Branca

VENDREDI 16 NOVEMBRE - 10H31
ÉCOLE MUNICIPALE DE GARÇONS - CHAMBRE

J'avais préparé mon coup à l'avance, la veille en fait, pour être sûr d'être fin prêt ce matin à l'heure voulue, et de rien manquer au dernier moment. Il était question de faire une petite surprise à une candidate aux yeux de laquelle j'essayais tant bien que mal de me racheter. Et ce matin, j'avais opté pour un petit déjeuner au lit comme on en voyait dans les séries américaines, tout ça. Bref, j'y avais mis tout mon cœur, vraiment. Tout d'abord, j'avais versé du café bien chaud dans une tasse, en enroulant autour de la poignée de celle-ci un brin de lavande fraichement cueilli. J'avais aussi disposé quelques fruits car le matin, on ne lésinait pas sur les vitamines. Mais le principal effort résidait dans la confection de toasts... aux cornichons. J'avais passé quelques uns de mes précieux condiments au mixeur, et avais étalé le résultat obtenu sur des tranches de pain tout juste grillées. Bref, en voilà une qui allait se régaler. Mais qui comptais-je prendre par surprise alors, me demanderez-vous ? Et bien, Branca ! Je m'étais trouvé responsable, il y a peu, d'une entaille à son pied et je m'en voulais encore beaucoup. Je me rendis dans la chambre aux alentours de dix heures et demi, et eurêka, Branca était désormais seule dans son lit. Je pense que trouver Asmaa à ses côtés m'aurait poussé à faire demi-tour, mais pour une fois le ciel était avec moi. Je poussai délicatement la porte, et, d'un coup, me mis à m'exclamer vivement... « DEBOUT ! HOP HOP HOP ! » D'un pas rapide je m'approchai du lit de la jeune femme, et m’essayai au bout de celui-ci, posant délicatement et avec prudence le plateau à côté d'elle. Outch, je la tirais du sommeil là - en espérant que le réveil ne soit pas trop difficile non plus... « Madame est serviiiie ! Heuu attention c'est chaud quand même. » Le café, quoi, surtout. Le pire qui aurait pu m'arriver ? Et bien renverser la tasse sur Branca, et ça, c'était inconcevable. Ah non mais si en plus je lui causais des brûlures, je vous jure, j'allais me foutre à l'eau. « Je... bon je ne te cache pas que ce petit-déjeuner apporté au lit et préparé avec amour a pour but de me faire pardonner pour l'autre fois. Enfin bon j'espère que l'attention te touche... et que tu aimes les toasts aux cornichons, au réveil. » J'en prenais deux ou trois chaque matin et croyez-moi, il n'y avait vraiment pas mieux pour bien commencer la journée. Après bon, je n'allais pas non plus forcer Branca à en raffoler car c'était à aimer, ou à détester. Mes lèvres s'étirèrent en un large sourire. Exit les soucis, les tracas... mon regard se voulait maintenant pétillant comme jamais.

Je ne sais pas ce qu'ils ont tous en ce moment mais vraisemblablement, mon lit attire. Ou moi, sait-on jamais, mais croyez-moi, je ne suis pas vraiment habituée à ce qu'on me rejoigne comme ça, qu'il s'agisse de Jared, en pleine nuit, se glissant sous la couette ou à présent de Malik qui me réveille avec vigueur et enthousiasme. Il n'a jamais du me voir au réveil j'imagine pour oser faire ça très certainement. Je suis encore en plein sommeil, lovée dans ma couette tiède, en pleine quiétude lorsqu'un bruit me fait lentement émerger. Je lutte, m'accroche au sommeil, essaie tant bien que mal de rester dans cet état de douce tranquillité mais mes efforts sont vains, il est trop tard, le réveil est amorcé et je ne peux plus rien y faire, bien malheureusement. Tout en reprenant contact avec la réalité, je finis par réaliser que ce bruit était en fait une voix et tout ce qui m'intéresse à présent est de savoir qui, QUI a pu me réveiller. Que ce soit fait exprès ou non d'ailleurs. Je sens alors une pression, quelqu'un s'assoit sur mon lit. Je ne savais pas que c'était ma fête aujourd'hui tiens. Ou peut-être mon anniversaire et je l'ai oublié. Je n'ai pas fêté d'anniversaires depuis un petit moment en réalité. Bref. J'entrouvre les yeux, les laisse s'acclimater quelques secondes à la luminosité de la pièce et découvre Malik, tout sourire, assis au pied de mon lit, avec... un plateau à ses côtés. Lentement, l'odeur du café arrive jusqu'à mes narines et fini de me réveiller. Je me relève, m'assois et finalement, je souris légèrement. Le pauvre doit avoir peur avec ma tête certainement pas très engageante. Sans parler de l'haleine, alors restons à une certaine distance, ce sera mieux pour lui. « Je croyais que tu étais amoureux de Nicole, je suis surprise. » Oui parce qu'à ma connaissance, quand les mecs s'emmerdent à faire un petit déjeuner au lit, ce n'est pas franchement pour n'importe qui même si là, j'ai rapidement compris pourquoi il faisait ça. « Tu n'as pas besoin de te faire pardonner, c'est pas grave. C'était un accident et puis c'est quasiment cicatrisé maintenant. » Vraiment, j'ai connu pire mais j'apprécie le geste. Enfin surtout le café que j'attrape d'ailleurs. « Mais merci pour le café. Par contre, en ce qui concerne les toats aux cornichons... » J'aurais pu manger beaucoup de choses au petit-déjeuner, je ne suis pas chochotte mais là...

