J'ai un peu les nerfs, je ne m'en cache pas. En parti à cause de la confrontation du dernier prime, ça non plus je ne peux pas le nier. Et quand je me trouve être dans une situation telle que celle-ci, j'ai deux choix qui s'offrent à moi: me vouer à un mutisme temporaire ou me libérer de ces mauvaises ondes le temps d'un instant. Et c'est cette seconde option que j'ai choisi d'exercer aujourd'hui. Parce que je n'ai pas envie de jouer au muet comme j'ai si souvent l'habitude de le faire. Face au piano, les doigts en apesanteur, je clos les paupières et relâche la pression. En un son, inaudible et perçant. Un vacarme. Je recommence ce même exercice, plus violemment cette fois. J'enchaine, reprends de plus belle. Bordel de merde ! Je me relève, rongé par l'amertume. Ça ne fonctionne pas. Je passe mes mains derrière ma nuque, espérant pouvoir reprendre le contrôle sur mon être. Car si ça ne tenait qu'à moi, les vitres ne seraient plus que des éclats de verre éparpillés sur le sol en ce moment. Je marche, l'esprit tourmenté. Il faut que je me ressaisisse. J'avance jusqu'au comptoir, les poings serrés. J'aurais tant aimé être ce baba cool peace and love que les autres voient tant en moi. Mais ce n'est pas évident. Et si avec le temps j'ai gagné en maturité et en sagesse, je n'en reste pas moins un être-humain pour autant. Je me dirige à nouveau vers le coin musique, fais les cent pas à côté du piano et finit par donner un coup sec et violent dans le siège face à l'instrument. La sensation dans ma jambe est horrible. C'est à peine si je la sens encore, en fait. Je me tourne vers la porte, décidé à quitter la pièce- je le ferai en titubant s'il le faut-, et tombe sur Candace. Je la regarde droit dans les yeux, sans daigner la saluer. Je reste immobile, muet, même si l'expression de mon visage en révèle assez sur mon état d'esprit du moment. Mais, elle pourra voir toute la tristesse qui se lit sur mon regard autant qu'elle le voudra, je n'en ai que foutre, à vrai dire.

Je ne sais pas ce que je fous là, à regarder Joshua, il ne m'a sans doute pas remarqué. Il est trop occupé à s'exciter contre le petit banc du piano. Il semble tellement différent de la fois où l'on s'est vu, là où il m'a avoué que je le faisais flipper. Il est sur les nerfs, il semble incontrôlable et s'emploi à briser le mobilier. Je suis appuyé contre l'encadrement de la porte. Je l'observe les bras croisé et décide à m'avancer lorsqu'il arrête. Il s'approche de moi, et me remarque enfin. Il reste là planté devant moi. Silencieux, il ne dit rien du tout, il reste muet et ne bronche pas. Il ne tente pas non plus de cacher ses émotions puisque je peux lire sa détresse dans son regard. On ne se connait pas du tout. Pourtant, je devine assez facilement ce qui le met dans un état pareil. « Il ne mérite pas que tu réagisses comme ça. Il n'a pas hésité à se barrer sans penser une seule seconde à toi, c'est un égoïste. Tu pourras casser tout le mobilier que ça ne changera rien à ça ... » Le tact ce n'est pas mon genre, mais au moins, peut être que ça l'aidera à voir la réalité en face. Son mec, c'est un gros con, rien de plus. De toute façon, il m'avait semblé qu'ils n'étaient plus ensemble. Bref. Ouais c'est vrai, j'aimais bien Sven au départ, une vraie langue de pute, néanmoins, ça a bien changé. « Si tu veux briser des trucs, y'a un stock de verres, ça défoule tu verras... » Je parle en connaissance de cause, j'aime briser des verres sur du Muse. Elliot pourra en témoigner d'ailleurs.

Je ne devrais pas afficher si clairement mes états d'âme. Ca ne me ressemble tellement pas. D'ailleurs, je suis certain que je vais regretter de ne pas avoir su dissimuler mes émotions, d'ici.. hmm, dix minutes à peine ? « Il ne mérite pas que tu réagisses comme ça. Il n'a pas hésité à se barrer sans penser une seule seconde à toi, c'est un égoïste. Tu pourras casser tout le mobilier que ça ne changera rien à ça ... » Je ne sais pas comment elle a deviné pour Sven, mais son discours me brise le coeur un peu plus. Elle a raison et j'ai bien peur d'en avoir totalement conscience. Pas concernant le fait que Sven est un égoïste. Non, ça je ne le crois pas. Seulement quant au fait que briser le mobilier ne m'apportera rien. Dépité, je ne bronche pas, me contentant simplement de la regarder avec ces mêmes yeux de chien battu. « Si tu veux briser des trucs, y'a un stock de verres, ça défoule tu verras... » Je me racle la gorge et affiche un maigre sourire. Sourire erroné cependant, puisque mes yeux prouvent bien que je ne suis pas d'humeur à rire aujourd'hui. Mais son attention est délicate et je m'avance vers elle. Aussi surprenante la scène puisse-t-elle paraître, je la prends dans mes bras, n'osant toujours pas ouvrir le bec. C'est ma manière à moi de la remercier. Même si, bien entendu, je ne pense pas qu'elle soit très "contact physique" dans son genre. Je recule doucement, pose mes mains sur ses épaules et la regarde droit dans les yeux. « Aide-moi. », murmuré-je. Ce qui, en gros, veut dire "file-moi ces foutus verres à la con que je les éclate contre ce putain mur de merde". Le langage Joshua, tout un art.

Je ne suis pas la mieux placée pour donner des conseils à Joshua. Parce qu'on ne se connait pas, parce qu'on est loin d'être proche aussi. Pourtant ne dit-on pas qu'il vaut mieux se confier à un inconnu ? Oui sans doute, je ne sais pas, je ne suis pas du genre à garder ce que je pense pour moi. Il est mal et j'ai envie qu'il se ressaisisse. Il faut qu'il retrouve ses esprits. J'aurais imaginé que ma remarque le mette en colère, et au lieu de cela il reste immobile et silencieux. Je lui propose de briser du verre en dernier recours, parce que le verre ça explose en mille morceau, et c'est libérateur. Il sourit finalement, et je sais qu'il est faux ce sourire, mais c'est déjà un début. Il s'avance finalement vers moi, je n'arrive pas à prédire sa réaction et ça me frustre. D'ailleurs, je suis surprise lorsqu'il me prend dans ses bras, je reste les bras ballant me demandant ce qu'il lui passe par la tête. Je n'ai pas le temps de réagir qu'il se recule déjà. Je ne suis pas la personne la plus tactile de la terre encore que ça ne me dérange pas d'être prise dans les bras, c'est simplement surprenant de sa part. Il pose ses mains sur mes épaules quant à moi, je caresse son visage alors qui'il me demande de l'aider. Je ne comprends pas immédiatement, il me faut plusieurs seconde pour parvenir à découvrir là où il souhaite arriver. « Viens par ici... » J'attrape sa main et le conduit devant ce placard rempli de verre. Des verres à pieds. Je lui en tends un. « Défoule toi, laisse exploser ta rage. Vide ta tête et tu verras que ça ira déjà un peu mieux. » Je m'écarte légèrement pour lui laisser toute l'intimité dont il pourrait avoir besoin.