La première journée touche à sa fin, il est temps. On est dans un dôme s'il te plait, un DÔME, qui délimite le terrain et décide de la température qu'il vas faire, sous lequel un nombre de candidat prédéfini - ceux là même qui sont en train de faire connaissance comme si c'était le début de l'année scolaire - est condamné à se sortir un par un au fil des semaines jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un. Et moi je déprime ? Mais c'est PARFAIT !

Impossible de trouver un endroit au clame, même la bibliothèque est prise d'assault par des types dont le seul but pour la majorité, est de faire croire aux caméras qu'ils ont pas oublié à lire depuis la dernière fois qu'il on tourné les pages d'un livre de la bibliothèque verte y'a 15 ans de ça. Un peu de sérieux les mecs...

Résultat je fini mon chocolat chaud dans la salle de surveillance. Je fixe mon reflet multiplié dans les écrans éteints jusqu'à ce que je commence à me fatiguer de me voir et que je me saisisse de la télécommande et que je la pointe devant moi, prêt à me renseigner un peu sur ce que mes camarades sont en train de faire, par curiosité plus que par réel besoin d'espionner pour obtenir des informations. Et c'est à ce moment là que quelqu'un fait irruption dans la pièce. Je repose soudainement la télécommande et je soupire en me pinçant le nez du pouce et de l'index d'un geste volontairement théâtral. Je lève les yeux: Top Gun. Je crois qu'il à senti qu'il était en train de me déranger, je lève la main pour l'arrêter dans l'éventualité ou il ferait machine arrière. J'avais rien de spécial à faire ici de toute façon on est d'accord ?

"Fff... non mais. Allez y venez, prenez une chaise je vais pas faire sortir les gens sous prétexte que je veux voir personne et que je pourrais devenir violent ça serait ridicule."

Tu sens le sarcasme ou j'en ai pas mis assez ? Je me dit, si j'arrive à le faire flipper peut être qu'il se cassera de lui même, je préfère ça que de passer pour l'associal que je suis. Pour le vouvoiement c'est pas parce-qu'il est de quelques années plus agé que moi, c'est parce-que c'est un réflexe chez moi, de vouvoyer les gens quand je suis sur la défensive. Ca se reproduira sans doute régulièrement. Je me redresse sur ma chaise et pose une main sur le genoux, le coude tourné dans sa direction.

"Alors Maverick ça se passe comme vous le voulez ? Vos premières impressions."

Alors c'est à ça que ça ressemble une télé-réalité vu de l'intérieur ?

A une succession de rencontres entre des gens qui ne se connaissent pas encore et qui vont bientôt apprendre à leur dépends qu'ils sont tous plus malade les uns que les autres .Je t'en prie, détruit. Je suis curieux de savoir comment le commun des mortels s'y prend ça me fera un peu de distraction. Les écrans s'allument aussitôt qu'il pointe la télécommande dans leur direction tout en me rappelant qu'il ne connait pas encore mon prénom. Je m'approche de la console en face de nous et je croise les bras sur la table pour poser mon menton dessus, prêt à observer ce qu'il se passe sur les écrans. Je murmure, à peine.

"Φεάκη"

Alors c'est à ça que ressemble une télé-réalité vu de l'extérieur ?

A une succession d'images au moins aussi passionnantes que de passer toute une soirée à jouer aux sims, à les faire manger, boire, aller aux toilettes et parfois les faire se rencontrer en espérant qu'ils se prennent la tête ? Je me demande vraiment qui ça intéresse de regarder les péripéties romancées d'une bande d'inconnus tous plus malades les uns que les autres. Je suis songeur. Je me redresse et je regarde Maverick un instant. Puisqu'on est enfermés là tout les deux autant que ce soit productif et qu'on fasse un peu mieux connaissance.

"Dis moi Maverick, as tu déjà perdu quelqu'un qui t'étais cher ?"

Il répond à ma question et c’est qu’il n’est pas avare de détails en plus de ça. Admirable. Et comme il me retourne la question je serais également honnête avec lui et je hoche la tête pour acquiescer, bien que notre expérience ne soit pas tout a fait similaire.

"Oui, je les ai sacrifiés."

Je regarde les écrans qu’il viens d’allumer à la recherche d’une action digne d’intérêt de la part de nos petits camarade mais force est de constater qu’il ne se passe rien de significatif. Après on se demande pourquoi les productions sont souvent accusées de couper et d’arranger les scènes aux montages, il ont de l’audimat à faire faut pas l’oublier et c’est pas avec la vie d’une trentaines de personnes qui s’ennuient qu’ils vont concurrencer un incroyable mais vrai présenté par deux animateurs recrutés au pole emploi. Je me redresse et me tourne sur mon siège pour faire de nouveau face à Maverick.

"Concernant la perte de tes proches je vais te raconter quelque chose, ça s’appelle la 10ème plaie d’Egypte, Exode 12:29-36. Ne me dit pas que tu sais ce que ç’est, je le sais que tu sais. Tout le monde ici à une culture phénoménale, connait tout sur tout et ne souffre pas de se faire expliquer qu’on pourrait peut être leur faire découvir quelque chose. C’est fantastique. La mort du premier né donc. Après avoir balancé tout un tas de châtiments divers et variés pour se débarrasser des héréthiques polythéistes, le cerveau derrière tout ça s’est rendu compte que le meilleur moyen d’éradiquer les gonzes d’en face, c’était de se débarrasser de ce qu’il avaient de plus cher au monde - leur gosses - et de s’assurer non seulement qu’ils n’auraient plus de descendance mais qu’il contempleraient leur fin dans la plus atroce des souffrances, celle du chagrin et du dueil.

