Ce soir nous aurions droit à un nouveau prime, deux d’entre nous allaient encore être mis à la porte et rien qu’en y pensant j’étais déjà triste. C’est à un stade aussi avancé d’une aventure comme Fake Lover qu’on se rendait compte que chaque départ était terrible, au début nous nous en moquions légèrement, logique puisque nous étions tous des inconnus qui souhaitaient la même chose à la base, aller le plus loin et peut-être même en finale. Cette pensée n’était pas mienne lorsque j’étais arrivée, à vrai dire j’étais vraiment surprise d’avoir toujours l’occasion d’être dans le chalet alors que nous approchions de la fin de l’aventure chaque semaine un peu plus, j’étais très fière de mon parcours et parfois je commençais même à rêver d’une possible place en demi-finale, je n’étais pas gourmande au point de vouloir à tout prix aller en finale mais se dire qu’on était allé jusqu’au bout ou presque était tout de même agréable. Allongée sur une serviette en plein milieu de la pelouse je m’attelais à une activité que je n’avais jamais vraiment eu le temps de perfectionner, le steak haché. Mais si, vous savez cette méthode qui consiste à s’induire de graisse à traire puis de tourner tous les quarts d’heure pour ne pas avoir trop de coups de soleil et gagner un maximum en bronzage. Ma paire de RayBan sur les yeux, mes écouteurs aux oreilles et ma bande son idéale pop-rock… Pas besoin de plus pour que tout soit parfait, je me dandinais parfois sur une musique sans même avoir conscience que certains candidats pouvaient m’observer, au pire je m’en contrefichais de ce que l’on pouvait penser de moi.

Le soleil m’avait toujours donné la pêche, certes j’aimais la neige, l’hiver et tout ce qui accompagnait cette période de l’année mais il n’y avait rien de mieux qu’une bonne dose de soleil pour te remettre d’aplomb, d’autant plus qu’aujourd’hui il ne faisait pas seulement beau, il faisait chaud et c’était d’autant plus agréable que nous n’avions pas eu l’occasion de profiter d’aussi bonnes températures depuis le lancement de la saison, nous n’avions certes pas d’activités impliquant d’avoir impérativement du soleil mais c’était tout de même fort agréable. Allongée sur ma serviette en maillot de bain après avoir longuement hésité à me rendre au jacuzzi j’écoutais à présent de la musique dans la bonne humeur, mes lunettes de soleil sur le nez et ma bouteille de limonade sur le côté au cas où j’aurais froid. Certaines personnes allaient surement me prendre pour une folle mais je m’en contrefichais, je profitais à ma manière tout en me dandinant sur ma serviette en esquissant parfois quelques paroles en yaourt des chansons qui passaient. Where have you been de Rihanna débutait et je ne manquais de bouger un petit peu de temps en temps ne sentant même pas que quelqu’un approchait, j’aurais pu tourner la tête et remarquer sa présence mais non, au final lorsque j’apercevais un contraste entre le soleil et une partie de mon corps dissimulé par une ombre je levais la tête manquant de sursauter en remarquant Emmeline très proche de moi. Retirant mes écouteurs alors qu’elle me faisait signe je la regardais en souriant gênée, je venais surement de me taper la honte ayant très probablement chanté faux pendant tout ce temps en plus de l’avoir fait en massacrant les paroles. « Tu t'amuses bien, à ce que je vois. » Je hochais les épaules répondant du tac au tac. « Plutôt bien oui, il m’en faut peu pour être heureuse… Et toi ? Tu viens pour profiter du soleil toi aussi ? » Si elle voulait installer sa serviette, même si je ne voyais pas de serviette dans ses mains, elle le pouvait, c’était l’occasion pour faire plus ample connaissance.

Je n’étais jamais contre une petite heure à rigoler, au fond de moi j’étais restée à l’adolescence, avant la grossesse qui m’avait propulsée d’un seul coup au statut de mère qui se devait de tout faire pour trouver un travail en plus de ses études de médecine pour avoir un toit au-dessus de sa tête et de quoi survivre avec son bébé. Avant cela j’étais plus ou moins insouciante, la fille que tout le monde appréciait pour son sens de la fête et de l’amitié, j’étais fidèle à mon groupe d’amis et personne ne pouvait me faire imaginer ne serais-ce qu’une seconde que ces derniers n’étaient pas des personnes pour moi. Une fois enceinte ils m’avaient pourtant tous tourné le dos et aujourd’hui je continuais d’avoir une pointe de tendresse à leur égard, pitoyable je sais mais c’est comme ça, lorsque j’aimais j’étais capable de percevoir le positif dans des situations où il n’y avait rien de positif, loin de là. Emmeline devant moi, un air amusé et peut-être un peu moqueur sur son visage je lui avais demandé ce qu’elle comptait faire. « Je ne sais pas trop ce que je suis venue faire mais, en toute honnêteté, je suis bien contente d'être venue ! » Je souriais amusée, elle devait être plus que contente d’être passée par là, si elle cherchait un divertissement alors elle l’avait trouvé. « Tu écoutes quoi pour te mettre dans un état pareil ? » Je débranchais le fil qui menait la musique à mes écouteurs faisant retentir le son aux alentours. « Une playlist parfaite pour te forcer à bouger ton popotin même quand tu veux pas le faire. » A cet instant c’était la musique de Jet, Are You Gonna Be My Girl qui passait, le genre qui vous donnait la pêche immédiatement vous voyez ? « Assieds-toi, je vais te faire une place sur ma serviette. » Lui proposais-je gentiment en me redressant pour être assise en tailleur.

En réussissant toutes les étapes du grand casting qui était organisé chaque saison par Fake Lover je m’attendais à avoir régulièrement des activités, je comptais là-dessus pour ne pas avoir l’impression d’avoir fait le tour des divertissements inédits afin de me bouger un peu les fesses mais au final nous trouvions vite une sorte de train-train quotidien qui nous faisait prendre conscience que peu importe le cadre, le contexte ou les variables, il y avait toujours un moment où le quotidien prenait le dessus, parfois plus rapidement que d’autres c’est tout. Je faisais tout ce qui était en mon possible pour pleinement apprécier mon aventure aussi ennuyante soit-elle par moments et je peux vous dire que j’avais encore suffisamment d’imagination pour ne pas me désespérer moi-même. Il suffisait que le soleil point le bout de son nez pour que je sois à nouveau prête à faire des folies, j’étais en forme aujourd’hui et tout le monde devait s’en être aperçu, Emmeline plus particulièrement, une bonne chose puisque nous n’avions jamais échangé plus que des banalités jusqu’à maintenant. « Va falloir que tu me files ta playlist, ça pourrait être utile ! » Ma petite sélection personnelle de chansons dans cette playlist sobrement intitulée « se bouger les fesses en deux minutes » faisait toujours son effet, elle ne comportait que des chansons avec un certain rythme qui ne pouvait pas laisser un être humain normalement constitué insensible, il y avait toujours au moins le pied qui bougeait en suivant le tempo. « Quand tu veux, j’ai quelques petits secrets de fabrication cependant. » Nous ne parlions pas d’un médicament ou d’une recette de cuisine j’en avais conscience mais c’était pour faire la conversation dirons-nous, oh et puis si on faisait attention à tous les propos que je tenais au quotidienne et si en plus on répertoriait les moments les plus stupides que j’ai pu passer alors on y passerait le restant de nos jours. Après s’être installée à mes côtés sur ma serviette Emmeline reprenait la parole. « Et si on faisait un petit jeu ? Je ne sais pas lequel mais tu sais, un de ces jeux stupides que les adolescents adorent faire en soirée ou entre potes... » Bonne idée, je n’étais pas une vieille chieuse qui détestait ce genre de jeux, au contraire je trouvais cela très intéressant pour décompresser ou en apprendre plus d’une manière décalée sur quelqu’un. « Très bonne idée, action ou vérité ? Je n’ai jamais ? » Les jeux qui ressortaient probablement le plus souvent d’ailleurs.