&mado

J'ai toujours rêvé de skier. Ça m'a toujours trop impressionné de le voir à la télé. Mais Papa m'a toujours dit que c'était trop loin et trop cher. Un jour j'ai même pleuré pour qu'il m'emmène au ski, mais il a quand même dit non. Des fois il est méchant. Alors j'ai jamais skié de ma vie, j'ai même jamais vu des montagnes avec de la neige en vrai. Pourtant je suis sûr que le ski ça doit être trop marrant. C'est comme si on faisait du skate sur la neige, avec un peu plus de pente. J'ai jamais fait de skate non plus, mais ça a l'air cool. C'est comme le parapente ça a l'air amusant. Mais ya plein de choses que j'ai pas pu faire parce qu'on avait pas beaucoup d'argent, pas que le ski. De toute manière maintenant je pourrai plus dire que je sais pas skier. Parce que vous savez pas quoi ? Ici c'est trop trop trop génial, ya des pistes de ski ! C'est pas des vraies, mais ya de la neige et tout. On prend des skis et après si on prend le machin qui te tires et bien on arrive en haut et on peut descendre la piste ! Ça a l'air super amusant, même si je sais pas comment on fait du ski. C'est pas grave, je suis sûr que je suis super fort en ski, c'est juste que j'en ai jamais fait. Alors je rentre dans la petite cabane et j'y prends une paire de chaussures à ma taille. Dis donc, c'est drôlement compliqué à mettre quand même. Ya plein de clips et de scratchs, alors une fois que je les ai enfilé, je ne sais plus quoi faire avec. Pourquoi est-ce qu'il y a quatre clips et puis un scratch en haut ? D'habitude moi je fais juste mes lacets sur mes chaussures. Et puis je comprends pas comment ils marchent les clips en plus. Mais alors que je bataille avec les chaussures, quelqu'un entre dans le cabanon. « Je ... Je sais pas comment elles marchent ces chaussures. Est-ce que tu peux m'aider s'il te plaît ? » je lui demande doucement en baissant les yeux. J'ai vraiment envie de faire du ski, mais je comprends pas comment ça marche. Moi j'espère juste qu'elle pourra m'aider. Même si on se connaît pas, elle a l'air gentille quand même.

Autant Mado pouvait être d'un excellent niveau dans bien des disciplines sportives, autant le ski n'était pas particulièrement sa tasse de thé. Il est vrai qu'elle en avait déjà fait, plusieurs fois, à diverses occasions, mais ça n'était pas suffisant, à ses yeux, pour y avoir un bon niveau. Il faut dire que les seules fois où elle avait véritablement pu s'exercer au ski avaient été ses quelques voyages scolaires, étant donné que sa famille n'était que trop rarement partie en vacances et que, plus généralement, ça n'était pas au beau milieu de Paris qu'elle saurait trouver où skier. Mais le fait d'avoir à sa disposition des pistes artificielles avait tendance à bien lui plaire, dans la mesure où elle pourrait tout à fait profiter de son petit séjour au sein du nid pour s'y entrainer, et peut être atteindre un niveau tout à fait satisfaisant. C'est en tout cas ce que la grande brune osait espérer. Alors elle prit la direction desdites pistes, bien vite stupéfaite par le boulot que tout cela avait du demander à la Production. En soi, rien ne l'étonnait réellement, puisque peu de choses étaient véritablement disposées à l'impressionner, mais il est vrai qu'elle était forcée de reconnaitre que ça n'était pas du travail de sagouin et qu'il serait assurément fort plaisant de s'entrainer sur des pistes aussi fidèlement réalisées et réalistes. Désireuse de s'y essayer sans tarder, Mado pénétra donc dans la petite cabane où était supposé être entreposé le matériel dont elle aurait besoin pour s'équiper. Mais à peine fut-elle entrée là dedans qu'elle nota la présence d'un jeune homme. Et c'est sans tarder que ce dernier s'adressa à elle. Pour le coup, elle était assez surprise, étant donné qu'on avait peu l'habitude de la prendre pour une âme charitable disposée à venir en aide à autrui. Du coup, elle ne put réprimer un petit gloussement. Elle l'ignora. Mais au bout d'une dizaine de secondes, alors qu'elle s'était tournée pour observer le matériel, elle