C'était bien la première fois que je me rendais discrètement dans la chambre pour apporter le petit-déjeuner au lit à l'une de mes camarades. Non mais voyez-vous, j'avais comme qui dirait un poids sur la conscience depuis l'autre fois, l’incident dans la salle de bain qui avait tout de même couté une entaille au pied à Branca. J'avais dû m'excuser, hm, une bonne centaine de fois depuis mais rien à faire, je me sentais toujours autant coupable. Alors ce petit-déjeuner était à mes yeux un bon moyen pour me racheter, bien qu'au fond Branca devait être passée à autre chose depuis belle lurette. Ah, si seulement je l'avais saisi ça. Après avoir réveillé la jeune femme et déposé le plateau à ses côtés, celle-ci sortit du sommeil assez difficilement, il faut bien le dire. Mince, pour peu qu'elle ait eu une nuit agitée, j'allais me prendre la tasse de café en pleine tronche. Mais au final non, tenez, je venais même d'avoir droit à un sourire là. « Je croyais que tu étais amoureux de Nicole, je suis surprise. » rétorqua-t-elle, tandis que j'esquissias un sourire des plus crispés face à sa remarque. Hm, effectivement, cela devait lui sembler bien suspect que je me sois donné tout ce mal et que je me sois rendu jusqu'à cette chambre avec un plateau bien garni, en ayant donc pris le risque de me prendre les pieds quelque part en chemin - bah oui, ça n'était jamais un risque à exclure, encore moins quand on était, comme moi, connu pour sa légendaire maladresse et malchance. Mais la raison qui m'avait poussé à avoir cette attention pour elle lui fut rapidement révélée. Tiens, je m'étonnais du fait qu'elle ne s'en soit pas doutée un seul instant. « Tu n'as pas besoin de te faire pardonner, c'est pas grave. C'était un accident et puis c'est quasiment cicatrisé maintenant. » Ah, si c'était quasiment cicatrisé, comme elle le disait, alors j'étais en partie rassuré car c'est exactement ce que j'avais besoin d'entendre ce matin. Enfin bon, on avait beau me répéter constamment qu'il fallait que je cesse de m'excuser pour des choses advenues parfois des mois auparavant, c'était dans ma nature, lorsque je ressentais une profonde culpabilité, celle-ci persistait longuement, très longuement. Se saisissant de la tasse, Branca ajouta. « Mais merci pour le café. Par contre, en ce qui concerne les toats aux cornichons... » J'ouvris de grands yeux surpris. Quoi, ça ne lui disait rien ? Bah, je vous assure, pour en déguster chaque matin je peux vous dire que c'était un vrai délice. « Oh mais... c'est tellement bon pourtant !! Et puis tu peux pas dire que tu n'aimes pas avant d'avoir gouté ! » Argument de choc dont nous usions tous quand justement nous étions à cours d'arguments recevables. Mais celui-ci, vraiment, était béton. Enfin, à mon sens tout du moins. « Ah ! D'ailleurs figure-toi que les cornichons apportent beaucoup de vitamines, et... » Donc ça c'était vrai hein, maintenant fallait que je trouve autre chose histoire de lui vendre mes toasts, sans être néanmoins certain que ce soit avéré. « ... c'est bon pour le teint, avec ça t'auras forcément bonne mine ! » Non non, je ne soulignais aucunement que Branca avait une mine de cadavre ce matin. Voyons, je n'aurais jamais osé insinuer une telle chose. Je vous l'ai dit, tout était bon pour la convaincre, alors je faisais comme je le pouvais pour que ces toasts lui paraissent soudainement plus... comestibles, dirons-nous.

