Il y a quelques semaines, même quelques mois, Raphaël s'était endormi pour la première fois dans cette chambre, sur ce lit, en compagnie de Candace. Il avait naturellement beaucoup appréhendé ce moment un peu particulier, lui qui n'avait alors jamais partagé son lit, ou qu'avec sa mère, ce qui avait tout de même été relativement différent. Sa première nuit au sein du jeu avait été incroyablement stressante. Il s'était demandé ce qu'il faisait ici, comment il avait bien pu passer les castings, mais plus encore, plaire suffisamment à la Production pour intégrer le programme. Il avait eu peur de sa partenaire, qui pourtant s'était montrée gentille et rassurante lors du premier prime, mais en qui il avait vu, comme en chacun des candidats, une possible menace, notamment à cause de son secret. Aussi, le suisse avait craint de ne pas tenir plus de quelques jours, et de devoir au final supplier Cupidon de l'exclure du jeu au profit de quelqu'un d'autre, de plus motivé, de plus apte à plaire au public. Et pourtant, à l'aube des demies finales, il était toujours là, dans cette chambre, sur ce lit, en compagnie de Candace. Tout était comme il y a quelques semaines. A une exception près. La chambre était la même. La décoration était la même. Le lit était le même. Sa partenaire était la même. Sa position était la même - il dormait sur le coté, information ô combien cruciale. Mais lui, il n'était plus le même. Il avait changé. Beaucoup changé. Ses peurs s'étaient majoritairement dissipées. Il était plus à l'aise avec son corps, mais aussi avec son esprit, son être tout entier en somme. Il était également parvenu à laisser son insociabilité de coté, à gagner l'affection de quelques personnes, à les aimer, au point d'être même tombé amoureux. En un nombre considérable de points, oui, il n'était plus le même. Et Dieu sait qu'il en était heureux, fier même. Cela avait été son objectif premier, sa ligne directrice : changer. Et il avait changé. En bien, sans nul doute, et sans la moindre prétention. De toute manière, comme aurait-il pu être pire qu'auparavant, hm ? Quoi qu'il en soit, s'il y avait bien une personne à l'égard de qui il se montrait reconnaissant, c'était bien Candace, sa partenaire, qui avait tant fait pour lui. Elle n'avait jamais cherché à profiter de sa faiblesse, à appuyer là où ça faisait mal, à l'humilier. Elle aurait pu, elle avait même été dans la position idéale pour cela, mais elle ne l'avait jamais fait. Alors les paroles du jeune homme, lors du prime, avaient été incroyablement sincères : il n'aurait pu rêver meilleure partenaire. C'est en tout cas dans un geste plein de douceur qu'il laissa sa main caresser sa chevelure de sa partenaire, celle-ci semblant alors endormie, mais ne tardant pas à ouvrir les yeux. Un peu confus, mais finalement amusé, Raphaël se fit incroyablement souriant. « Je ne voulais pas te réveiller, excuse-moi. » Dans une moue désolée, il reprit. « Surtout que cette fois-ci, je n'ai fait aucun cauchemar. » Non, vraiment, pas le moindre. Et cela, depuis déjà quelques temps. A croire que puisqu'il allait mieux, il dormait mieux. Un ensemble globalement réjouissant, en somme. « Tu crois que je pourrai te ramener à Neuchâtel, pour que tu continues de dormir avec moi, même une fois le jeu terminé ? » Un rictus naïf s'échappa alors de ses lèvres. Sait-on jamais que ce soit possible.

Ma conversation avec Callan dans la cantine un peu plus tôt dans la soirée a finalement fait pencher la balance, j'ai rejoins mon ancienne chambre, mon ancien lit et mon partenaire pour cette nuit. De toute façon je ne suis pas sûre qu'il soit présent dans ce fameux lit, il se pourrait que lui aussi ait décidé de décamper pour rejoindre Lulu, peut être même que je dormirais seule ce soir, qui sait ? Et je pense que je serais déçue, parce que je me suis habitué à dormir avec Raphaël, je me suis habituée à sa présence à mes côtés, à dormir vêtue, à sa position et à l'obligation de contrôler mes gestes. A son rythme cardiaque sur lequel je me cale pour m'endormir lorsque je suis à ses côtés. Et par conséquent lorsque je vois cette silhouette paisiblement endormie dans ce lit, je souris et me couche le coeur léger. Je ne tarde pas à m'endormir, je m'endors aussi rapidement que lorsque je suis dans les bras de mon époux, c'est pour dire. Pourtant, lorsque je sens du mouvement, lorsque je sens mes cheveux bouger j'ouvre les yeux. Je ne dormais pas encore profondément. J'ouvre les yeux et découvre Raphaël qui semble en meilleure condition que lorsque je l'ai découvert paniqué et en larme il y a quelques semaines de cela. Il s'excuse de m'avoir réveillé, et je me rends soudainement compte que c'était sa main qui caressait mes cheveux. Il poursuit en ajoutant qu'il n'a pas fait de cauchemar. « Pour la peine c'est toi qui va devoir me faire un câlin. » Je souris, c'est un petit clin d'oeil à cette fameuse soirée où je l'avais pris dans mes bras pour le réconforter. Je ne serais pas contre un calin qui plus est, surtout de Raphaël. Je me mets à rire très discrètement face à sa question tout à fait surprenante. « Je crains fort que ça pose quelques soucis à mon très cher époux. » Amusée, je souris toujours en m'imaginant la tête de Callan si je lui annonçais que je déménageais pour partir vivre en Suisse pour Raphaël. « Tu as pensé à Lulu ? » Parce qu'en toute honnêteté, je pense qu'il aurait davantage sa place que moi dans le lit du suisse.

