Candace

JEUDI 6 DÉCEMBRE - 15H21
QUARTIER D'ARAGON - ÉPICERIE

Il m'était impossible de dénombrer mes allées et venues dans cette épicerie depuis le début de l'aventure. Oh elles pouvaient, je pense, se compter en centaines puisque j'étais forcé de m'y rendre à plusieurs reprises en cours de semaine afin de m'assurer d'être toujours réapprovisionné en cornichons. Mine de rien, en onze semaines de jeu, mes camarades avaient fini par se faire à ma passion : pour eux, c'était devenu quelque chose d'assez commun, de normal au final et j'en étais ravi, moi qui craignais en débarquant ici d'être catalogué comme étant le type bizarre du nid, celui qui passait le plus clair de son temps le museau plongé dans un bocal à cornichons. Alors que j'avais quand même fait autre chose de ma peau pendant deux mois et demi, bon je vous l'accorde mon parcours n'était en rien exceptionnel et je n'avais pas à m'en vanter... Néanmoins il y avait une réputation à laquelle je ne risquais pas d'échapper en sortant de cette émission : celle d'un candidat absolument lunatique. Tout au long de l'aventure j'étais passé du rire aux larmes en moins de temps qu'il n'en faut pour éternuer. Aujourd'hui par exemple, je ne cessais de me balader avec un large sourire aux lèvres alors que mon moral, lui, n'était clairement pas au top. Je n'essayais même pas de sauver les apparences, non, j'avais juste envie de sourire ce qui était en totale contradiction avec le fait que je me sois couché, la veille, au bord des larmes. Mon humeur variait aussi souvent que je me rendais dans cette épicerie et me dirigeais vers le rayon aromates. Avançant cet après-midi à travers les rayons toujours très bien garnis, j'aperçus bientôt au bout de l'un d'eux une grande et élancée brune qu'il ne m'était pas difficile de reconnaitre. C'était forcément Candace et, j'avais justement quelques mots à lui dire. Je m'approchai alors de ma camarade, délaissant un instant la principale raison de ma venue ici. Mes cornichons pouvaient bien attendre quelques minutes, ils n'allaient pas se décomposer. « Félicitations pour ton sauvetage et ta qualification. » fis-je tandis que j'arrivai auprès d'elle. Bon, pour tout vous avouer ça n'était pas ce que je prévoyais de faire, initialement, la féliciter... Non, certes, mais j'étais poli et bien éduqué. À vrai dire j'avais plutôt une question à lui poser. Et d'ailleurs j'allais le faire maintenant car je n'avais pas souvent l'occasion de croiser Candace dans le nid. Effectuant un pas de plus et lui tournant légèrement autour comme pour lui faire savoir qu'elle était cernée et qu'aucune fuite n'était envisageable, je repris. « C'est quoi le problème avec Nicole ? À chaque fois que je vous vois à proximité l'une de l'autre j'ai peur que vous en veniez à vous bouffer le nez ! » Et c'était bien vrai, franchement je m'étonnais du fait que ces deux-là n'en soient pas encore venues aux mains. Nicole ne parvenait pas à s'entendre avec toutes les demoiselles ici. On se souvenait tous de l'épisode Rumer et du tampon usagé jeté à la figure de ma partenaire. Et avec Candace non plus, ses rapports n'étaient pas au beau fixe. Ajoutez à cela l'arrivée de Teresa dimanche soir et tout était fait pour que tôt ou tard, ça dégénère. Ah, heureusement que nous arrivions au terme de cette aventure. Si Candace avait été l'une de mes proches amies, elle n'aurait sans doute pas vu très bon œil ma relation avec Nicole. Mais bon, au fond, on ne se connaissait pas si bien que ça la grande brune et moi, et c'était assez dommage tout compte fait. J'aurais aimé faire d'avantage connaissance au fil des semaines.