Le sommeil s'échappe lentement de mon corps et petit à petit, je finis par me réveiller et reprendre conscience de tout ce qui m'entoure. C'est à dire Malik. Et son petit déjeuner au lit. C'est fou ce que la culpabilité peut faire d'un homme, le truc c'est que je ne m'en étais jamais rendue compte car tous les hommes que j'ai connu et côtoyé n'étaient vraiment pas du genre à se sentir coupable. J'imagine que ça aide lorsqu'on fait partie d'un gang. Car même avec toutes les bonnes intentions du monde, ce qu'on faisait n'était pas du genre à faire de nos vies des paradis clinquants. Je me relève, regardant Malik avec un certain amusement. Ok, je me suis entaillée le pied avec un morceau de verre d'environ un centimètre dans une salle de bain alors qu'il avait fait tomber par mégarde ou maladresse un des verres placés sur le lavabo. Autant dire qu'il n'y avait pas vraiment mort d'homme. Mais alors je finis par me demander, dans le cas où l'accident aurait été largement plus grave sans pour autant mettre ma vie en danger, ce que Malik aurait fait. Car si cette petite égratignure m'octroie un petit déjeuner au lit, j'imagine que plus m'aurait valu une demande en mariage. C'est amusant. Pas dans le sens mesquin non, plutôt dans le genre mignon. Peu aurait été si prévenant mais tout de même, il faudra qu'il pense à arrêter car sinon, ça va faire trop. J'attrape la tasse de café bien chaude et rapidement, le liquide corsé touche mes lèvres et quelques gorgées finissent à me réveiller. Et puis, il y a... ça, enfin, les toasts. Aux cornichons. Au petit déjeuner. Hum. Il me dit que c'est bon et que je ne peux rien dire avant d'y avoir goûté. Ça me rappelle ma mère, quand elle nous faisait ces trucs brésiliens bizarres qui sentaient la viande datée. « Pas faux. » je lance alors et je prends un des toasts en main que je porte à ma bouche. J'en croque une grosse bouchée, téméraire et... « Désolée mais... c'est dégu... Je n'aime pas du tout. » dis-je en grimaçant. Soyons polis, après tout, il m'a fait le petit déj'. « Mais le café est très réussi. Et donc tant pis, je garderais ma mine déconfite, ça ne changera pas de d'habitude ! » Je souris, j'imagine qu'il s'est rendue compte que sa réplique était maladroite mais heureusement pour lui, je ne m'arrête pas à ça. Je reprends un gorgée de café, reposant le toast tout en le fixant. « Tu sais, faut vraiment que tu arrêtes de t'inquiéter pour ça, c'était rien. Mais c'est gentil pour le petit déjeuner. Vraiment. » Je suis sincère mais surtout, j'aimerais qu'il ne se torture pas autant, il y a tellement d'autres choses plus intéressantes à faire que s'inquiéter pour une petite coupure chez une presque inconnue.

Ces toasts aux cornichons avaient beau avoir été préparés avec amour pour ma camarade, ces derniers ne lui faisaient pas grandement envie. Effectivement, à première vue, comme ça, c'était pas forcément évident de leur trouver un aspect appétissant. Enfin moi, bien sûr, je savais ô combien c'était bon puisque c'était une habitude que j'avais prise chaque matin : j'en prenais trois/quatre au déjeuner et hop, ça me tenait facilement jusqu'à midi. Branca ne pouvait quant à elle pas affirmer qu'elle n'aimait pas sans même y avoir goûté. J'espérais que cet argument parviendrait à la convaincre. « Pas faux. » rétorqua-t-elle. Suite à quoi Branca porta l'un des toasts à sa bouche. Je la regardai attentivement, prêtant notamment attention à l'expression de son visage. Celle-ci me fit bientôt savoir que ces toasts n'étaient pas franchement à son goût. J'en eus par ailleurs la confirmation l'instant d'après. « Désolée mais... c'est dégu... Je n'aime pas du tout. » Hm, elle craignait peut-être de m'irriter alors elle tentait de dire la chose en douceur. Mais ce que j'en retenais, moi, c'est qu'elle trouvait ça infecte. Bon, bon... Au moins elle avait gouté, ce qui lui avait permis de se faire une opinion sur la chose. Et puis elle n'allait pas être décapitée pour ne pas aimer ça non plus, je pouvais amplement concevoir que mes goûts n'étaient pas ceux de tout le monde ici. Des goûts qui se voulaient assez particuliers d'ailleurs, vous en conviendrez. « Bah, c'est pas dramatique... du coup je peux les manger ? » Et à cela j'ajoutai un grand sourire laissant percevoir l'intégralité