Faire mon linge est devenu une sorte de rituel à Fake Lover. Ça fait partie de ma petite routine. De mon quotidien dans le Nid d'amour. Cette routine m'ennuie. Je ne suis pas habituée à ce genre de train de vie. Tranquille, peinard. Ce n'est pas tellement ma came. L'enfermement me pèse de temps en temps, surtout quand on voit les mêmes têtes tous les jours. Mais les gens parviennent toujours à me surprendre. Des liens se sont créés. On croit tout connaître de l'autre. On n'en connaît qu'une infime partie au final. C'est désarmant. Puis il y a d'autres dont on ignore tout mais qui exercent sur nous une emprise continuelle. Les autres restent un mystère. Et c'est ce mystère qui me plaît et qui me fascine à la fois. Mon sac à dos sur l'épaule, je m'en grille une en chemin en jetant des regards furtifs sur l'horizon. Je pénètre dans la laverie automatique. Il n'y a personne. Je hausse les épaules, j'enlève mon perfecto que je dépose sur le banc. Je sors les vêtements à mettre dans les machines et les francs. Je les compte un à un. J'en ai juste assez pour mon linge. Je place mes fringues à l'intérieur de la machine, je mets les pièces puis elle se met en route. Je viens m'assoir sur le banc. Je prends un bouquin de mon sac. C'est sur la méditation transcendantale. Assise et les jambes croisées, je le feuillette sans vraiment comprendre ce que je lis. Je me mords l'ongle du pouce. Je lève les yeux. Mes prunelles creusent celles de Callan. Je lui souris, je lui fais un signe de la main pour le saluer. Une question me taraude depuis la soirée de Jeudi dernier. Je me lance : - As-tu des enfants ou rêves-tu d'en avoir ? Cette question était peut-être trop intime. Je devais la poser. C'est un moyen comme un autre pour apprendre à connaître quelqu'un.

Je suis quand même halluciné que seulement trois jours après que Candace ait décidé de faire ma lessive, je me retrouve dans l'obligation de recommencer. Soit on me pique mes fringues et on les place dans mon panier après qu'ils aient été portés soit je suis somnambule fashionisto qui change de fringues plusieurs fois dans la nuit. C'est à n'y plus rien comprendre. Légèrement blasé je me rends vers la laverie, il me reste par je ne sais quel miracle encore quelques pièces de monnaie pour la semaine. J'entre, Elliot est là, elle semble concentré sur sa lecture alors je ne l'interromps pas mais très vite, elle me repère et m'adresse un signe de la main. « Salut ! » Je réponds en sourire tout en lui souriant. Je pose le panier que j'ai sous le bras sur le sol et commence à trier les vêtements. Le mystère de la panière vient d'être résolu, les vêtements qui y sont entreposé sont pour les trois quarts à ma chère épouse qui doit se changer trois fois par jour vu la quantité qui s'y trouve. Et moi, je n'ai que trois tenues, ma tenue de sport comprise. Je dépose nos fringues dans le tambour lorsqu'elle me pose une question. Elle est directe, c'est le moins que l'on puisse dire. Je souris et me tourne vers elle. « Non je n'ai pas d'enfants. Et je ne me suis jamais vraiment posé la question, de toute façon Candace n'en veut pas, ça règle le problème j'imagine. » Elle a toujours été claire à ce sujet, et à vrai dire ça ne m'a jamais posé de problèmes jusque là. Notre vie me convient telle qu'elle est. Mais j'avoue que peut être que si les choses étaient différentes, peut être que je ne serais pas contre l'arrivée d'un bébé dans notre vie. Notre bébé. Mais non, ce n'est même pas la peine d'y penser. « Pourquoi cette question ? Tu m'as trouvé bon dans ce rôle jeudi ? » Je demande amusé. J'aime les enfants, il m'arrive de m'occuper de ma nièce très régulièrement. Je lance la lessive et je viens m'asseoir à ses côtés.