Si cette nuit Candace avait été malencontreusement réveillée par son partenaire, il était important qu'elle sache que ce dernier n'avait jamais cherché à la tirer de son sommeil, pour la simple et excellente raison qu'il n'avait cette fois-ci fait aucun cauchemar. Les faits étaient alors considérablement différents de la fois où il avait connu un moment d'intense panique, où il avait été forcé de la réveiller en sursaut au beau milieu de la nuit, simplement pour réclamer une étreinte réconfortante, rassurante, pour se calmer et pour oublier sa peur paralysante. Ce soir, les choses allaient clairement mieux. Parce que Raphaël allait mieux, et donc qu'il savourait chaque soir un sommeil désormais plus agréable, plus reposant. Il ne cauchemardait plus, ne paniquait plus subitement, n'était plus forcé d'être câliné pour se rendormir. Il agissait davantage comme un adulte désormais, plus comme l'enfant qu'il avait longtemps été, dépendant à la tendresse qu'il s'était toujours senti forcé de réclamer, que personne n'avait jamais cru bon de lui offrir délibérément. Mais depuis qu'il était ici, depuis qu'il recevait maints amour et affection, les choses étaient considérables différentes. Considérablement mieux, en somme. En tout cas, il se réjouissait de pouvoir faire profiter Candace de nuits plus agréables, pour celles qu'elle passerait avec lui, vu qu'elle en passait également beaucoup avec son époux. Le jeune homme accueillit en tout cas avec un doux sourire les propos de sa camarade. Alors comme ça, elle estimait que c'était lui qui lui devait un câlin ? Un rire enfantin s'échappa alors des lèvres du jeune homme. Naturellement, il serait ravi de lui offrir une tendre étreinte, d'autant plus qu'elle ne lui en avait jamais refusée une lorsqu'il en avait eu besoin, et cela avait été le cas à plusieurs reprises. « Tu te doutes bien que c'est une chose que je ne peux absolument pas te refuser » articula-t-il alors, d'une petite voix affectueuse, avant de faire en sorte de l'étreindre. Il craignait de ne pas lui offrir un câlin des plus habiles, mais l'intention y était. Alors il la prit dans ses bras, la laissant pour autant libre d'interrompre le contact au moindre instant, et ne tarda pas à ricaner lorsqu'elle émit l'idée que son époux, Callan, puisse ne pas franchement accepter que Raphaël emmène sa femme en Suisse après l'émission. Effectivement, c'était un détail à prendre en compte. « Et si on organisait une ... garde partagée ? Ce serait équitable, non ? » Bien sûr, là encore, il plaisantait. Le sourire plus amusé qui gagna ses lèvres en témoigna d'ailleurs clairement. Il va de soi qu'il ne forcerait jamais personne à venir en Suisse et encore moins à y rester. Il espérait simplement que, malgré l'éloignement, il garderait une grande complicité avec la jeune femme. Quant à la question de celle-ci, elle parvint à faire rougir le grand brun. « Tu sais, je ... je me dis qu'après tout ça, Lulu aura peut être simplement envie de retrouver sa petite vie, et que ... et bien ... je n'en ferai probablement pas partie. Je m'y suis plus ou moins préparé. Je ne prétends pas valoir la peine qu'il ne fasse ne serait-ce qu'envisager un changement de vie pour moi, quel qu'il soit ... Je l'aime, tu sais. Je l'aime vraiment. Et je le respecte, je respecte ce qu'il est. J'ai cru comprendre certaines choses le concernant, et je ne veux pas qu'il se sente forcé de m'inclure à sa vie future si ça n'est pas ce qu'il désire réellement. Quand je réfléchis à l'après Fake Lover, je peine à nous imaginer ensemble, lui et moi. C'est pourtant la chose que je désire le plus au monde. Je ne sais pas si je supporterais de le perdre, Candace. » Et s'il devait tôt ou tard s'y résoudre, pas sûr qu'il parvienne véritablement à s'en remettre. Le fait est que l'amour qu'il éprouvait pour Lulu était considérable, extrêmement fort, passionné. Pour preuve, il pensait pouvoir aimer pour deux, même s'il espérait que ce ne soit pas nécessaire.