lui fit face à nouveau. « Attends ... t'es sérieux, là ? Genre, tu sais vraiment pas comment attacher des chaussures de ski ? » Ce mec devait être un jeune loseur complètement paumé lorsque papa et maman n'étaient pas derrière lui. Oh bon sang, elle allait essayer de ne pas trop le brusquer, des fois qu'il se mette à chialer. « Admettons que j'accepte de t'aider, tu m'offres quoi en contre-partie ? » Question piège, clairement. Parce qu'elle n'attendait rien de lui mais qu'elle était curieuse de tester sa répartie dans ce genre de situations. « Et puis, est-ce que déjà t'es sûr d'avoir opté pour la forme de chaussure qui te convient le mieux, pour un modèle à ta pointure ? Des fois, rien que ça, les gars comme toi ne savent pas gérer, tu vois. » Okay, elle était peut être un peu dure, blessante, cassante. Mais c'était pour son bien, aussi. Si personne ne le secouait, ce petit allait rester un gros naze toute sa vie. Et personne ne voulait ça, hein. Y'en avait déjà de trop sur cette planète.

Je veux vraiment essayer de faire du ski, mais il y a plein de choses compliquées qui m'empêchent de monter sur des skis pour le moment. Déjà moi je trouve que le truc qui vous tire jusqu'en haut des pistes ça a l'air de faire peur. Il faut d'abord que j'y arrive un jour puisque je n'arrive pas à attacher mes chaussures correctement. Mais c'est pas ma faute, c'est difficile quand même et il y a pas de mode d'emploi avec, alors je sais pas comment on fait. J'ai jamais été au ski alors je vois pas comment je pourrais savoir de toute manière. Je suis pas un génie moi, même si ça doit être cool. Alors j'essaie de tourner les clips dans tous les sens, de les emboîter avec les crans d'en face mais je comprends toujours pas. Par contre j'ai réussi à mettre le scratch, ça je sais faire correctement quand même. Mais je veux pas abandonner, j'ai trop envie de skier moi. Alors je continue jusqu'à ce que quelqu'un entre dans la cabane à son tour. Du coup je me dis que je peux lui demander de l'aide et qu'elle pourra m'aider. Mais elle me répond pas, elle se contente de rire. Je vois pas ce qu'il y a de marrant. C'est pas drôle si je peux pas attacher mes chaussures, je voudrais bien la voir à ma place elle, elle ferait moins la maligne c'est sûr. « Attends ... t'es sérieux, là ? Genre, tu sais vraiment pas comment attacher des chaussures de ski ? » Oui c'est ce que je viens de lui dire, je vois pas pourquoi je mentirais. Papa il m'a dit que c'était pas bien de mentir, alors je le fais pas. « Bah oui mais je suis jamais allé au ski. » Sinon je saurais faire mais personne ne m'a jamais montré, alors je sais pas faire. C'est pas de ma faute moi j'y peux rien. « Admettons que j'accepte de t'aider, tu m'offres quoi en contre-partie ? » Pffff. Je soupire. Si en plus elle veut quelque chose en échange, je réussirai jamais à mettre ces chaussures. Moi j'ai rien à lui donner, et puis ça lui prendrait pas beaucoup de temps de m'aider. Elle pourrait le faire quand même surtout que j'ai été poli, j'ai utilisé le mot magique pour lui demander. « Je sais pas ... Je peux te faire à manger si tu veux. » Moi c'est la seule chose que je sais faire, et puis c'est bien aussi ça lui fera gagner du temps. Mais je lui ai juste demandé de m'aider, rien de plus, c'est pas trop compliqué non plus. Je lui ai pas demandé de m'apprendre à skier non plus. « Et puis, est-ce que déjà t'es sûr d'avoir opté pour la forme de chaussure qui te convient le mieux, pour un modèle à ta pointure ? Des fois, rien que ça, les gars comme toi ne savent pas gérer, tu vois. » Je la regarde sans trop savoir quoi lui répondre, et je frotte mon œil avec le dos de ma main. Elle est pénible quand même. « Oui je crois, j'ai pris le chiffre que je prends d'habitude pour mes chaussures. » Alors je pense que c'est les bonnes chaussures, je vois pas pourquoi elle dit ça. Je connais la taille de mes pieds quand même. « T'es pas très gentille quand même. » Oui je l'aime pas beaucoup elle. D'habitude les gens sont plus gentils qu'elle.

