance à m'étaler. Je n'ai pas l'habitude d'avoir une salle de bain rien que pour moi. Avec mes trois soeurs, on se partageait une petite salle de bain. Donc, pas d'intimité. Je suis habituée. » Je souris, parce que quelque part, je retrouve un peu de mon enfance, de mon passé dans ce qu’elle vient de dire. Moi aussi j’ai grandis entouré de frères sans une once d’intimité, développant, alors, un caractère assez impudique qui me pousse à ôter pull et tee-shirt, face au miroir, sans penser à la gêne occasionnée, peut être, chez ma colocataire de salle de bain. « Tu veux peut-être que je te laisse la place ? » C’est cette question qui me rappelle à l’ordre et me force à stopper le travail de mes doigts sur la ceinture de mon bas de survêtement. « Oh ? » Et me voilà entrain de renouer mon pantalon. « Je suis un peu comme toi, j’ai été élevé au milieu d’une fratrie importante et imposante où l’intimité et la pudeur n’avait pas d’existence. Je m’apprêtais à… » Je commence en désignant les douches alignées contre le mur, sans aucune protection les séparant du reste de la pièce. Oui, c’est bien ce que je suis entrain de lui dire : j’étais sur le point de faire tomber une à une mes fringues avant de me glisser sous la douche sans aucune gêne à la perspective de mon corps nu à portée de son regard. « Mais si tu le souhaites, je peux attendre que tu aies terminé pour m’y mettre. Bien que ça ne me pose aucun problème, je comprends tout à fait que tu préfères que je reste totalement vêtu en ta présence. » Je lance, d’un sourire un peu moqueur, histoire de dédramatiser une situation qui n’a, de toute manière, aucune raison de l’être. En attendant, je m’appuie contre le lavabo jouxtant le sien, torse nu, dans l’attente de son feu vert.

La pudeur et l’intimité sont deux choses que je respecte au point de, parfois, en faire un peu trop. Lorsque quelqu’un me croise à la porte de la salle de bain entrain d’attendre qu’elle soit déserte, alors qu’il y entre et en sort sans gêne, je dois passer pour un fou. Je n’ai pas de problème avec ma propre nudité, pas plus que je me trouve indisposé face à la nudité féminine. Lorsqu’on a été élevé au milieu de sculptures de vestales, et autres vierges à l’enfant passablement dénudée, le corps de la femme ne devient plus objet d’excitation mais de fascination, d’admiration. Cela dit, je sais que tout le monde n’a pas la même approche que moi, et au souvenir des joues rosissantes d’Elliot lorsque j’avais soigné son doigt abimé, j’imagine que mon corps dévêtu devant elle risque de poser problème. N’est-ce pas ? « Je ne suis pas quelqu'un de pudique. Donc, tu peux te foutre à poil si tu veux. » Ha bah... Heu... Hein ? Ce n’est pas du tout la réaction à laquelle je m’attendais, encore moins de cette manière provocante, d’un murmure à mon oreille, mais peut-être est-ce juste... « A part si tu as peur que je te mates pendant tu prennes ta douche. Ou peut-être ... C'est un moyen détourné pour m'inviter à prendre une douche à tes côtés ... » Bon... D’accord, ce n’est PAS DU TOUT, ce à quoi je m’attendais. Pas du tout. Encore moins à cet éclat de provocation dans son regard et sa voix, tandis qu’elle joue avec l’élastique de mon survêtement. Ok, qui que vous soyez, merci de sortir du corps de ma pote en devenir, vous seriez sympa d’aller miauler ailleurs. Ma réaction à moi, se résume à un haussement de sourcil et une légère tape sur la main qui tire mon vêtement qui provoque son hilarité. Je me penche à mon tour, amusé comme elle peut l’être, désireux de lui faire perdre le sien, de sourire. Et une fois son oreille toute proche, j’y marque un temps d’arrêt, me contentant de respirer un instant, un simple souffle, discret, pendant qu’elle patiente, avant de glisser un vilain : « Ce n’est pas pour les petites filles. » puis de me reculer et lui tourner le dos, en me dirigeant vers la douche. « Non sérieusement. Va prendre ta douche. Je ne te regarderai pas promis. Du moins, je vais essayer. » Elle peut regarder, si l’envie lui en prend, ça ne changera pas grand chose à mes habitudes. Souvent considéré comme un objet de convoitise, j’ai fréquemment été étudié sous toutes les coutures, le corps parcouru du bout d’un ongle pointu. Est-ce que ça m’a plu ? Ça ne m’a pas déplu outre mesure, disons. Et ce genre de comportement m’empêchant de tomber sous le charme de la propriétaire du regard ou de l’ongle, je n’ai jamais rien trouvé à y redire. Est-ce qu’aujourd’hui je pense différemment ? Peut-être. J’en sais rien. Je ne suis plus très sûr. Je retourne plier mes affaires pour les déposer plus loin, et lorsque je me retourne, la grosse maille a totalement déserté le buste de la jeune brune qui me sourit via son