S'il y a bien une chose qu'on ne pouvait reprocher à Raphaël c'était bel et bien sa gentillesse. C'était un fait incontestable, si ça pouvait énerver certains, je le trouvais touchant dans sa maladresse. Il voulait simplement rendre la vie plus facile à tous. Alors qu'il était loin d'être celui qui avait eu la vie facile. Etre avec Raphaël était reposant, c'est pourquoi j'aimais passer du temps avec lui, voilà pourquoi ça ne me dérangeait pas le moins du monde d'avoir été jeté du lit par Callan, puisque je m'étais habitué à la présence du candidat. Il était certain que son absence laisserait un vide en moi. Je m'étais habitué à lui, à ses craintes, à son rire enfantin, à sa nervosité, chaque trait de sa personnalité m'était agréable même s'il lui paraissait énervant à lui. Et lorsque je lui avais dit être fier du parcours qu'il avait accompli j'étais parfaitement sincère. Alors lorsqu'il me réveilla malencontreusement cette nuit là je ne pouvais pas lui en tenir rigueur. Il n'avait bien évidemment pas fait exprès, il ne le faisait jamais exprès, et même la plus mauvaise des personnes n'aurait pas réussi à en vouloir à Raphaël, c'était certain. Si bien que je ne trouvais rien d'autre que de lui réclamer une étreinte comme punition pour m'avoir réveillé. Il me fit sourire lorsqu'il m'avoua ne pas pouvoir me la refuser. « C'est pour cette raison que je n'ai aucun scrupule à abuser de ta gentillesse. » Je me mords la lèvre inférieur pour m'empêcher de rire. Sans scrupules vraiment aucun. Il ne tarde pas à m'enlacer, d'ailleurs, j'en profite pour passer mes bras autour de son cou. Il est adorable, la gentillesse incarné, je crois qu'au fond, je l'envie d'être à ce point innocent, c'est cette innocence que j'essaye de reproduire lorsque je suis avec Arès. Bien rapidement, il me fait comprendre qu'il aimerait me ramener en Suisse pour que je dorme éternellement à ses côtés. Je ris davantage encore lorsqu'il propose la garde alternée. Je me détache légèrement pour l'observer à travers la pénombre. « Je pense qu'il n'aurait aucune raison de dire non, par contre à quel rythme ? Parce que Neuchâtel/Denver ce n'est pas vraiment à côté, il faudrait que je m'organise avec mon travail, tout ça. » Je plaisante moi aussi, parce que même si j'apprécie énormément Raphaël, je crois que je ne pourrais pas me résoudre à quitter les Etats-Unis, certainement pas. D'ailleurs, je lui parle de Lulu, c'est l'occasion idéale je trouve. Lorsqu'il se confie sur ses sentiments envers le tatoué, je dépose ma tête contre son épaule pour ne pas briser le contact entre nous. Je l'observe, ses traits fin, ses lèvres qui se mouvent. Il s'arrête de parler. « Tu ne t'ai pas dit qu'il pouvait ressentir les même choses à ton égard ? Je ne connais pas bien Lulu mais je ne pense pas qu'il pourrait s'agir d'un homme assez cruel pour te laisser espérer des choses, pour te dire qu'il t'aime, je crois qu'il te l'a dit non ? Pour finalement reprendre sa vie comme si de rien était. » Je suis persuadé que non. « Tu n'es pas une personne dont on peut se lasser facilement Raphaël, je crois que je me lasserais jamais de toi, et si ça m'arrive à moi, il est fort probable que ça lui arrive à son tour. Quoi qu'il soit, si jamais il te laisse, si jamais il refuse de vivre à tes côtés, tu sais que tu pourras compter sur moi. Je ne te laisserai pas. Je t'en fais la promesse. » J'espère qu'il me fait confiance et qu'il sait qu'il pourra toujours compter sur moi, pour appuyer mes propos, je lui dépose un baiser sur sa joue. Raphaël est un homme qui gagne à être connu, vraiment. Et même si je me suis dit que je ne tisserais jamais de lien celui qui me lie à lui est indéfectible.