Marcher sans trop savoir où elle se rendait, cela arrivait fréquemment à Mado. Celle-ci partait rarement avec une idée précise de sa destination en tête, si bien qu'il lui arrivait bien souvent de se demander ce qu'elle foutait à tel ou tel endroit. Comme maintenant, comme ici, comme lorsqu'elle se trouvait alors dans les toilettes, seule, au beau milieu de la pièce, sans trop savoir ni pourquoi elle s'était rendue ici, ni pourquoi elle n'en était pas immédiatement ressortie. Ce qu'elle savait par contre, c'est que cette pièce lui rappelait Neila. Les deux jeunes femmes avaient effectivement fait connaissance en ces lieux, autour d'une sombre histoire de miroirs et de rouge à lèvres - une affaire criminelle qui serait bientôt adaptée au cinéma - et n'avaient pas tardé à se trouver certains points en commun, et donc à sympathiser. Mais Neila avait abandonné l'aventure, et aussi peu développée ait été leur relation, il est vrai que Mado le vivait relativement mal. Peut être parce qu'elle ne parvenait jamais à s'attirer la sympathique de jeunes femmes - ici ou ailleurs - et donc que ce tout début d'amitié avait eu un sens très symbolique à ses yeux. Elle ne se l'avouerait assurément jamais, ou pas de si tôt en tout cas, mais cet abandon la laissait plus seule qu'elle ne l'était déjà, plus dépitée aussi. Surtout, cela l'avait fait réfléchir à ce qui la retenait véritablement en ce jeu. Ezra, oui, et puis quelques candidats qui, minent de rien, revêtaient un réel intérêt à ses yeux ... Mais elle, elle n'était même plus sûre d'avoir véritablement envie de tout ça. Alors elle cogitait, beaucoup, parce qu'elle était tout simplement perdue. Perdue dans ses pensées, comme perdue au milieu de cette salle, sans penser à en sortir, alors qu'elle n'y faisait rien d'autre qu'y penser. Mais bientôt, la brune fut justement distraite par l'entrée de l'un de ses camarades. Hm ... Peyton ? Le mec de la piscine, oui, voilà. Elle n'avait pas du lui faire bonne impression, la dernière fois. Espérait pour l'un comme pour l'autre que les choses seraient différentes ici. « Ça te viendrait à l'esprit de faire des cochonneries dans l'une de ces cabines, toi ? » C'était plus pour parler qu'autre chose, de base, mais il est vrai que sa réponse était susceptible de l'intéresser. Elle connaissait peu l'oiseau et un rien était susceptible de lui en apprendre sur lui. Oh et puis, elle était à peu près sûre que ce genre de trucs n'arrivaient que dans les films. A peu près sûre, oui.

Cette question, Mado l'avait sortie de façon un peu hasardeuse, il est vrai. Elle n'avait pas franchement réfléchi avant de la laisser s'échapper de ses lèvres et ne s'était pas dit qu'elle était susceptible de mettre relativement mal à l'aise la personne qui venait d'entrer. Car tandis que Peyton prit le temps de lui répondre avec ce qu'il lui semblait être une grande sincérité, elle crut noter un certain embarras chez son camarade. Mais l'embarras en question passait au second plan, si l'on tenait compte de ce qu'il venait tout bonnement de lui avouer. Alors comme ça, il ne comptait pas faire quoi que ce soit, ni ici, ni ailleurs ? C'est en tout cas ce qu'elle interpréta de ses propos. Qu'il était vierge et qu'il se gardait pour plus tard. Elle ne prétendait pas en connaitre les raisons, libre à lui après tout de faire ce qu'il voulait de son corps, mais il est vrai que c'était le genre de révélations qui, surtout venant d'un homme, très séduisant de surcroit, avaient de quoi surprendre, et pas qu'un peu. « Non, certainement pas » souffla-t-elle, lorsqu'il lui retourna la question. En fait, Mado était impressionnée. Très agréablement impressionnée. Si ce type n'était pas entrain de lui jouer la comédie et qu'il se préservait effectivement, alors elle trouvait ça honorable. Elle l'admirait, en fait. Et clairement, elle préférait ce genre de types à ceux qui couchaient à tout va et se plaignaient ensuite d'avoir chopé une grosse saloperie. Elle se sentait proche de lui, en fait. Parce qu'à peu de choses près, disons qu'elle était dans la même situation. Mais elle avait un fils, alors c'était naturellement différent, en soi. Elle n'avait simplement pas eu autant de libre arbitre que lui à ce niveau-là. Ne disant rien jusqu'au moment où il s'enferma dans l'une des cabines des toilettes, la jeune femme s'adossa à la porte d'à coté, bien décidée à en savoir plus au sujet de Peyton, qu'elle ne connaissait jusqu'ici que très peu. Trop peu. « J'espère que ça ne te dérange pas de parler pendant que tu ... enfin, tu vois. Simplement, par rapport à ce que tu viens de me dire, je trouve ça cool, moi. Franchement. » Elle ne savait pas si c'était une question de principes ou si ça venait d'ailleurs, mais elle trouvait ça franchement intéressant. Et clairement, il contrastait avec les chauds lapins qu'elle avait pu confondre au sein du nid. « T'as pas à avoir honte. Ni de ne pas faire ce genre de choses, ni de l'avoir avoué. » Et là, elle en vint à se poser une question. « Est-ce que quelqu'un d'autre le sait ici ? Je demande ça parce que si je dois éviter de gaffer, vaut mieux le dire, sait-on jamais que ça m'échappe. Y'a bien des cons qui seraient capables d'en rire, hm. » C'était pas franchement rassurant, mais plutôt réaliste. En même temps, dans un programme peuplé assez largement d'obsédés du cul, c'était chose risquée. « En tout cas, je crois savoir pourquoi tu t'es retrouvé en couple avec Mason. » L'autre petit con était normalement puceau lui aussi, mais probablement pas pour les mêmes raisons, supposait-elle.