reflet. « Comme ça, on sera à peu près à égalité. » m’informe-t-elle. « C’est sûr que pour appliquer ta crème hydratante, c’était totalement nécessaire voir carrément indispensable. » Je me moque avant d’ôter mon bas de survêtement, pour le plier à son tour, et le ranger avec le reste. Maniaque ? Non, simplement soigneux. « Et pour le déo, tu n’oublieras pas de retirer ta culotte, hein. » je lui glisse, un regard amusé dans le miroir, avant de m’avancer dans l’espace de douche, absolument pas séparé du reste. J’ouvre le robinet vieillot, et ce n’est qu’une fois qu’une fine pluie s’abat sur mon corps que je me rappelle d’un détail important. « E pezzo di mèrda ! » je m’exclame en ployant le cou face à ma connerie. « Elliot ! Tu pourrais me passer un gel douche, un savon, n’importe quoi ? » je demande, haussant la voix pour couvrir le bruit de l’eau, tout en jetant un coup d’oeil par dessus mon épaule. « Evite la crème dépilatoire, tout de même, tu seras un ange. » Bon, j’ai oublié le principal, mais, pour ma défense, il est devenu difficile de se concentrer dans cette salle de bain.

La provocation. N’est-ce pas un moyen de tester les limites, de voir jusqu’où on peut aller avant de se trouver face à un mur ? Et la provocation dont use et abuse Elliot, n’a-t-elle pas l’exact même but inavoué ? Bien que d’apparence innocente et joueuse, j’imagine que, consciemment ou inconsciemment, elle cherche à me tester. A se tester aussi ? Peut être. Qu’importe, là n’est pas la question. La réelle question étant “pourquoi ?”. Je ne sais pas quelle limite elle espérait ou n’espérait pas trouver, mais le mur s’est avéré bien plus proche que je ne l’aurais imaginé, m’étonnant moi-même, au passage. Il semblerait que l’accès à mon corps se trouve, aujourd’hui, bien plus restreint qu’hier. Et alors que je m’en retourne à la douche, cette pensée s’impose, puis s’évanouie avant d’entrainer son lot de questionnements indésirables. Il y a un temps pour chaque chose, et ce temps-ci n’est clairement pas propice à la réflexion. Je voudrais juste prendre ma douche et profiter de ce moment avec Elliot. Au milieu d’une trentaine de candidats, parvenir à se trouver seul avec une seule et unique personne est de l’ordre du miracle. Et ce miracle-ci, je n’ai pas l’intention de le gâcher en pensées parasites, des pensées sur lesquelles il sera bien assez tôt de se pencher plus tard. En attendant, je laisse la jeune femme topless vaquer à ses occupations faciales, pendant que je me déleste des restes de cette course matinale en pleine garrigue. Sauf que pour ce faire, encore faudrait-il que j’ai pensé à prendre de quoi me laver. Mais avec sa démonstration d’égalité homme-femme et sa provocation, et bien que j’ai fait mine de ne pas m’en trouver le moins du monde perturbé, je l’ai été suffisamment pour en oublier le minimum requis pour une douche, même rapide. Et me voilà entrain de quémander son aide, afin qu’elle m’apporte de quoi me savonner, sans omettre de la mettre en garde contre toutes farces dont je me passerais volontiers. Le visage tourné vers elle, je la vois lever les yeux au ciel, et soupirer. Son attitude me force à sourire, tandis que je la perçois entrain de s'efforcer à me trouver quelque chose. Comme elle est serviable. Et lorsqu’elle s’approche, c’est un rire qui s’extrait d’entre mes lèvre alors qu’elle met un point d’honneur à garder son regard à portée du mien. Jamais plus bas, surtout pas plus bas. Pour quelqu’un qui n’a aucun problème avec la nudité, je la trouve bien réticente à l’idée de croiser mon fessier. « Tiens, ton savon. » m’annonce-t-elle en me tendant un petit carré crème, sans me quitter du regard. De peur de croiser ma partie basse ? « C’est le tien ? » je demande en inspectant le savon entre mes mains, un savon qui n’est pas le mien, évidemment. « Parce que quitte à frotter mon corps sur celui de quelqu’un d’autre, autant savoir à qui est ce corps, n’est-ce pas ? » Oui, parce que c’est de ça qu’il s’agit, non ? Un savon, c’est pas comme un gel douche, c’est bien plus intime. Ok, je ne suis pas obsessionnel à ce point, mais la personne à qui appartient ce savon le sera peut être. C’est le sien ? « Monsieur a-t-il besoin d'autre chose ? Que je lui frotte le dos peut-être ? » Je sais ce qu’elle cherche, et j’en souris. Elle n’a aucune idée de qui elle a en face d’elle, à qui elle se mesure. « Mais avec plaisir, vu que tu le proposes si gentiment. » J’annonce de mon sourire de premier de la classe. Aussi, je lui rends le savon, et lui offre même l’éponge de bain, avant de me retourner totalement pour lui offrir mon dos dans son intégralité. « Et fais ça bien, s’il te plait. » J’en rajoute une couche... Pour le plaisir.

