Qu'il était plaisant de profiter de cette si douce solitude, de ce matin tranquille où personne n'était disposé à abuser de sa patience et à s'imposer à elle. Car si tôt, Mado était rarement disposée à faire la conversation à qui que ce soit. Disons qu'elle préférait rester pénarde, son baladeur dans les oreilles, sans avoir à se soucier de quiconque et pouvant alors tout à fait s'évader dans ses pensées, rêvasser et ne se soucier de rien d'autre que ce à quoi elle réfléchissait. Et justement, elle réfléchissait à bon nombre de choses. A cette aventure, à sa relation fraternelle avec Ezra, aux idées-reçues que certains candidats semblaient avoir à son sujet, à la bêtise de son partenaire, à cette petite marque rougeâtre qu'elle avait du masquer avec un peu de fond de teint ... Tant de choses qui avaient tendance à se mélanger dans l'esprit de la brune, si bien qu'elle ne fit pas du tout attention à l'arrivée de l'un de ses camarades. Il faut dire qu'entre son faible degré de concentration et cette musique qui n'en finissait plus de résonner à travers ses écouteurs, la jeune femme était peu disposée à noter la présence de qui que ce soit. Pourtant, cette présence-ci, elle finit par la noter, mais pas franchement comme elle l'aurait voulu. Car ce n'est que lorsqu'elle tourna légèrement la tête pour changer d'horizon qu'elle se rendit compte qu'Hyram se tenait là, à sa droite, accoudé lui aussi à la rembarre du balcon, et visiblement peu soucieux de s'annoncer lorsqu'il débarquait quelque part. Poussant un fin cri de stupeur et gesticulant sous le coup de l'étonnement, la jeune femme ne tarda pas à perdre malencontreusement ses écouteurs. Le problème, voyez vous, c'est que ses derniers étant reliés à ce fascinant petit appareil qui lui permettait d'écouter de la musique, ce dernier les suivit inévitablement dans leur chute, le tout ne tardant alors pas à tomber plusieurs mètres plus bas. « Eh merde » grogna-t-elle, avant de lâcher un bruyant soupire, se penchant quelques peu pour observer les dégâts. Décidément, il ne faisait pas bon tenir quelque chose au dessus du vide, par ici. « Freddie Mercury vient de mourir une seconde fois » reprit-elle, déplorant le décès de son baladeur et indiquant ainsi ce qu'elle était entrain d'écouter. « C'aurait été trop compliqué pour toi de t'annoncer, histoire d'éviter ce gâchis ? » Parce que, clairement, c'était comme de l'argent jeté par les fenêtres. Ce petit appareil était relativement récent, mais surtout, loin d'être gratuit.

Je me suis à peu près remis des événements d'hier soir, c'est-à-dire le soir où j'ai failli perdre mes testicules. Elles ont souffert. Après une nuit plutôt agitée, elles étaient moins enflées. Mais j'ai toujours cette douleur lancinante qui m'empêche de bouger comme il le faut. Pour me lever, c'était galère. Je souffrais le martyre. Je ne me mettrai plus en travers de la route d'une certaine Emmeline. Certains pensent que je surjoue mais je doute fort qu'ils aient déjà senti une douleur forte que celle-ci, surtout au niveau des parties génitales. L'endroit le plus sensible de l'anatomie masculine. En me levant, j'ai du me passer un peu de glace parce que la douleur n'était plus supportable. J'en profite pour me faire un peu de café, tiens. De quoi me remonter un peu le moral. Je relativise. Les dégâts ne sont pas énormes. Je n'ai rien de cassé, je crois. Cela aurait pu être pire. Pour l'instant, il faut se serrer les dents comme on dit. Pendant que mon café est en train de chauffer, je masse le sac de glaçons contre la partie endolorie. Je soupire de plaisir. Ça fait franchement du bien, voyez-vous. J'ai l'air fin avec ces glaçons collés à ma bourse. Mes collègues se sont doute en train de se marrer derrière leur écran. Mon café est prêt. Je m'habille, j'enfile vite fait mon manteau parce que mine de rien il caille. Je me verse du café dans une tasse que je prends avec moi, direction : le balcon. J'oublie le paquet de glaçons. Ça va de mieux en mieux. Néanmoins, pour marcher c'est une autre affaire. Je galère quoi. Je continue mon chemin en marchant à une allure