J'arrête ma lecture quelques minutes lorsque mon regard croise celui de Callan. Un sourire nait instantanément sur mes lèvres. Il me le rendit en déposant son panier parterre. Il effectue son petit tri. Une bonne partie des vêtements appartient sûrement à Candace. L'autre partie est à lui, c'est-à-dire pas grand chose. Il fait le linge de sa femme en même temps. Un mari dévoué. C'en est attendrissant. Je cesse de rêvasser un instant pour lui poser une question un peu inapproprié. Mais ça me taraude depuis quelques jours déjà. Comme d'habitude avec mon tact légendaire, je lui demande si il a des enfants ou si il compte en avoir plus tard. Ce n'est qu'après que je me rends compte que la question était sans doute trop personnelle. Je comprendrai qu'il ne réponde pas. Après tout, ça ne me regarde pas. Mais lors de la soirée de la semaine dernière, j'ai été un peu troublée car il dégageait une aura apaisante, voire paternelle. - Non je n'ai pas d'enfants. Et je ne me suis jamais vraiment posé la question, de toute façon Candace n'en veut pas, ça règle le problème j'imagine., me répond-t-il. Elle ne veut pas avoir d'enfants, peut-être parce que ce n'est pas dans ses priorités pour le moment. Ou elle n'a pas la fibre maternelle tout simplement. Maman aussi ne voulait pas être mère. Pendant longtemps, elle a refusé car elle se concentrait avant tout sur sa carrière et rien d'autre. Aujourd'hui, elle est mère de quatre filles et elle est l'une des productrices les plus influentes à L.A. L'un n'empêche pas l'autre. - Pourquoi cette question ? Tu m'as trouvé bon dans ce rôle jeudi ? Je hausse les épaules, puis je ris. Je mets une mèche de cheveux derrière mon oreille, je baisse les yeux légèrement embarrassée. - Oui, j'y ai cru un moment ... Je dessine du bout de mes doigts des tracées informes sur le banc. Je relève les yeux, puis lui souris en douceur. - Dommage que Candace ne veuille pas avoir d'enfants, tu aurais été un père génial. J'en suis sûre. Comme le mien. Ma machine s'est arrêtée. Mes vêtements sont propres à présent. Je me redresse, me dirige vers la machine mon panier dans les mains. Je mets mes fringues mouillées dedans. Je m'avance en direction du sèche-linge et je les fourre dedans. Je l'allume en mettant les pièces qui me restent. Je reprends ma place à côté de lui. Je soupire : - Callan, tu viens d'où ? Tu fais quel métier ? Bref, tu connais la chanson. Je ris. Mine de rien. Je ne le connais pas du tout. Je ne sais pas ce qu'il fait dans la vie. Je me vois mal poser des questions sur son couple. C'est tout de même intime. Je sais juste qu'il est un redoutable chasseur de secret.

Je ne suis pas du tout gêné par la question d'Elliot. Si tel avait été le cas, je pense que j'aurais simplement refusé d'y répondre. Je ne suis pas du genre à tourner autour du pot. Je suis franc et je dis lorsqu'une chose me dérange. Alors du coup j'y réponds, avec franchise. Peut être que la réponse est trop courte, je ne saurais que dire. Mais c'est bien la triste vérité. Je n'ai jamais vraiment songé à un enfant avec Candace. Elle n'a jamais voulu en avoir. Je pense que du coup on a vécu notre vie sans vraiment se poser de question. Peut être que si elle était tombée enceinte par accident, on aurait pu reconsidéré les choses, mais ce n'est jamais arrivé. A ma connaissance du moins. Je lui demande ce qui a pu déclencher cette question qui me semble sortie de nulle part. Elle semble embarrassé par la question, ce qui me dérange immédiatement. « Merci, ça me touche Elliot. » Je crois que c'est la première fois qu'on me fait un compliment tel que celui-ci. « Tu devrais en toucher deux mots à ma femme, ça lui fera peut être changer d'avis. » Je ris. J'en doute fortement parce que dès qu'elle a une idée dans la tête il est difficile de l'en faire changer. Et puis je ne sais pas si on s'en sortirait. Je suis doué pour m'occuper ponctuellement d'un enfant, mais de là à vivre avec, l'élevé, je ne sais pas. Sa machine bippe. Elle se lève pour l'en sortir. Je ne la quitte pas des yeux. Et puis elle me pose une nouvelle question, plus banale. Ce qui me fait sourire. « Et bien je suis Irlandais même si mon passeport lui dit que je suis britannique. Je suis né à Belfast. » Je soupire, baisse les yeux puis je reprends. « Mais à présent je vis à Denver avec Candace et je suis PDG de ma propre entreprise qui est spécialisé sans la sécurité informatique, mon métier d'origine. » Je l'observe faire son linge alors que je suis assis sur le banc sur lequel elle se trouvait. « Et toi ? »