Comme quoi, une question bête et même plutôt innocente pouvait pousser n'importe qui à se livrer, et pas qu'un peu. Par exemple, Mado venait d'apprendre que son camarade ici présent se préservait sexuellement parlant, et très honnêtement, elle l'admirait pour ça. Ici, il y avait trop de dévergondés à son goût, alors oui, constater que l'un de ses camarades avait de jolies valeurs avait tendance à lui faire plaisir, dans un sens. Clairement, s'il y avait un sujet sur lequel elle ne plaisanterait pas, que ce soit pour se moquer ou simplement pour faire un peu d'humour, c'était celui-ci. Parce qu'encore une fois, elle respectait grandement les valeurs qui semblaient être les siennes et n'avait pas la moindre envie de se foutre de sa gueule. Sérieusement, elle aurait pu, d'autant plus qu'elle n'était pas franchement réputée pour sa gentille ou sa compréhension. Mais là, c'était sensible et particulier quand même, et clairement, elle ne voulait pas en rire. Alors elle ne le ferait pas, c'était certain. Elle trouvait donc ça plutôt, cool, car trop peu répandu hélas, donc honorable également. Vieux-jeu, disait-il ? Et bien non, pas à ses yeux. « Et bien moi je trouve dommage que ce genre de valeurs ne soient pas plus répandues. C'est un "sacrifice" tout à fait estimable à mes yeux. Je ne suis peut être pas la personne la mieux placée pour louer ce genre de décisions, mais ... mais je trouve qu'à toi-seul, tu rehausses considérablement le niveau moral de ce jeu, où se confondent allumeuses, baiseurs compulsifs et probablement adeptes de l'échange de MST. » Par rapport à ce qu'elle avait dit juste avant, ayant eu un enfant, l'on pouvait effectivement penser qu'elle n'avait pas franchement de quoi parler. Pour autant, son histoire pourrait parler pour elle, et peut être que les choses paraitraient plus logiques, ou en tout cas plus évidentes. Quant au reste, il est vrai qu'elle déplorait un peu plus chaque jour d'avoir atterri dans un jeu où les candidats ont l'air plus désireux de s'allumer les uns et les autres que de jouer à proprement parlé. Voilà une différence notable de valeurs : celles de Peyton n'avaient rien à voir avec celles de la plupart de leurs camarades. Donc oui, il rehaussait le niveau. Indéniablement. Mado espérait en tout cas qu'il n'avait pas honte, parce que certes cela le rendait différent, mais en bien, vraiment. « Et j'ai malheureusement l'impression qu'on n'a pas sélectionné les meilleurs représentants du monde extérieur, justement. » Attention, veuillez noter qu'elle se mettait dans le lot. Avec son caractère de merde et sa personnalité pas toujours appréciable, oui, elle ne considérait pas être un joli reflet de la société. Elle ne s'aimait pas, autant le dire. Et elle savait n'être pas la seule. Quant aux autres, oui, elle les trouvait globalement aussi médiocres qu'elle, à trois ou quatre exceptions prêt, desquelles faisait maintenant parti ce jeune homme. Elle le vit alors sortir des toilettes, se laver les mains - dieu soit loué - puis l'écouta reprendre la parole. Hochant la tête, elle se montra tout aussi compréhensive qu'auparavant, au point qu'elle commençait à s'en étonner elle-même à force. « Je le garderai pour moi en tout cas. Et oui, les gens ont parfois du mal à accepter les différences d'autrui. Je t'avoue qu'il m'arrive d'être comme ça, moi aussi. Mais là, je ne peux pas m'y résoudre. » A se moquer de lui, non, elle ne pouvait pas. Elle laissait ça aux crétins qui pourraient en avoir envie s'ils l'apprenaient. En tous les cas, oui, elle comprenait mieux ce qu'il foutait en "couple" avec Mason. Elle avait aussi tendance à le plaindre, mais ça elle se garderait de le dire. Ouais, quand même. « Estime-toi heureux qu'ils ne t'aient pas foutu avec Carmen, c'aurait été ... une mauvaise idée, je pense. » Les gens allaient finir par penser qu'elle vouait à Carmen une haine infinie, alors que non, même pas. Elle ne parvenait simplement pas à dissocier Carmen de l'idée qu'elle était une fille un peu "légère". Mais si elle était