Mon exil, havre de paix, sanctuaire. Comme chaque soir, j'étais assise entre les murs froids de la cave, cigarette à la main. Comme souvent, j'étais venue cherche un moment de tranquillité, de réflexion aussi. Un jour ? Peut-être deux ? Je ne savais plus depuis combien de temps mon frère et moi nous ignorions mais cela me paraissait être une éternité. Nerveusement, je tirais une latte sur ma clope qui à elle seule illuminait mon visage déconfit. Je penchai ma tête contre le mur, la claquant fébrilement contre les briques à quelques reprises. Quelques tours de la pièce ne suffirent pas à me calmer mais je fus subitement tirée de mon état pseudo-névrosé en entendant la porte de la cave grincer lourdement. Encore. Encore et toujours quelqu'un pour me déranger. Et cette fois, il ne fallait pas s'imaginer pouvoir tenir une quelconque conversation bonne enfant avec moi. J'étais réticente à toutes paroles et n'importe qui l'aurait lu sur mon visage, puis rebroussé finalement chemin. N'importe qui sauf lui. Il était devant moi, stoïque, visage fermé. Franz. Mes paupières tombèrent inconsciemment sur mon regard azur et je me rendis compte alors que je redoutais plus ce moment que je ne l'attendais.

Je laissai ma cigarette rouler sur le sol froid de la cave puis me relevai du matelas pour faire face à mon frère. Son regard se faisait des plus durs tandis que l'assurance présente dans le mien commençait à fuir. Ravalant ma salive avec difficulté, je toussai à deux ou trois reprises renforçant alors le malaise qui venait de submerger la pièce à peine Franz avait entrouvrit les lèvres. Je décidai de me défendre, tant bien que mal. Et puis me défendre de quoi après tout ? Je n'avais rien fait, moi. Pas un geste, pas une parole de trop qui aurait pu justifier cette déclaration de mon aîné. Du moins je l'estimais.

Et moi j'ai pensé un instant que Sydney était planquée entre tes couilles, mais après réflexion celles-ci sont bien trop petites pour dissimuler une portion si généreuse.

Mon timbre était tremblant. D'habitude, et il l'avait montré une multitude de fois ici, c'était mon frère qui s'adonnait le rôle de père autoritaire, empli de remontrances à tout va. Ce soir, je n'avais pas envie de me laisser faire, encore une fois. Il fallait que j'extériorise ma pensée sur le comportement de cet imbécile sans plus autant devoir lui faire la morale. Les hostilités ne faisaient que commencer.

"T'as l'air d'en avoir gros sur la patate, vas y, fais-toi donc plaisir." J'écarquillai grand mes yeux. Gros sur la patate comme il disait vulgairement, certes... Mais sûrement pas plus que cet effronté car contrairement à lui, je savais garder sang-froid et sérénité. Une capacité qui tantôt pouvait m'avantager, tantôt me jouer des tours. D'un sens, je passais pour la fille indifférente et intouchable, d'un autre j'étais docile, pour ne pas dire, soumise devant les accusations. Je déportai finalement mon regard instable sur la flamme de mon briquet, incapable de soutenir la dureté de mon frère, ne cessant de poser mes doigts gelés sur la lueur de telle façon à l'éteindre. Le silence se faisait à nouveau pesant et la tension, à son comble.

A ce que je sache ce n'est pas moi qui suis venue te chercher Franz. J'ai rien à te dire, si c'est pareil pour toi, dégage.

J'avais été ferme, sans pour autant avoir besoin de vociférer, ce qui avait coupé court à toute crédibilité de ma part. Mon frère et moi avions l'habitude de nous réprimander sans cesse, seulement ici c'était différent. A la maison, nous étions incapable de nous éviter plus d'une heure. J'avais là la preuve inéluctable que ces statistiques s'effondraient soudainement. Dégoûtée sans pour autant le laisser transparaître.