ARES.

Il commence doucement à faire nuit, c'est à ce moment que je décide de sortir, j'aime quand on est coincé entre le jour et la nuit, sans réellement savoir où nous sommes. On est perdu entre deux mondes. Je visse les écouteurs de mon baladeur à mes oreilles avant d'appuyer sur play et j'aligne quelques pas. C'est la célèbre chanson de dirty dancing qui m'accueille cette fois-ci. J'arrive au niveau des champs et j'esquisse maladroitement quelques pas de danse. On a tous rêvé au moins une fois que pouvoir se mouvoir avec autant de grâce que les personnages du film. En tout cas, cela m'est arrivé plus d'une fois quand j'étais petite. J'augmente le son, à la limite du raisonnable et je me remets en boucle la chanson, j'arrête en fin de gesticuler pour contempler ce qui me fait face, ce que je peux encore distinguer, la lavande. Mon regard se perd, avant que je ne pivote à gauche et que j'aperçoive Arès. « Arès. » Je l'apostrophe à haute voix en arranchant mes écouteurs de mes oreilles, me coupant définitivement de mon monde dirty dancing. J'attends qu'il se retourne vers moi. « Tu me fais voler ? » Je lui demande alors innocemment. Il se tient précisement à quinze mètres de moi, ce qui me laisse largement le temps de courrir pour m'élancer vers lui et qu'il puisse faire le célèbre porté de Patrick Swayze. Je pourrais presque toucher le ciel. Je range mon ipod dans la poche arrière de mon jean avant de poser délicatement mes mains sur mes hanches en détaillant la carrure d'Arès, j'estimais qu'il avait largement la force de le faire.

Je marche à travers champ, la tête dans les étoiles. Le vent souffle par rafales et s'engouffre dans mes cheveux avec violence. Je peine à avancer. Je continue néanmoins. Cette petite balade presque nocturne me ravigote. J'ai le sourire aux lèvres. Je me fiche d'être seul, de sourire seul, d'être heureux seul. Je suis bien. Je tourne sur moi-même, je fais quelque sauts. J'ai pas besoin de musique, le bruit du vent me berce comme une bébé. Je m'enfonce dans le champ à vive allure, comme pour m'envoler mais la voix d'une des candidates me tire de mon rêve bucolique. Je fronce d'abord les sourcils, frustré d'être réveillé de cette manière. Et puis, mon visage s'adoucit en découvrant celui d'une Fantine enfantine - la jolie comparaison -. « Tu me fais voler ? » Elle crie. Nous sommes à plusieurs mètres loin l'un de l'autres, le vent s'engouffre entre nous. Je laisse passer quelques secondes et, j’acquiesce. J'enfonce mes pieds dans le sol, je me cambre et je l'attends. Ses pas son hésitants. Et puis, ils se font plus rapides. Je l'attends comme un homme attend le retour de sa femme après des mois de séparation. Elle arrive à une vitesse folle. Le vent l'emporte, la pousse vers moi. On ne se connaît pas et pourtant, mes mains empoigne ses hanches avec vergogne et je la soulève du mieux que je le peux, le plus haut que je le peux. Mon sourire est grand, il s'empare de tout mon visage. Je la fait tourner, un peu, trop, ma tête tourne elle aussi et finalement nous tombons tous les deux dans l'herbe dans un cris. Elle s'échoue sur moi. Je grogne de douleur et puis je pouffe. « J'ai réussis ? » je m'enquière avec attention. Elle avait l'air si concentrée, si investie dans cette envie, j'espère l'avoir satisfaite.