Je sais pas ce que tu en penses, ça reste un mythe mais personnellement je suis admiratif, c’est beau, une véritable source d’inspiration. Si tu me dit que tu connais le sentiment d’être définitivement privé de quelqu’un tu n’en m’en vois pas désolé mais ravi, il faudrait juste que je sois à l’origine de cette perte pour que l’euphorie soit complète. Parce-qu’un type, qui entre, et la première chose qu’il me dit très sérieusement en me regardant droit dans les yeux que ce qui lui met à l’équerre la tout de suite, c’est de détruire mon petit instant en solitaire..."

Je m'interromps, je finirais pas c’est une histoire de suggestion. faut qu’il comprenne tout seul qu’il y a des types dont l’existence toute entière est vouée à ruiner celle des autres de façon irréversible et dans des proportions qu’il faut être dingue à enfermer ne serais-ce que pour y songer. On est dans une télé-réalité et même si pour le moment on ne peux pas dire qu’on nage dans les rebondissement je serais lui je me baladerais ici comme dans le couloir de la mort d’une prison de haute sécurité, tu sais pas pourquoi les mecs ont atteris la, mais part du principe que c’est pas parce-qu’il ce sont dit que ça serait marrant de faire chier le monde 5 petites minutes, quoi.

"Sur ce je vais pas tarder à te laisser profiter d’un «ptit instant en solitaire», je vais aller me chercher quelque chose à manger. Quelque chose à ajouter ?"

J'irais pas jusqu'à dire que j'en suis heureux. Ravissement passager, c'est plus dans le ton qu'un bonheur franc et éclatant. L'adrénaline est indescriptible quand elle se déverse dans mes vaisseaux sanguins, une drogue. C'est à peu prêt tout ce que je connais qui me laisse un sentiment de volupté avant de retrouver le néant qui me caractérise. La rechute est généralement tellement rapide que lorsque ça monte, autant faire durer le plaisir. Vu les dégâts que ça provoque on aurait tendance à me conseiller l'héroïne en guise de substitut mais je ne me drogue pas.

Je retourne m'assoir en face de lui, l'animosité qui m'animait à son égard à totalement disparue et je me prête avec bonne volonté à l'exercice ô combien complexe de lui décrire ma façon de voir les choses. Je parle rarement de ce que j'ai dans la tête, pas parce-que je tiens absolument à le garder pour moi plutôt pour ne pas passer pour le grand malade que je suis. Maverick...je viens quand même de lui annoncer que ce qui me fait plus ou moins rêver, c'est la destruction divine et de masse. Pour moins que ça y'en à qui auraient déjà appelés la sécurité. Lui au lieu de me juger et de me coller immédiatement un carton rouge pour me sortir de la liste des candidats avec qui il pourrait potentiellement s'entendre, il est curieux. J'apprécie. Je fixe de mon regard qui à soudainement pris vie, le centre entre mes mains que je viens de placer l'une en face de l'autre en mimant une sphère.

"Imagine une sphère divisée en deux. Yin and Yang, Bien et Mal, Hommes et Femmes...que serait le plaisir sans la souffrance ?"

Je m'emballe, c'est rare. Notre rencontre aurait pu tourner au vinaigre en moins de temps qu'il ne faut pour le dire mais finalement, on a tout les deux révisés notre jugement. En ce qui me concerne j'ai l'impression que mes paroles qu'il les comprennent ou non, ne tomberons pas dans les oreilles du con que j'ai cru qu'il était.

"Le sacrifice, ça aussi c'est un vrai sujet de dissertation. Mais j'ai pas le talent nécessaire pour te faire un exposé digne d'un orateur. Juste...Il y a des choses que l'ont fait pas amour, d'autre que l'ont fait par devoir."

"Un oeuf."

Il m'a demandé quelle était la chose matérielle ou non, qui m'a poussé au sacrifice je viens de lui répondre le plus sérieusement du monde même si j'ai l'air complètement à coté d'une plaque ou bien des gens m'enverraient le faire cuire, mon oeuf. Mais j'ai compris qu'il était plus intelligent que ça alors je lui répond sincèrement. Je ne me donne pas cette peine avec tout le monde. Mes mains n'ont pas bougées, figées dans la position de tout à l'heure. Je lève les bras pour porter la sphère à la hauteur de nos yeux respectifs.

"Maintenant imagine que cette sphère représente l'oeuf en question. Pour 99% des gens le plus important c'est son contenu. Un jour, j''ai réalisé qu'il ne fallait pas sous estimer ses limites, la coquille. Alors j'ai décidé que moi je n'en avais aucunes, de limites. C'est ce qui à engendré le sacrifice. Ca m'a été inspiré d'une belle histoire"

Tout dépend de ce qu'on entend par belle. Je laisse finalement mes bras retomber le long de mon corps et le cercle imaginaire disparait. Une belle histoire oui, ma favorite après celle que je lui ai raconté tout à l'heure. Je suis sorti de cette transe dans laquelle j'étais pour aborder des sujets qu'il faudrait au moins dix ans dans ce jeu avec les autres candidats pour que je les abordes avec eux. Je lui adresse un sourire espiègle.

"Je te la raconterais volontier, mais j'ai un secret à protéger alors on vas s'arrêter là pour aujourd'hui."