de gastéropode. Quinze minutes plus tard, j'arrive enfin. Je vois une candidate de dos. Je reconnaîtrai ses jolies jambes entre mille. Je bois une gorgée en m'avançant vers elle, un sourire goguenard aux lèvres. Je m'accoude à la rambarde et observe la vue qu'offrait cette belle matinée avant je n'entends une injure provenir de la bouche de la jeune femme. - Eh merde. Mon regard azuré vrille sur elle, puis mes yeux suivent la chute de son MP3 dans le vide. Là pour le coup, merde quoi. Je hausse les épaules. On ne peut plus faire rien pour lui. Paix à son âme. - Freddie Mercury vient de mourir une seconde fois. Je hoche la tête. C'est ballot, comme dirait l'autre. Je n'en suis aucunement responsable de sa maladresse mais apparemment, je l'étais. Elle me le fait très bien comprendre en poursuivant d'un ton un tantinet plus agressif. - C'aurait été trop compliqué pour toi de t'annoncer, histoire d'éviter ce gâchis ? Je m'étouffe presque avec mon café. Tellement que c'était des conneries. Vexé, je m'insurge d'une voix mi-taquine : - Tu aurais préféré que je danse la jig peut-être ? J'espère qu'elle ne va pas être trop casse-couilles aujourd'hui, parce qu'on me les a suffisamment brisés pour le moment. Elle a de la chance que je ne monte pas très vite au créneau, sinon j'aurai été plus acerbe. J'ajoute : - T'es maline, toi aussi. Quelle idée d'écouter de la musique près de la rambarde ! Je la dévisage longuement, plongeant mon regard dans le sien.

C'était franchement adorable de la part d'Hyram de se glisser sournoisement aux cotés de Mado. Ah non, vraiment, franchement adorable. Simplement, il aurait quand même été préférable qu'il s'annonce, au moins en lui faisant un quelconque signe qui aurait pu laisser penser qu'il venait effectivement d'arriver. Parce que oui, du coup, la surprise de la candidate fut telle que sa maladresse crut bon de se repointer, faisant ainsi dégringoler son baladeur du haut du balcon, celui-ci ne tardant alors pas à s'écraser lamentablement au sol, plusieurs mètres plus bas. Elle aurait pu s'empresser de descendre, mais elle savait pertinemment ce qu'elle verrait : un petit appareil hors de prix en plusieurs morceaux. Et clairement, elle n'avait pas besoin de ça à cet instant précis. D'ici, elle voyait suffisamment bien l'ampleur des dégâts, disons. Et puis bon, il serait bête de se priver de la compagnie si plaisante d'Hyram, quand même. Parce que bon, il avait beau lui avoir fait gâcher du fric, il n'en était pas moins intéressant, aux yeux de la jeune femme. C'était en tout cas l'une de ses plus agréables rencontres depuis le début du jeu. Bon, après, qu'il ne s'attende pas au moindre élan d'affection, parce que là, la brune l'avait un peu mauvaise quand même. Un peu, beaucoup même. Soit, il se ficha un peu de sa gueule et elle n'apprécia pas des masses, disons. Il faut dire qu'elle était encore assez amère de devoir faire le deuil de son baladeur. Une raison de plus, pour elle, de souhaiter ne pas s'éterniser ici. « Sur un autre ton, s'il te plait. Moi, ça ne m'amuse pas » reprit-elle alors, décidément rageuse. Soupirant, elle ferma les yeux, tentant de se dire qu'au pire, elle pourra se passer de musique pour le temps qu'il lui restait à passer ici. Sauf que ça reviendrait à écouter davantage ses camarades, et ça, ça n'était assurément pas bon pour son moral, hein. Surtout que là, Hyram laissait entendre que la fautive, c'était elle. Non mais quelle grosse blague ce type, mouhahaha ... ha. « Ah non mais c'est vrai, hein. Le mieux, ce serait sans doute d'éviter tout endroit à risque, puisqu'apparemment, on n'est jamais à l'abri de l'arrivée sournoise d'un couillon. » Mais aussitôt eut-elle dit ces mots qu'elle les regretta. Amèrement. Hyram n'était pas de ces candidats qu'elle se foutait de se mettre à dos. Lui, il était différent. « Désolée, j'y suis allée un peu fort » soupira-t-elle alors, plantant spontanément un doigt dans la côte de son camarade. Dans un rire, elle chercha probablement à détendre l'atmosphère. Son appareil était foutu, mais il y avait pire dans la vie. Allez, sans rancune ?

