« M'agacer ? Tu te donnes un peu trop d'importance, je trouve. » Mouais, il avait pourtant la gueule de la personne à laquelle je faisais chier. Quoi que, avec lui, c’était peut être sa gueule de tous les jours. « Ça ne me pose aucun problème, à condition que tu saches lire. C'est le cas ? » Mais quel comique. Je voulais bien croire de ne pas avoir une gueule d’intello, mais de là à ne pas savoir lire. Franchement. A mon âge. On était pas dans un coin défavorisé de je ne sais où, où on avait pas accès à l’éducation. Ceci dit, il y avait forcément des illettrés en Irlande aussi, m’enfin quad même. Cela ne courrait pas les rues. « Hm à vrai dire je comptais juste regarder les images. Pourquoi il n’y en a pas dans celui là ? » Cruelle déception si ce n’était pas le cas. « Bon allez, je te mets au défi de me dire une chose sensée dans la minute. Tu t'en sens capable ? » Euh, il se prenait pour quoi ? Je n’étais pas là pour lui prouver quoi que ce soit. Genre allez mon coco, t’as une minute pour me prouver que t’es pas complètement débile, et que tu peux sortir une phrase un temps soit peu digne d’intérêt. « Oh tu me mets la pression d’entrée toi. Mais je ne pense pas réussir à être à la hauteur de tes exigences malheureusement. » Vous l’aurez compris, j’usais beaucoup de sarcasmes. J’attrapai alors une revue sportive, et décidai de m’installer finalement. Parce que ouais, j’allais pas rester planté comme ça durant des heures en vrai. « Mais toi, te sens tu capables de soutenir une conversation avec un être inférieur comme moi ? Non parce que c’est ça, tu te penses supérieur à nous tous dans cette émission, non ? » C’était l’espèce de vibes qu’il dégageait. Dans le genre je vous prends tous de haut. Vous n’êtes pas assez bien pour ma personne. Regardez là, il ne prenait même pas la peine de sortir le nez de son bouquin. Je ne connaissais monsieur que depuis quelques secondes, mais de ce que j’avais pu en voir depuis le prime et là, je sentais que le courant allait difficilement passer entre lui et moi. Après je ne voulais pas tirer de conclusions trop hâtives, peut être me trompais je complètement, et que c’était en fait un jeune homme fort sympathique et drôle. Ou pas.

« Tu te fiches de moi ? » Parce qu’il en doutait en plus ? N’était-il pas censé être doté d’une intelligence supérieure ? Le sarcasme, le foutage de gueule, tout ça, il devrait le saisir automatiquement, non ? Lire un livre ok, mais lire les gens là, ce n’était pas pareil. « Tu crois ? » Parce que si il me prenait à la lettre, et bien pauvre de lui. Je lui demandais alors si il pensait pouvoir tenir une conversation avec un être aussi inférieur que moi. Parce qu’il semblait bien que c’était ce qu’il pensait. Qu’il nous était tous supérieur. Et oui j’avais un peu entendu parler du spécimen. Je ne connaissais pas son prénom, Mike quelques chose, mais ça ne pouvait être que lui. « C'est... plutôt bien résumé. Sur un plan intellectuel bien entendu. Je ne saurais rivaliser avec ces biceps saillants perceptibles sous ce pull moulant. » Au moins il l’assumait clairement de se considérer comme un être supérieur intellectuellement. Sa tête devait avoir du mal à passer entre les portes à celui là. Le fait qu’il fasse référence à mes muscles, ne tendait qu’à montrer qu’il tombait direct dans le cliché du beau mec pas très fut fut. Bah ouais, j’avais des muscles alors forcément il ne devait pas y en avoir beaucoup dans le ciboulot. « Pour répondre à ta question, sache que nous conversons à l'instant même et pour tout te dire, j'ai l'impression de perdre mon temps comme jamais. » Oooooh, ce qu’il était drôle. Si il ne voulait pas perdre son temps, il ne viendrait pas à Fake Lover. « Bien sur, bien sur…Et dis moi, toi qui te considère comme cet être évolué, brillant, et tout le tralala, que fais tu dans cette émission ? Clairement ce n’est pas de ton niveau. Tu es bien trop au dessus pour te rabaisser à ce genre de télépoubelle. » En réalité, je ne pensais pas du tout qu’il était trop bien pour l’émission, mais c’était bien ce qu’il devait penser. Alors si il était cette grande ponte et tout, que venir faire ici, en compagnie de pecnots comme nous ? C’est que dans le fond hein, il n’était pas mieux que nous. Parce que vous auriez vu un prix Nobel participer à ce jeu ? « Et je ne crois pas avoir eu l’immense honneur de connaître ton prénom. » Cela serait mieux que je le connaisse plutôt que de le qualifier de l'homme qui pète plus haut que son cul, ou monsieur grosse tête. Enfin c'était préférable pour lui.