Ce type ne savait donc pas attacher des chaussures de ski. Hm, d'accord. Ça devait être un beau loser, quoi. Parce que bon, même Mado, qui ne se rendait pas très souvent à la montagne, savait évidemment comment chausser ce genre de pompes. Lui, non. Donc soit il vivait au bord de l'eau toute l'année et ça pouvait éventuellement lui servir d'excuse, soit il avait l'habitude d'être chaussé par ses parents, et là, ce serait quand même relativement grave. Mais lorsque Mado eut l'impression d'avoir à faire à un vrai gosse, elle en vint justement à penser que sa deuxième idée pourrait tout à fait se vérifier. Alors il avait beau lui dire qu'il n'avait jamais été au ski, il n'en était pas moins flagrant que ce jeune homme était complètement paumé quand il était loin de ceux qui devaient l'assister dans pas mal de tâches. C'en était presque triste, au fond, d'être aussi dépendant aux siens. Mado, elle, n'était dépendante que de son frère. Et encore, c'était là très relatif. Ses parents, elle ne les voyait tout simplement plus, et c'était fort bien ainsi. S'ils l'avaient mise à la porte dès sa grossesse, il était certain qu'ils n'avaient plus rien à faire dans son entourage. Quoi qu'il en soit, le type ne sembla pas franchement réjoui à l'idée de trouver une contre-partie à offrir à la grande brune en échange de son aide. En soi, elle n'avait même pas sous-entendu cela sérieusement, étant donné qu'elle n'attendait finalement rien de lui. Mais lorsqu'elle entendit parler de bouffe, évidemment, elle reprit un air catégoriquement sérieux et reconsidéra les choses. Après tout, s'il était véritablement disposé à lui faire à manger, pourquoi se priverait-elle d'accepter ce marché ? Et puis au moins, c'était équitable. Il chausserait de quoi skier, et elle profiterait d'un repas préparé par monsieur. « L'idée me plait. Et puis, tu sais, je ne suis pas très difficile. Tant que c'est équilibré, ça me plaira forcément. » Oui parce que bon, si elle voulait éviter de couler comme une pierre la prochaine fois qu'elle ferait ses longueurs de piscine, disons qu'elle avait plutôt intérêt à garder la ligne. « Et tu te sens bien dans ces pompes ? T'as pas mal, ou quoi ? Parce qu'il faut généralement attendre quelques minutes pour savoir si des chaussures de ski vont. » Parfois, on pouvait effectivement s'y sentir un peu trop serré au bout d'un quart d'heure. C'est pourquoi il ne faut jamais précipiter l'essayage de ce genre de chaussures. En tout cas, la petite réflexion du jeune homme ne manqua pas d'amuser la grande brune. Elle, pas très gentille ? Parce qu'elle ne le maternait pas comme toutes les gonzesses qu'il avait croisé avaient du le faire avant elle ? Et bien elle en était fière, figurez-vous. « Poussin, ça n'est pas parce que tu m'as l'air aussi mature et dégourdi que mon fils de quatre ans que je vais me laisser attendrir. » Donc peut être la trouvait-il un peu dure, mais elle ne voulait pas contribuer à faire de lui un assisté permanent. Elle laissait ça à leurs crétins de camarades.