Je dois avouer que cette fille a du mordant quand il s'agit de répondre du tac-au-tac. Caractère de chienne, dégaine de madone, tempérament versatile. Tout à fait le style de fille que j'aime côtoyer parce que je ne m'ennuie jamais. Cela m'amuse plus qu'autre chose. J'aime les femmes qui me tiennent tête, qui savent ce qu'elles veulent. Aujourd'hui, je ne suis pas d'humeur à plaisanter. J'ai très peu dormi, je ressens encore la douleur au niveau du bas ventre. Journée de merde en perspective. D'humeur exécrable, je suis sur le qui-vive, prêt à dégainer en cas d'assaut de l'ennemi. Je ne suis pas le genre de gars à se laisser marcher sur les pieds. Surtout pas par une femme. Elle ne m'impressionne nullement. Pendant qu'elle déverse toute sa rage sur ma pauvre personne, j'essaie de canaliser mes rancœurs du mieux que je peux afin d'éviter tout drame et tout propos déplacé. Je suis le roi de la maladresse et des disputes fâcheuses, surtout que j'ai tendance à balancer des mots que je ne pense pas. J'appréciais suffisamment cette candidate pour ne pas lui infliger les pires insultes. Je veux rester un minimum correct. Avec la hargne qu'elle a, elle serait tout à fait capable de me jeter du balcon. J'ai déjà eu un avant-goût lors de notre combat de boxe improvisé. Elle ne se laisse pas faire, la p'tite. - Sur un autre ton, s'il te plait. Moi, ça ne m'amuse pas., réplique-t-elle d'un ton qui a sérieusement tendance à m'agacer. Un ton un brin autoritaire qui m'exaspère à un point inimaginable. Je lève les yeux au ciel. Grognon, je soupire. Je resserre ma main sur ma tasse de café. Du calme, Hyram, du calme. Je prends une profonde inspiration pour empêcher ma rage d'exploser. Je contiens toute ma colère à l'intérieur. Vas-y Mado, rajoute une couche. Elle meure d'envie de me remettre à ma place. Mon visage s'assombrit peu à peu. Je ne compte pas à la laisser contre-attaquer aussi facilement. Honneur aux dames. - Ah non mais c'est vrai, hein. Le mieux, ce serait sans doute d'éviter tout endroit à risque, puisqu'apparemment, on n'est jamais à l'abri de l'arrivée sournoise d'un couillon. Je ne sais pas quelle partie de la phrase m'a irrité le plus, mais je me suis senti un peu offensé je dois dire. Couillon. Ah oui ... Je suis un couillon, bien. Avant, j'aurai trouvé l'insulte plutôt plaisante. Mais là, ce n'est pas le cas puisque je viens de passer la pire nuit de ma vie. On a failli m’émasculer. Tout va bien dans le meilleur des mondes. Je crois que c'est le dernier mot que j'aurai préféré qu'il ne franchisse jamais la bouche de cette fille. Je fronce légèrement les sourcils, prêt à rétorquer encore plus sèchement que d'ordinaire. Je suis pris de court lorsque je vois son regard s'affaisser un peu. - Désolée, j'y suis allée un peu fort. Mon visage est encore fermé. Je tente de reprendre mes esprits en buvant une gorgée de mon café. Je baisse les yeux. Son doigt vient toucher un de mes côtes. Je suis peut-être bel et bien un couillon. Je souris dans le vide. Je plante mon regard dans le sien. Je caresse légèrement son épaule et répond, un rictus aux lèvres. - Je te pardonne, tes jolies gambettes et toi., murmurai-je. Je lui souris, puis me mets à rire. Je n'arrive pas à lui vouloir. C'est une des femmes que je respecte le plus dans le Nid d'amour. - C'est à mon tour de te dire pardon. Je suis prêt à faire amende honorable. Si tu veux, je te prêterai mon Ipod. Je ne sais pas si c'est une bonne idée en y réfléchissant. Je ne veux pas qu'il termine cassé en mille morceau. Je ne prête jamais mes affaires. Je peux faire une exception pour elle.