Nous tombons lorsque mes muscles cèdent. Je prends note de recommencer à me muscler un peu, à partir d'aujourd'hui. Mon corps sert à amortir la chute de Fantine qui s'écroule dans un cris. S'ensuivent des rires francs. Nos rires s'élèvent et sont emportés par le vent. « Mission réussie avec succès. » elle roule sur le côté et je reprends mon souffle, mes mains sur mes abdominaux en feu, à force de rire.Tout mon visage souris, satisfait. « La vue est plus belle d'en haut. » « Tu n'as jamais pris l'avion ? » je demande alors de but en blanc très intéressé. Je ne sais pas d'où bient Fantine, je la connais à peine. Et si mes questions devraient se porter sur son âge, de l'endroit où elle vient, notre conversation est toute autre. Et ça me plait. Je me redresse sur mes coude et l'observe, serein. Je détaille chaque trait de son visage, j'essaie de l'analyser, de savoir d'où elle vient, exactement. « J'aime bien prendre l'avion. On se sent.. libre. » je lui dis, les yeux rivés au ciel, me rappelant tous mes voyages. Ils me semblent lointain et, comme s'ils étaient une drogue, ils me manquent. J'aime la France. Mais j'aime encore plus l'étranger. J'aime entendre parler autre chose que Français. J'aime découvrir d'autres coutumes, d'autres modes de vie. J'aime tout à l'étranger. Je n'aime plus rien à Paris. Cette ville me file la nausée. Me donne des vertiges.

Tu tombes, je tombe, on va dire que c'est une sorte de solidarité, parce que je suis obligée de suivre le mouvement. J'éclate de rire à cause de la peur, légère hein, que j'ai eu en tombant sur lui. J'espère juste qu'il ne s'est pas trop fait mal, heureusement que je suis un poids plume tout de même. La discussion commence sur les avions, j'avoue que c'est un brin étrange sachant que je ne connais rien de lui si ce n'est son prénom, Arès. « Tu n'as jamais pris l'avion ? » Si, j'hoche la tête, affirmative. « Je ne voyage qu'en avion, et très souvent. » Je lui réponds. Si seulement il savait. Je le prenais comme un parisien prenait le métro ou le bus. Je suis toujours dans les extrèmes. Je le prends déjà tous les week-end, comme une simple navette entre mon lieu de travail et mon chez-moi. « J'aime bien prendre l'avion. On se sent.. libre. » Libre, ce n'est peut-être pas le mot que j'aurai employé, d'où sa pseudo hésitation j'imagine. Je me relève, m'asseyant en tailleur avant de virer les quelques brins d'herbes qui se sont installés sur mes vêtements. Je me mets face à lui. « Le monde n'a aucune frontière. » Je lui lance en haussant les épaules avant de croiser les chevilles. Et d'un seul coup, tu es transportée à l'autre bout de la planète ...

Cette rencontre a quelque chose de frais, d'enfantin. La brise nous emporte, emporte tout soupçon de timidité, de retenue. J'ai l'impression que nous sommes à nus. Que l'on se parle sans aucun complexe bien que la discussion ne tourne pas rond, ne vole pas haut - et c'est le cas de le dire. « Je ne voyage qu'en avion, et très souvent. » Et soudain, une immense curiosité s'empare de moi. J'ai envie de lui parler de tout, de rien. Mais surtout de tout. De pays, de coutumes, d'envie, de passion. D'une passion qu'il est possible que nous partagions. Je me relève d'un bon comme si j'avais été parcouru d'une décharge d'électricité. « Tu voyages où ? » je lui demande, les yeux écarquillé. Elle me provoque, m'envoie dans ce qui fait ma came, ce qui m'anime. Et je ne peux plus m'arrêter de sourire. « Le monde n'a aucune frontière. » Plus aucune frontière ne nous résiste. Plus aucune barrière ne protège le monde des étrangers. Et puis soudain, quelques notes de musique retentissent dans mes oreilles. Des notes que je reconnais et qui font s'envoler mon sourire en une rafale de vent. Je pose mon regard sur Fantine, très peu assuré mais, je le fais quand même. J'en ai le devoir, après tout. Je pose ma main sur sa joue et j'approche mon visage du sien, délicatement. Très engageant comme première rencontre. Nos lèvres se scellent en un baiser doux, mais pas tendre. Je la goûte un moment et puis, je me recule presque instantanément. Je suis mal à l'aise. Mal à l'aise parce quel e prime de dimanche me révèle comme un coureur de jupon. Mal à l'aise parce que j'ai des sentiments pour Elliot. Mal à l'aise parce que pour la première fois, j'ai l'impression de lui faire du tord, sans même qu'elle ne le sache.