Je ne comprenais pas pourquoi elle ne voulait pas m'aider. Après tout ça lui prendrait que quelques secondes. Elle pourrait être gentille et m'attacher mes chaussures. Papa lui il m'aurait attaché mes chaussures sans rien dire. Parce que lui il est gentil avec moi. Et puis il m'aurait pas fait du chantage. Elle c'était tout ce qu'elle savait faire, chantager les gens. Les personnes polies elles font pas ça. A l'évidence elle elle l'était pas, sinon je l'aurais remarqué. Parce que moi je suis poli, je suis toujours poli comme Papa il m'a appris. Il m'a pas appris à faire du ski par contre, ça non. Mais ça c'est parce qu'on n'avait pas assez d'argent. C'est juste pour ça que je sais pas attacher mes chaussures, et je vais pas apprendre si personne me montre comment faire. Mais elle elle fait la difficile, et elle refuse, parce que je dois lui donner quelque chose en retour. Pfffff. De toute manière la seule chose que j'ai à lui proposer c'est de lui faire à manger. Je sais rien faire d'autre. Enfin c'est juste parce que j'ai pas le temps, pas parce que je suis bête. Papa il m'a dit que le q.i ça voulait rien dire, que ça voulait pas dire que j'étais bête. « D'accord, tu pourras choisir le repas que tu veux. » Bah oui je vais pas lui faire quelque chose qu'elle aime pas. Alors je lui laisse le choix. Je suis trop gentil des fois je sais. En attendant ça règle toujours pas mon problème, elle a accepté mais elle a toujours pas attaché mes chaussures. C'est long. « Et tu te sens bien dans ces pompes ? T'as pas mal, ou quoi ? Parce qu'il faut généralement attendre quelques minutes pour savoir si des chaussures de ski vont. » Je bouge mes pieds dans mes chaussures, et je hoche la tête de haut en bas pour lui dire que les chaussures me vont. Enfin je crois, moi j'ai pas trop mal dedans. C'est presque comme mes baskets, sauf que c'est plus lourd et plus difficile à marcher avec. « Bon tu les attaches ou pas ? » Oui parce que bon elle est longue, j'en ai marre d'attendre moi. J'ai pas que ça à faire, j'ai des pistes à descendre aussi. « Poussin, ça n'est pas parce que tu m'as l'air aussi mature et dégourdi que mon fils de quatre ans que je vais me laisser attendrir. » Je la regarde quelques secondes puis je sens mon visage devenir rouge de colère. « Je suis pas un poussin. Et puis ... J'AI PAS QUATRE ANS. » je crie. Elle a pas le droit de me dire ça. J'ai dix-neuf ans, dix-neuf ans. Elle sait ce que ça veut dire ? Ça veut dire que je suis un adulte moi. « Je veux voir Papa. » j'ajoute d'une voix plus basse. J'en ai marre d'elle, elle me fatigue.

Bon, très honnêtement, Mado s'était toujours employée à fuir ce genre de mecs. Vous savez, les types immatures, enfantins, dépendants des leurs et bien incapables de se démerder seuls ... Bah aussi "attendrissant" puisse être celui-ci aux yeux des autres, il était important de savoir que Mado ne se laissait quant à elle pas avoir. Non non, elle ne le trouvait ni chou, ni mignon, ni adorable, ni quoi que ce soit en fait. Tout ce qu'elle voyait face à elle, c'était un jeu empoté même pas fichu d'attacher des chaussures de ski. Lui, il n'avait pas grand chose à foutre là en soi. Et elle en était presque curieuse de connaitre son secret, étant donné que ça devait être lié au fait qu'il ait l'air complètement atrophié du cerveau. Quoi qu'il en soit, la contre-partie proposée par ce jeune homme n'avait pu que plaire à la grande brune. Si elle l'aidait à mettre ses chaussures de ski, il lui ferait donc à manger. Cela semblait équitable, et même intéressant. Approuvant d'un hochement de tête les paroles du brun, Mado ne manqua ensuite pas de s'intéresser à propre parlé aux chaussures du jeune homme. Est-ce que déjà, il ne s'était pas trompé dans le modèle ou la pointure ? Sait-on jamais qu'il soit aussi peu dégourdi pour tout ce qu'il entreprenait, hein. Bon, visiblement, les chaussures lui allaient. S'il n'avait pas mal ou qu'il n'était pas gêné, ça allait. Au pire, il souffrirait d'ici quelques minutes, mais vu que Mado aurait accompli sa tâche, elle n'en aurait rien à foutre et le laisserait se dépêtrer avec son problème. Sauf qu'en attendant, le jeune homme se montrait un peu trop impatient