cameron

Je me referme sur moi-même. Depuis les événements de dimanche, j’ai l’impression que je n'ai plus envie d’avoir de contact avec les habitants du nid, puisque j’ai le sentiment de vouloir les massacrer un à un. Ils m’exaspèrent tous les un après les autres. Et c’est pourquoi je n’ai pas d’ami dans la vie en générale. Je ne supporte personne et personne me supporte. Alors on en revient à un point. La solitude. Le vide encore et toujours. Et quoi de mieux que la bibliothèque pour me retrouver avec moi-même. Le silence pesant, l’odeur des livres vieux comme neufs. Je suis assise à même le sol, contre une étagère entourée d’une bonne vingtaine de livres. Je ne savais pas lequel choisir. Je n’étais jamais satisfaite de mon choix. Alors à la place, je les laisse traîner, c’est presque comme s’ils me fixaient, me suppliant de les lire. Je n’ai pas envie. À la place, je sors mon paquet de cigarette de ma poche et glisse une cigarette entre mes lèvres. J’imagine qu’on a pas le droit de fumer à l’intérieur. Ce doit être une règle non écrite. Et surement que c’est encore moins toléré à l’intérieur de la bibliothèque. J’allume tout de même ma clope, la fixant qui se consomme doucement. Et si je l’échappais. Les livres bruleraient, les étagères aussi. Avec un peu de chance, moi aussi. Je suis tellement obsédée par ma cigarette et mes idées de pyromane en devenir que je ne remarque même pas qu’il y a quelqu’un devant moi. Enfin, jusqu’à ce que je lève les yeux en sa direction, me surplombant par sa grandeur. Cameron. La dernière personne que j’avais envie de voir ici, avec Everleigh, évidemment. J’accroche mon regard au sien, pourtant je ne dis rien, je reste silencieuse. Mes dents se serrent, mais je ne démontre en aucun cas que le fait de l’avoir devant moi vient de me retourner l’intérieur d’un seul coup. Parce qu’avant dimanche, j’avais l’impression qu’il était la seule personne ici avec laquelle je n’avais pas de difficulté. Mais après tout ça... Je n’arrive simplement pas à comprendre ce qu’il attend de moi. À un moment, il m’arrache mes vêtements du dos, et la journée d’après il se prend pour mon père en me faisant des sermons stupides. « Je ne sais pas ce que tu fais ici... Mais je peux te proposer de lire ce livre et de foutre le camps. » Je prend un des livres qui traînait à mes côtés et le lui lance contre le torse. Oui, je suis douée pour lancer des choses sur les gens.

J’ai envie de lui crier après. Mon dieu qu’il m’énerve. Oui, le simple fait de l’avoir devant moi me donne l’envie de le frapper ou de lui balancer un truc en plein visage comme au prime de dimanche passé. Bon, peut-être pas aussi violemment, mais on sait jamais. Dans le genre que s’il vient à me parler de la même façon, je ne pense pas que je serai capable de me contrôler. Et ça me fait chier, parce que je n’ai pas nécessairement envie d’être en guerre avec lui. La raison m’échappe, mais je crois que par dessus tout, je ne comprend pas vraiment ce que nous représentons l’un pour l’autre. Je ne suis pas à ce point attaché à lui, mais je ne peux pas dire non plus que tout cela ne m’affecte pas. Et c’est ce qui m’énerve, je crois. Je lui lance un livre, lui demandant gentiment de dégager. Et non, il ne semble pas être sur le point de me tourner le dos. Il prétend ne pas savoir lire, je lève les yeux de façon exaspérée. « Je voulais m'excuser, j'sais pas ce que j'ai foutu, j'ai pété un plomb. J'suis un gros con. T'as qu'à hurler si tu veux, je m'en fous, je ne partirais pas d'ici tant que tu ne m'aurais pas dit que tu me pardonnes. » Je le fixe, ne décroche pas de son regard. Je dois avouer que je ne m’attendais pas nécessairement à ça. Il s’excuse comme ça, aussi bêtement et facilement. Non pas que je ne sois pas contente, parce que pour avoir été un gros con, il l’avait bien été. Mais je crois que c’est plus que ça, et lui aussi le sait. Je ne comprend pas trop son comportement, ou je ne comprend pas le mien... Bref, je ne comprend pas. Je suis sur le point de répliquer lorsqu’il ouvre à nouveau la bouche. Évidemment, je ne devrais pas fumer et je risque de mettre le feu. Et au lieu d’hurler, un fin sourire s’étire sur mes lèvres alors que je prend mon briquet dans ma main libre. Je m’amuse à allumer et éteindre ce dernier, regardant la flamme lorsqu’elle apparaît. Puis je m’empare d’un livre et l’approche de la flamme. « C’est vrai... mon dieu, ça serait tellement dangereux de foutre le feu. » J’approche encore plus le livre de la flamme, laissant un rire léger emplir la pièce, laissant finalement retomber le livre. « Détends toi merde ! Je ne vais pas faire brûler le chalet ! » Non, ce n’était pas dans mes intentions, bien que ce côté pyromane m’attirait tout de même légèrement. Disons que dans un moment d’égarement, je pourrais certainement le faire. Puis je soupire, puisque faudrait peut-être que je dise un commentaire sur ses excuses. « Tu veux que je te pardonne... et je pourrais très bien le faire. Mais y’a un truc que j’arrive pas à comprendre...» J’emplie mes poumons de fumée, laissant un certain silence entre nous avant de finalement continuer. « Qu’est-ce que t’attends de moi Cameron ? Tu veux coucher avec moi, ou tu veux veiller sur moi comme si t’étais mon père ? Parce que si tu fais les deux... ça fonctionne pas. » Non, ça ne fonctionne vraiment pas. Et y’a la différence d’âge, je sais que c’est la différence d’âge qui fait toute la différence.