de ma dentition. Oh bah écoutez, avec tout ça je n'avais pas encore petit-déjeuné moi. Et il restait des toasts que de toute évidence Branca n'avalerait pas... J'étais contre le gâchis, et surtout j'en raffolais moi. Mais c'était son petit-déjeuner alors je ne toucherais à rien sans sa permission. J'aurais aimé que mon ventre marche avec moi et se mette à gargouiller histoire de paraitre plus convainquant, roh. « Mais le café est très réussi. Et donc tant pis, je garderais ma mine déconfite, ça ne changera pas de d'habitude ! » Han mince, j'espérais qu'elle n'avait pas mal pris la référence aux bienfaits des cornichons sur le teint. Je perdis subitement mon sourire, confus. Non non je n'allais pas m'excuser, parce qu'à la longue ça allait l'insupporter. « Non dis pas ça t'es toute mignonne ! Et tu as un très joli minois. » Je le pensais réellement, aucune raison de lui mentir. C'est vrai qu'elle était choux non ? Bah moi je trouvais en tout cas, voilà, c'était dit, c'était su. « Tu sais, faut vraiment que tu arrêtes de t'inquiéter pour ça, c'était rien. Mais c'est gentil pour le petit déjeuner. Vraiment. » Ah, cette fameuse entaille au pied qui me poussait à tant culpabiliser... J'avais conscience d'en faire trop, de m'inquiéter pour rien à ce stade et croyez bien que j'aurais préféré rester serein face à tout ça, et cesser de constamment m'en faire pour elle. Mais il m'était difficile, voir impossible de luter contre ma nature. « Je dois être épuisant à la longue. Déso... hum, je vais tâcher de cesser de m'inquiéter. Je vois que tu vas bien, tu me le confirmes toi-même alors ça devrait aller maintenant. » Je disais ça sans trop de conviction mais je l'espérais en tout cas. Bon, le bon point dans cette affaire, c'est que le petit-déjeuner lui avait fait plaisir, au moins. C'était toujours ça, et j'en étais ravi.

J'aimerais bien connaître l'étendue des goûts culinaires de Malik car il est clair que sur ce point, il est du genre... surprenant. Je ne sais pas si cela vient de ses origines ou simplement de ces goûts personnels mais j'ai toujours été amusée de voir ce qu'il pouvait manger et surtout pas sa passion des cornichons. Chacun son truc, c'est sur mais personnellement, les cornichons, à part dans les hamburgers, je n'en manger pas des masses. Encore moins en toasts le matin. Mais je tente, après tout, c'est la moindre des choses même si je sais déjà ce qui risque d'arriver. Je croque, avale et finalement... non, vraiment, non, ce n'est pas mon truc. Le soir encore, genre en apéritif, je pense que je l'aurais mangé mais là, au réveil, non merci. J'imagine qu'il a compris en voyant ma tête, mais je lui dis, au cas où et il saute directement sur l'occasion ce que fait plaisir à voir pour être honnête. Je reprends une gorgée de café, et souris, amusée. « Je t'en prie, tu as l'air d'en avoir tellement envie ! » Et puis ça serait con de gâcher, je trouve. Même si j'imagine qu'on est pas à trois toasts prêt avec ce qui part à la poubelle toutes les semaines. C'est fou ce qui peux être jeter ici et c'est un truc qui a tendance à m'énerver, surtout quand il s'agit de la bouffe. Mais là n'est pas le sujet et je préfère m'amuser de l'insinuation douteuse que Malik fait sur mon teint et... les cornichons. Je ne suis pas franchement vexée, je me doute que je n'ai pas une mine très agréable à regarder, surtout ce matin avec le peu de sommeil emmagasiné durant ma courte nuit. « Je crois que c'est la première fois qu'on me dit que j'ai un très joli minois ! » je dis en riant spontanément, amusée par les propos du jeune homme. « Mais merci, j'apprécie. » Je lui lance un clin d’œil, reprend une gorgée de café et découvre avec horreur que ma tasse est déjà presque vide. Nul. « Je vais plus que bien, ne t'inquiètes pas. » J'ai connu tellement pire que je ne vais pas vraiment être du genre à me plaindre pour ça et surtout, je déteste que l'on me plaigne. Et puis, là, devant Malik, je me rends finalement compte que je ne sais pas grand chose sur lui et vu le temps déjà passé ici, il va falloir récupérer cette erreur. « Tu viens d'Egypte c'est ça alors ? Je me rends compte que je ne sais pas grand chose sur toi, c'est un peu con. » Je suis sincère, il me paraît cool comme gars et j'ai bien envie d'en savoir plus.