Okay, Mado avait un caractère de merde. Mais bon, personne n'était supposé en être surpris, étant donné que ça ne datait pas franchement d'hier. D'ailleurs, en ces deux semaines d'aventure, elle avait plus d'une fois montré qu'elle avait peu de patience, peu de clémence aussi. Alors oui, évidemment, il n'en fallait pas plus à cet instant précis pour qu'elle hausse le ton, amère d'avoir à déplorer la perte d'un objet qui, mine de rien, la laissait orpheline. Il avait été l'une de ses sources d'évasion, tout simplement. Là, ça allait déjà être un petit peu plus compliqué. Donc Hyram était dans son collimateur, oui. Bon okay, pas totalement. Parce qu'au fond, elle l'aimait bien. Ou disons en tout cas qu'il lui avait fait plutôt bonne impression la première semaine et qu'il ne faisait pas partie des candidats qu'elle apprécierait de se mettre à dos maintenant. Elle avait la rage contre lui, ne manqua d'ailleurs pas de l'exprimer, mais en vint bientôt à penser qu'il serait bon de s'entourer de ce genre de candidats pour le temps qu'il lui restait à passer ici. Il était bien mien rasoir que la plupart de leurs camarades, bien plus intéressant aussi, et rien que pour ça, oui, il méritait l'absolution. Du coup, c'est après s'être quelques peu emportée - et l'avoir aussitôt regretté - que la jeune femme préféra calmer le jeu, histoire de ne pas aller trop loin. Elle se savait considérablement impulsive, et clairement, elle préférait s'en tenir là. Ainsi donc, en un doigt appuyé contre les côtes de son camarade, elle hissa un drapeau blanc symbolique. Allez, stop, on remballe. Hyram disait alors, après avoir caressé son épaule, pouvoir les pardonner, elle et ses ... "jolies gambettes" ? Un rictus espiègle lui échappa alors. « Tu fais décidément une fixette sur mes jambes, charmeur des bacs à sable. » Non, ça n'était pas une pique. Enfin si, techniquement, mais rien de vilain. Elle était même plutôt flattée, à vrai dire, bien qu'elle n'ait pas la prétention de prétendre avoir des jambes particulièrement attirantes, évidemment. Il s'excusa à son tour et alla jusqu'à lui proposer de lui prêter son Ipod. C'était gentil, mais pas tellement nécessaire en soi. « T'inquiète, je pense quand même pouvoir survivre sans Queen et Radiohead. » Au pire, elle se jetterait du balcon, et voilà, fin de l'histoire. Ce serait dommage pour tous ceux qui la pleureraient jusqu'à la fin de leurs jours, mais elle ne pouvait pas penser à tout le monde non plus, hein. « On t'a déjà dit que t'avais parfois un petit coté Orson Welles ? Dans sa jeunesse, j'entends. » Ah si, beaucoup même. La nuit, à dix kilomètres et derrière un mur. Oui, oui. Non, sérieusement, y'avait une petite ressemblance, non ? Ça n'était tellement pas son genre de délirer, en plus.