à son goût. Limite insolant, en fait. Comme si elle était à son service, comme si tout dépendait de son bon vouloir, de ce qu'il voulait et de quand il le voulait. Sauf que non, Mado ne se laisserait pas traiter de la sorte. Elle était relativement serviable d'accepter de l'aider - contre-partie ou pas - alors il n'avait pas à exiger qu'elle aille plus vite que la musique. « Eh oh, je ne suis pas à ta disposition, je te signale. Donc tu calmes ton impatience, merci. » Pour le coup, elle avait l'impression d'avoir à faire à un vrai gosse, parce qu'il paraissait aussi insupportable que son fils. Et tandis qu'elle entreprenait "enfin" de lui attacher ses chaussures, tâchant par la même occasion de lui montrer comment placer la languette, comment enclencher les clapets, comment serrer mais pas trop, voilà que le jeune homme réagit de manière vive à sa remarque de tout à l'heure. Visiblement, il n'aimait pas qu'on fasse référence à sa flagrante immaturité. La vérité blesse, c'est bien connu. « Quand tu piques ce genre de crises capricieuses, non, t'as pas du tout l'air d'un gosse, effectivement. » Elle l'observa alors, tentant de comprendre comment il pouvait avoir l'air si adulte, et se comporter d'une manière si enfantine, si fragile. Clairement, cela la perturbait. Et maintenant qu'il réclamait son père, elle était désabusée. « Mais ... pourquoi avoir participé ? Pourquoi t'infliger ça ? Tu réclames ton père, t'as besoin d'assistance dans ce que tu fais ... T'es trop fragile pour ce genre de jeux, à mon avis. Alors à moins que ton père soit un candidat, je ne comprends vraiment pas ce que tu fiches ici. » Et ça l'intriguait. Donc soit il jouait un rôle et se foutait de la gueule de tout le monde, soit quelqu'un veillait sur lui de l'intérieur, soit ... soit c'était du grand n'importe quoi, hm.

Je lui demandais pas non plus d'aller me décrocher la lune, juste d'attacher mes chaussures, elle aurait pu le faire sans rien demander en retour. Papa au moins, lui, il l'aurait fait. Mais enfin ça ne me dérangeait pas trop de lui faire à manger. C'est mon métier en même temps et puis je me fais à manger tous les jours, midi et soir alors je pouvais bien en préparer un peu plus pour elle. Par contre moi je mangeais à vingt heures tous les soirs. Mais en attendant, je ne lui ferai à manger que si elle daignait attacher mes chaussures. Et elle était très lente, je me demandais même si elle allait le faire. Parce que, elle parlait, elle parlait mais elle faisait pas grand chose à part être méchante. Je m'impatiente et je lui fais savoir. J'ai d'autres choses à faire, j'aimerais bien en finir avec ces chaussures maintenant moi. « Eh oh, je ne suis pas à ta disposition, je te signale. Donc tu calmes ton impatience, merci. » Je baisse la tête et je reste silencieux pendant un temps. J'aime pas me faire gronder, surtout que j'ai rien fait de mal. Je lui juste fait remarquer qu'elle était un peu lente, c'était la vérité en plus. Je ne décroche pas un mot pendant qu'elle attache mes chaussures et je me contente de la regarder faire. C'est compliqué quand même, je suis pas sûr de m'en souvenir pour la prochaine fois. Je demanderai à quelqu'un d'autre de m'aider. Parce que elle, elle est pas gentille elle me compare à un enfant de quatre ans. Et j'ai pas quatre ans, j'espère qu'elle le sait. Je suis pas un bébé. « Quand tu piques ce genre de crises capricieuses, non, t'as pas du tout l'air d'un gosse, effectivement. » J'ai bien envie de lui tirer la langue mais elle risquerait de me voir, alors je me tais encore une fois. C'est rare que je me taise en plus, j'aime bien parler. Mais elle je l'aime pas trop. « Mais ... pourquoi avoir participé ? Pourquoi t'infliger ça ? Tu réclames ton père, t'as besoin d'assistance dans ce que tu fais ... T'es trop fragile pour ce genre de jeux, à mon avis. Alors à moins que ton père soit un candidat, je ne comprends vraiment pas ce que tu fiches ici. » Pfff, moi je suis fragile ? Elle raconte vraiment que des bêtises, elle est trop méchante avec moi. Je comprends pas pourquoi elle s'en va pas, et elle me laisse pas tout seul. J'ai plus envie de lui parler, j'ai dit que je voulais voir Papa parce qu'elle