Naïvement je m'étais dit que peut-être mes goûts tout à fait particuliers pourraient également être ceux de Branca. Mais au final, lui concocter des toasts aux cornichons n'était pas l'idée la plus fameuse que j'avais eue ici - en avais-je seulement eu une dans ce nid ? En fait, j'aurais mieux faire de rester dans le classique, me rabattre sur des toasts avec de la confiture mais non, bien sûr, il avait fallu que je fasse dans le décalé. D'emblée Branca ne semblait pas franchement trouver les toasts appétissants mais elle daigna tout de même y goûter, ce qui me fit plaisir. Bah, vue la façon dont je l'avais tirée du sommeil, elle aurait pu décréter que vu leur apparence, ils ne méritaient même pas de terminer dans sa bouche. Mais ce que je craignais arriva : ces derniers n'étaient pas à son goût, et elle me le signifia le plus clairement du monde. Enfin, pas besoin de mots en fait, il fallait en juger les grimaces qu'elle effectuait - ça ne passait pas, quoi. Du coup, je me proposais pour manger le reste puisque si je ne le faisais pas, il semblait évident que personne ne le ferait or j'étais complètement contre le gâchis, vraiment quand je pouvais l'éviter, je m'y employais. « Je t'en prie, tu as l'air d'en avoir tellement envie ! » Haha, je n'allais certainement pas dire le contraire... Il est vrai que je n'avais pas encore déjeuné, et que la faim commençait à se faire ressentir. J'offris un grand sourire à Branca avant de me saisir d'un premier toast que je vins dévorer sous ses yeux. Je n'avais pas mangé depuis la veille au soir, et cela devait se voir je pense... Suite à quoi Branca releva ma remarque sur les bienfaits des cornichons sur le teint. J'avais comme qui dirait gaffé, alors je me rattrapai comme je le pouvais en la complimentant, très sincèrement d'ailleurs. « Je crois que c'est la première fois qu'on me dit que j'ai un très joli minois ! » rétorqua-t-elle en riant, me poussant alors à rire, à mon tour. « Mais merci, j'apprécie. » J'étais ravi quant à moi qu'elle ne m'eut pas tenu rigueur de ma petite réflexion. C'est que bon, débité comme ça elle aurait pu sacrément mal le prendre mais Branca avait dû se douter que je ne l'avait pas dit méchamment. Ce petit-déjeuner au lit était un franc succès. La prochaine étape était de cesser de m'inquiéter pour son pied, peut-être. Elle semblait s'être remise de son petit accident alors voilà, je devais arrêter de me prendre la tête avec ça, surtout avec mes soucis actuels. « Je vais plus que bien, ne t'inquiètes pas. » C'était rassurant. Eh oui l'entendre me le confirmer me faisait prendre conscience que vraiment, je m'étais inquiété pour rien dernièrement à son sujet. Une erreur à ne plus commettre à l'avenir. « Tu viens d'Egypte c'est ça alors ? Je me rends compte que je ne sais pas grand chose sur toi, c'est un peu con. » Effectivement en huit semaines, nous n'avions pas réellement eu l'occasion d'apprendre à nous connaitre tous les deux et oui, c'était fortement regrettable surtout que Branca était une jeune femme que j'appréciais grandement désormais. « Tout à fait. Je l'ai quittée il y a quelques mois pour m'installer en Angleterre. C'était... un changement de vie nécessaire. » Au vu des conflits au pays, du danger y rôdant depuis de longs, très longs moi, il était effectivement vital de fuir. Je n'aurais pas fait long feu là-bas avec les convictions qui étaient les miennes. « Je ne sais pas non plus grand chose de toi... enfin... excepté, comme tout le monde, ce que j'ai appris lors de la révélation de ton secret. » Hm, et quelle révélation. Branca avait fait partie d'un gang, et son histoire était touchante, vraiment. Le fait que son frère l'ait mise à l'abri avant d'être tué, était la partie qui m'avait le plus ému en fait. Il y avait une seconde partie à son secret, mais il ne fallait pas compter sur moi pour la découvrir, ni même pour la chercher. Eh non, je m'y refusais catégoriquement. Il ne fallait pas compter sur moi pour dérober la seconde moitié de sa cagnotte. Mais comme si j'en avais été capable franchement... « J'admire ton courage Branca. » fis-je en délaissant totalement mes toasts pour me saisir de sa main. Un réflexe visant à lui faire comprendre que j'avais beaucoup d'admiration pour la jeune femme qu'elle était. Elle n'avait clairement pas un passé des plus légers et faciles, et je ne pouvais que la comprendre là-dessus.