Je réfléchis sur beaucoup d’aspect de ma vie, ne laissant jamais rien aux mains du hasard ou de la spontanéité. Mais s’il y a une chose sur laquelle je détiens qu’un contrôle volontairement très partiel, ce sont les femmes. Ou plutôt mes relations avec les femmes, quelque soit leur nature. Et il y a une raison à ça : je n’ai jamais été soumis aux mêmes lois et règles que les autres. La seule condition que je m’impose est de ne surtout pas tomber amoureux, au-delà de ça, je suis libre. Libre de faire ce que je veux, libre de vivre comme je veux, de me laisser aller à un peu de spontanéité et de jeu. Mon but est différent, je ne veux pas rencontrer quelqu’un, l’aimer, me marier et fonder une famille. Pas plus que je ne veux accroître toujours plus le nombre de mes conquêtes. Je ne suis ni un amoureux, ni un séducteur, pas plus que je ne suis un goujat. Je me laisse juste vivre, répondant, parfois, aux attentes du sexe opposé, et parfois non. C’est pour cette raison que je ne réfléchis jamais aux conséquences, parce qu’au vu de mon mode de vie, il ne peut pas exister de conséquences. Et quand Elliot me cherche, Elliot me trouve. Parce qu’il en a toujours été ainsi, parce que je ne prête que peu d’attention à ce que ça peu laisser à penser. Je ne pense pas. J’agis. Enfin d’ordinaire. Alors si je n’agis pas, c’est qu’il n’y a rien à penser. Il ne faut pas y voir autre chose qu’un jeu, qu’une réponse à la provocation qu’elle m’impose et que je prends plaisir à faire fléchir. Je n’ai quasi aucune conscience des caméras pointées sur nous en attente de plus, toujours plus. Pas plus que je ne projette un futur plus ou moins proche, lorsque les images seront diffusées et qu’on y verra tout un tas de choses qui n’y sont pas. Je ne pense à rien de tout ça tandis qu’elle s’occupe de mon dos avec une minutie qui lui est propre. Je pense simplement qu’elle est bien docile, et qu’une autre à sa place m’aurait lancé le savon à la tronche en pestant. Cela dit, je soupçonne Elliot de préparer bien pire que ça. Elle est de celles qui vous caressent pour atténuer votre méfiance et frapper plus fort par la suite. Force de frappe décuplée par l’effet de surprise. Et pourtant, je suis à peine sur mes gardes, profitant du fait qu’elle s’occupe du nettoyage du côté pile, pour m’occuper moi, du côté face. Ce n’est qu’en voyant son bras se tendre par dessus mon épaule pour atteindre je ne sais trop quoi, que je sors de ma douce inertie. Sauf que je n’ai rien le temps de faire, autre que de l’observer tourner le robinet avec consternation. Elle ne va pas faire...? Et si ! Et soudain une pluie diluvienne s’abat sur moi, nettoyant tout sur son passage aussi bien qu’elle plaque mes cheveux contre mon crâne, me donnant des faux airs de Teckel mouillé. Le choc est brutal, et dans mon dos je l’entends se moquer « Cela sera tout, Monsieur ? ». Ma tête se tourne, et mon regard se plisse. Un point pour elle. Mais n’avait-elle pas parlé d’égalité ? D’un un soucis de respecter ses décisions, je tends rapidement le bras vers elle, accrochant le sien, avant de tirer d’un coup sec, la ramenant près de moi. Il me suffit alors de m’écarter, la laissant seule sous l’eau qui se déverse sur son corps à moitié nu. Je tente de réprimer mon sourire tandis que j’observe ses longs cheveux se coller à sa peau. « Ce sera tout, maintenant. Merci, mademoiselle. » Je l’informe, en enroulant une serviette autour de mes hanches. Je suis tenté de récupérer mes affaires et tourner les talons en la laissant là, mais ce n’est tellement pas moi, que cette idée ne fait que me traverser une toute petite fraction de seconde. A la place, je récupère une deuxième serviette dont je m’empresse de la couvrir, éteignant l’eau au passage. Alors commence un travail de frictionnage, mes mains sur la serviette entreprenant de la réchauffer aussi bien que de la sécher. Elle ne m’en veut pas, pas vrai ?