J'ai l'impression de passer ma vie dans cette épicerie, et ce n'est peut être pas une impression finalement. Je ne cuisine pas, je fume et bois énormément, alors c'est l'endroit idéal pour moi. Il y a des tas de choses ici que je peux consommer immédiatement, j'en profite alors. J'ai terminé mon paquet de cigarettes un peu un peu plus tôt dans la journée et après avoir taxé celles de Callan dont je n'aime pas particulièrement le goût, je n'ai rien pas d'autre choix que de de me rendre à l'épicerie. A mon entrée dans ces lieux, je remarque la présence de Malik posté devant le stock de cornichon quoi d'autre. Il s'approcha de moi, je lui offrais mon plus beau sourire, parce que mine de rien je l'aime bien le candidat même si on ne fait que se croiser parfois, sans que nous ayons réellement tissé de liens. Pourtant lorsque j'avais usé de mots forts envers Nicole c'est vers lui que j'avais décider d'aller pour m'excuser. Et là, il vient me féliciter pour ma place en demi-finale. « Merci, je te renvoie les félicitations que je n'ai pas eu l'occasion de t'adresser plutôt. » Comme je le disais, on ne fait que se croiser, et on est rarement seuls, je n'ai jamais eu envie d'arriver comme un cheveux sur la soupe comme ça. Bref. Son comportement à mon égard est suspicieux, il se met à me tourner autour comme un chien le fait avant de se soulager contre un arbre. J'ose espérer qu'il ne va pas me pisser dessus, et à cette pensée je ne peux m'empêcher d'esquisser un nouveau sourire. Il lâche enfin le morceau. Oh tiens donc. Je pensais qu'il n'allait jamais oser me poser la question pourtant. « Je me demandais quand tu oserais e poser la question. » C'est vrai après tout, c''est son petit-ami il me semble. Je ne comprends pas son choix, mais je suis mal placée pour le lui en faire part alors je me tais. Ce ne sont pas mes affaires. « Tu devrais demander à Nicole ce qu'elle a contre moi. Parce qu'il semblerait que c'est réciproque non ? » Je ne suis pas la plus avenante avec elle, une fois, j'en suis venue à l'insulter devant tout le monde, mais en dehors de cet incident, je ne pense pas lui avoir montré un quelconque intérêt n'est-ce pas ? Bref. « C'est physique je crois. Oui, il y a des personnes avec qui ça passe tout naturellement sans qu'on ai besoin de faire quoi que ce soit, avec toi par exemple, je t'aime bien pourtant je ne te connais pas vraiment. Avec elle c'est le contraire. » C'est aussi simple que cela. Il n'y a pas besoin de s'éterniser là dessus si ? « Néanmoins rassures-toi, je suis assez éduqué pour réussir à me contenir et éviter d'en venir aux mains. » En réalité, elle m’indiffère tellement que je ne perdrais pas mon énergie pour elle. Je m'en contre-fiche. « A ta place, si j'étais certaine d'éprouver des sentiments pour cette fille - même si ça demande énormément d'efforts pour moi de le concevoir - je prendrais soin de m'expliquer avec elle au sujet des paroles intolérables de sa cousine chérie plutôt que de sa relation avec moi. » Ce ne sont pas mes affaires, il peut totalement m'envoyer sur les roses, je m'en contre-fiche, néanmoins si je lui dis ça c'est parce que je l'apprécie et qu'il ne mérite pas d'être traité ainsi par une fille que tout le monde a oublié.