heureuse comme ça, après tout ... Une question maintenant. Et pas des moindres. Olala, pas sûr que ce soit une question à poser, ça. Non attendez, Mado s'en foutait, en fait. Elle n'aurait aucun mal à y répondre, c'était certain. « Aussi loin que je m'en souvienne, non. Si ça m'est déjà tombé dessus, je n'ai même pas du m'en rendre compte. » Peut être parce qu'elle n'était pas suffisamment à l'écoute de son cœur et que si l'amour passait devant chez elle, elle ne le remarquerait même pas. « Pourquoi cette question ? Tu veux en parler ? Parce que bon, je me vois forcée de te dire que je ne suis pas du genre sentimentale, mais alors pas du tout » L'amour, tout ça, ça n'était assurément pas pour elle. « Moi je n'ai jamais cru en l'amour. Ça a perdu bien trop de gens au cours de l'Histoire, et je crois que ça fait plus de mal que de bien. » Des guerres avaient éclaté pour l'amour d'une femme, des individus avaient tué par passion ... Ouais, l'amour, ça craignait un tantinet, quand même.

A cet instant précis, Mado n'adoptait absolument pas la même attitude que celle qui fut la sienne à la piscine, lors de sa première entrevue avec Peyton. Une entrevue qui s'était donc plutôt mal déroulée, ou disons en tout cas qu'elle n'avait pas du lui faire une bonne impression. Il faut dire qu'elle avait mis le paquet pour lui être franchement détestable, ce jour-là. Ici, par contre, elle était désireuse de lui apparaitre sous un jour qui était tout autant le sien, mais qu'elle gardait plus pudiquement, qu'elle exposait bien moins, peut être par méfiance, par crainte que des personnes mal intentionnées constatent qu'elle pouvait aussi être humaine et compréhensive et qu'ils s'en servent à de mauvaises fins. Ses mauvaises expériences la poussaient inévitablement à faire preuve d'une grande méfiance à l'égard d'autrui, mais pour le coup, elle estimait ne rien avoir à craindre de Peyton, qui lui avait confié quelque chose de très personnel, d'intime d'ailleurs. Elle se voyait alors mal s'en servir contre lui, chercher à lui faire du tort, à l'humilier, à le desservir d'une quelconque manière. Elle n'avait aucune raison de le faire, parce qu'il ne lui était pas antipathique et qu'elle n'était aucunement menacée. Elle le trouvait même très touchant. De se réserver de la sorte pour la personne dont il tomberait amoureux, mais aussi de lui en faire part d'une telle manière. Oui, c'était touchant. Romantique aussi, et ce, même si Mado n'était clairement pas de ceux qui raffolaient de ce genre de démonstrations. Peyton semblait avoir bon nombre de valeurs honorables, et pour le moment, elle ne pouvait penser de lui qu'il n'était qu'un jeune homme honorable et bien pensant. Avouez tout de même que le contraste était saisissant entre la plupart des candidats et lui. Donc oui, aux yeux de Mado, il rehaussait le niveau moral de l'ensemble du nid ce qui, en soi, n'était franchement pas un luxe, hm. Surtout quand quelques dégénérés semblaient, eux, particulièrement désireux d'entrainer tout le monde dans leur bassesse. Des putains de cas, ces gens. Lorsque Peyton la remercia, Mado ne put en tout cas qu'afficher un sourire pour le moins ... surpris. Soyons clairs, elle avait parlé avec sincérité, ni pour marquer des points auprès de lui, ni pour lui apparaitre comme quelqu'un de plus sympathique que ce qu'elle était. Elle était donc plutôt surprise, oui, qu'il lui semble aussi reconnaissant. Mais soit, tant mieux si elle avait pu le rassurer, dans un sens. « C'était on ne peut plus sincère » précisa-t-elle simplement, dans un nouveau sourire, histoire qu'il en soit certain. Il était bien rare qu'elle se laisse aller à ce genre de discours, mais la cause dont il était ici question en valait à ses yeux la peine. Clairement, elle commençait à regretter son comportement à la piscine, hm. En tout cas les cas, Mado n'en démordait pas, les énergumènes peuplant ce jeu n'étaient pas de fidèles représentants des meilleurs facettes du genre humain. Elle, trop critique ? Peut être. Mais on pouvait