« Putain mais arrête ! » Pourquoi je m’arrêterais ? C’est drôle, on s’amuse, non ? Non. J’imagine que non en voyant l’air énervé qui s’étend sur les traits de son visage. En même temps, c’était un peu mon but de le faire chier en agissant ainsi. Le provoquer et pas toujours de la bonne manière. Peut-être qu’au fond, j’aime bien le pousser à bout de tout, je suis une grosse chieuse et il est pas mieux, c’est peut-être pour ça qu’on est attiré l’un vers l’autre. Je lui pose la question qui tue, celle qui me démange depuis dimanche. Parce que je ne comprend pas son comportement. Je reprend ma cigarette et l’écoute, parce que sa réponse est beaucoup plus élaboré que je ne l’aurais pensé. Il n’est pas mon père, ça je le savais. Et il n’aurait pas aimé l’être et je le comprend, je suis insupportable. Et en fait, heureusement qu’il pense comme ça, parce qu’ensuite, il me dit être obsédé par le fait de coucher encore avec moi. Je me tends lorsqu’il parle d’Everleigh. En aucun cas je ne veux qu’elle ait affaire à ce qu’il se passe entre nous. Il a finit je crois. Je le regarde s’installer à côté de moi. « Ma vie est déjà merdique, avec ou sans toi alors... » Ouais, ce n’est pas lui qui fera une différence je crois. Ce que je comprend de tout ça, c’est qu’il est encore plus perdu que moi finalement. Et c’est à cause de moi. « J'pense que le plus simple c'est qu'on recouche ensemble, et que je te laisse tranquille d'accord ? » Mais oui, quelle bonne idée. C’est quoi, on va coucher ensemble et après il va m’ignorer ? C’est un peu n’importe quoi dans l’idée qu’on est dans un chalet pas si grand que ça. « Et tu vas être capable de me laisser tranquille ? » Je murmure alors que je me déplace doucement pour venir m’asseoir délicatement à califourchon sur lui. Je plonge mon regard dans le sien, ses yeux bleutés m'hypnotisant. Ma main vient doucement à la rencontre de sa joue pour la caresser, alors que ce n’est pas dans mes habitudes d’être aussi douce avec lui. Peut-être que c’est à cause de ce qu’il vient de me dire. Je viens glisser ma main dans ses cheveux, approchant mon visage du sien, mes lèvres effleurant les siennes. « Peut-être que t’es plus capable de te passer de moi aussi... » soufflais-je contre ses lèvres sans pour autant aller l’embrasser. Et le pire dans tout ça, c’est que j’avais eu des envies de meurtre en le voyant entrer dans la bibliothèque, et là, j’aurais bien envie qu’il prenne possession de mon corps. « Peut-être que t’as peur d’être autant attaché à une gamine de dix-huit ans... » Alors qu’une de mes mains caresses ses cheveux, l’autre descend contre son torse sensuellement. J’ai tellement l’air sur de moi, de ce que je fais. Mais c’est totalement le contraire. Je suis guidée par mon impulsion alors qu’une voix dans ma tête me dit que ce serait une bonne idée de foutre le camps.