m'énervait. Mais sinon c'est pas vrai, faut pas qu'elle croit, je suis un grand garçon je sais faire des choses sans lui. « C'est pas tes affaires d'abord, si j'ai envie d'être là, j'ai envie d'être là c'est tout. Et puis je te ferais savoir que j'ai besoin de personne pour s'occuper de moi, je peux très bien me débrouiller tout seul. » Bah oui qu'est-ce qu'elle croit, je sais faire plein de choses sans Papa. Je sais juste pas attacher mes chaussures de ski, et il me fait un câlin quand les autres sont méchants avec moi. Mais sinon je sais tout faire tout seul, faut pas croire. « T'es pas obligée d'être aussi méchante avec moi. Moi je voulais juste qu'on m'attache mes chaussures c'est tout. » Oui moi je comprends pas pourquoi elle me dit tout ça, pourquoi elle est pas gentille.

Ce type était capricieux et Mado ne supportait pas ça. A vrai dire, elle détestait qu'on la presse, ce qui lui donnait généralement envie de prendre encore davantage son temps. Lui, il était d'une trop grande impatience, et disons qu'il avait de la chance qu'elle se soit engagée à l'aider à attacher ses chaussures - et qu'elle tienne au repas qu'il lui avait promis, aussi - parce que sans ça, elle l'aurait envoyé chier depuis longtemps. Non mais franchement, s'il était si pressé que ça, il n'avait qu'à aller chercher quelqu'un d'autre, quelqu'un de plus disposé à supporter ses caprices et son petit coté assisté franchement dérangeant. Mado, elle, ne supporterait plus tout cela bien longtemps. Parce qu'elle n'était pas là pour être à sa merci, à sa disposition. Elle était déjà bien bonne de l'aider, alors qu'il calme sa joie et se montre un peu plus patient. Au final, la jeune femme s'était tout de même employée à lui attacher ses chaussures de ski, pour la simple et bonne raison qu'elle partait du principe qu'il serait bien moins chiant une fois que ce serait fait. Ainsi donc, elle avait commencé à les lui serrer, ni trop ni trop peu, guettant de temps à autres une réaction de sa part, mais sans rien obtenir. Visiblement, ça lui allait. Bien, tant mieux, parce que recommencer ne lui disait pas trop, vu à qui elle avait ici à faire. En tout cas, tout cela ne faisait que lui prouver qu'elle était face à un gamin immature et complètement paumé sans les siens. Oui, d'ailleurs, que foutait-il là, puisqu'apparemment, il lui fallait son "papa", hm ? Pourquoi s'être rendu dans ce genre d'émissions ? Objectivement, il n'avait rien à y foutre. Vu combien il était dégourdi et disposé à se démerder seul, Mado avait tendance à croire qu'il était une belle erreur de casting. Bien sûr, il devait cacher quelque chose d'assez intéressant, si l'on partait du principe que son secret était à la hauteur du personnage qu'il présentait, mais il n'était pas certain que ce genre de jeux soient adaptés à des personnes aussi fragiles qu'il semblait l'être. Lui, au moindre choc émotionnel, on le perdait hein. Non vraiment, il était curieux que la Production ait misé sur lui. Son secret devait vraiment valoir le coup. « Ah ouais, t'es certain de ça ? Bien. » Sur ces mots, la jeune femme s'empressa de défaire les chaussures qu'elle venait d'attacher, adressant ensuite un sourire narquois à son camarade. « Montre-moi comment on attache des chaussures de ski. » Et clairement, il devait prendre ça comme un défi qu'elle lui lançait. Après tout, il venait de dire qu'il était apte à se débrouiller tout seul, non ? Et elle, en l'ayant aidé une fois, elle avait de toute manière rempli sa part du contrat. « Je ne crois pas être méchante, tu te poses simplement en victime. Et si ça doit marcher avec ton père, ta mère, ou qui sais-je d'autre encore, sache que ça ne marche pas avec moi, et que ça ne marchera jamais avec moi. Ce genre de comportements m'insupportent plus qu'ils ne m'attendrissent, j'en suis navrée. » Et c'était presque vrai. Navrée pour lui qu'il se sente ainsi persécuté alors qu'elle estimait être en droit de trouver son attitude agaçante. Si elle ne faisait pas de cadeau à fils, elle n'en ferait pas à ce jeune homme qui, encore une fois, lui semblait à peine plus mature que son gamin. « Au fait, moi c'est Mado. Et toi ? » Parce qu'autant mettre un nom sur une bouille, non ?