tout de même reconnaitre que certains castings avaient présenté plus d'humanité que ça, hm. Bien sûr, elle parlait globalement, pas pour tout le monde. Il y avait ici des individus intègres et moraux, évidemment. Encore heureux, d'ailleurs. « Certains candidats sont plutôt sympathiques. Ceux qui ne jugent pas et voient plus loin que ce qu'on laisse apparaitre méritent vraiment que l'on s'intéresse à eux. » Finalement, peut être bien qu'une bonne partie des candidats gagnait à être connue. Mais certains individus lui avait fait une impression plus mitigée, voire carrément médiocre. Divergence d'opinions ou de principes, il est certains que ça ne pouvait pas coller avec tout le monde. En tous les cas, elle ne voulait pas effrayer Peyton en lui dépeignant un casting horrifique, d'où la petite note à ceux qui valaient quand même le coup. Il fallait bien mettre l'accent sur ceux qui le méritaient. Mado était en tout cas décidée à garder les confidences de son camarade pour elle. Quel intérêt aurait-elle à ébruiter cela ? Aucun. Pourrait-elle le faire par simple plaisir ? Sans doute. Mais pas dans un cas comme celui-ci, non. C'était délicat, et bizarrement, ça lui tenait assez à cœur. Il la remercia à nouveau, et récolta inévitablement un nouveau sourire. Pour le coup, elle trouvait normal de ne pas jouer sa garce en racontant ça à tout le monde. On pouvait bien penser d'elle ce qu'on voulait, elle avait un peu plus de morale que ça, hein. Après avoir évoqué Mason et le partenariat des deux candidats, c'est Carmen qui fut mise sur le tapis. Plus par second degré qu'autre chose, pour le coup. Comment était Carmen ? Et bien ... « Elle est canon. Je dirais que c'est un monstre de détermination derrière l'apparence d'une jeune femme à qui l'on donnerait le bon dieu sans confession. » Oui, elle s'était retenue de dire qu'elle aimait tenter sa chance avec la plupart des hommes, parce que voilà, elle n'était pas non plus là pour lui faire une mauvaise pub et que ce qui l'épatait véritablement chez Carmen, c'était bel et bien son coté déterminé, oui. Mado n'avait en tout cas jamais été amoureuse, non. Elle aurait pu, mais n'avait pas le souvenir d'être déjà tombée là dedans. Peut être cela ne serait pas très logique au vu de sa situation, mais c'était pourtant vrai. Comme quoi, tout n'était pas toujours des plus simples. Mais pourquoi une telle question ? Cela intéressait-il Peyton ? Ou cela cachait-il quelque chose ? Visiblement, il était dans le même cas qu'elle, et ça paraissait logique. « Je me doute bien que si l'amour t'était déjà tombé dessus, tu serais marié et sexuellement actif à ce jour » glissa-t-elle, avec un clin d’œil complice. Formulation maladroite, okay. Mais elle voulait montrer qu'elle avait compris sa situation. Il disait alors qu'il allait se marier et ... oula, elle trouvait ça bizarre quand même. Trouvait-elle cela stupide ? Hm ... « Stupide, non. Imprudent, plutôt. Je veux dire, c'est un grand risque de se marier à quelqu'un dont on n'est pas amoureux. L'amour peut te tomber dessus, oui, mais ... mais peut être que ce ne sera jamais le cas, et dans ces cas-là, ce sera peut être problématique. Enfin je ne sais pas, je ne suis absolument pas romantique, mais je ne pourrais personnellement jamais épouser quelqu'un que je n'aime pas. » Il parlait de respect et d'amitié. Est-ce que ces choses pouvaient suffire ? Allez savoir, peut être. « Je pense que ça dépend de la vision que l'on a du mariage. Si c'est juste pour avoir le statut de marié, alors oui, l'amour n'est pas essentiel. Mais si c'est censé représenter un véritablement symbolisme, je pense qu'aucune amitié, même très forte, ne saurait remplacer l'amour. Mais ça n'est que mon avis, et chacun est libre d'avoir sa vision de la chose. » Il se disait vieux-jeu, mais pour le coup, il ne l'était pas des masses. Traditionnellement, le mariage était bien associé à l'amour, non ? Mais libre à lui de faire les choses dans le désordre après tout. Peut être cela lui réussira-t-il. Mais peut être pas.