« Je ne crois rien, je constate. Et je n'aime pas ça. » Il m’en voyait terriblement désolé s’il n’aimait pas ça. Ou pas. Je ne me gênerais pas pour me moquer de lui autant que je le désirais. Surtout que là ce n’était pas moquer dans le mauvais sens du terme. Justement un peu de sarcasme. En attendant, je me demandais bien ce qu’un type comme lui, faisait dans une émission comme Fake Lover. Apparemment j’étais le premier à poser la question. Ah bon ? C’était pourtant une des premières choses qu’on se demandait en le voyant. Il semblait presque content que je le questionne à ce propos. Comme si il attendait depuis le début de sortir sa justification. Ainsi donc il était là pour prendre des vacances. Des vacances ? Pour un type comme lui, venir ici serait des vacances ? Mouais. Il m’apprit au passage qu’il était écrivain. Je vois. Toujours des spécimens ceux là. « Alors oui, comme tu dis, ce n'est clairement pas de mon niveau. Mais bon, je peux toujours me dire que je suis ici en "immersion" dans un monde peuplé d'individus intellectuellement limités, et surtout très sales. Tout ce que je suis pas et qui, en somme, m'était parfaitement inconnu avant de faire partie des vôtres. » Non mais regardez le celui là. Il se mêlait parmi le peuple. Un petit challenge pour lui, comme si c’était quelque chose d’incroyable. Genre ça lui demandait du courage de nous côtoyer. « Je ressortirai peut-être d'ici avec l'envie de fonder une association pour payer des études à celles et ceux qui ne connaissent pas la définition de ce mot. C'est peut-être ton cas d'ailleurs, tu te sens concerné ? » Qu’est ce qu’il ne fallait pas entendre comme conneries. « Quel homme charitable tu fais. Certains se portent bénévoles dans des missions humanitaires…Et d’autres comme toi, s’enferment dans une émission de téléréalité, pour venir à la rescousse de nos pauvres âmes. Tu mériterais une médaille. » Je l’applaudirais presque. « Et je te remercie, je ne me sens pas concerné » Je connaissais que trop bien la définition du mot études. Mon plus grand regret que d’avoir dû abandonner en troisième année de médecine. Enfin regret non…puisque je n’avais pas eu le choix. Mais si les choses avaient tournées différemment, je serais peut être médecin aujourd’hui. Au lieu de ça, me voilà déménageur…Mais j’avais appris à faire avec et l’accepter. Depuis très longtemps. « Je ne me rabaisse pas en venant ici. Considère plutôt que je vous tire vers le haut puisque grâce à moi, le niveau intellectuel dans ce nid est considérablement relevé. » Bien sur. « Oh oui, viens nous sauver de notre misère. Instruis-nous. » Ce type était un saint en fait. « Et sinon, t’arrives encore à passer les portes ? » Parce que là, ce n’était plus un melon qu’il avait mais une pastèque. Je lui demandais ensuite son nom. Cela pourrait toujours être utile. « Mais oui c'est exact. Je t'épargne mon nom complet, Mickey suffira. » J’haussai un sourcil. « Mickey ? Tes parents ne doivent vraiment pas t’aimer. » Quelle autre raison pour lui donner un tel nom ? Qui a dû surement être source de nombreuses moqueries. « Myles »

« Oh tu sais je n'ai pas beaucoup de mérite. J'ai plutôt pitié de vous. » Bon sang, il s’entendait parler celui là ? Il était vraiment grave quand même. J’espérais pour son bien qu’il ne pensait pas toutes les énormités qu’il racontait. « Et moi j’ai plutôt pitié de toi. Parce que tu te dis intelligent, écrivain…Mec, tu perds toute crédibilité par ta simple présence dans ce jeu. Personne ne te prendra plus au sérieux, t’en as conscience ? Enfin en admettant qu’on t’ai déjà prit au sérieux. » Il venait carrément de se griller en venant ici. Donc pour un type soit disant très intelligent, ça la foutait mal non ? Parce qu’au sortir de ces émissions, on sera plus que catalogué comme candidat de téléréalité. Mis dans une petite case. Des gens dont on se moquait. Moi j’en avais rien à faire, parce que je ne comptais pas percer dans le monde du showbusiness. Il évoqua ensuite les études. Je connaissais la définition du mot merci bien. « C'est cela, fais l'ignorant ça te va bien au teint. » Regardez le celui là. « J’imagine que si on n’est pas diplômé d’une grande fac, titulaire d’un doctorat, on a pas grand intérêt à tes yeux ? » Les gens qui n’avaient pas diplômes ne devaient être que des débiles. M’étonnerait pas que monsieur soit diplômé d’Oxford, Stanford ou une université dans le genre. Je le voyais bien s’en vanter d’ailleurs. En tout cas le pauvre, avait un prénom tout à fait ridicule. « J'avoue ne pas trouver le moindre intérêt à cette réplique. » Et moi je ne voyais pas le moindre intérêt à cette réplique. A croire qu’il analysait tout ce qu’on disait, et jugeait si c’était digne de sa petite personne. En attendant je feuilletais un magasine sportif. « Hum, dis-moi, ce que tu lis là, tu penses que ça va t'instruire d'une quelconque façon ? C'est pas plutôt fait pour abrutir, ce genre de revues ? » Tenez, je me demandais quand il ferait une remarque à ce propos. Je devais avouer avoir prit ce magasine exprès pour voir sa réaction. A croire que c’était plus fort que lui. Il répondait parfaitement au cliché de l’intello. Pas sportif. Et le sport, ce n’était que pour les brutes sans cervelle. « Hm tu sais que la lecture n’a pas forcément pour seul but d’instruire ? Ou d’être chiante ? Cela serait bien triste si on ne devait lire que du Tolstoï, du Proust, du Kant, du Swift…Cela peut juste être divertissant. Et puis qu’est ce que tu as contre le sport ? J’imagine que tu as une opinion là-dessus. » Et je serais ravi de l’entendre. Ou pas.