Blablabla, elle fait que parler. Elle parle, elle parle, elle parle mais elle m'attache pas mes chaussures ça non. Il lui en faut du temps pour finalement me les attacher. Tout ça pour arriver à ça. Ça aurait été beaucoup plus rapide si elle m'avait aidé dès le début. Elle fait des histoires pour rien quand même, elle aime bien être chiante peut-être moi j'en sais rien. Moi je suis sûre que ça lui fait plaisir d'être pénible. J'aimerais pas être son fils, le pauvre je sais pas comment il fait pour la supporter. J'aurais déjà fugué à sa place. Ça doit être trop trop chiant de vivre avec elle tous les jours. Bon heureusement elle finit quand même par m'attacher les chaussures. J'espère bien sinon c'est hors de question que je lui fasse à manger, et elle aurait raté quelque chose c'est moi qui vous le dit. Alors je la regarde attacher tous ces clips et ces scratchs et j'essaie de me souvenir de tout. Mais bon c'est compliqué quand même. De toute façon je m'en fiche, maintenant je vais pouvoir aller faire du ski ! Enfin quand elle aura fini de me crier dessus et de me gronder. Mais bon ça m'agace parce que je suis pas un bébé, et qu'elle dit tout le contraire. En plus elle dit que je sais rien faire tout seul. Pffff c'est n'importe quoi, vraiment n'importe quoi. « Ah ouais, t'es certain de ça ? Bien. » Pourquoi est-ce qu'elle me dit ça d'abord ? Mais qu'est-ce qu'elle fait ? Pourquoi ... Pourquoi est-ce qu'elle détache les chaussures ? « Oh non. » Je soupire et me mets à bouder. J'étais si près de finalement faire du ski et là elle a tout détruit. Quand je vous dis qu'elle est méchante moi. « Montre-moi comment on attache des chaussures de ski. » Je soupire une nouvelle fois. Comment je vais pouvoir y arriver moi ? Je me penche alors sur ces chaussures et j'essaie de reproduire ce qu'elle vient de faire. Je lui lance de temps en temps un regard pour savoir si elle veut pas m'aider mais visiblement elle en a pas trop envie. Alors au bout d'une dizaine de minutes, j'arrive à un résultat plutôt satisfait et je m'arrête. « Voilà. » J'espère qu'elle est contente, j'ai fait des efforts, et j'ai même réussi à attacher mes chaussures moi-même. Enfin je crois, mais c'est déjà pas mal franchement elle se rend pas compte elle. « Je ne crois pas être méchante, tu te poses simplement en victime. Et si ça doit marcher avec ton père, ta mère, ou qui sais-je d'autre encore, sache que ça ne marche pas avec moi, et que ça ne marchera jamais avec moi. Ce genre de comportements m'insupportent plus qu'ils ne m'attendrissent, j'en suis navrée. » Elle s'arrête jamais de parler elle ? Elle me fatigue, qu'est-ce qu'elle me fatigue. Et puis elle a pas le droit de parler de Maman, j'aime pas ça me rend tout triste après. « Ça veut dire quoi ? Que tu m'aimes pas ? » Elle parle trop j'ai pas pu tout suivre, et puis j'ai pas tout compris aussi. Peut-être que ça veut dire ça, j'en sais rien après tout, alors je lui demande. « Au fait, moi c'est Mado. Et toi ? » Ça commence comme Mason, je pense que j'arriverai à m'en souvenir quand même. « Moi c'est Mason. » C'est joli non comme prénom ?