Je ne pensais pas trouver Candace ici. En fait, comme c'était le cas le plus souvent je pensais me retrouver seul dans cette épicerie. Car aussi étrange cela puisse paraitre, quand je m'y rendais dans l'idée d'assurer mon stock de cornichons pour le reste de la semaine, il n'y avait quasiment jamais personne aux alentours. Fut un temps je me disais même que mes camarades me fuyaient comme la peste, avant de comprendre qu'au final, je choisissais peut-être mal mes moments pour y croiser du monde. Mais cet après-midi, Candace était là, elle aussi. Et d'emblée je vins l'accoster, tout d'abord pour la féliciter pour son sauvetage dimanche soir, et sa qualification en demi-finale. Elle n'avait pas démérité, j'estimais même que c'était un verdict des plus légitimes. « Merci, je te renvoie les félicitations que je n'ai pas eu l'occasion de t'adresser plutôt. » Ce qui était gentil de sa part, vous en conviendrez. Je n'en attendais pas tant, néanmoins c'est sûr, ça faisait toujours plaisir. « Merci bien. » J'esquissai un sourire qui, néanmoins, disparu tout à fait rapidement. Car l'instant d'après, j'évoquai ses rapports tumultueux avec Nicole, qui n'avaient depuis le temps plus échappé à personne. Elles ne pouvaient pas se voir en peinture, d'accord, ça je l'avais saisi. Mais pourquoi au juste ? Oui, j'attendais réellement de Candace qu'elle me donne les raisons justifiant cette si mauvaise entente. « Je me demandais quand tu oserais e poser la question. » Il est vrai que j'avais un peu tardé, après tout ces deux-là semblaient se détester depuis un moment. J'arrivais donc sur le tard, mais mieux vaut tard que jamais non ? Je n'aimais pas savoir que Nicole pouvait être dépréciée. C'était une chose qui me dérangeait assez en fait. Alors voilà, j'avais besoin d'y voir plus clair. « Tu devrais demander à Nicole ce qu'elle a contre moi. Parce qu'il semblerait que c'est réciproque non ? » Hm, oui, très certainement. Cela semblait effectivement réciproque et je trouvais cette situation tout à fait regrettable. C'était à se demander comment elles en étaient arrivées là toutes les deux. « Je le ferai. » annonçais-je dans un hochement de tête, catégorique. Elle avait, en quelque sorte, ma parole. Bon, il ne me serait pas facile de placer le sujet Candace dans l'une de mes conversations avec ma partenaire sans que celle-ci n'en vienne à m'étriper, seulement la haine était partagée là, Nicole n'était pas plus tendre avec Candace que Candace l'était avec elle. « C'est physique je crois. Oui, il y a des personnes avec qui ça passe tout naturellement sans qu'on ai besoin de faire quoi que ce soit, avec toi par exemple, je t'aime bien pourtant je ne te connais pas vraiment. Avec elle c'est le contraire. » Physique ? Devais-je comprendre par là que Candace ne pouvait pas supporter l'image que lui renvoyait Nicole ? Oh c'était tout à fait probable, hein. Cela dit c'était une question que je préférais ne pas lui poser pour l'heure. « Néanmoins rassures-toi, je suis assez éduqué pour réussir à me contenir et éviter d'en venir aux mains. » J'avais bien envie de la croire. Je préférais la croire. Et je ne voulais pas assister à un règlement de comptes dans les prochains jours entre elles deux, et encore moins devoir m'interposer. Avec ma veine, tout ce que je réussirais à faire serait me prendre un coup de talon aiguille dans l'oeil. Et je ne prévoyais pas de devenir borgne prochainement. « A ta place, si j'étais certaine d'éprouver des sentiments pour cette fille - même si ça demande énormément d'efforts pour moi de le concevoir - je prendrais soin de m'expliquer avec elle au sujet des paroles intolérables de sa cousine chérie plutôt que de sa relation avec moi. » Candace était de ceux qui auraient préféré me voir m'enticher d'une autre candidate, j'en prenais aujourd'hui conscience. Seulement je n'avais pas contrôlé le fait de tomber amoureux de Nicole, et moi je l'aimais pour ce qu'elle était, avec ses défauts. Et qui n'en avait pas... La référence à Teresa ne me laissa par ailleurs pas insensible. Cette dernière avait en quelque sorte gâché ma semaine ou était en passe de le faire car effectivement, les mots tenus à mon égard dimanche étaient extrêmement blessants, et comme le disait Candace intolérables, également. « Nicole n'est pas responsable des propos tenus par sa cousine, aussi offensants soient-ils. » Il m'avait même semblé que celle-ci avait tenté de me défendre dimanche, mais je n'étais pas parvenu à entendre grand chose, m'étant trouvé relativement éloigné d'elles au moment des faits. « J'ai mal vécu le fait d'être attaqué sur mes origines et mon physique, mais... je refuse de lui en tenir rigueur pour ça. » Nicole n'avait aucune emprise sur les paroles de Teresa. Et j'espérais qu'elle ne donnerait pas raison à sa cousine sous peu, que je ne la perdrais pas au profit de cette demoiselle tout droit sortie de nulle part et dont j'aurais très certainement oublié le nom si Nicole ne me l'avait pas rappelé sans cesse. « J'ai comme l'impression que tu ne parviens pas à concevoir le fait que j'aime Nicole, que j'en sois sincèrement amoureux. Je me trompe ? » Au point où j'en étais, hein, je pouvais tout entendre. Dans l'histoire de toute manière, il y avait deux exacts opposés : d'un côté, celles et ceux désirant voir Nicole et Teresa repartir main dans la main et me laisser ainsi seul sur le bord de l'autoroute. De l'autre, celles de ceux voulant que mon couple perdure au delà de ce jeu. Les premiers ne le reconnaitraient jamais vraiment, c'était de sacrés hypocrites et dès lors que je les aurais démasqué - car je comptais bien le faire - je ne voudrais plus avoir à faire à eux par la suite. Quant aux seconds, inutile de dire que je me rangeais de leur côté hein. Aussi, au milieu, on pouvait éventuellement inclure - mais ils étaient peu nombreux - les personnes estimant qu'il valait mieux que je me tienne à l'écart de Nicole et que je finisse par l'oublier. Ma mère devait très certainement être de ceux-là, en tout cas depuis dimanche. Et Candace, où se plaçait-elle ?

Spoiler: