La salle de jeu ? Carmen n'y avait jamais au grand jamais mis les pieds. Peut-être exagérait-elle un peu et envenimait quelque peu les choses seulement la belle s'était toujours – du moins, depuis une semaine – imaginé cette salle comme envahie par les fous du nids, à fond sur le baby-foot et les fléchettes, s'égosillant et buvant des bières à tout va. Grossière erreur puisque lorsqu'elle poussa la porte de la salle, le silence lui gifla violemment la figure tant il fut profond. La jeune femme arqua un sourcil et embrassa le lieux des yeux, sceptique. Le silence, vraiment ? Personne affalé sur le baby-foot une bière à la main ? Décidément, les aprioris de la blondinette avaient la dent dure. Malgré tout, elle s'avança, ne sachant réellement où donner de la tête et où se diriger elle s'approcha de la cible et attrapa les fléchettes s'y trouvant. Très peu douée, na sachant pas viser pour un sous et souffrant d'une myopie qu'elle avait négligé et n'avait jamais soigné, la première fléchette de la demoiselle se planta dans le mûr, à plusieurs centimètres de la cible. Mi amusée, mi boudeuse, Carmen haussa négligemment les épaules et recommença, encore et encore jusqu'à ce qu'une de ses fléchettes n'atteigne son but, le cadrant de la cible. Fière, un sourire satisfait se dessina sur ses lèvres gourmandes tandis qu'elle se dirigea afin de récupérer son jeu et.. sursauter à l'arrivée inattendue d'un candidat qu'elle menaça de ses fléchettes. « J'suis.. armée ! » lui cria-t-elle d'un air faussement outré et apeuré. « Et je ne sais pas visé, dieu seul sait où elle atterrira. »

Peut-être que je pourrais vivre dans la salle de jeux, je pourrais m’y installer et rester là toute la journée. J’aimerais trop ce serait trop bien. C’est la pièce la plus géniale de tout le chalet, on peut y passer des jours sans jamais s’ennuyer. A la maison on s’ennuie vite, alors qu’ici rien que dans cette pièce c’est jamais le cas. Je vais demander Papa si on peut pas installer une pièce comme ça à la maison. Je suis sûr qu’il sera d’accord, parce qu’il est super gentil Papa. Ce serait trop cool en tout cas. En attendant je joue ici, comme je suis pas sûr que Papa accepte il faut que j’en profite. Sauf que je me suis encore perdu, c’est pas possible, est-ce qu’on pourrait me donner un plan avec des dessins pour que j’arrive à me repérer ici. Je me souviens jamais des étages, du coup je me retrouve dans la salle de projection. Pffff c’était même pas le bon étage. Finalement je réussis à trouver la salle de jeux dans laquelle je pénètre. « J'suis.. armée ! » Je sursaute quand j’entends la voix s’élever. Je m’attendais pas à trouver quelqu’un ici, ça m’a fait trop peur. Roh, je voulais pouvoir être tranquille pour jouer moi, surtout qu’en plus elle me menace avec une fléchette. Pitié non, je veux pas qu’on me blesse, je suis trop jeune pour mourir. « Et je ne sais pas visé, dieu seul sait où elle atterrira. » Pitié pas le nez, j’y tiens à mon nez. « Mais … Pitié la lance pas, j’ai rien fait moi. » Je sais même pas pourquoi elle veut me lancer cette flèche dessus, j’avais même pas encore parlé qu’elle voulait déjà m’attaquer. Je comprenais pas je lui avais rien fait moi, j’étais gentil, je voulais pas lui faire de mal. Pitié, pitié pas le nez.

Non d'accord, Carmen exagérait un peu. Si elle avait sursauté à l'apparition du candidat dans la salle de jeu, elle n'en arrivait pas non plus à un point de vouloir lui jeter sa fléchette au visage. Aussi baissa-t-elle son arme lorsqu'il la supplia de ne rien lancer. A vrai dire, et elle l'avouait volontiers, l'italienne ressentait à cet instant précis un sentiment de supériorité qu'elle comptait bien garder. Son interlocuteur ayant l'air un peu à l'ouest, peut-être avait-il perdu son âme plusieurs années auparavant (resté bloqué au stade des quatre ans, en gros) la blonde comptait bien en profiter pour prendre le dessus et laisser son caractère de feu faire de même, d'ailleurs. « Apprends-moi à viser et je serai peut-être sympa » ronronna-t-elle gaiement, argumentant le tout d'un petit clin d’œil complice mais sous-entendant une chose bien particulière : aide-moi ou je te plante, chéri. « C'est quoi ton prénom gamin ? » ajouta-t-elle, appuyant de son accent ensoleillé sur le « gamin ». Non Carmen ne se moquait absolument pas, elle constatait, seulement. Et Dieu seul savait à quel point elle se plaisait à constater de tout et rien. D'un geste vif, pressé, impatient, elle attrapa le poignet de Mason et l'attira à elle afin qu'ils ne se dirigent vers la cible. Il était sensé lui apprendre à tirer non ? Autant commencer maintenant, et vite. Avant que son nez ne soit plus qu'un petit trou dégueulasse.

Je m'attendais pas à ce qu'on me menace d'une fléchette moi en arrivant dans la pièce. Pourquoi elle fait ça d'abord ? C'est quoi son problème à elle ? Je lui ai rien fait, je lui ai même jamais parlé alors. Je comprends pas pourquoi elle veut me faire du mal, surtout que je suis sûr que ça va me transpercer la peau moi. Et puis je tiens trop à mon nez, je veux pas qu'elle me l'abîme, ou qu'elle me crève les yeux. Ça doit faire trop mal de se faire crever les yeux, c'est horrible. « Apprends-moi à viser et je serai peut-être sympa » Si elle savait comment j'explique mal, elle me demanderait pas ça. Ou alors elle le sait et elle fait exprès de me dire ça pour pas être sympa. Surtout qu'en plus je sais pas super bien viser moi, je suis pas très fort aux fléchettes et à tous ces jeux où il faut viser. « D'accord, mais tu promets alors ? » Oui parce que si j'essaie de lui apprendre et qu'elle me fait mal quand même, bah ça sert à rien, je vais pas lui apprendre un truc pour rien. « C'est quoi ton prénom gamin ? » Mais c'est pénible que tout le monde m'appelle gamin ici, j'en ai trop marre. JE SUIS PAS UN ENFANT. Je sais pas combien de fois il faut que je le répète. « Mason et toi ? » Je m'avance alors timidement, et prends une fléchette qui est tombée par terre sans pour autant la quitter des yeux, on sait jamais qu'elle décide de m'attaquer par surprise. Je me place à côté d'elle pour tenter de lui apprendre à viser, mais bon je suis nul pour ça moi. « Déjà faut que tu fermes un œil. Et tu dois mettre ta main en face de ton œil ouvert. Et puis après tu lances. Je crois qu'il faut bouger que le poignet et l'avant-bras, mais ça je suis pas sûr. » Oui je crois que c'était ça, qu'il fallait pas bouger les épaules. Mais ça j'étais pas sûr, je suis pas au courant de tout moi. Je savais pas si c'était comme ça qu'il fallait viser moi, mais j'avais toujours fait comme ça.

«D'accord, mais tu promets alors ? » D'accord, peut-être y était-elle allée un peu trop fort, finalement. Mason eut soudainement l'air d'un chaton ayant perdu sa mère et la conscience de l'italienne en prit un coup. Attendrie, elle lui sourit de ce même air maternel – sans se douter un seul instant que le candidat puisse en avoir marre d'être considéré comme un gamin – et hocha la tête affirmativement. Non, promis, elle ne le toucherait plus et ne tenterait plus de l'atteindre. Par pitié, qu'il ôte cet air de victime de son minois où Carmen ne répondrait plus de ses actes, prise par l'envie de le câliner jusqu'à ce qu'il n'étouffe (le fait de ne pas avoir eu de frères ni de sœurs lui pesait peut-être, finalement). « Mason et toi ? » « Carmen » répondit-elle simplement, avançant sa main afin qu'il ne la saisisse. En Italie, pas question de s'embrasser, non. Les italiens se serraient la main, plutôt. Façon plus propre, plus polie de sceller une sorte de lien. « Déjà faut que tu fermes un œil. Et tu dois mettre ta main en face de ton œil ouvert. Et puis après tu lances. Je crois qu'il faut bouger que le poignet et l'avant-bras, mais ça je suis pas sûr. » Enjouée, Carmen se plaça comme il le lui indiquait. Elle ferma d'abord l'oeil droit, puis le gauche, jugeant rapidement lequel pouvait bien être le meilleur puis retourna sur le droit. Elle élança son bras, tenta de viser et lâcha la fléchette qui se planta sur la cible. Un petit score, minable, mais un score quand même. Un large sourire plaqué sur ses lèvres carminées et l'italienne se retrouva accrochée au coup de Mason en guise de gratitude. « C'est mieux qu'une fléchette plantée dans ton nez hein ? » ronronna-t-elle d'une voix mutine.

J'espérais que c'était une promesse quand même, je tenais à mon visage moi, je veux pas qu'on me fasse du mal. Pitié qu'elle me laisse tranquille et qu'elle me fasse pas de mal. Pitié, pitié. Enfin elle avait pas l'air méchante quand même, je lui faisais confiance. Elle allait pas me faire trop de mal, j'étais sûr, enfin presque. Parce que je sais jouer aux fléchettes oui, mais je suis pas très fort non plus. J'ai jamais été champion du monde, ni même champion de quoi que ce soit en fait, mais une fois j'ai tiré dans le centre de la cible, alors ça compte un peu quand même non ? « Carmen » J'ai jamais entendu ce prénom, mais je trouve ça joli quand même. Je vais essayer de m'en souvenir mais j'ai pas une très bonne mémoire alors si j'oubliais un jour ce serait pas de ma faute mais celle de ma mémoire. En tout cas je tenais ma promesse et j'essayais de lui montrer comment viser correctement. J'espérais que ça marcherait quand même. Je la regarde faire et la fléchette atterrit finalement sur la cible. Ça lui faisait pas beaucoup de points, mais c'était bien quand même. « Bravo ! » je lui dis tandis qu'elle s'accroche à mon cou. Je sais pas trop quoi faire moi du coup bah je fais rien. C'est pas que ça me gêne, c'est juste que j'ai pas l'habitude de ce genre de contact. Je me recule un peu lorsque j'entends une musique résonner dans la pièce. Je connais cette musique ... Oui oui je me souviens bien l'avoir déjà entendu mais où ? Ah oui ... C'était lors du premier prime, mais ... Mais j'étais incapable de me rappeler ce qu'elle signifiait. Oh mince, c'était dommage d'avoir une si mauvaise mémoire quand même. « C'est quoi cette musique ? Je me souviens plus. »

Bon Mason avait l'air quelque peu niais et à baffer pour le faire revenir sur terre mais il n'en était pas moins.. gentil. Oui, ce mot résumait assez bien ce qu'il représentait, ce que Carmen ressentait pour le moment à son égard. Ne sachant pas réellement comment se comporter avec lui tant il paraissait avoir cinq ans, l'italienne opta pour le naturel. Qui revenait de toute façon au galop à chaque fois qu'elle tentait d'être quelqu'un d'autre. D’endosser un rôle qui ne lui correspondait pas. Aussi, alors que la flèche qu'elle venait de lancer avec précision (du moins, un début de précision) atterrit sur la cible (deux étant un score pathétique mais un score quand même) son visage s'éclaira, retrouvant les couleurs de son Italie natale et bien aimée. Ses yeux se plissèrent en un sourire adorable et son corps sautilla sur place comme si elle venait de rafler la première place à un décathlon, une course quelconque. Ou comme si elle venait de gagner Fake Lover, voilà. Naturelle et spontanée, ses billes bleues se tournèrent instantanément vers un Mason enjoué également (plus en retenu, certes) sur lequel elle se précipita rapidement. Plus petite que lui, elle lui sauta au cou, s'accrocha à lui un instant avant de laisser la distance les envahir à nouveau. Le candidat n'ayant pas l'air réellement friand de ce genre de choses, l'italienne préféra donc garder ses distances, par respect. Du moins, c'était sans compter la musique que Cupidon mit en marche à cet instant. « C'est quoi cette musique ? Je me souviens plus. » Carmen leva les yeux au ciel, feintant d'être exaspérée. « Poisson rouge. » Sous entendu : tu es un teubé sans mémoire, Mason. Sans pour autant lui répondre, Carmen brisa de nouveau la distance réinstallée entre eu. Sa main se plaça derrière la nuque du candidat et elle força son visage à s'approcher du sien jusqu'à ce que leurs lèvres se frôles, puis se touchent et se collent finalement. Afin d'honorer cette chanson, ce défit, Carmen ne lésina pas sur le baiser qu'elle lui offrit et le tenta de le rendre mémorable. Mason s'en souviendrait toute sa vie, elle se le promit. Langoureux, long et digne de films sur lesquels elle crachait volontiers, la blonde finit tout de même par rompre doucement le contact, ouvrit de nouveau ses prunelles pour les poser sur le visage de Mason. « Voilà ce que c'est. » lui dit-elle, mi-mutine, mi-sérieuse attendant une réaction de sa part.