Personne n'était en droit de lui parler sur ce ton. Personne ne pouvait exiger de Mado qu'elle se dépêche alors qu'elle était déjà bien gentille de l'aider à attacher ses chaussures. Semble-t-il qu'il fallait aussi qu'elle le fasse plus vite que la musique, hein. Et bien non, elle irait à son rythme. Et clairement, le jeune homme avait grandement de la chance qu'elle soit mine de rien une femme de parole, sinon il se serait démerdé tout seul, c'était tout vu. En tout cas, il venait de faire une grossière erreur. En avançant d'une façon si déterminée qu'il pouvait se débrouiller tout seul, il avait clairement tendu une perche monumentale à la jeune femme qui ne s'était alors pas retenue plus longtemps de vérifier cela en direct. Alors, d'une manière plutôt prévisible, la grande brune se mit à détacher les chaussures de ski de son camarade, celles là même qu'elle venait en soi d'attacher. Ce qu'elle voulait voir, c'est s'il était bel et bien capable de se démerder seul pour le coup. Est-ce qu'au moins il avait pris la peine de mémoriser la technique pour serrer ce genre de pompes, hm ? Il valait mieux pour lui, parce qu'étant donné que Mado considérait que son devoir était en soi accompli, il était certain qu'elle ne l'aiderait pas une fois encore. Le pire, c'est qu'il devait probablement la maudire de lui faire ce coup-là, alors que c'était surtout pour lui rendre service. Oui, elle considérait que ce serait pour lui un excellent exercice, et peut être qu'au fond, il avait juste besoin d'être un peu secoué pour gagner en autonomie. C'est honnêtement ce qu'elle pensait, oui. Et elle avait presque envie d'être la personne qui lui enverrait suffisamment de décharges électriques pour que cela ait au final un impact positif sur lui. Qu'il puisse gagner en maturité et en indépendance, c'est tout ce qu'elle lui souhaitait à vrai dire. En tout cas, le jeune homme s'employa à reproduire ce qu'il avait tout de même pris la peine de retenir de ce qu'elle avait fait. Okay, c'était très lent, laborieux même, mais le résultat était là : les chaussures étaient attachées. La jeune femme tâta ces dernières, vérifiant qu'elles n'étaient ni trop, ni trop peu serrées, avant de se mettre à sourire. « Bien. Tu ne trouves pas que c'est plus agréable quand tu parviens à le faire seul, hm ? » Elle l'observait, perplexe, se demandant s'il mettait simplement beaucoup de mauvaise volonté dans ce qu'il entreprenait ou s'il avait simplement besoin que quelqu'un lui ouvre la marche. Elle attendrait d'en apprendre plus sur lui pour se faire une nette opinion à ce sujet. Par la suite, la jeune femme ne manqua en tout cas pas de lui faire savoir qu'elle n'était pas du genre à se laisser attendrir. Pour avoir un fils de quatre ans casse-pieds et se croyant être le maitre du monde, elle savait comment se faire respecter, mais surtout, elle savait comment ne pas se laisser avoir par une petite moue enfantine. Non, avec elle, ça ne marchait pas. Maintenant, libre à lui de déplorer ce fait, bien entendu. « Je n'ai pas dit ça. Et je ne suis pas en mesure de te dire si je t'apprécie ou non. Ce serait très hâtif. Simplement, ne compte pas sur moi pour te trouver mignon tout plein ou pour m'extasier devant ta candeur. » Elle laissait ainsi cela à d'autres. Le jeune homme disait donc se prénommer Mason. Elle tâcherait de s'en souvenir. Aux moins, les présentations étaient faites. « Tu es majeur au moins, Mason ? » Cette question-ci faisait écho à ses précédentes paroles. Il faisait si jeune, si ingénu, qu'elle le soupçonnait d'avoir douze ans. Ou un peu plus, ouais, quand même.